Dominateur mais inefficace ce week-end, Grenoble devra être beaucoup plus efficace ce soir contre Cardiff. L’enjeu est clair : il faut gagner de trois buts pour passer devant les Gallois et se qualifier en finale. Trois buts d’écart au dernier match pour renverser la table, c’est ce qu’avait réussi Rouen contre Donetsk pour remporter sa première Coupe Continentale en 2012. De quoi motiver l’équipe de Jacques Reboh ?
Après le gardien de l’équipe nationale du Kazakhstan, c’est le gardien de la Grande-Bretagne – Ben Bowns – qu’il faudra battre. Un souvenir traumatisant qu’il faudra exorciser pour Damien Fleury, Sacha Treille et les anciens de l’équipe de France… Sur le banc d’en face, on retrouve aussi Peter Russell, l’entraîneur britannique qui avait précipité la relégation des Bleus en 2019.
Jyrki Aho a beaucoup modifié son alignement. Il n’alignera que cinq défenseurs. Timothé Quattrone retrouvera son poste normal d’attaquant, à la place de Munoz. Le jeune Mathias Bachelet est promu en troisième ligne avec les deux Canadiens Lavoie et Aubin. Le joker russe Lyubimov est aligné sur un nouveau trio partant avec Treille et Koudri. Seule la ligne Farnier-Deschamps-Fleury n’est pas modifiée. Jakub Stepanek reprend logiquement sa place devant les filets.
Une obstruction est déjà sifflée contre Rymsha après seulement une minute de jeu. Fleury envoie un premier gros lancer du cercle gauche mais Bowns capte et lève sa mitaine pour en imposer. Les Brûleurs de Loups n’arrivent plus à se réinstaller par la suite, à cause des pertes de palet de Kyle Hardy dans la relance.
Grenoble a plus de difficulté à poser son jeu en zone offensive que ces deux derniers jours, mais bénéficie en revanche d’attaques rapides en transition face à une défense plus physique que mobile. Adel Koudri se procure ainsi une première grosse occasion en dribblant son vis-à-vis Evan Mosey dans l’enclave galloise après cinq minutes de jeu. Puis c’est une belle passe de Maxim Lamarche qui envoie Matias Bachelet prendre l’intervalle entre les défenseurs, mais l’attaquant de 20 ans n’arrive pas à tromper Bowns au-dessus de sa jambière.
Si les Brûleurs de Loups dominent de plus en plus nettement, c’est parce qu’ils font souvent la différence en un contre un par leur vitesse d’exécution technique. Les Cardiff Devils ont aussi des arguments à faire valoir, avec l’appui de leurs défenseurs qui se joignent à l’offensive par une bonne accélération (River Rymsha) ou une jolie feinte à la ligne bleue (Cody Donaghey). Après une mise au jeu remportée en zone défensive par Lavoie, la contre-attaque est rondement menée par Alex Lavoie qui centre pour Brent Aubin seul face à la cage, mais celui-ci n’arrive pas à conclure.
Après une action galloise très chaude sur la cage de Stepanek, resté heureusement solide, Tyler Busch donne un coup sur le gardien tchèque et part en prison. Cette seconde supériorité numérique est plus dangereuse que la première, mais Bowns arrête notamment un slap de Jere Rouhiainen bien masqué par Aurélien Dair. Même si le style de jeu de l’adversaire est très différent, ce premier tiers-temps aura ressemblé au reste du week-end sur un point : Grenoble domine mais ne marque toujours pas.
C’est Cardiff qui démarre plus fort au deuxième tiers-temps, et qui en est récompensé en à peine plus d’une minute. Jamie Arniel devance un Lamarche au patinage très lourd au repli pour aller chercher un palet en fond de zone et le gardien Jakub Stepanek ne coupe pas sa passe au second poteau que reprend Justin Crandall complètement démarqué (1-0). Les Brûleurs de Loups ont pris un coup au moral, mais même s’ils se reprennent progressivement, ils ne semblent plus avoir les mêmes jambes. Ils sont aussi nettement dominés aux mises au jeu.
La vitesse a disparu du jeu grenoblois, mais il reste encore des occasions. Juste après la mi-match, Nicolas Deschamps fait une passe transversale aveugle pour la reprise de Damien Fleury, buteur en panne totale de réussite. Un dégagement d’Alderson part en tribunes et donne une troisième supériorité numérique à Grenoble. On cherche encore Fleury sur le côté gauche, mais ses deux one-timers sont contrés, dont un par Batch vers le visage du pauvre Richardson qui part se faire recoudre.
Un coup de hache de Kyle Hardy sur la crosse de Crawford peu avant la pause oblige Grenoble à commencer le dernier tiers-temps à 4 contre 5. Une contre-attaque rapide qui envoie Fleury dans l’axe du but – toujours sans réussite – inaugure un petit temps fort, mais il est arrêté par une nouvelle faute de Hardy qui fait trébucher l’ex-Mulhousien Chad Pietroniro. Grenoble doit même jouer une vingtaine de secondes à 3 contre 5 après une charge avec la crosse de Racine. Les pénalités sont tuées mais les Brûleurs de Loups peinent à relancer la machine.
On ne pense même plus à la qualification, mais au moins à gagner pour faire retentir la Marseillaise, et au moins à mettre soi-même un palet dans ces satanés filets adverses. Rien de tout cela. Une crosse haute de Quattrone contraint encore à défendre à quatre vers la fin de match. La sortie de gardien n’y changera rien, Grenoble n’a plus mis de but depuis 148 minutes.
L’usure physique s’est ajoutée à l’usure mentale pour un fin de week-end triste à Grenoble. Ce sont les 300 supporters de Cardiff qui ont mis l’ambiance pendant que les spectateurs grenoblois ruminaient. Ceux-ci n’ont pas fait preuve d’une grande connaissance du hockey puisque c’est le vote du public qui a désigné comme MVP un Kyle Hardy qui a multiplié les mauvais choix dans ce match. Si l’on veut apporter une note d’optimisme pour ne pas en rajouter dans ce marasme, saluons la prestation complète du jeune Matias Bachelet.
Grenoble a inscrit 1 but en 133 tirs au cours de ce tournoi… et encore était-ce en fait un but letton contre son camp. Ce pourcentage d’efficacité de 0,75% qui entrera dans les annales de cette Coupe Continentale. Pire encore qu’à Renon il y a six ans dans un tournoi… déjà remporté par le Nomad Astana. Cela fait six rencontres consécutives que les Brûleurs de Loups perdent dans cette compétition pour eux, en ayant dominé aux tirs à chaque match !
La ContiCup est maudite pour les Grenoblois, qui ont pourtant sûrement le plus gros budget de tous les clubs engagés cette saison. La dernière fois qu’ils ont passé un tour dans cette compétition, c’était… il y a dix-sept ans ! À l’époque, ce sont les Brûleurs de Loups qui avaient blanchi un club britannique (Coventry).
Désignés joueurs du match : Ben Bowns pour Cardiff et Kyle Hardy pour Grenoble.
Commentaires d’après-match :
Jacques Reboh (président de Grenoble) : « C’est une déception, c’est une frustration. C’est la fin d’un espoir donc c’est compliqué. On a le sentiment qu’on est impuissant face à toutes les défenses qu’on a affrontées. Un but sur trois matchs, ce n’est pas possible. Donc il faut qu’on retravaille, qu’on se remette en cause. J’ai eu le sentiment que les gars avaient fait le job, ont gagné les duels, ont été offensifs, ont joué avec le palet. On a produit plutôt du beau hockey mais on a été incapables de marquer. Donc je n’ai pas d’explication, je ne dois pas connaître suffisamment le hockey pour pouvoir trouver la solution, en tout cas oui c’est une grosse frustration. Je crois qu’on parle de 140 à 150 shoots contre 60, donc on a été vraiment dominateurs, ce n’est pas la marche qui était trop haute… C’est plutôt retravailler sur notre offensive, je n’ai pas la réponse sinon on l’aurait mise en œuvre sur les deux matchs qui ont suivi le premier match infructueux. C’est certain que c’était un objectif, en plus en voyant la façon dont ont est éliminé, on se dit qu’il y avait vraiment la place. Il n’y a aucune équipe qui nous a dominés, on a perdu mais on n’a jamais été dominés, on a plutôt été leaders sur beaucoup de phases de jeu. Quand on finit à zéro, c’est plutôt des scores rares. Si on prend nos moyennes de buts à la saison, on est à 4 buts par match. Et là on en fait 0 sur 3 matchs parce que le seul but qu’on arrive à marquer, c’est un but contre son camp. 180 minutes sans marquer, je n’ai pas d’explication. Au niveau organisation, on a été plutôt bons, on a su accueillir et séduire notre public malgré les défaites. On a probablement appris sur la glace, je pense que les techniciens tireront les conclusions. Et puis on va vite se remettre au travail. Il nous reste encore deux objectifs cette saison, on en avait trois. La Magnus, c’est encore ouvert. On peut encore aller chercher une première ou une seconde place, et en coupe de France, il faudra aller battre Rouen chez eux, c’est encore un autre gros morceau. Mais très sincèrement ce que j’ai vu m’a plu, alors c’est dur de dire ça dans la défaite car je suis plutôt un compétiteur et j’ai vraiment du mal à gérer la frustration née de la défaite mais j’ai vu des belles choses, on a des défenseurs qui ont fait peu de fautes. On n’a jamais eu une déviation qui va dans la cage, jamais eu une faute d’un gardien, de main, de botte ou de bouclier. Il n’y a rien eu, on n’a rien pris. On pourrait dire que c’est un gardien en forme mais les trois ont présenté la même copie donc la difficulté venait de chez nous. »
Kyle Hardy (défenseur de Grenoble) : « C’est dur. Quand tu ne marques pas, c’est dur de gagner. J’ai besoin d’un jour ou deux pour digérer et penser un peu à tout ça. Mais on a joué jusqu’à la fin. On a des gars qui jouent fort pour le club, c’est dommage quand on représente le club, notre ligue, notre pays dans une compétition comme ça. C’est frustrant de perdre mais on va prendre un ou deux jours de congé et revenir avec nos objectifs en tête et continuer dans notre Ligue et la coupe de France. On est chanceux de jouer dans ces compétitions comme ça, c’est cool. Ce sont des mémoires pour la vie et c’est dommage de finir comme ça mais Grenoble a fait le job pour être les hôtes de la compétition. C’était cool pour les fans, les supporters, peut-être pas les nôtres mais c’était un événement qui était bien organisé. Félicitations au club pour ça. On vient juste de monter sur le podium de la Ligue Magnus, l’objectif c’est de finir premier. On a un gros match à Cham vendredi, c’est un club qui joue bien en ce moment. Après, Anglet dimanche chez nous et mardi on va à Rouen pour la coupe de France alors ça va être très important de prendre les deux jours de repos, oublier un peu ce week-end et travailler vers nos objectifs. »
Brent Aubin (attaquant de Grenoble) : « On n’est pas satisfaits de notre performance. Ce n’est pas à l’image de notre équipe. Tout le monde est déçu. Je n’ai pas d’explication. Ça coûte cher dans une compétition comme ça. Tout au long du week-end, quand on regarde les chances pour et contre de marquer, on est nettement à l’avantage mais au bout de la ligne, il faut le mettre dedans. On a manqué de finition autour du filet, il faut être agressif, travailler. C’est frustrant parce qu’en début d’année, notre objectif c’est de remporter trois coupes, là il y en a une qui nous a échappé. Et elle ne nous a pas échappé parce qu’on a si mal joué que ça, on n’a juste pas réussi à capitaliser sur nos chances… C’est un week-end décevant mais les partisans ont eu six bons matchs et l’organisation des Brûleurs de Loups a fait je pense un excellent week-end. On a bien accueilli les trois autres équipes et les partisans ont été derrière nous du début à la fin. Il ne faut pas se rappeler nos résultats mais le succès de l’organisation. On est plusieurs ici à avoir joué dans des niveaux supérieurs, dont moi, et on a été capables de marquer plusieurs buts, donc c’est une question de présence autour de la cage. Ils défendaient mieux que nous, on voulait marquer. Mais au bout de la ligne c’est inacceptable, trois matchs et un but qu’on peut qualifier de très chanceux, ce n’est pas un but où on a fait un beau jeu, c’est un palet dévié sur le défenseur. Donc c’est pratiquement aucun but venant de notre talent offensif… Je n’ai jamais vécu ça, c’est assez embarrassant mais on va tourner la page. Je ne pense pas qu’on a oublié comment jouer au hockey durant ce week-end, je pense qu’on croit encore en nos moyens. C’est une saison spéciale, on a des choses qu’on n’a pas l’habitude de vivre en tant que Brûleurs de Loups et ce sont des choses qui je pense vont nous faire grandir à la fin de l’année quand ça va être vraiment le temps. On a eu un mauvais résultat aujourd’hui, on avait le destin entre nos mains, on a eu assez de chances de marquer pour en mettre trois de plus qu’eux, Stepanek a été encore une fois très solide. Je sais qu’on le dit souvent depuis le début de l’année dans nos échecs mais je suis convaincu qu’on va sortir grandi. On est une équipe très soudée dans le vestiaire. On va apprendre et continuer de l’avant. »
Edo Terglav (entraîneur-adjoint de Grenoble) : « Les deux premiers matchs, on peut dire qu’on était vraiment dominants, on avait beaucoup de palets, beaucoup de tirs. Aujourd’hui, en première période, c’était bien, après on a senti un peu de fatigue, c’était de plus en plus dur de créer les chances. C’est décevant mais c’est le sport et je pense qu’on peut prendre beaucoup de choses de ces trois matchs. Quand tu joues contre des équipes de bon niveau, si tu veux avoir du succès, il faut se faire plus mal, il faut être dans l’effort. Faire bien les petites choses pour avoir de la réussite, ce que depuis le début de l’année on a des difficultés à faire. Aujourd’hui les gardiens sont bons, les équipes adverses sont capables de défendre. Tu peux shooter mais si tu es trop à l’extérieur… On a des difficultés à aller devant la cage. Est-ce que c’est une question de concentration ou de se faire plus mal ? C’est ça le haut niveau aujourd’hui, il faut qu’on arrive à aller dans ces endroits-là, aller marquer les buts qui ne sont parfois pas très beaux, sur les rebonds, sur les déviations. Il faut qu’on apprenne et qu’on change un peu l’état d’esprit. Ça va être dur mais il faut que ça devienne dur pour nous chaque jour. Si on travaille dans ce sens-là… Oui on a beaucoup de talent on voit mais si on pense que les buts vont venir faciles, ça va être compliqué. Sur trois matchs il y a des hauts et des bas pour tout le monde, donc on essaie de trouver les duos ou les trios qui peuvent fonctionner, avoir un peu un électrochoc. Mais ça n’a pas fonctionné. On voyait par moments des lignes un peu plus dominantes mais il nous manquait cette énergie de plus, ce but. Un tournoi en trois jours, c’est un peu comme un championnat du monde, tu joues contre des équipes contre lesquelles tu ne joues jamais, au hockey différent du nôtre. Les deux premiers matchs, on voyait plutôt les styles russes avec contrôle du palet. Très skill offensivement, techniquement, très jeunes. C’était vraiment impressionnant, la maturité qu’ils ont montré à cette âge-là. Souvent, on se pose des questions avec nos jeunes, pourquoi on n’arrive pas à jouer à certain niveau mais tu vois qu’eux l’ont fait… On voit Cardiff avec leurs fans, c’est impressionnant comment ils suivent leur équipe. Le niveau international, c’est le fun, on aime bien l’avoir, et on voit l’organisation que le club a faite. C’était vraiment du haut niveau. C’est pour ça que c’est encore plus dur de ne pas avoir fait plus pour tous les bénévoles, tous les gens qui sont autour du club. On passe un peu à côté du premier match dans le sens où il manquait cet instinct de tueur devant la cage. On se dit qu’on va chercher le match suivant mais ça ne passe pas non plus. Conticup, quand j’y étais en 2018, c’était la même histoire… On va en Italie, confiants on domine le premier match, on perd 2-0. On domine le deuxième match, on perd 1-0. Ou le contraire. Et après on perd le dernier match. On en a parlé beaucoup, c’était la même façon… On peut dire que ce ne sont pas les mêmes équipes que le championnat… Hier, Nomad, tu fais deux trois erreurs, pouf deux buts. Aujourd’hui pareil, une passe qui traverse la zone, on ne prend pas nos joueurs et ça fait but. C’est ça le haut niveau. Mais c’est frustrant l’Europe, oui, on n’y arrive pas, c’est compliqué ! »
Cardiff – Grenoble 1-0 (0-0, 1-0, 0-0)
Dimanche 19 novembre 2023 à 19h15 à la patinoire Polesud. 3454 spectateurs.
Arbitres : Krzysztof Kozlowski (POL) et Kenneth Nielsen (DAN) assistés de Johan Fauvel et Clément Goncalves (FRA).
Pénalités : Cardiff 6’ (4’, 2’, 0’) ; Grenoble 8’ (0’, 2’, 6’)
Tirs cadrés : Cardiff 25 (8, 6, 11) ; Grenoble 31 (10, 11, 10)
Évolution du score :
1-0 à 21’13 : Crandall assisté d’Arniel et Donaghey
Cardiff Devils
Attaquants
Trevor Cox (A) – Joey Martin (A) – Ryan Barrow
Cole Ully – Jamie Arniel (+1) – Justin Crandall (+1)
Josh Waller (+1) – Tyler Busch (2’) – Brandon Alderson (2’)
Riley Brandt – Ben Davies – Sam Duggan
Chad Pietroniro
Défenseurs :
Evan Mosey – Marcus Crawford
River Rymsha (+1, 2’) – Cody Donaghey (+1)
Josh Batch – Mark Richardson (C)
Gardien :
Ben Bowns
Remplaçant : Tyler Wall (G). Absent : Cole Sanford.
Grenoble
Attaquants :
Sacha Treille (C) – Adel Koudri – Roman Lyubimov
Loïc Farnier (-1) – Nicolas Deschamps (A, -1) – Damien Fleury (A, -1)
Brent Aubin – Mathias Bachelet – Alexandre Lavoie
Aurélien Dair – Timothé Quattrone (2′) – Flavian Dair
Défenseurs :
Kyle Hardy (4′) – Maxim Lamarche (-1)
Jere Rouhiainen (-1) – Pierre Crinon
Jonathan Racine (2′)
Gardien :
Jakub Stepanek [sorti à 59’17]
Remplaçants : Raphaël Garnier (G), Julien Munoz. Absents : Charles Schmitt et Lucien Onno (blessés), Markus Søberg (adducteurs), Zachary Daneau (étranger surnuméaire).