La Suisse sera première au classement IIHF en cas de victoire. C’est dire la progression de cette équipe helvétique qui s’est qualifiée pour sa seconde finale consécutive et dont la présence n’est plus une surprise. Les États-Unis ont brisé leur plafond de verre en demi-finale et connaissent enfin leur première finale de championnat du monde depuis 91 ans. Si les Américains gagnent, ils devraient être deuxièmes du ranking… derrière la Russie, à cause d’un mode de calcul irréfléchi (voir nos anecdotes de mai 2024). L’IIHF a anticipé le problème et commencé à effacer la Russie du classement publié sur son site. Cela aurait fait mauvais genre au moment où la fédération internationale a confirmé que le comité organisateur des prochains Jeux olympiques avait décidé pour de bon que la Russie resterait exclue.
La confrontation en poule avait tourné en faveur de la Nati, mais celle-ci est bien placée pour savoir combien cette indication est fragile. L’an passé, ses résultats en poule avaient été inversés lors du carré final (la Suisse avait pris sa revanche sur le Canada en demi-finale, puis subi la revanche tchèque en finale). Depuis qu’ils ont été blanchis par les joueurs à croix blanche, les Américains ont ajouté sur la glace leur défenseur vedette Zach Werenski. Ils ont alors toujours marqué au moins 5 buts à chaque match ! Mais la Nati n’a encaissé que 2 buts sur ses 7 dernières sorties…
L’intensité est énorme d’entrée, tant dans le patinage que dans les mises en échec, sans aucune commune mesure avec le match ronronnant pour la troisième place. Les Américains sont le premiers à attaquer la cage avec vigueur. Après cinq minutes de jeu, Drew O’Connor a une incroyable occasion, seul à deux mètres face au but, sur un palet remis en retrait par Conor Garland, mais Leonardo Genoni réussit un arrêt exceptionnel avec la plaque.
La Suisse se procure ensuite son temps fort, d’abord par des attaques rapides, mais la défense américaine – elle aussi – est très bien organisée, et jamais prise en défaut de communication. En jeu placé, Werenski met un cross-check dans le dos de Malgin. Pendant ce premier avantage numérique, Nino Niederreiter est présent en bonne position au rebond mais son tir échoue dans la jambière droite de Jeremy Swayman qui s’est déployé en un beau grand écart.
Les États-Unis envoient systématiquement le palet au fond, une stratégie qui leur a souvent réussi, mais les patineurs suisses sont les premiers sur le palet. Le seul danger vient d’un puck re-perdu par Sandro Schmid et intercepté par Clayton Keller qui envoie immédiatement en direction de la cage pour la déviation de Logan Cooley : c’est le second arrêt-réflexe de grande classe de la main droite pour Genoni !
Andrighetto commet la première faute suisse en zone offensive lorsqu’il fait trébucher Jackson Lacombe. La circulation de palet est très bonne de crosse en crosse, mais les trois lancers de Clayton Keller sont tous bloqués par Genoni : le premier, surtout, une fois de plus du bouclier, alors que Keller tirait à bout portant sur une passe de derrière la cage de Tage Thompson. 0-0 à la pause, donc, mais avec du grand spectacle.
Les États-Unis semblent prendre le dessus en début de deuxième période. Ils imposent leurs gabarits plus gros et prennent aussi le meilleur lancer (Jackson Lacombe, bloqué par Genoni sous son bras gauche).
Après six minutes, Frank Nazar bloque un tir de la bleue de Michael Fora et se projette aussitôt en contre-attaque. À la traîne en vitesse de patinage, Fora l’accroche au moment-clé : tir de pénalité. Dans les règles NHL, c’est le joueur qui subit la faute qui doit tirer le pénalty, mais ce n’est plus le cas dans les règles IIHF. Meilleur marqueur de son équipe, Nazar est déjà seul sur la glace, prêt à s’élancer avec la rondelle en place au point central… quand le banc américain le rappelle. Le staff a déterminé que le tireur devait être Conor Garland, théoriquement le meilleur dans cet exercice. Leonardo Genoni n’est pas du même avis, qui lit parfaitement la feinte de Garland, comme dans un livre (photo ci-dessous).
Les variations saisonnières sont identiques à celles du premier round. Le foehn suisse déferle à mi-période, puis l’anticyclone américain s’installe en fin de période. Pour le reste, le palet navigue la grande majorité du temps tout autour des balustrades, tant les deux formations ne laissent aucun espace. L’occasion majeure vient d’une dangereuse déviation de Mike McCarron sur un palet envoyé à la cage par Peeke : le palet passe sous les jambes de Genoni, mais à côté de la cage. Un bon lancer de Will Smith passe aussi sous le bras du gardien de Zoug, qui le dévie suffisamment.
Thompson fait trébucher Niederreiter sur un engagement dans la zone suisse à une minute de la pause. Cela n’empêche pas Frank Nazar de prendre le dernier lancer en infériorité numérique juste avant la sirène, au nez et à la barbe de Malgin. Les États-Unis mènent clairement aux points après 40 minutes, mais le score est toujours vierge.
La Suisse ne fait rien de la minute restante à 5 contre 4. Elle obtient plus tard sa première occasion depuis bien longtemps quand Nino Niederreiter dévie le tir de la ligne bleue de Kukan, sans que le puck ne parvienne à passer entre les jambes de Swayman. On sent la Nati de plus en plus rattrapée par la fatigue : à chacune de ses finales, elle avait joué la demi-finale la plus tardive. C’est encore le cas cette année puisque le pays organisateur (la Suède… qui a perdu contre les Américains) avait eu le privilège du premier match du samedi). Elle a donc eu quatre heures de moins que ses adversaires pour récupérer.
Aucune des deux équipes ne commet la moindre erreur et chaque action a une importance cruciale. Les palpitations montent quand un lancer de Clayton Keller est détourné dans les airs et retombe derrière Genoni devant la cage vide, avec Keller qui le chasse. Christian Marti finit par dégager… Des « Hopp Schwyz » descendent des tribunes, ils se muent en sifflets quand Moser est sanctionné pour une crosse haute. Pendant les deux minutes de powerplay, les Américains ne cadrent qu’un seul tir et Genoni a la vue parfaitement dégagée. Notons cependant le bel effort défensif de Fora pour bloquer un lancer de Cooley, puis dégager au loin. Les dernières minutes sont insoutenables pour les nerfs mais personne ne craque.
Les deux meilleures attaques du tournoi se quittent à 0-0 après le temps réglementaire. Leonardo Genoni a battu en passant le record moderne d’invincibilité établi par Pekka Rinne.
La Suisse est le dernier pays à avoir perdu une finale mondiale aux tirs au but (en 2018 contre la Suède). Depuis, il a été décidé de passer à une prolongation à 3 contre 3, aussi longtemps qu’il faudra.
Denis Malgin, qui n’a presque pas pu s’exprimer ce soir face aux gros gabarits américains, se procure le premier tir, détourné d’extrême justesse par le haut du gant de Jeremy Swayman.
Le deuxième tir de cette prolongation – et le quarantième tir américain du match – est signé Tage Thompson. L’homme aux 44 buts en NHL cette saison entre en zone, s’avance à l’entrée du cercle droit, utilise Siegenthaler pour en écran pour masquer son fulgurant tir du poignet au-dessus du bouclier de Genoni.
On n’a pas vu ce soir les actions collectives offensives que la Suisse et les États-Unis ont réalisées tout au long du tournoi. Si les attaques ont semblé moins bien se trouver, c’est parce que les défenses étaient tellement bien structurées qu’elles ne laissaient aucun espace. Les deux équipes ont donc eu recours à deux jeux directs, notamment des déviations. Rien n’a troublé des gardiens très vigilants. En prolongation, la décision devait se faire plus vite, et le meilleur pur buteur présent a fait la différence.
Les États-Unis remportent donc leur première médaille d’or mondiale depuis 1960 (tournoi olympique qui faisait double emploi), ou depuis 1933 si l’on compte uniquement un vrai championnat du monde. Leur longue série de frustrations appartient au passé, mais celle de la Suisse est bien présente, avec quatre finales perdues en douze ans. Il y a des pleurs ce soir chez les spectateurs, et des visages très affectés sur la glace, notamment ceux de Patrick Fischer et Nino Niederreiter qui ont vécu ces quatre finales. L’an prochain, c’est un pays brûlant d’impatience de gagner enfin qui recevra la compétition…
Les joueurs à la bannière étoilée reçoivent le trophée, recouvert d’un maillot du regretté Johnny Gaudreau, et le brandissent un à un dans les airs, mais il manque une seule chose à cette cérémonie sans trop d’émotion : des supporters américains pour la célébrer.
Désignés joueurs du match : Leonardo Genoni pour la Suisse et Tage Thompson pour les États-Unis.
Commentaires d’après-match :
Leonardo Genoni (gardien de la Suisse) : « [Le prix de meilleur gardien du championnat] est un prix de consolation. J’aurais préféré une autre coupe. Mais on ne peut rien y changer. Je suis désolé pour Büehli [Anders Ambühl]. J’étais presque persuadé qu’il remporterait la coupe à son dernier match. Nous étions tout près, mais nous n’y sommes pas parvenus. »
Patrick Fischer (entraîneur de la Suisse) : « Nous avons livré une excellente performance défensive, mais pour la seconde fois consécutive, nous n’avons pas marqué de but en finale. Les États-Unis sont une bonne équipe. Ils ont très bien joué. Nous ne sommes jamais vraiment entrés en forechecking. Nous avons eu nos occasions, mais pas autant que nous l’aurions souhaité. On a manqué d’un soupçon de détermination devant. Pourquoi, nous devons l’analyser. Chacun a tout donné. Nous avions une volonté incroyable. Cela me fait très mal pour tout le monde, pour les fans. On doit l’accepter, on n’a pas le choix. »
Jeremy Swayman (gardien des États-Unis) : « Nous avions une bonne stratégie et nous avions un état d’esprit spécial dans le vestiaire. À chaque match nous savions qu’il [Johnny Gaudreau] était avec nous et que son esprit était autour de nous. Il devrait être là et il nous manque terriblement. Il a beaucoup fait pour le hockey et nous sommes fiers d’avoir gagné ce titre pour lui. […] Nous élevons la barre. C’est un nouveau régime. Nous voulons paver le chemin. USA Hockey est ici pour rester, et c’est la première étape pour nous. »
Suisse – États-Unis 0-1 après prolongation (0-0, 0-0, 0-0, 0-1)
Dimanche 25 mai 2025 à 20h20 à l’Avicii Arena de Stockholm. 12 530 spectateurs.
Arbitrage de Michael Campbell (CAN) et Mikael Holm (SUE) assistés d’Albert Ankerstjerne (DAN) et Onni Hautamäki (FIN).
Pénalités : Suisse 4’ (2’, 0’, 2’, 0’) ; États-Unis 4’ (2’, 2’, 0’, 0’).
Tirs : Suisse 25 (11, 9, 4, 1) ; États-Unis 40 (11, 17, 11, 1).
Évolution du score :
0-1 à 62’02” : Thompson assisté de Cooley et Skjei
Suisse
Attaquants :
Sven Andrighetto (A, -1, 2’) – Denis Malgin – Timo Meier
Kevin Fiala (-1) – Andres Ambühl – Nino Niederreiter
Sandro Schmid – Tyler Moy – Christoph Bertschy
Simon Knak – Ken Jäger – Damien Riat
Défenseurs :
Jonas Siegenthaler (A, -1) – Dean Kukan
Janis Moser (2’) – Andrea Glauser (C)
Christian Marti – Michael Fora
Tim Berni [6 présences]
Gardien :
Leonardo Genoni
Remplaçants : Stéphane Charlin (G), Nicolas Baechler (A). En réserve : Sandro Aeschlimann (G), Dominik Egli (D), Grégory Hofmann (A). Substitué sur blessure : Nico Hischier.
États-Unis
Attaquants :
Clayton Keller (C) – Logan Cooley (+1) – Conor Garland (A)
Tage Thompson (+1, 2’) – Matty Beniers – Frank Nazar
Cutter Gauthier – Shane Pinto – Will Smith
Mikey Eyssimont – Michael McCarron – Drew O’Connor
Défenseurs :
Zach Werenski (+1, 2’) – Jackson LaCombe
Brady Skjei (A) – Andrew Peeke
Alex Vlasic – Michael Kesselring
Zeev Buium [4 présences]
Gardien :
Jeremy Swayman
Remplaçants : Joey Daccord (G), Josh Doan (A). En réserve : Hampton Slukynsky (G), Mason Lohrei (D), Isaac Howard (A).