La course aux playoffs se précise grandement et à l’approche de la date limite des échanges – le 1er mars – beaucoup d’équipes vont rapidement devoir faire le point sur leur saison et se positionner comme vendeur ou acheteur. Voici le bilan dans la conférence Ouest au 1er février.
Décryptons chaque mois le classement de la NHL, ses logiques et ses incohérences annonciatrices de changement. Les statistiques utilisées dans cet article sont expliquées en fin de texte.
Par Thibaud Chatel @batonsrompus
Division Centrale
Un point derrière Chicago au 1er janvier, le Wild du Minnesota en a désormais 6 d’avance début février, c’est dire le rythme maintenu par la troupe de Bruce Boudreau. Malgré un taux de possession légèrement négatif, le Wild est toujours 1er de la ligue pour les chances de marquer, et de loin ! À 58,4%, Minnesota regarde de haut la seconde équipe, Montréal, et ses 55%… La recette reste la même, du hockey très hermétique avec la 13e attaque mais de loin la première défense de la ligue pour les chances de marquer accordées. Si les performances exceptionnelles de Devan Dubnyk avaient fortement aidé en décembre, celles-ci ont retrouvé des niveaux plus habituels en janvier, ce qui n’empêche pas les gardiens du Minnesota de présenter avec 93,8% d’arrêts, le 2e taux de la ligue. Par contre, les tireurs ont été particulièrement en réussite, rentrant 12,3% de leurs tirs en janvier, performance seulement dépassée par Washington. Sur l’année, Minnesota a désormais le plus haut taux de réussite aux tirs de la ligue à 10% et le PDO obtenu de 103,8 est seulement devancé par celui de Washington. Rappelons encore une fois que sur les dix dernières années, une seule équipe a dépassé 103 sur une saison complète.
Certes Minnesota joue du hockey solide mais il convient toujours de se demander si ces performances pourront se traduire efficacement en playoffs. En effet, si la corrélation entre les chances de marquer et le succès en playoff n’est pas démontrée, celui avec le taux de possession est clair puisque tous les champions depuis Détroit en 2008 avaient fini la saison dans le top 3 de la ligue (sauf Boston). Le taux de possession, donc le fait de tirer plus souvent que son adversaire, indique un système de jeu dominant bien en place quel que soit l’adversaire, qu’il s’agisse d’une équipe de fond de classement ou d’un prétendant à la coupe. Cette force sera toujours présente lors d’une série de 7 matchs rendu en playoff contre les meilleures équipes de la ligue. Par contre, la réussite aux tirs ou la performance des gardiens n’est pas une chose assurée si l’équipe affrontée possède elle-même un excellent gardien ou une attaque de feu. Si le talent de Dubnyk est indéniable, il ne faut pas prendre pour acquis qu’il gardera un tel taux d’arrêts en playoff, et c’est encore moins sûr pour les tireurs. Méfiance donc avant de donner la coupe au Wild.
Chicago continue de ralentir, ou tout du moins a trouvé un rythme de croisière qui n’est pas celui des meilleures équipes de la ligue. Les points accumulés en début de saison permettent de conserver un coussin confortable sur le 4e de la division, synonyme de Wild-card. Les statistiques sont en légère hausse et le taux de possession dépasse enfin les 50% mais les Hawks restent 28e de la ligue pour les chances de marquer. Comme beaucoup de gardiens, il devait y avoir quelque chose dans l’air. Corey Crawford a connu un mois en demi-teinte mais ses performances sur la saison demeurent la raison principale de la position de Chicago au classement. Au-delà de ses stars offensives, Chicago n’est plus la puissance défensive qu’elle a été à l’image de son 28e rang pour les chances de marquer accordées. Si Duncan Keith est toujours là, Brent Seabrook a bien ralenti. Chicago qui défendait si bien en gardant la puck loin de sa zone laisse beaucoup plus d’espace à ses adversaires aujourd’hui. Mais après 3 coupes, peut-on vraiment reprocher quelque chose à cette équipe…
Nashville grimpe doucement mais surement au classement, signe que le début de saison chaotique n’était bien qu’un incident de parcours lié à un manque de réussite effrayant mais évidemment circonstanciel. Les statistiques sont en légère baisse ce mois-ci mais l’équipe a dû survivre sans ses deux rampes de lancement PK Subban et Roman Josi. Tous deux sont enfin de retour et l’équipe cherchera à sécuriser au plus vite une place dans le top-3 de la division. Tireurs et gardiens sont stables, Rinne ayant connu un bon mois et les Preds ont trouvé en Juuse Saros le remplaçant fiable qu’ils cherchaient. Il serait intéressant de voir comment Nashville pourrait se comporter sans coups du sort ni blessures notables.
Les Blues de St Louis ont continué leur traversée du désert en janvier, démontrant un niveau de jeu en baisse et toujours plombés par des gardiens en dessous de tout. La chute au classement a été brutale et la réaction fut finalement de congédier l’entraineur Ken Hitchcock. En place pour une dernière année avant de céder la place à son co-entraineur Mike Yeo, la direction a utilisé cette soupape de sécurité en avançant la passation de pouvoir. Si ses gardiens sont évidemment à mettre en cause dans les performances de l’équipe, un entraineur n’y peut pas grand-chose, Hitchcock a toujours été un meneur d’hommes au discours dur et n’hésitant jamais à mettre un joueur sur la sellette devant tout le vestiaire. Or il se fait entendre que le départ de vétérans comme David Backes, Brian Elliott ou Troy Brouwer a fait mal car ceux-ci savaient comment encaisser les paroles du coach et servaient de paravent pour les joueurs plus « fragiles ». À voir si Mike Yeo réussira à redresser le navire car le début de saison était prometteur mais au-delà des gardiens (28e taux d’arrêts de la ligue), les statistiques de possession sont devenues moyennes. En tout cas, le gardien Jake Allen a pris quelques jours de repos loin du tumulte pour se ressourcer…
Winnipeg s’accroche au peloton des déceptions que sont St Louis et Dallas. Le jeu montré est faible et seul le talent des vedettes propulse l’équipe mais la profondeur est mince. La défense n’est pas la pire, 7e de la ligue pour les tirs accordés, mais les gardiens sont malheureusement à la peine avec le 25e taux d’arrêts de la ligue. La fin des illusions approche surement, une semaine plus tard, les Jets ont 5 points de retard sur St Louis et les playoffs en ayant joué 2 matchs de plus.
Le même constat vaut pour Dallas. La réussite aux tirs est enfin remontée, les Stars passant du 26e au 17e rang de la ligue en un mois, mais cela compense difficilement un système de jeu toujours à la peine. On se répète mais les pertes en défense ont fait mal et les remplaçants sont jeunes. Klingberg a 24 ans et Lindell (22 ans) obtient le deuxième temps de jeu à sa première saison en NHL. Johns (24 ans), Honka (21), Oleksiak (24) et Nemeth (25) font tous partie de l’effectif. Dallas pourrait ainsi faire un pas en arrière pour mieux avancer. Sharp, Hemsky, Hudler et Eaves sont tous agents libres cet été et pourraient plutôt être mis sur le marché d’ici le 1er mars.
Colorado a presque deux fois moins de points que Dallas… Que dire de plus ? L’Avalanche se dirige vers l’une des pires saisons enregistrées dans l’histoire moderne de la NHL. Le DG Joe Sakic commence certainement à recevoir des coups de fil intéressants concernant Matt Duchene et Gabriel Landeskog. Colorado souhaite avant tout un futur défenseur top-2, voir déjà établi. Duchene s’annonce certainement comme la grosse prise du marché avant le 1er mars.
Division Pacifique
San José poursuit sa promenade de santé même si une petite baisse des statistiques est à observer. Les Sharks demeurent très solidement ancrés dans le club des favoris pour la coupe avec le 5e taux de possession de la ligue. Les tireurs ont continué ce mois-ci leur retour à la normale et sont même désormais un peu au-dessus de la moyenne de la ligue. Un point à travailler concerne les unités spéciales. L’avantage numérique est seulement la 20e de la ligue alors que l’infériorité numérique est 15e. Une amélioration ne serait que du bonus d’ici le printemps. Si la lutte au classement est serrée, il est facile de sentir la confiance qui règne chez les finalistes malheureux de l’an passé.
Un mois plus tard, Anaheim est toujours un petit point derrière les Sharks ! La possession est toujours sous la barre des 50% mais les chances de marquer se sont grandement améliorées ce mois-ci, passant de 50,2% à 52,9%. Les tireurs ont connu un coup de moins bien mais John Gibson a été étincelant. Les Ducks ont la 5e infériorité numérique de la ligue et la ligne Kesler, Cogliano, Silfverberg est l’un des meilleurs trios défensifs de NHL. En bref, les Ducks ne constituent pas une machine infernale mais il est difficile de les battre, la troupe de Randy Carlyle ayant retrouvé un style robuste californien des années 2010.
Un mois plus tard, Edmonton est toujours un petit point derrière les Ducks ! Le copier-coller au classement illustre en fait la jolie cavalcade de ce trio d’équipes car si, au 1er janvier, les Oilers comptaient 3 points d’avance sur l’équipe suivante, ils en ont désormais 10 ! Le taux de possession a encore légèrement baissé à 50,8% et s’approche dangereusement du ventre mou de la ligue. Cela commence à être inquiétant pour les Oilers car les chances de marquer sont, elles, déjà dans le négatif depuis quelques temps. La bande à McDavid a surtout profité en janvier de remporter des matchs clés contre des concurrents directs (San José, Anaheim, deux fois Calgary) et a su arracher les points face à des adversaires plus faibles comme lors de deux victoires en prolongation face au New-Jersey. La planète hockey souhaite voir les Oilers en playoffs, espérons que ce sera plus que pour faire de la figuration, même la coupe n’est pas encore l’objectif annoncé. L’équipe est d’ailleurs peu citée dans les rumeurs d’échange, comme si la direction comprenait qu’il n’était pas encore l’heure de faire des achats compulsifs au 1er mars.
Les mois se suivent et se ressemblent pour Los Angeles. Il sera bientôt temps de dire que les années se suivent et se ressemblent… 2e taux de possession de la ligue, 4e pour les chances de marquer, les joueurs ne rentrent tout simplement pas leurs occasions. 25e de la ligue avec 6,7% de réussite aux tirs, Los Angeles shoote à tour de bras mais ne marque pas, reproduisant le même schéma que l’an dernier. En 2015-2016, les Kings avaient dominé la ligue avec un effarant 57% de taux de possession (Anaheim deuxième sous Bruce Boudreau était à 53%) mais avait fini seulement 26e aux tirs à 6,8%. Dans une division aussi serrée que la Pacifique, une pénurie de buts entraine tout de suite un manque de points rédhibitoire pour la qualification en playoffs. Nous parlons souvent de norme ici, et du retour irrésistible vers celles-ci avec le temps mais sur les deux dernières saisons cumulées, Los Angeles se classe 29e pour la réussite aux tirs ! Historiquement, les Kings ont toujours eu une réussite faible car une partie de leur grand volume de tirs vient de loin, cherchant à obtenir des rebonds grâce à un pressing offensif constant. Il faut cependant se demander si le poids des ans qui a ralenti l’effectif ne vient pas mettre un grain de sable dans ce mécanisme autrefois si efficace.
Calgary met à mal les prédictions et s’accroche toujours à un espoir de Wild-card malgré des statistiques peu reluisantes. 15e taux de possession, 25e aux chances de marquer, 26e aux tirs, 23e pour ses gardiens, il est difficile de trouver là des raisons d’espérer pour les Flames. Ils ont perdu un peu de terrain en janvier et il ne faudrait surtout pas traverser une période creuse à ce moment-ci de l’année. Calgary peut compter sur une première paire défensive Giordano-Hamilton parmi les meilleures de la ligue avec ainsi qu’un trio Backlund-Frolik-Tkachuk extrêmement efficace mais, sans renier le talent de Gaudreau ou Monahan, le reste de l’équipe peine. On reste pessimiste.
Vancouver est toujours là, du moins mathématiquement. Les Canucks restent à la 24e place pour le taux de possession comme pour les chances de marquer, on arrache les points du bout des ongles, mais les équipes qui ont de la réserve vont vraiment accélérer, poussées par le sentiment d’urgence. Pas certain que Vancouver puisse suivre. Spoiler alerte, une semaine plus tard, Vancouver est à 7 points des playoffs…
Arizona semble avoir perdu la lutte pour la dernière place de la ligue… Le gardien Mike Smith a eu beau pousser une gueulante, l’équipe n’est pas encore là pour gagner. Le DG doit préparer son 1er mars avec enthousiasme et écouter les offres faites pour Hanzal ou même Shane Doan qui aimerait bien une dernière chance de gagner la coupe. Ce n’est quand même pas avec cela qu’il va obtenir grand-chose mais c’est toujours ça de pris.
Toutes les statistiques ne concernent que le jeu à égalité numérique (5v5). Constituant la grande majorité des matchs, seul le jeu à égalité numérique est révélateur des tendances de fond. À l’inverse, le jeu durant les supériorités et infériorités numériques est trop dicté par l’inégalité du moment et impose des tactiques temporaires non révélatrices des forces et faiblesses d’une équipe. Ces phases doivent plutôt être considérées en parallèle.
Taux de possession : Plus communément appelé « Corsi », cette statistique recense tous les tirs effectués par une équipe, qu’ils soient contrés, non-cadrés, arrêtés par le gardien ou deviennent des buts. Cette métrique est utilisée pour décrire quelle équipe a été la plus offensive durant un match, chaque tir étant une conséquence de la possession de la rondelle. Signe de l’importance retrouvée de la vitesse et du jeu offensif, les 5 derniers champions de la coupe Stanley figuraient parmi le top 3 de la ligue en termes de possession.
Chances de marquer : Le pourcentage de chances de marquer fonctionne comme le taux de possession mais ne prend en compte que les tirs pris dans un trapèze allant du but au haut des cercles de mise en jeu en passant par les points de mise en jeu. C’est de cette zone que sont marqués 70% des buts en NHL.
% tirs : Le pourcentage de réussite aux tirs est tout simplement le nombre de tirs cadrés qui finissent au fond des filets. Si au niveau individuel cette statistique peut varier, à l’échelle des équipes le niveau de la ligue est extrêmement homogène et stable aux alentours de 8%. Une différence importante indique par conséquent une période de réussite ou de déveine constituant une anomalie temporaire qui finit toujours par revenir à la normale.
% arrêts : Le pourcentage de tirs cadrés arrêtés par les gardiens d’une équipe. Si quelques gardiens se démarquent du lot, en bien ou en mal, le niveau des portiers de la ligue est extrêmement homogène et stable aux alentours de 92%. Une différence importante indique par conséquent une anomalie temporaire qui finit toujours par revenir à la normale.
PDO : Il est simplement l’addition du % tirs et du % arrêts, donnant un score tournant logiquement autour de 100, et permettant de voir d’un coup d’œil si une équipe respecte les moyennes de la ligue ou non. Chaque année, environ 25 équipes sur 30 obtiennent ainsi un score entre 99 et 101. Les minimums et maximums peuvent aller de 97 à 103.