Ce sont les jeunes, les moins de 18 ans en l’occurrence, qui ont dernièrement fait l’actualité du hockey féminin avec les championnats du monde. Après une remarquable dernière bataille, les Bleuettes ont fini en bronze, le Canada assoit sa (nette) domination. Mais évidemment, la planète du hockey a été secouée par la naissance d’une virtuose.
Nouvelle médaille pour les Tricolores
L’équipe de France féminine U18 disputait son troisième Mondial Division 1A consécutif, les Bleuettes avaient rendez-vous à Ritten, une petite ville à proximité de Bolzano. Et le premier match du tournoi, lundi 9 janvier, a été particulièrement renversant puisque les Bleuettes, menées 1-0 par la Hongrie, sont parvenues à faire la différence en fin de match. Elina Zilliox à 2’23 » de la fin, puis Marleen Origlio avec un but gagnant à 15 secondes de la fin (!) ont permis à la France de s’imposer 2-1.
Les jeunes tricolores ont ensuite laissé des plumes contre l’Autriche vainqueur à l’issue de la séance des tirs au but, avant de concéder une défaite contre l’Italie. Mais c’est finalement une large victoire des Bleuettes sur la Norvège qui leur ont permis de conserver leurs ambitions de médaille, un succès 5-1 contre les Scandinaves, cinq buts inscrits lors des deux premières périodes. Marleen Origlio (3 passes) et Jade Bernoussi (2 buts) ont été les deux joueuses les plus en vue durant cette rencontre.
La joie des Bleuettes après leur victoire face à la Hongrie 🤩🇫🇷 pic.twitter.com/hYG9BXaTZw
— Équipes de France Hockey (@Hockey_FRA) January 9, 2023
Avant le dernier match Allemagne – France de dimanche soir, les résultats de la dernière journée ont permis la qualification mathématique en élite mondiale des Allemandes. En revanche, les Bleuettes pouvaient encore prétendre à la médaille d’argent de cette DA. Face aux futures pensionnaires de l’élite, les Bleuettes ont réalisé un excellent match, jouant décomplexé et ne cessant de mettre la pression sur ses adversaires. Après deux tiers, les Bleuettes menaient 18-7 au chapitre des tirs, se créant bon nombre d’occasions dont deux breaks manqués, de Marleen Origlio et Jana Poirrier.
La France a trouvé la solution en troisième période, Jade Bernoussi profitant d’une récupération dans le camp adverse pour placer un superbe lancer. Mais trois minutes plus tard, Anastasia Gruß a égalisé pour les Allemandes. Après une prolongation sans but, les Françaises ont finalement réussi à faire la différence aux tirs au but grâce à des essais gagnants de Perrine Lavorel et Elina Zilliox, deux joueuses qui ont déjà joué en équipe de France senior. La gardienne tricolore Violette Pianel Couriaut, après avoir notamment sorti un splendide arrêt en prolongation, n’a pu être trompée en fusillade, volant au passage la vedette à Chiara Scultes et Miriam Siebert qui se sont partagées le match.
Un an après une belle médaille d’argent obtenue en Hongrie, avec cette dernière victoire 2-1, les Bleuettes obtiennent cette fois-ci la médaille de bronze, ce qui équivaut à une onzième place mondiale. Les joueuses entraînées par Baptiste Arpin n’étaient d’ailleurs pas loin de l’argent, obtenant le même nombre de points que les dauphines italiennes, la victoire transalpine faisant la différence au jeu de la confrontation directe.
VICTOIRE ! Les Bleuettes 🇫🇷 s'imposent en fusillade contre l'Allemagne 🇩🇪, essais gagnants de Perrine Lavorel et Elina Zilliox, et Violette Pianel Couriaut n'en a encaissé aucun.
C'est médaille de bronze 🥉 (=11e place mondiale) un an après l'argent. La formation se porte bien ! pic.twitter.com/e1pqnfd5aH— Nicolas Jacquet (@Nico_Jt_) January 15, 2023
Naissance d’un phénomène
En parallèle du Mondial D1A U18 féminin se disputait le Mondial élite à Östersund, en Suède. Parmi toutes ces joueuses de moins de 18 ans, l’une d’elles a attiré l’attention, c’est peu de le dire : l’attaquante slovaque Nela Lopušanová. Âgée de 14 ans, elle était l’une des plus jeunes hockeyeuses du tournoi, et il s’agissait de la première compétition internationale de sa jeune carrière. Une novice certes, mais une astéroïde qui a heurté de plein fouet la planète hockey.
Tout a commencé dès le premier match contre le Japon, et cela a commencé très fort. Face aux Nippones, Lopušanová a ouvert le score en effaçant la défenseure Rino Tada avant de battre la gardienne Ririna Takenaka. Cette même Takenaka, la prodige slovaque l’a déjouée sur un tir de pénalité, pleine de sang-froid, en glissant habilement le palet au-dessus de sa mitaine. Deux buts et une assistance dès son premier match, le ton était donné. Trois autres buts de Lopušanová sanctionneront ensuite la Suisse : un en infériorité, un autre sur une interception et un dernier lucarne opposée lui permettront de réaliser son premier hat trick sur la scène internationale. Utilisée en infériorité malgré ses 14 ans, elle a inscrit son deuxième but dans cette configuration contre les Tchèques.
Et puis face à la Suède, il y a ce but style « Michigan », un type de but initié en 1996 par un joueur de l’Université du Michigan et que Trevor Zegras des Ducks d’Anaheim plante aujourd’hui avec facilité. Lopušanová en a marqué un somptueux, peut-être plus proche de celui d’Andreï Svetchnikov de Carolina. Le but de la Slovaque a fait le buzz et le tour de la planète, c’est d’ailleurs la première fois que ce geste est réalisé avec succès dans une grande compétition internationale chez les féminines – du moins qu’il est filmé. C’est dès ce moment, quand elle a battu Felicia Frank, que sa notoriété a pris une autre dimension. La vidéo de ce but, rapidement devenue virale, a été partagée en masse sur les réseaux sociaux, par des journalistes, des stars du hockey hommes ou femmes, il a été diffusé sur les chaînes nationales aux États-Unis et au Canada. Un effet boule de neige qui lui a permis d’acquérir, en l’espace de quelques heures, une incroyable notoriété.
Pour autant, ce n’est pas la première fois qu’elle exécutait le « Michigan ». « Elle a déjà inscrit un tel but plusieurs fois cette saison, notamment contre le Japon en décembre » confiait son coach Miroslav Mosnár à l’issue de la rencontre. « Ce n’est pas une surprise de la voir finir comme ça [avant le match de classement]. Nous sommes habitués, elle a une telle confiance en elle » . Son dernier match à Östersund était un match de classement face aux Tchèques, match qu’elle n’a pas négligé puisqu’elle a ajouté deux nouveaux buts, là encore absolument somptueux, deux types de buts qui ont déjà été produit en NHL.
Des aptitudes hors du commun, du haut de ses 170 centimètres (qui évolueront encore un peu), une bonne allonge, efficace au forecheck, une bonne protection de puck, de nombreux atouts qui lui permettent de faire la différence elle-même, elle a d’ailleurs marqué plus de la moitié des buts d’une équipe qui ne joue pas les premiers rôles. En l’espace de quelques jours sur un seul tournoi, Nela Lopušanová a inscrit 12 points, 9 buts dont certains gestes techniques ont été popularisé par des stars de la NHL. Elle les a réalisés en toute décontraction, à 14 ans pour son premier tournoi international. Jamais une joueuse aussi jeune n’avait amassé autant de points dans une compétition féminine, les joueuses de 14 ans n’avaient inscrit pas plus de 3 points jusqu’à maintenant. Aux Mondiaux U18, ses performances lui ont permise de se placer dans le top 10 des meilleures marqueuses sur une édition. Dans ce top 10, sept joueuses avaient 17 ans, Marie-Philip Poulin et Kendall Coyne-Schofield avaient 16 ans, soit deux ans de plus.
Most clicked players last week on https://t.co/IH1xm2FwcF
1 Connor Bedard 86,737
2 Nela Lopušanová 44,056
3 Connor McDavid 25,575
4 Aiden Hines 17,837
5 Shane Wright 17,033
6 Matvei Michkov 16,778
7 Kevin Roy 15,563
8 Olen Zellweger 11,793
9 Bobby McMann 11,295 pic.twitter.com/oGYbLoFCbX— Elite Prospects (@eliteprospects) January 16, 2023
Un développement sismique en Slovaquie
Si son profil Eliteprospects a explosé en étant le plus vu ces derniers jours avec celui de Connor McDavid et Connor Bedard, Nela Lopušanová faisait déjà sensation dans son pays. Originaire de Žilina, au nord-ouest de la Slovaquie, à une quarantaine de kilomètres des frontières de la Tchéquie et de la Pologne, la jeune Nela a logiquement porté les couleurs du club local. D’abord en féminines, où elle surnageait en débutant la saison 2021-22 à seulement 13 ans (!) dans le championnat senior : elle a inscrit 40 buts (25 buts, 15 assistances)… en l’espace de six matchs, lui permettant de finir troisième meilleure marqueuse du championnat féminin, dominé par une joueuse qui a six ans de plus. Lopušanová a alors obtenu une moyenne de 5,42 points par match, la meilleure performance de l’histoire dans le championnat élite féminin de Slovaquie, réalisée par une gamine de 14 ans.
Déjà trop à l’étroit en élite féminine, la surdouée a finalement été embauchée depuis cette saison par la section U16 masculine de Žilina. Peu importe le mélange des genres, malgré un jeu plus intense et physique, Lopušanová fait également la loi chez les garçons. En 10 matchs, elle a amassé 15 buts et 16 passes. Cela donne une moyenne de points de 3,10 par match, un chiffre supérieur… à un certain Juraj Slafkovský (2,35), premier choix au repêchage NHL en 2022.
La comparaison avec la NHL s’arrêtera là. Car si beaucoup, sous le feu de l’enthousiasme, envisagent une première historique au repêchage NHL pour lequel elle serait, en théorie, éligible en 2026, la vraie problématique est ailleurs : offrir à elle, comme aux autres hockeyeuses de talent, une vraie ligue féminine professionnelle qui se fait attendre. Un tel projet souffre encore d’une guerre d’egos, les meilleures joueuses formant la PWHPA tournant toujours le dos au seul circuit existant en Amérique du Nord, la PHF.
Revenons-en à la Slovaquie et son diamant brut. Détectée par l’équipe nationale féminine U16, elle avait inscrit 4 buts et 3 passes lors de deux rencontres contre l’Autriche la saison dernière. Les portes de la sélection U18 se sont logiquement ouvertes. Parmi l’équipe la plus jeune du Mondial U18 (15,77 ans de moyenne d’âge, les autres équipes étant autour de 16 ans et demi), elle sera donc éligible pour les trois prochains Mondiaux U18 au sein d’une équipe peu renouvelée. Encore du spectacle en perspective alors qu’elle est aussi très à l’aise en dehors des glaces, elle a été médaillée de bronze au championnat du monde de floorball cet été au Canada.
Hockeyeuse la plus dominante de l’histoire à cet âge sur un tournoi international, alors que la majorité des joueuses d’exception sont en provenance d’Amérique du Nord, on n’ose imaginer ce dont sera capable à l’avenir ce prodige européen. L’avenir, elle le voit d’abord en NCAA puisqu’elle a bien l’intention d’intégrer l’exigeant championnat universitaire américain, l’Université du Wisconsin ayant sa préférence. Et il est fort probable que ce talent rare rejoigne rapidement l’équipe première de Slovaquie. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut accueillir une hockeyeuse en passe de dominer sa discipline pour les vingt prochaines années. Une adolescente qui pourrait bien briser un plafond de verre, qu’ont touché du doigt Hayley Wickenheiser et Marie-Philip Poulin.
Records du monde pour le Canada
Si l’on prend en compte les trois tournois majeurs féminins (Mondiaux, Mondiaux U18, Jeux olympiques), 39 finales ont opposé les États-Unis au Canada. Mais pour cette 44e édition, la Suède s’est invitée à la fête en éliminant les Américaines en demi-finale, une victoire 2-1 avec deux buts suédois… à deux minutes d’intervalle !
Et dans la deuxième demi-finale, les Canadiennes se sont fait peur, ne venant à bout de la Finlande qu’en prolongation, Alex Law marquant le but gagnant, elle qui avait déjà égalisé à 2-2 à 7’22 de la fin. En 43 compétitions féminines, on est donc passé près d’une première finale sans les deux nations nord-américaines !
De nouveau à guichets fermés, plus de 2000 spectateurs, à Östersund, les Suédoises ont vite plié en finale face à une redoutable équipe canadienne, consciente d’être revenue de loin face à la Finlande. L’objectif était de se mettre à l’abri rapidement, et Jocelyn Amos et ses coéquipières n’ont pas fait dans la demi-mesure.
Les joueuses à la feuille d’érable menaient 4-0 après seulement 10 minutes de jeu, dont un doublé de Caitlin Kraemer… à 25 secondes d’intervalle ! Kraemer n’en avait pas fini puisqu’elle a marqué le hat trick le plus rapide de l’histoire du Mondial U18, en 6’44 de temps de jeu ! 5-0 après le premier tiers-temps, 8-0 après le deuxième pour un score final de 10-0, le score le plus sévère dans une finale mondiale U18 féminine. Alors qu’Alexia Aubin a marqué un doublé, Caitlin Kraemer a fini la rencontre par un quadruplé.
Les Canadiennes conservent donc leur titre mondial U18, chose qu’elles n’étaient plus parvenues à faire depuis dix ans.
Avec 10 buts marqués durant ce Mondial U18, Caitlin Kraemer est devenue la joueuse canadienne la plus prolifique de l’histoire dans un tournoi, surpassant Marie-Philip Poulin. Un talent probablement comparable à Nela Lopušanová… si ce n’est que la Canadienne a deux ans de plus que la Slovaque nommée MVP du tournoi !