Nous en sommes aux deux tiers de la saison en Suède, profitons en pour faire le point, chez les hommes comme chez les femmes. Les souverains sont encore les mêmes pour l’instant. Pour autant, dans un avenir proche, la SDHL s’expose à une fuite de talents.
Quatre fois champion de Suède ces neuf dernières années, dont trois derniers titres acquis après avoir remporté la saison régulière, Växjö est toujours au sommet du championnat suédois en étant leader de la SHL. Nouvelle démonstration de force à la Vida Arena samedi, les Lakers démolissant Örebro 4-0.
La venue des frères Sylvegård en provenance de Malmö a constitué une très bonne addition. Emil, 30 ans, a une longue expérience, c’est un joueur polyvalent qui apporte beaucoup dans tous les secteurs du jeu. De son côté, le petit frère Marcus, six ans de moins, a un profil totalement différent, c’est un joueur spectaculaire. Marcus Sylvegård est le meilleur buteur du championnat avec 19 réalisations, et deuxième marqueur avec 33 points. Joel Persson, désigné capitaine cette saison, est quant à lui le meilleur marqueur chez les défenseurs avec 29 points.
Devant une défense de fer, on retrouve toujours devant le but Emil Larmi qui avait déjà réalisé une saison 2022-23 excellente en tous points. Le gardien finlandais des Lakers a signé le blanchissage contre Örebro. Adam Åhman, qui a remporté huit matchs sur douze et avec un pourcentage d’arrêts de 93,1%, présente toutefois une forte concurrence.
Si Växjö domine la SHL avec 69 points, une course poursuite est lancée puisque les Lakers sont pris en chasse dans leur dos par Färjestad (67) qui avait commencé très fort la saison mais qui connaît des gros soucis (six ont été utilisés !), également Leksand (63), Linköping (61), et Skellefteå (61) qui affrontera Genève en finale de Champions Hockey League. Le Skellefteå AIK restait sur une bonne série de cinq victoires de rang, mais elle a pris fin face à une équipe de Frölunda en grande forme, victorieuse six fois lors des sept derniers matchs. Le patron Växjö n’a qu’à bien se tenir !
C’est le puissant attaquant canadien de Linköping Ty Rattie qui domine le classement des marqueurs avec 35 points. Son coéquipier Marcus Högberg (92,3% d’arrêts) et Lars Johansson de Frölunda (92,4%) se montrent particulièrement remarquables devant leur but. Le gardien de Leksand Filip Larsson est l’une des surprises de cette saison SHL, il n’avait d’ailleurs jamais été aligné en élite suédoise avant cette saison. Après des statistiques flatteuses en Allsvenskan avec le petit club de Kristianstad, le gardien de 25 ans s’est vite montré à son aise en élite… en signant deux blanchissages à ses deux premiers matchs en SHL ! Depuis, Larsson a conservé un pourcentage d’arrêts de 92,4% permettant de détrôner le titulaire Mantas Armalis, le Lituanien qui passe à côté de sa saison.
Leksand est allé de l’avant
Leksand avait pourtant connu un début de saison difficile. Fin octobre, le LIF avait vu son entraîneur en chef Björn Hellkvist prendre du recul. En 2010, on lui avait diagnostiqué la maladie de Parkinson. Jusqu’à maintenant, Hellkvist était parvenu à exercer ses fonctions, notamment grâce à une opération qui lui avait permis de mieux contrôler la maladie.
Malheureusement, peu de temps après le début de l’exercice, le coach de 47 ans, qui se postait derrière le banc de Leksand pour la quatrième saison de suite, a estimé qu’il n’était plus en mesure d’occuper ce poste à cause d’une maladie devenue plus véloce et plus contraignante. Hellkvist a préféré s’écarter pour une durée indéterminée. Durant l’automne, Leksand n’était que douzième, avec seulement 13 points obtenus à ses 12 premiers matchs. Pour autant, aucun entraîneur en chef n’a été désigné en l’absence de Hellkvist, les assistants Charles Berglund, Mikael Karlberg et David Printz ont assumé les responsabilités. Finalement, la stabilité a porté ses fruits, la cadence de Leksand s’est accélérée pour atteindre le haut du classement.
Le haut du classement, Rögle n’y est pas, neuvième du championnat. Le club d’Ängelholm avait réalisé une percée spectaculaire sur la scène suédoise ces dernières années. Le club avait notamment atteint la finale de SHL en 2021 et remporté la saison régulière en 2022 ainsi que la Champions Hockey League. Le trophée CHL était alors le premier titre de l’histoire du club. Rögle était devenu plus ambitieux grâce aux architectes de ces succès, les jumeaux canadiens Cam et Chris Abbott. Depuis novembre 2017 et leur prise de fonctions, Cam l’entraîneur en chef et Chris le directeur sportif se sont attachés à ce que le RBK change de dimension et joue les premiers rôles. Le duo canadien avait d’ailleurs un contrat jusqu’en 2025. Mais alors que Rögle avait déjà connu du moins bon en 2022-23 avec une neuvième place, Cam et Chris Abbott ont fait les frais d’un début de saison difficile, seulement 32 points obtenus après 25 matchs et une onzième place début décembre. Le club les a alors licenciés alors qu’il y avait eu un investissement massif à l’intersaison pour jouer le titre.
Descendu en Allsvenskan après la plus longue longévité (63 ans) en élite suédoise, Brynäs domine nettement le classement du second échelon. Le club de Gävle a d’ailleurs remporté le duel au sommet vendredi soir face au dauphin Södertälje. Dimanche, ce sont 8094 personnes qui ont assisté au derby de Stockholm, remporté par AIK 3-0 sur Djurgården.
Chez les féminines, c’est comme d’habitude Luleå, triple champion en titre, qui règne sans partage, avec 16 points d’avance sur MoDo au classement SDHL. La « Finnish connection » fonctionne à merveille puisque cinq des sept meilleures marqueuses de l’équipe sont finlandaises : les défenseures Ronja Savolainen et Jenni Hiirikoski, les attaquantes Viivi Vainikka, Petra Nieminen et Noora Tulus. Tulus (47 points), Nieminen (42) et Vainikka (37) sont d’ailleurs les meilleures marqueuses du championnat.
Une étonnante équipe de MoDo est deuxième, où la gardienne suisse Andrea Brändli réalise des performances fantastiques avec 94% d’arrêts en 20 matchs. MoDo a d’ailleurs battu le leader Luleå le 19 décembre dernier grâce à un doublé de Lina Ljungblom et trois points d’Adéla Šapovalivová. Ljungblom, 22 ans, connaît une quatrième saison consécutive à plus de 30 points, la pépite tchèque de 17 ans Šapovalivová réalisant sa première saison suédoise avec déjà 23 points au compteur.
La Tchéquie est d’ailleurs à l’honneur en SDHL, la Suède est une destination privilégiée des Tchèques ces dernières années. Pour cette saison 2023-24, c’est quasiment une équipe entière qui est à l’œuvre puisqu’elles sont vingt ! Outre Šapovalivová, les deux autres pépites Hana Haasová et Tereza Plosová, toutes deux à Djurgården, ont amassé 41 points à elles deux, Sara Cajanova et Noemi Neubauerová forment l’une des meilleures paires défensives de la ligue à Brynäs, où Klára Peslarová se montre toujours aussi solide, 93,7% d’arrêts.
Concernant notre seule représentante tricolore, Lore Baudrit, son club de Leksand est toujours en bonne position pour les playoffs. Le LIF a remporté deux succès précieux ce week-end, face à AIK et SDE. La capitaine des Bleues a obtenu son 10e point dimanche.
La SDHL, victime collatérale de la PWHL ?
Les joueuses stars de Luleå demeurent donc favorites du championnat mais leur suprématie va-t-elle s’effriter ? La faute au lancement tonitruant de la PWHL en Amérique du Nord, qui a permis au hockey féminin d’obtenir une exposition inédite, et qui attise les convoitises. La semaine dernière, le président du LHF Stefan Enbom partageait au Norbottens-Kurinen son appréhension la saison prochaine, « cela pourrait devenir compliqué ». Enbom a en effet confirmé que plusieurs de ses joueuses souhaitaient rejoindre la nouvelle grande ligue.
D’ailleurs, Ronja Savolainen, l’une des meilleures défenseures de SDHL, ne cache pas ses intentions : « Je veux me concentrer sur la saison en cours, et je m’intéresserai à cela dès que nous aurons fini de jouer. Mais ce serait excitant de jouer là-bas. Mais il faudrait qu’un club veuille de moi pour que cela devienne quelque chose. » Noora Tulus, actuelle meilleure marqueuse du championnat, ne dirait pas non non plus. Nul doute que la légende Jenni Hiirikoski a dû se poser la question également. Luleå a néanmoins réussi à prolonger récemment Nieminen de deux ans supplémentaires, mais retenir les joueuses stars va devenir un tour de force en SDHL.
De ces conséquences liées à l’avènement de la PWHL, la première ligue de l’histoire qui réunit les meilleures des meilleures, la SDHL est clairement le championnat le plus exposé. La ligue élite suédoise est une option que privilégient les meilleures joueuses du continent alors que la majorité des championnats nationaux en Europe offrent un niveau de jeu insuffisant pour des habituées aux championnats du monde. Cette saison, quinze nations sont représentées en SDHL.
On parlait des Tchèques, mais les nations voisines, la Finlande et la Norvège, sont également bien représentées avec respectivement vingt et dix joueuses. Le Japon, qui a souvent souffert de sa situation géographique enclavée, a sept représentantes en SDHL dont la redoutable Haruka Toko (35 points). La Russie, totalement fermée depuis le début du conflit ukrainien, et la Finlande, dont la Naisten Liiga accuse du retard sur bien des points par rapport à la SDHL, n’ont pas la position de force de la ligue suédoise. Rappelons d’ailleurs qu’en 2018, Luleå avait battu 4-2 les New York Riveters pour un titre mondial improvisé. D’ailleurs, pendant que certaines grandes organisations ont tardé à lancer un vrai programme féminin (et ce n’est pas propre à la Suède), Luleå a été novateur en la matière, montrant le chemin à d’autres clubs comme Brynäs, MoDo ou plus récemment Frölunda qui a décidé de faire un investissement massif en faveur de sa section féminine. Depuis, la SDHL n’a cessé de gagner en crédibilité grâce à des clubs féminins bien plus structurés que les standards européens.
Avec une PWHL qui n’a été officialisée qu’à l’été 2023 pour un début de saison au 1er janvier 2024, beaucoup de joueuses n’étaient pas en mesure de se positionner pour rejoindre la grande ligue. Et certaines attendaient simplement de voir ce qu’allait valoir cette PWHL. Avec un accueil dithyrambique des fans et des médias, un niveau d’intensité inégalé pour une ligue féminine, il est évident que la tentation est désormais très grande pour les stars de l’équipe de Suède, de Finlande, de Tchéquie ou du Japon qui évoluent en SDHL. Encore faut-il, malgré leur talent indéniable, des places parmi les six équipes existantes. À moins que le succès retentissant n’amène à une expansion rapide ? Une fuite de talents dans le meilleur championnat d’Europe en faveur de la PWHL semble en tout cas inéluctable.
Conseil de visionnage
Envie de voyager depuis votre canapé ? Voilà un documentaire bien sympathique : Living 100 hours with a Hockey Team in Sweden. Il est l’œuvre de Robert Greeley qui vous propose un reportage, en anglais, immersif au sein de l’organisation de Luleå.