L’annonce d’une expansion de deux équipes en 2025 sur le circuit PWHL simultanément à celle d’un match organisé à Québec a fait monter en température l’idée du retour du hockey « professionnel » dans la capitale de la Belle Province. Et le dossier de Québec a bon nombre d’arguments pour faire revivre la flamme. Explications.
Le déménagement traumatique
25 mai 1995. Cette date résonne encore tristement dans les mémoires de la Ville de Québec : l’officialisation du déménagement des Nordiques vers le Colorado pour devenir l’Avalanche. Alors que les « Fleurdelysés » avaient réalisé une excellente saison NHL, premiers de la conférence est avant de s’incliner en playoffs face aux Rangers champions sortants, c’est toute une ville qui a subi un coup de massue. Les Nordiques avaient fait les frais d’un contexte économique difficile, le dollar américain était en forte hausse, les joueurs et les gros marchés étaient sortis gagnants du lock-out qui a précédé la saison. Sans compter que le Colisée vieillissant et le manque de soutien des politiques n’ont pas plaidé en faveur de leur cause.
Les Québécois perdaient alors un fleuron de leur sport national, un symbole du Canada francophone et de l’alternative à Montréal. Le triomphe un an plus tard des ex-Nordiques devenus Avalanche qui brandissaient la Coupe Stanley a élargi une cicatrice béante. Depuis, la ville n’a cessé de vivre dans la nostalgie de ses favoris au bleu poudré, puis vint l’espoir d’un retour en NHL nourri par la résurrection des Jets de Winnipeg.
Québec est devenue candidate pour réintégrer le circuit en 2015, seule face à… Vegas, qui a remporté la mise. Gary Bettman et la ligue ont préféré le dossier des Golden Knights… puis Seattle. Bettman avait alors annoncé que Québec n’était pas un point d’intérêt, et que la situation géographique de Vegas et Seattle permettait d’équilibrer les deux conférences, la relocalisation des Coyotes dans l’Utah l’a ensuite corroboré. Le coût d’une nouvelle franchise a également refroidi les investisseurs de la Belle Province. Le montant des droits d’entrée en NHL pour les Vegas Golden Knights s’élevait à près de 500 millions de dollars, 650 millions pour Seattle. À l’avenir, dans l’hypothèse d’une nouvelle expansion qui ne pourrait intervenir qu’après une nouvelle convention collective, en 2026, les droits d’entrée atteindront sans aucun doute possible le milliard de dollars.
Québec a bien accueilli deux rencontres des Kings de Los Angeles en pré-saison mais l’événement a vu son image écornée. Leur venue a fait débat car elle a fait l’objet de subventions publiques. Le Ministre québécois des Finances Éric Girard aurait d’ailleurs débourser 5 à 7 millions de dollars canadiens pour couvrir la différence entre les dépenses et les revenus générés par le séjour des Kings. « Deux matchs sans importance », « gaspillage de l’argent public » a-t-on pu lire. Des manifestations ont d’ailleurs eu lieu pour inciter les citoyens à faire des dons plutôt que de débourser 50 à 150 dollars pour assister aux matchs controversés.
Des atouts pour une expansion PWHL
Dix ans après son inauguration, le Centre Vidéotron de Québec ouvrira donc ses portes à un match PWHL sur « glace neutre » en accueillant la Victoire de Montréal et l’Ottawa Charge le 19 janvier prochain. L’enceinte attend toujours d’accueillir une équipe « professionnelle ». Malgré un bassin de population moins important que les grandes villes américaines, estimé à 800 000 habitants dans l’agglomération, Québec demeure un vivier de connaisseurs, en témoignent les plus de 9000 personnes qui assistent régulièrement aux matchs de l’équipe junior des Remparts. Et la vente des tickets pour la rencontre PWHL est un véritable coup de force : 17 000 places ont été réservées en deux jours ! Cela signifie que l’affluence devrait atteindre les guichets fermés, soit 18 259 spectateurs, ce serait alors plus que les deux matchs des Kings de Los Angeles qui se sont joués devant 17 320 et 17 334 personnes. Une équipe PWHL n’aurait en plus aucune concurrence avec l’absence de formation NHL ou NBA, et pourrait s’adapter facilement au calendrier des Remparts.
L’arène est l’une des exigences de la PWHL en vue de l’expansion. Et il y en d’autres que Québec remplit. Le Canada connaît déjà un contexte économique plus favorable qu’en 1995. Son économie a certes subi un ralentissement mais le pays n’est pas entré en récession. Le dossier de Québec a en plus l’appui d’un allié de poids. Québecor, géant des médias et des télécommunications, est gestionnaire du Centre Vidéotron. Martin Tremblay, qui est président d’une des filiales de Québecor, Gestev, a indiqué à Radio Canada que les représentants de la PWHL avaient visité les installations du Centre Vidéotron durant l’été. Il a par ailleurs confirmé de manière claire l’intérêt du groupe pour le hockey féminin.
Le choix de la raison
Hormis les partenaires financiers, le dossier PWHL de Québec a également le soutien des élus locaux. Une personnalité est d’ailleurs au centre de ce dossier. Jackie Smith est une élue du district de Limoilou, l’un des six arrondissements de Québec, elle est cheffe du parti Transition Québec et future candidate aux élections municipales. En janvier, elle interpelait déjà politiques et grand public à voir la réalité en face, à abandonner « leur rêve nostalgique et pas réaliste » d’un retour en NHL, lui préférant un projet bien plus réaliste d’une expansion dans la nouvelle ligue féminine. Smith est une enthousiaste de ce projet, elle s’est impliquée sur la tenue du match le 19 janvier tout en ayant à l’esprit qu’il pourrait servir de rampe de lancement. Jackie Smith travaille sur le dossier de candidature depuis des mois avec toute une équipe autour d’elle, et elle est en lien avec le maire actuel, Bruno Marchand. Au Journal de Québec, Marchand indiquait sa volonté de « mettre toutes les conditions possibles et imaginables » en faveur d’une équipe féminine à Québec.
« La communauté est prête et le marché est là, c’est ça, la démonstration à faire » a martelé Jackie Smith. Le projet a le soutien des élues, l’intérêt de partenaires économiques, et le soutien des joueuses originaires de la capitale de la Belle Province. La gardienne superstar de Montréal Ann-Renée Desbiens, qui a été formée dans les environs, n’a pas été choisie au hasard pour être l’une des porte-paroles à l’annonce du match au Centre Vidéotron. « C’est loin d’être mon domaine mais je le souhaite fortement. Je sais que ça fait longtemps que ce marché demande une [équipe professionnelle] et je leur souhaite de tout mon cœur » avouait Desbiens lors de la conférence de presse organisée dans la grande arène de Québec.
L’un des critères qui est retenu par la PWHL est l’existence d’un niveau amateur de hockey féminin. C’est le cas avec le Cégep Limoilou, qui évolue en Ligue collégiale du Québec et qui est l’un des meilleurs programmes de formation de la province. La venue d’une équipe PWHL pourrait d’ailleurs être bénéfique pour le hockey québécois alors qu’une seule joueuse québécoise, Emmy Fecteau, a été repêchée lors de la dernière draft PWHL.
Le marché canadien de la PWHL a démontré beaucoup de solidité lors de la première saison, en termes d’audience et d’affluences. Ottawa, Toronto et Montréal ont tour à tour affiché des records, jusqu’au record absolu du Centre Bell avec ses 21 105 spectateurs le 20 avril dernier. L’exposition médiatique est en plus potentiellement importante avec deux grands quotidiens implantés à Québec, le Soleil et le Journal de Québec. La chaîne Radio Canada a quant à elle, outre Montréal, l’un de ses sièges sociaux à Québec.
Deux nouvelles équipes sont attendues pour 2025, mais il est peu probable que la PWHL mette le cap à l’ouest, Vancouver, Seattle et la Californie ne devraient pas être à l’ordre du jour avant des années. Contrairement à la NHL qui priorisait un équilibre entre l’ouest et l’est, la PWHL doit avant tout créer une passerelle entre l’excentrée Minnesota et les autres équipes. À ce titre, Détroit, avec sa situation géographique et qui a établi un record d’affluence pour une ligue féminine de hockey sur le sol américain le 16 mars dernier avec 13 736 spectateurs, sera en position de force. Chicago, Nashville ou Indianapolis pourraient être également à l’étude.
Québec a toutefois, vous l’aurez constaté, beaucoup d’atouts dans sa manche. La création d’une équipe PWHL permettrait également d’instaurer de nouveau la rivalité sportive Québec / Montréal, qui a connu son apogée en NHL de 1979 et 1995. Cette rivalité jusque dans les veines a déchaîné les passions, c’est peu de le dire. Elle demeure pour Montréal sans commune mesure avec, après la disparition des Nordiques, des rivalités « de substitution » contre Boston et Toronto.
La PWHL a une occasion en or de pouvoir capitaliser sur l’histoire et le puissance de cette rivalité déchue mais jamais oubliée. Avouez que trente ans pile après la disparition des Nordiques, le lancement d’une équipe féminine à Québec serait un coup de maître.