Audric Papin est l’entraîneur-chef de l’équipe de Division 3 de Nice. Ancien joueur de haut niveau, le Lyonnais a eu une vie façonnée par les épreuves, mais guidée par la passion et l’amour du hockey. Preuve que les plus belles victoires se jouent souvent en dehors de la glace. Portrait.
C’est l’histoire d’un entraîneur impliqué, engagé, mais surtout doté d’une grande humanité. Audric Papin est depuis le 22 août 2024 l’entraîneur de l’équipe de Nice en Division 3. Alors qualifié pour les playoffs de la Division 3 avec son équipe pour sa première saison, le natif de Lyon n’a aucunement peur de l’adversité. Cette dernière, il a souvent été amené à la combattre. Plus que de raison.
Audric Papin est un homme souriant et également attachant. Né le 14 décembre 1983 à Lyon, il est issu d’un milieu modeste où le sport occupe une place de choix. Pour preuve, son père Norbert Papin a été un grand espoir du rugby français dans les années 1970 et sa mère a remporté en catégorie jeune un titre de Championne de France de gymnastique. Mais c’est dans une patinoire que le jeune Audric est le plus heureux. C’est en admirant les exploits des Bleus – qui comptent dans leurs rangs Pascal Margerit, actuel Directeur Sportif du club de Nice – aux JO de 1992 qu’il tombe amoureux du sport. Cet amour, il ne le lâchera jamais. « Plus petit, j’étais le trublion, mais toujours travailleur. J’étais plus besogneux que talentueux », se souvient en souriant le Lyonnais.
Alors joueur et en catégorie Benjamin à Lyon, il est amené à croiser le chemin de Laurent Perroton, Lyonnais et attaquant (comme lui) devenu plus tard une figure majeure du hockey français et Suisse. Ce dernier a été marqué par sa rencontre avec le garçon alors qu’il n’avait qu’une dizaine d’années : « C’était un attaquant avec un bon patinage qui a toujours eu ce hockey sense et un gros mental. Il était très demandeur et avait déjà un éveil tactique. »
Adolescent, devenir l’entraîneur principal d’une équipe n’est toutefois pas dans l’agenda du garçon au numéro 19. Ce qu’il veut, c’est jouer. Et surtout, prouver qu’il a sa place. En sport-études, il évolue sous les ordres de Lionel Charrier et du Suédois Christer Eriksson. « Je me souviens de la confiance de ces coachs qui ont réussi à me faire ressentir « pas si nul » que ça », assure reconnaissant Audric près de 20 ans plus tard.
“Bienvenue en Senior petit con“
L’un des premiers tournants de sa vie arrive en janvier 2001. Audric Papin quitte Lyon et rejoint le club de Nice. Laurent Perroton, devenu entraîneur de l’équipe, se charge de le faire venir. « J’étais au bon endroit au bon moment tout en étant bien encadré », relate Audric. Il se souvient de ses premiers coups de patins en terre niçoise : « Lors de mon premier ou mon deuxième entraînement, j’ai 16 ans et demi. Le coach construit l’équipe pour monter et fait venir des juniors. Je vais travailler dans le coin, je récupère le palet, je prends une charge. Je sors avec le palet, fais ma passe, et un joueur me met trois pastèques (sic) dans la gueule, j’avais le menton en sang. Ça voulait dire « Bienvenue en senior, petit con“. » On vous avait bien dit qu’il connaissait l’adversité.
Il y vit de belles émotions. Son premier but : « Je me retrouve à devoir jouer alors que je ne devais pas. C’est pour ça que je dis à mes joueurs “Soit prêt à faire le backup.“… C’était une passe de Tomas Banas. D’ailleurs, je le vois tous les dimanches à l’entraînement (rires). » Mais également, il va participer un évènement personnel de la vie de son entraîneur-chef.
En 2002-2003, Audric participe à l’épopée amenant Nice à être vice-champion de Division 1. Non sans une pointe d’amertume. « C’est l’un de mes meilleurs souvenirs, mais aussi le pire. Le meilleur, car faire partie de cette aventure, avec le groupe qu’on avait, c’était exceptionnel à cet âge-là alors que j’ai 19 ans. Néanmoins, je m’étais fait les ligaments croisés avant les playoffs. J’ai vécu ça de loin. »
Et puis, l’opportunité d’une vie arrive sur sa table. Christer Eriksson lui suggère d’aller à Mulhouse. Une des plus grosses écuries de la Ligue Magnus qui est doté d’un effectif plus que garni avec notamment Fabrice Lhenry, Luc Tardif ou encore Juho Jokinen. Autant dire qu’Audric n’hésite pas. « Quand tu es en D1 à cet âge-là et qu’on te propose de venir jouer en Junior Élite à Mulhouse avec une place sur le 4e bloc en Magnus, à l’époque dans le Super 16, tu fais des pieds et des mains pour y aller. J’avais signé un emploi jeune à cette époque. Je gagnais 1200 € par mois en tant que junior. C’était top. À 20 ans, pour jouer et te battre tous les jours pour garder ta place sur le quatrième bloc en Magnus… (il prend une pause). Je suis toujours reconnaissant de ces opportunités qui m’ont été tendues. Je les ai saisies et j’en ai fait ce que j’ai pu. Les valeurs qui m’ont été inculquées dans mon éducation m’ont aidé à aller dans ce sens-là. Il fallait me battre avec humilité. »
Il garde d’ailleurs un souvenir très précis d’un moment vécu au tout début de l’année 2004 : « Il fallait se lever pour partir un 2 janvier à Turin en Coupe d’Europe. Arrivé là-bas, on me dit : « Au fait, tu ne t’équipes pas. » Je sais la force que ça m’a donné derrière. Les obstacles que j’ai eu à affronter font le coach que je suis aujourd’hui. »
En septembre 2004, il retourne en terre lyonnaise. L’expérience va tourner au cauchemar. Un mois après son arrivée, il se fracture la clavicule en match contre Montpellier. Pas le meilleur départ. Mais c’est en 2005 que sa vie va définitivement changer alors qu’il n’a que 22 ans : « J’ai failli perdre ma jambe, en jouant au foot. J’ai mis le pied dans un trou bêtement. C’était une rupture croisée antéro-postérieure. » Il subit deux opérations, mais le sort s’acharne. Des complications empirent sa situation. L’hospitalisation dure deux mois et deux semaines. Sa carrière de joueur de hockey sur glace est terminée. « C’était très dur. (…) Le chirurgien me tape sur l’épaule et me dit : “Estime-toi heureux d’avoir ta jambe, tu ne feras plus jamais de sport de ta vie“. » C’est mal connaître l’homme de 1,81 m. « Quand je ressors de l’hôpital, je suis avec un ami et je lui dis : il faut qu’on s’arrête au golf, je dois aller frapper quelques balles juste pour voir si je peux le faire. »
« C’était très dur. (…) Le chirurgien me tape sur l’épaule et me dit : “Estime-toi heureux d’avoir ta jambe, tu ne feras plus jamais de sport de ta vie“. »
Rédemption
Car Audric Papin, en plus d’être doué avec une crosse, l’est aussi club en main. Il pratique le sport préféré de Tiger Woods depuis qu’il a 12 ans. N’en déplaise à Happy Gilmore. Et quelques heures après sa sortie de l’hôpital, il se lance un défi : “Je me laisse 5 ans pour passer pro” dira-t-il. À ce moment-là, plus question de hockey pour Papin. À contrecœur : « Je ne regarde plus de hockey, je ne fais plus de hockey sur glace pendant 16 ans. Le temps que je fasse mon deuil », précise-t-il rétrospectivement.
Devenu membre du circuit Alps Tour, la troisième division de golf européenne, Audric va au bout des choses – une constante chez lui – et passe des diplômes d’entraîneur. Il étudie la biomécanique appliquée au sport et la psychologie « pour mieux transmettre aux autres, mais aussi pour mieux apprendre de mon côté ».
L’amour du hockey le rattrape toutefois. Sur demande d’un ami, il chausse les rollers pour l’équipe de roller-hockey de La Duchère, en 2011 : « J’allais juste là-bas pour donner un coup de main. La question que j’avais, c’était : “Est-ce que mon genou va tenir ?“ » Il tient et son coup de patin est toujours là. À tel point qu’il devient capitaine de l’équipe de Nationale 1. En décembre 2012, il signe à Dijon, toujours en roller, mais est victime d’une rupture du ligament croisé en janvier 2013. Papin s’expatrie alors sur l’Île Maurice, fait du golf sa priorité et revient en France en juin 2020, à Nice.
Il y recroise d’anciens coéquipiers de hockey sur glace. On lui propose de venir jouer en vétérans, puis par la suite de s’entraîner avec la D3 et de jouer des matchs de championnat. « C’est comme si je n’avais jamais quitté ce sport. C’est dans mon ADN. Je n’avais peur de rien, peur de personne, au contraire, j’étais heureux. Le hockey ça m’a toujours manqué », commente Papin.
En 2024, il prend les rênes du banc de la D3 de Nice. En véritable mordu de hockey qu’il est, il aide en parallèle le club de roller-hockey de Monaco fondé en début d’année. Une activité qui ravit Fabien Bonilla, Président du club qui compte dans son rang de nombreux joueurs de la D3 de Nice de hockey sur glace.
Son arrivée sur le banc niçois ramène des souvenirs à bon nombre de gens sur la Côte d’Azur dont Mickaël Roussel, devenu depuis chef matériel de l’équipe de Ligue Magnus, et coéquipier d’Audric Papin en 2003. Tout juste rentré de Rouen avec l’équipe niçoise en élite, il ne tarit pas d’éloges sur son ex-coéquipier : « Il s’est toujours accroché. C’est un grand travailleur et on voit qu’il s’occupe de son équipe. Quand il est arrivé, il est venu me voir pour savoir si je pouvais éventuellement m’occuper de l’équipement de ces joueurs. J’ai dit oui, car c’est une belle personne. Le hockey serait perdant de perdre un mec comme lui. Il s’arrache pour ses joueurs et est respectueux avec tout le monde. »
“Il responsabilise tout le groupe“
Appliqué dans sa tâche de coach, Audric Papin est méticuleux dans son approche. Avant un match, il passe les heures qui précèdent à préparer ses notes pour son équipe dans l’hôtel jouxtant la patinoire Jean Bouin.
Il connaît son effectif sur le bout des doigts, les forces et les faiblesses ainsi que la psychologie de chacun.
« Je ne suis pas un intellectuel du hockey, seulement quelqu’un d’appliqué, d’impliqué et qui crois en l’humain », nuance Audric.
Dans son vestiaire, il cherche à responsabiliser chaque joueur, qu’il soit jeune ou plus âgé et veille à leur attitude.
Dans les dernières minutes qui précèdent le coup d’envoi d’un match, Audric peut très bien convoquer un de ses joueurs pour transmettre des consignes individualisées et personnalisées. Même si une causerie d’équipe a eu lien bien avant. « Audric, c’est l’humain avant tout. Après les matchs, il appelle tous les joueurs dans les jours qui suivent pour avoir les impressions. C’est un côté humain qui fait la différence. (…) Il nous fait prendre conscience du rôle qu’on a et du rôle qu’on va avoir par la suite. Il nous fait grandir », commente Matthieu Perry, attaquant canadien, évoluant dernièrement sur le premier et le deuxième trio. « Il nous donne beaucoup de responsabilités, surtout à nous, les jeunes. À un moment, on est allé à Briançon et on avait un mini-bus pour notre groupe. On a fait un stop à la boutique de hockey à Gap. Il nous a laissé gérer en disant : “Il faut juste être de retour à 17h30“. Il nous donne des responsabilités même si on est un peu jeune, un peu con, un peu fou. C’est des petits gestes, mais qui comptent beaucoup pour la confiance. »
Cédric Cheylan, attaquant lui aussi, ajoute : « Les valeurs d’exemplarité sont importantes pour lui. Il responsabilise tout le groupe. » Reconnu pour son franc-parler, Audric n’y va pas par quatre chemins pour s’adresser à ses joueurs : « Il est capable de me dire “Tu ne travailles pas assez“ ou “Tu peux tirer plus vite“. Il nous pousse à être performants, car il connaît le potentiel de chacun et donc de l’équipe. C’est une attitude de coach professionnel », dévoile le meilleur pointeur de l’équipe Aleksandr Shalamov.
C’est cette attitude notamment qui permet à Audric et à son équipe de décrocher sa place pour les playoffs, le 22 février 2025 après une victoire 9-6 contre les Castors d’Avignon. Une réussite pour sa première saison aux commandes, saluée par Jean-Hubert Morin, Président historique du club.
Expressif de nature, Audric Papin confie qu’il croit aux capacités de son équipe à monter en D2. Mais au fond pour lui, l’essentiel semble ailleurs. « Mon but est que le groupe aille bien et qu’on aille le plus haut possible tous ensemble. J’ai des gars qui se battent pour l’équipe et pour devenir des hommes meilleurs. Sur la glace, c’est là où on devient des hommes. (…) Je veux juste que ceux que j’encadre se disent « On a passé un bon moment, on a progressé et évolué » ». Et à écouter ses joueurs dans le vestiaire après leur récente victoire, on se dit que sa mission est accomplie.