Les deux superpuissances du hockey féminin, Canada et États-Unis, se retrouvaient à l’occasion de la finale de la 24e édition des Mondiaux élite féminins, une édition qui a battu des records.
122 331 spectateurs, le Championnat du monde organisé à České Budějovice a battu le record de fréquentation pour un Mondial féminin, surpassant les 119 231 visiteurs à Winnipeg 2007. Si à l’époque, le tournoi dans le Manitoba a réussi cette performance avec moins de matchs, il été organisé en partie dans le grand MTS Centre, bien plus spacieux donc que la Budvar aréna.
En tout cas, ce record de fréquentation, rappelons le pour le premier mondial féminin organisé en Tchéquie, était un enjeu national car si tous les matchs de l’équipe nationale tchèque se sont déroulés à guichets fermés, les autres rencontres se sont jouées devant un public nombreux, notamment par le biais des sorties scolaires. Ce record intervient un an après les Mondiaux masculins de Prague et d’Ostrava qui avaient également établi un record de fréquentation. À cela s’ajoutent les très scores d’audience sur CT Sport, et une fan zone qui a vu plusieurs dizaines de milliers de spectateurs pendant la compétition. « Nous savions que vous étiez un pays de hockey. Et vous avez récidivé » annonçait Matti Nurminen, le directeur général de l’IIHF. Les organisateurs ont reçu les éloges de la fédération internationale, et selon Hokej.cz, bon nombre de joueuses ont estimé qu’il s’agissait de la meilleure édition du Mondial féminin. Le président du comité d’organisation Petr Bříza estime qu’un nouveau championnat du monde féminin pourrait être organisé en Tchéquie à l’horizon 2032-2033. Dans la grande O2 Arena de Prague ?
La progression ces dernières années et les très bons résultats de l’équipe nationale ont leur importance dans ce succès. Dans une Budvar aréna en ébullition, la Tchéquie n’était d’ailleurs pas loin de faire tomber les Américaines en demi-finale. L’ouverture du score de Tereza Plosová au quart d’heure de jeu a fait chavirer tout un peuple. Laila Edwards a égalisé en seconde période mais ce n’est qu’à 12 minutes de la fin que Kelly Pannek a inscrit le but gagnant des États-Unis. Avec 43 arrêts, Klára Peslarová a été fantastique devant la cage tchèque, et à voir le soulagement des Américaines au buzzer, elles étaient bien conscientes d’être passées près d’une lourde désillusion.
Même si les Tchèques n’ont véritablement aucun regret à avoir sur cette demi-finale, leur championnat du monde s’est terminée avec beaucoup de frustration. Avec l’objectif d’une médaille en tête, elles ont disputé la médaille de bronze contre la Finlande. Kristýna Kaltounková n’a ouvert le score qu’après trois minutes de jeu, et les Tchèques menaient 3-0… avant que la Finlande ne réagisse en renversant la situation. Elisa Holopainen a égalisé à 93 secondes de la fin, et Jenniina Nylund a finalement offert le bronze en prolongation aux Naisleijonat, la deuxième médaille de bronze en deux ans pour la Finlande. Immense déception pour les Tchèques qui avaient à cœur d’offrir une médaille à leur public et qui ont livré une véritable bataille à chaque match. Kateřina Mrázová, pendant longtemps incertaine de participer à la compétition, a d’ailleurs annoncé qu’elle avait joué avec deux os cassés et un ligament déchiré au poignet, c’est dire la motivation qui a porté cette équipe tchèque qui aura rapidement les yeux rivés vers les JO 2026.
Nouvelle finale entre rivales
En finale s’affrontaient donc les deux équipes rivales nord-américaines pour la 23e fois en 24 championnats du monde. Si les Américaines ont connu bien des difficultés à assurer leur victoire contre la Tchéquie en demi-finale, les Canadiennes avaient écrasé la Finlande 8-1, grâce à sept buteuses différentes.
La premier danger de cette finale intervient à la 4e minute, un lancer de Daryl Watts est mal contrôlé par Aerin Frankel qui est obligée de se coucher. Une minute plus tard, c’est Laura Stacey qui frappe à la porte de la gardienne de Boston. La première vraie opportunité des Américaines arrive à la 9e minute sur une erreur individuelle : Ambrose perd le palet en zone neutre, Tessa Janecke s’en empare et part seule, elle cherche à le glisser entre les jambières mais cela ne surprend pas Ann-Renée Desbiens. Et à la 12e minute, Desbiens repousse un assaut d’Abbey Murphy. Malgré ces occasions, le score est alors de 0-0 à la fin du premier tiers-temps.
En seconde période, Turnbull et Edwards se créent de nouvelles occasions. Desbiens réalise un superbe arrêt de la jambière alors que Nurse héritait d’une bonne passe de Fillier. Mais en l’espace de deux minutes, la rencontre va devenir totalement folle. À la 28e minute, Alex Carpenter est à la récupération derrière le but canadien et tente de le faire rentrer avec Hilary Knight, Caroline Harvey obtient le rebond et ouvre le score en envoyant le palet dans la lucarne (1-0). Harvey, qui avait laisser tomber son smartphone sur la glace en plein quart de finale contre l’Allemagne, fait signe que l’appel a bien été reçu. Et les Américaines ne vont pas raccrocher. 29 secondes plus tard, Kendall Coyne Schofield envoie un palet qui semble anodin sur Desbiens qui le relâche, Abbey Murphy qui arrive comme une fusée parvient à profiter du rebond (2-0).
Mené de deux buts, le Canada va réagir quasi instantanément. Après un premier arrêt sur Emily Clark, Frankel voit le palet parvenir jusqu’à Danielle Serdachny qui frappe, la mitaine de la gardienne du Boston Fleet est trop courte (2-1). Une minute plus tard, Marie-Philip Poulin obtient la mise en jeu en zone offensive, Laura Stacey conserve le palet derrière la cage et le laisse à Capitaine Poulin qui remet devant le but à Jennifer Gardiner (2-2). Le trio de la Victoire de Montréal Gardiner – Poulin – Stacey aura été absolument spectaculaire après avoir amassé 30 points en 7 matchs durant ce tournoi ! Après ces quatre buts en l’espace de 2 minutes 16 secondes, Frankel et Desbiens vont momentanément refermer la porte, y compris lors des deux jeux de puissance canadiens avant la deuxième pause.
Mais les esprits vont s’envenimer au début de la troisième période. Sarah Nurse est sanctionnée pour un coup d’épaule sur Taylor Heise. Et 14 secondes plus tard (!), Laura Stacey percute violemment Aerin Frankel qui était sortie pour le poke-check. Sonnée, Frankel laissera alors sa place à Gwyneth Philips. À 5 contre 3, Taylor Heise se fait justice, l’attaquante de Minnesota réalise un puissant lancer du poignet et envoie le puck lucarne opposée (3-2). Les Canadiennes ne céderont pas plus en infériorité numérique, y compris lors d’une nouvelle pénalité de Fast. Mieux, elles égalisent à six minutes de la fin du match. Emily Clark frappe et ne lâche pas la pression devant la cage alors que le palet est toujours en jeu, Sarah Fillier s’en empare et marque entre les jambières de Philips (3-3).
Pour la deuxième année consécutive, la finale entre les deux superpuissances nord-américaines ira en prolongation. Dès les premières secondes, Fillier est proche de dévier pour un « golden goal » après un bon centre de Watts. Desbiens de la jambière sur Heise et Philips en papillon face à Poulin prolongent le suspense. Harvey, Stacey par deux fois manquent de peu de faire basculer le match dans un camp comme dans l’autre.
Et c’est finalement sur une erreur individuelle que tout va se jouer. Jocelyne Larocque patiente derrière la cage canadienne, sous le pressing elle veut solliciter Sarah Fillier… qui se dirige vers le banc, sa relance atterrit dans la crosse de Taylor Heise qui transmet à Tessa Janecke postée poteau gauche, l’attaquante américaine bat Desbiens dont la parade ne peut rien (4-3). Le cadeau était trop beau.
Les États-Unis récupèrent leur titre mondial des mains du Canada qui l’avait emporté en 2024. L’équipe entraînée par John Wroblewski, qui avait déjà remporté le groupe A et donc battu le Canada au tour préliminaire, envoie une message fort à un an des Jeux olympiques de Milan-Cortina.
Devant le but, Gwyneth Philips avait un sacré challenge en remplaçant Aerin Frankel au pied levé en troisième période, la gardienne du Ottawa Charge aura fait face à 17 tirs canadiens dont 10 en prolongation. Marie-Philip « Captain Clutch » Poulin n’a finalement rien pu faire malgré encore une sacrée dose d’énergie déployée. À 34 ans, Poulin est la meilleure marqueuse de ce Mondial 2025, elle en a profité pour devenir la joueuse canadienne la plus prolifique des championnats du monde en dépassant Hayley Wickenheiser, et elle a été élue meilleure joueuse du tournoi pour la deuxième fois de sa carrière.
Désormais tout ce petit monde va se retrouver pour la fin de la saison régulière PWHL dès le 26 avril. En tout cas, ce Mondial de České Budějovice aura clairement marqué les esprits.
Élues joueuses du match : Tessa Janecke pour les États-Unis, Renata Fast pour le Canada.
Honneurs individuels du Mondial 2025 :
Meilleure gardienne : Aerin Frankel (USA)
Meilleures défenseure : Caroline Harvey (USA)
Meilleure attaquante : Marie-Philip Poulin (CAN)
Meilleure joueuse : Marie-Philip Poulin (CAN)
Équipe type des médias :
Klára Peslarová (G / TCH)
Renata Fast (D / CAN) – Ronja Savolainen (D / FIN)
Marie-Philip Poulin (A / CAN) – Kelly Pannek (A / USA) – Kristýna Kaltounková (A / TCH)
États-Unis – Canada 4-3 (0-0, 2-2, 1-1, 1-0)
Dimanche 20 avril 2025 à 18h00 à la Budvar aréna de České Budějovice. 5369 spectateurs.
Arbitres : Kelly Cooke (USA) et Cianna Lieffers (CAN) assistées de Justine Todd (CAN) et Kirsten Welsh (CAN).
Pénalités : États-Unis 4’ (0’, 4’, 0’, 0’) ; Canada 6’ (0’, 0’, 6’, 0’).
Tirs : États-Unis 30 (8, 8, 7, 7), Canada 47 (14, 15, 8, 10).
Évolution du score :
1-0 à 27’16” : Harvey assistée de Knight et Carpenter
2-0 à 27’45” : Murphy assistée de Coyne Schofield et Stecklein
2-1 à 28’37” : Serdachny assistée de Fast et Clark
2-2 à 29’32” : Gardiner assistée de Poulin et Stacey
3-2 à 45’27” : Heise assistée de Murphy et Edwards (sup. num.)
3-3 à 54’12” : Fillier assisté de Clark
4-3 à 77’06” : Janecke assistée de Heise
États-Unis
Attaquantes :
Tessa Janecke (+1) – Alex Carpenter (A, -1) – Hilary Knight (C, -1)
Joy Dunne – Taylor Heise (+2) – Lacey Eden (2’)
Kendall Coyne Schofield (+1) – Kelly Pannek – Abbey Murphy (+1)
Hayley Scamurra (-2) – Britta Curl (-1) – Grace Zumwinkle
Jesse Compher (-1)
Défenseures :
Megan Keller (A, -1, 2’) – Laila Edwards
Caroline Harvey – Haley Winn (-1)
Lee Stecklein – Cayla Barnes (+1)
Savannah Harmon
Gardienne :
Aerin Frankel puis Gwyneth Philips à 44’35”
En réserve : Ava McNaughton (G), Anna Wilgren (D), Kirsten Simms (A).
Canada
Attaquantes :
Jennifer Gardiner – Marie-Philip Poulin (C, -1) – Laura Stacey (2’)
Sarah Nurse (-1, 2’) – Sarah Fillier – Daryl Watts (-2)
Emily Clark (+1) – Blayre Turnbull (A) – Brianne Jenner (+1)
Emma Maltais (+1) – Kristin O’Neill (+1) – Danielle Serdachny (+1)
Julia Gosling
Défenseures :
Ella Shelton – Renata Fast (2’)
Claire Thompson (-1) – Erin Ambrose (+1)
Jocelyne Larocque (A, -1) – Chloe Primerano (+2)
Sophie Jaques
Gardienne :
Ann-Renée Desbiens
Remplaçante : Kristen Campbell (G). En réserve : Eve Gascon (G), Micah Zandee-Hart (D), Natalie Spooner (A).