Rouen est à 60 minutes d’une performance qu’aucune équipe française n’a jamais réalisée : atteindre les quarts de finale de la Ligue des Champions. La victoire 3-0 à l’aller est un premier pas, mais pas un matelas assez confortable. C’est même ce qu’on a coutume d’appeler la pire avance dans le hockey sur glace. Klagenfurt – adversaire des Rouennais en poule – peut en témoigner après la « remontada » d’hier soir, une défaite 1-8 à Leksand qui a renversé le 4-0 de l’aller. Point positif : les Rouennais sont au complet pour la première fois dans cette campagne européenne.
L’ambiance a bien changé en une semaine. Mercredi dernier, les Dragons se produisaient devant un record de spectateurs sur l’île Lacroix, la deuxième meilleure affluence des huitièmes de finale aller derrière Fribourg-Gottéron. Mais l’Autriche est un des pays les plus frappés par la cinquième vague de Covid-19 et elle vient d’être remise sous confinement. Le match a lieu à huis clos et le RHE est donc replongé dans l’atmosphère fantôme du hockey sous pandémie, auquel il n’est – heureusement – plus habitué.
L’absence d’encouragements n’empêche pas les deux équipes d’être actives et de se procurer des occasions. À la quatrième minute, le petit défenseur offensif Dominique Heinrich est bien trop seul face au but sur la passe de derrière la cage de Benjamin Nissner, mais son tir à bout portant est détourné par le bras droit de Matija Pintarič.
La domination de Salzbourg devient de plus en plus franche, et elle se concrétise quand Anthony Guttig part en prison pour attitude antisportive. Thomas Raffl, dos au but est servi au poteau droit par Jan Mikael Järvinen. Le capitaine autrichien contrôle le palet et enchaîne avec une passe au cercle opposé que contre parfaitement Chakiachvili en se baissant… mais le palet revient sur Raffl qui l’envoie directement dans les filets (1-0).
Dès la première minute du deuxième tiers-temps, Joël Caron passe de l’arrière du but à Rolands Vigners lancé qui se fait accrocher par T.J. Brennan. Dans les derniers instants de la pénalité, David Gilbert se lance dans un slalom à travers la défense et repique devant le gardien mais croise trop son revers. De l’autre côté de la patinoire, le forechecking de Raffl derrière le but offre le palet en retrait à Järvinen qui échoue du revers sur Pintarič.
L’élan reste normand et une bonne incursion individuelle de Joris Bedin envoie Benjamin Nissner en prison pour un cinglage. Tolvanen est encore très solide face à la forte pression des Dragons qui construisent plus de jeu offensif. En fin d’avantage numérique, Loïc Lampérier, dans l’axe à la ligne bleue offensive, réceptionne une belle longue passe de Florian Chakiachvikli et se présente seul face au gardien finlandais, qui pare le tir de justesse avec son bras gauche. Ce temps fort jaune et noir, avec 10 tirs cadrés à 2 en huit minutes, a buté majoritairement sur un seul homme, Atte Tolvanen, peut-être décidé à élever son niveau à celui de Pintarič la semaine dernière.
À la mi-match, Salzbourg commence à installer sa possession en zone offensive, mais sans grande intensité face à des Dragons qui contrôlent bien le milieu. Le RHE semble alors prendre de plus en plus le dessus dans les duels… jusqu’à cette très longue séquence de Salzbourg dans la zone normande, la première à durer autant. La défense fatigue manifestement et le lancer de la ligne bleue du défenseur canadien Keegan Kanzig est subtilement dévié par l’inévitable Thomas Raffl (2-0).
Contrairement au premier, ce deuxième but ne sanctionne pas une équipe normande en train de plier, mais plutôt le manque d’efficacité antérieur des hommes de Fabrice Lhenry. Mais la fin de tiers est ensuite très difficile avec des tirs autrichiens à répétition et il faudra tenir mentalement et physiquement. Rolands Vigners hérite d’un palet providentiel de contre-attaque à une minute de la pause mais le palet est capricieux et le revers de l’attaquant letton, ni puissant ni précis, va dans la poitrine de Tolvanen.
Rouen a vingt minutes à tenir mais peut se saisir de la moindre opportunité. Quand la défense de Salzbourg cafouille devant sa propre cage, Anthony Guttig surgit pour prendre le palet face à Harnisch, mais Tolvanen repousse une fois de plus. Tout comme son compère Raffl, Jan-Mikael Järvinen est dominant depuis le début du match, notamment dans les mises au jeu. Il en remporte une en zone offensive, et après un passage par la ligne bleue, le palet revient au Finlandais au même endroit et il plonge pour le propulser au fond des filets (3-0). Égalité parfaite sur l’ensemble des deux rencontres.
Une obstruction du junior Lucas Thaler arrive à point nommé pour relancer les Dragons, mais ils ne concrétisent toujours pas cette supériorité numérique. Ils ne relâchent cependant pas leur effort, et à cinq minutes de la fin, l’éclaircie apparaît : sur une action installée, un tir de la bleue de Dylan Yeo, avec Rolands Vigners en déviation sur la trajectoire, termine en pleine lucarne (3-1).
On sent un regain d’énergie dans les jambes rouennaises face à une équipe de Salzbourg qui pensait avoir fait le plus dur. Rouen contrôle le jeu avec une bonne organisation défensive et fait bloc pour ne pas laisser d’espace dans les zones-clés.
Sur un palet envoyé près de la cage pour être gelé par Pintarič à 1’31 de la fin, Matt McIlvane appelle son temps mort et sort son gardien. Les Dragons ressortent mais Lampérier commet un accrochage en zone neutre. La dernière minute se joue donc à 6 contre 4, mais même une mêlée devant les buts rouennais ne donne rien.
Les Dragons signent une nouvelle page majeure de leur histoire européenne. Les voilà parmi le gratin du hockey européen au milieu de trois clubs suédois, Munich, le Sparta Prague et… deux clubs finlandais. Lukko a en effet été déclaré vainqueur sur la foi du match aller gagné 3-1, faute de pouvoir trouver une date pour jouer le match retour à cause du grand nombre de cas positifs de Covid-19 dans son équipe, au grand dam de Bolzano qui veut contester cette décision tombée aujourd’hui.
Le prochain tour face au Tappara de Charles Bertrand sera une toute autre paire de manches pour le RHE. Plus de tirage favorable cette fois, mais du très haut niveau. Est-il possible de l’aborder sans renfort ? La qualification apporte 30 000 euros de plus dans les caisses mais le délai est très court en deux semaines si le club n’a pas déjà anticipé cette hypothèse. Ce quart de finale des 7/8 et 14 décembre devra en effet se jouer sans la quatrième ligne offensive, sélectionnée dans son intégralité à ces dates-là en équipe de France des moins de 20 ans. Certes ce trio a très peu joué ce soir, mais Salzbourg n’en a pas vraiment profité car son rythme de jeu a rarement asphyxié les Rouennais. Cela risque d’être différent face à une formation de Liiga. Cette qualification évidemment pas prévue dans le calendrier obligera à reporter deux matches de plus en Ligue Magnus et il faudra un effectif copieux pour gérer l’enchaînement infernal des rencontres lors de la seconde moitié de saison des Dragons.
Commentaires d’après-match
Matt McIlvane (entraîneur de Salzbourg) : « La différence dans cette série s’est faite au premier match, nous n’avons pas été assez bons pour le gagner. Les joueurs voulaient se rattraper ce soir, et ils avaient de l’énergie même sans notre public. Nous avons bien mieux joué offensivement. Nous avons remonté notre retard, malheureusement nous avons cédé sur la fin sur un tir de la bleue. Nous fondions de gros espoirs dans cette Champions Hockey League, on peut être satisfait de l’effort de ce soir mais pas du résultat. »
Fabrice Lhenry (entraîneur de Rouen) : « C’est extraordinaire pour notre équipe, ce soir on a vraiment travaillé fort. Nous avons été dominés mais nous avons vraiment su défendre. Nous sommes venus pour essayer de remporter le match, mais nous sommes tombés contre une belle équipe de Salzbourg qui a très bien joué. Notre gardien a fait les arrêts nécessaires sur la fin pour nous garder dedans. C’est historique pour le club et pour le hockey français. On est content de se qualifier pour la première fois en quart de finale. On va prendre match après match. C’est bien pour nous de prendre un peu plus d’expérience contre Tampere, une belle équipe finlandaise. On va donner le maximum pour faire de bons résultats et bien représenter le hockey français. »
Salzbourg – Rouen 3-1 (1-0, 1-0, 1-1)
Mercredi 24 novembre 2021 à 20h20 à l’Eisarena de Salzbourg. Huis clos.
Arbitres : Kristijan Nikolić et Christoph Sternat (AUT) assistés d’Elias Seewald et Simon Riecken (AUT).
Pénalités : Salzbourg 6′ (0′, 4′, 2′) ; Rouen 4′ (2′, 0′, 2′).
Tirs cadrés : Salzbourg 54 (16, 19, 19) ; Rouen 28 (6, 13, 9).
Évolution du score :
1-0 à 15’58 : Raffl assisté de Järvinen et Pallestrang (sup. num.)
2-0 à 35’52 : Raffl assisté de Kanzig et Heinrich
3-0 à 49’38 : Järvinen assisté de Raffl et Schreier
3-1 à 54’48 : Vigners assisté de Yeo et Caron
Salzbourg
Attaquants :
89-70-48 Florian Baltram – Benjamin Nissner (2′) – Lucas Thaler (2′)
5-71-3 Thomas Raffl (C, +2) – Jan-Mikael Järvinen (+2) – Peter Schneider (A, +2)
52-9-27 Paul Huber (-1) – Ali Wukovits (-1) – Ty Loney (-1)
42-40-65 Josef Eham – Tim Harnisch – Rasmus Lahnaviik
64 Oskar Maier
Défenseurs :
91-55 Dominique Heinrich (A, +2) – Lukas Schreier (+1)
43-90 T.J. Brennan (2′) – Alexander Pallestrang
55-14 Keegan Kanzig – Kilian Zündel (-1)
18 Paul Stapelfeldt
Gardien :
35 Atte Tolvanen [sorti à 58’28]
Remplaçant : Thomas Pfarmeier (G). Absents : Jean-Philippe Lamoureux, Peter Hochkofler, Mario Huber, Aljaž Predan, Danjo Leonhardt (blessés), Jakub Borzecki (malade), Vincent Lo Verde (suspendu).
Rouen
Attaquants :
61-96-91 Andrew Johnston (-1) – Joël Caron (-1) – Rolands Vigners (-1)
67-71-6 David Gilbert – Anthony Guttig (A, 2′) – Vincent Nesa
27-90-37 Loïc Lampérier (A, 2′) – Kelsey Tessier – Joris Bedin
puis à 20’00 [pour un total de trois présences]
7-5-14 Jordan Hervé – Joran Reynaud – Quentin Tomasino
Défenseurs :
8-36 Dylan Yeo – Mark Flood (C)
62-41 Florian Chakiachvili (-1, 2′) – Enzo Cantagallo (-1)
44-10 Sacha Guimond – Marc-André Dorion
Gardien :
69 Matija Pintarič
Remplaçant : Valentin Duquenne (G). Absent : Théo Gueurif (épaule).