L’exclusion de la Russie et du Bélarus de l’élite mondiale libère mathématiquement deux places supplémentaires dans l’élite mondiale, au moins pour quelques années. Un effet collatéral positif pouvait donc être l’opportunité pour de nouvelles nations d’accéder à une élite qui se refusait à elles. Et quand on dit cela, tous les regards se tournent forcément vers la Pologne. Et pas uniquement parce que ce pays est (avec les Baltes) le plus méfiant vis-à-vis de l’expansionnisme russe, pour des raisons historiques évidentes, et donc le principal soutien de l’Ukraine pour l’aider à récupérer ses territoires conquis et pour accueillir les familles réfugiées.
En hockey sur glace, la dernière accession de Pologne à l’élite remonte à 2001 c’était à Grenoble dans une patinoire Pôle Sud qui sentait encore la peinture fraîche. Elle était redescendue l’année suivante. Depuis vingt ans, les Polonais végètent dans les divisions inférieures. Ils sont passés assez près de retrouver l’élite en 2015, dans un match décisif à Cracovie contre la Hongrie, puis en 2016, devancés à la confrontation particulière par l’Italie, leur bête noire. Mais le reste du temps, ils ont surtout fait l’ascenseur avec la division IB, encore un étage plus bas.
Cette année à Nottingham, la Pologne a d’abord prouvé sa valeur en prolongation face à la Grande-Bretagne organisatrice (3-4). Elle craignait que ce maudit but de Ben Lake à 4 contre 3 (le gardien polonais John Murray avait été pénalisé pour faire trébucher dans le temps supplémentaire) ne soit encore fatal. Ayant perdu, les Polonais devait battre l’autre adversaire majeur, l’Italie. Une équipe qu’ils n’avaient plus battue… depuis 2002, leur dernière année dans l’élite, pour rien puisque les deux pays furent relégués par la protection dont bénéficiait le Japon.
Les tribunes ont choisi leur camp : on recense un millier de Polonais contre quelques dizaines d’Italiens. Les joueurs en blanc se sentent poussés et maintiennent le jeu en zone offensive pendant les deux premières minutes, déjà un signal fort. Après cinq minutes de jeu, Radosław Galant vient presser Gregorio Gios contre la balustrade pour lui prendre le palet et le passer à Michalski qui reprend dans son élan et trompe Justin Fazio (0-1). Mais l’égalisation arrive une minute plus tard. Daniel Mantenuto gagne un engagement en zone offensive pour un lancer puissant d’Alex Trivellato à la ligne bleue (1-1). Le jeu reste équilibré jusqu’à ce que la sirène retentisse. Tommaso Traversa a alors une altercation avec Fraszko… et se fait exclure du match pour un coup de tête après l’appel des arbitres à la vidéo !
Les cinq minutes d’infériorité numérique italienne sont sanctionnées par le tarif moyen, un but. Après une mise au jeu remportée par Grzegorz Pasiut sur le côté droit, Patryk Wronka sert devant la cage Krystian Dziubinski qui conclut de près. Maus une fois revenus au complet, les Azzurri égalisent pendant une pénalité différée. Angelo Miceli déborde sur l’aile gauche et sert Peter Spornberger qui remet aussitôt à Daniel Tedesco dans le slot. L’Italie reprend l’ascendant en avantage numérique (surnombre polonais) et poursuit son forechecking à 5 contre 5. les Polonais fatiguent loin de leur banc… mais marquent contre le cours du jeu. Alan Łyszczarczyk lutte derrière la cage italienne et force Spornberger à commettre une erreur sous pression. Il donne le palet à Krystian Dziubinski, dont le tir est dévié par le patin de Bartłomiej Jeziorski (2-3).
L’Italie donne tout pour revenir, ce qui laisse des occasions à Arkadiusz Kostek ou Patryk Wronka seuls en contre-attaque. Même pendant une pénalité de Łyszczarczyk (faire trébucher) à dix minutes de la fin, les hommes de Mike Keenan ne trouvent pas la solution. Au contraire, une faute identique de Dante Hannoun est exploitée dans les dernières secondes du powerplay. Krystian Dziubiński attire le gardiens et la défense et sert Patryk Wronka qui relaie vers Grzegorz Pasiut avec la cage ouverte (2-4).
Désignés joueurs du match : Bartosz Ciura pour la Pologne et Daniel Tedesco pour l’Italie.
Ce succès historique attendu depuis plus de vingt ans a malheureusement été éclipsé par la concurrence de la finale de Coupe de Pologne de football. Ce pas très grand spectacle (0-0, tirs au but et trois cartons rouges) a rassemblé 1,1 million de téléspectateurs polonais, contre 80 000 (0,86% de parts de marché) pour l’équipe nationale de hockey sur glace. Le sport-roi écrase tout.
Avec 4 points sur 6 possibles face à leurs deux principaux rivaux, les hockeyeurs polonais se sont mis sur une voie royale pour monter dans l’élite mondiale, à confirmer en ne se ratant pas face à la Corée du Sud et à la Roumanie. Les Italiens, eux, devront sûrement battre les Britanniques dans le temps réglementaire vendredi soir pour monter eux aussi…
Commentaires d’après-match :
Grzegorz Pasiut (attaquant de la Pologne) : « Peu importe depuis combien d’années nous n’avions pas gagné contre eux. Ce qui comptait, c’était le match du jour, et à cet instant il est devenu de l’histoire. Nous avons gagné, nous avons fait ce qu’il fallait et nous nous concentrons sur le match suivant. Ce seront des rencontres complètement différentes. Nous jouerons plus avec le palet, nous créerons plus le jeu. »
Róbert Kaláber (entraîneur de la Pologne) : « Les gars se sont battus, les émotions étaient là. Un peu nerveux à la fin, mais c’est ce pourquoi nous jouions. Nous menions d’un but, nous avons priorisé la défense et ajouté un but qui nous a servi de filet de sécurité si quelque chose arrivait en fin de match. Il n’y aura pas de célébration de la victoire, la récupération commence immédiatement. Les gars doivent bien manger et engager la régénération biologique sous la supervision des kinés. Nous avons deux rencontres difficiles devant nous. Nous avons moins de temps pour récupérer que la Corée du Sud. Ils patinent très bien, ils ont une bonne formation technique. Ils n’ont pas d’expérience et ils sont jeunes, mais ils nous donneront des conditions difficiles. »
PS : la Pologne a mis 7-0 à la Corée du Sud et a un patin et demi au Mondial 2024 de Prague.
Italie – Pologne 2-4 (1-1, 1-2, 0-1)
Mardi 2 mai 2023 à 16h00 à la Motorpoint Arena de Nottingham. 1318 spectateurs.
Arbitrage de Roy Hansen (NOR) et Milan Zrnic (SLO) assistés de Norbert Muzsik (HON) et Gasper Jaka Zgonc (SLO).
Pénalités : Italie 29′ (5’+20′, 2′, 2′) ; Pologne 8′ (0′, 6′, 2′).
Tirs : Italie 31 (9, 11, 11) ; Pologne 23 (10, 7, 6).
Évolution du score :
0-1 à 05’23 : Michalski assisté de Galant
1-1 à 06’28 : Trivellato assisté de Mantenuto
1-2 à 22’10 : Dziubiński assisté de Wronka et Pasiut (sup. num.)
2-2 à 26’34 : Tedesco assisté de Spornberger et Miceli
2-3 à 37’06 : Jeziorski assisté de Dziubiński
2-4 à 56’53 : Pasiut assisté de Wronka et Kolusz (sup. num.)
Italie
Attaquants :
Angelo Miceli (-1) – Alex Petan (A, +1) – Daniel Tedesco
Luca Frigo (+1) – Daniel Mantenuto (2′) – Marco Zanetti (+1)
Pascal Brunner – Dante Hannoun (2′) – Michele Marchetti
Ivan DeLuca (-1) – Tommaso Traversa (-1, 5’+20′) – Brandon McNally
Défenseurs :
Peter Spornberger – Thomas Larkin (C)
Alex Trivellato (A, +1) – Phil Pietroniro (+1)
Enrico Miglioranzi (-1) – Marco Insam
Daniel Glira – Gregorio Gios (-1)
Gardien :
Justin Fazio [sorti à 58’33]
Remplaçant : Damian Clara (G).
Pologne (2′ pour surnombre)
Attaquants :
Bartosz Fraszko – Grzegorz Pasiut – Patryk Wronka (2′)
Krystian Dziubiński (-1) [puis Jeziorski] – Dominik Paś (-2) [puis Dziubiński] – Alan Łyszczarczyk (-1, 2′)
Bartlomiej Jeziorski (+1) [puis Paś] – Kamil Wałęga – Pawel Zygmunt
Mateusz Michalski (+1) – Filip Starzyński (+1) – Radoslaw Galant (+1)
Défenseurs :
Maciej Kruczek – Patryk Wajda
Marcin Kolusz (A, -1) – Bartosz Ciura (2′)
Pawel Dronia (+1) – Arkadiusz Kostek
Kamil Górny – Oskar Jaśkiewicz
Gardien :
John Murray
Remplaçant : Maciej Miarka (G).