Mannheim est déjà quasiment sûr de participer aux phases finales de CHL, mais la nouvelle formule rend chaque match important puisqu’il s’agit d’avoir la meilleure place possible pour avoir le tableau le plus favorable. Devant plus de 7000 spectateurs, il ne faut pas trop compter sur un relâchement du club allemand, même s’il a connu une mauvaise semaine en DEL (2 points en 3 journées) alors qu’il était leader. Il a renoué avec la victoire dimanche mais a perdu sur blessure son meilleur marqueur Matthias Plachta. Petite surprise dans l’après-midi : Mannheim a annoncé la rupture par accord mutuel avec l’international Taro Jentzsch, pourtant sous contrat jusqu’en 2025. Il ne trouvait pas sa place dans le système du nouveau coach Johan Lundskog.
Rouen, d’habitude performant face aux équipes allemandes en CHL, enregistre le retour en défense de Cantagallo (qui jouera finalement très peu) mais est privé de deux attaquants, Rolands Vigners mais aussi Antonín Honejsek, rentré en Tchéquie pour raisons personnelles. L’enjeu majeur et l’état d’esprit, dont doutait son entraîneur Fabrice Lhenry après la dernière prestation contre Anglet. La première impression est inquiétante. Après trente secondes de jeu, une relance de Florian Chakiachvili dans l’axe de la zone défensive est interceptée par Tom Kühnhackl qui décale Linden Vey pour un one-timer dans le cercle gauche (1-0). Après deux minutes, Loïc Lampérier arrache la crosse de David Wolf devant la cage. Les Dragons jouent de malchance sur cet avantage numérique puisque, dès l’engagement, le tir de Jordan Murray est dévié dans les filets par le patin de Chakiachvili.
Le jeu reste à sens unique. On compte 10 tirs à 1 bien que Mannheim ait fait circuler le palet sans multiplier les tentatives pendant son second avantage numérique (un seul lancer cadré). Le onzième tir fera mouche. Tyler Gaudet commence à accélérer en zone neutre, déborde Florian Chakiachvili et passe de derrière la cage pour la reprise de David Wolf (2-0).
On cherche vainement un motif d’espoir pour Rouen, vite contré dans ses timides incursions en zone offensive. Ce motif se nomme Alexandre Mallet : moins tétanisé que ses coéquipiers, il monte sur Jordan Murray à la ligne bleue, lui vole le palet et provoque la faute. Le powerplay est concrétisé en profitant de la lenteur de replacement du colosse défensif Denis Reul : Loïc Lampérier est campé seul au second poteau et peut convertir la passe de Marcel Haščák sous les bottes d’Arno Tiefensee (2-1).
Les Dragons se réinstallent au moment où la pénalité – non arrêtée par un but avec les règles expérimentales de la CHL – s’achève. Le lancer de Chakiachvili frappe le corps de Jyrki Jokipakka, et pendant la seconde où l’ex-international finlandais grimace de douleur et est hors d’état de jouer, Lampérier envoie le palet au fond (2-2).
Ce score tient du miracle, tant Rouen n’existait pas avant l’obstruction de Murray provoquée par Mallet. Mais après cette pénalité, le match a changé d’âme. Les Dragons auraient même pu rejoindre les vestiaires en avance, par un tir en pivot de Dylan Yeo dans la dernière minute.
Rouen n’est pas guéri de tous ses maux, même Emil Kristensen y va de sa perte de palet dans l’axe de la zone défensive sur une relance croisée en début de deuxième période ; heureusement que Matija Pintarič arrête alors le tir de Daniel Fischbuch. Malgré quelques résurgences offensives, les champions de France, à l’alignement réduit par l’absence de Haščák (en photo ci-dessus, blessé en fin de premier tiers), subissent toujours le jeu. Les Adler ont certainement eu comme consigne pendant la pause de jouer plus directement. En tout cas, ils mitraillent le gardien slovène.
À la mi-match, Chakiachvili accroche David Wolf le long de la bande. Sur la passe transversale de Jordan Szwarz pour Tyler Gaudet, comme sur la passe de ce dernier qui rend la pareille à Szwarz au second poteau, Pintarič réussit deux arrêts décisifs. Quand Rouen sort de sa zone, Milan Kytnár concède une pénalité au milieu de la glace. Mannheim sort son gardien et s’installe à 6 contre 4 pendant la pénalité différée, ce qui soulage Rouen d’une période difficile à 3 contre 5. À quatre, les Dragons parvient à défendre fort, à l’instar d’un remarquable Jordan Hervé qui garde le palet face à deux Allemands au fond de la zone adverse.
Après avoir plié sans rompre, Rouen finit de nouveau mieux le tiers-temps. Sur une action initiée par Mallet, Francis Perron est accroché en fond de zone par Wolf. Pendant l’avantage numérique, Perron signe deux belles passes depuis l’arrière de la cage : Lampérier tire dans la mitaine d’Arno Tiefensee et, surtout, Quentin Tomasino, servi seul entre les cercles, voit son tir détourné de justesse par le jeune gardien qui referme son bras. La grande révélation de la saison passée Arno Tiefensee est aussi décisif en captant parfaitement dans son gant un tir de Perron pour arrêter le jeu alors qu’un de ses coéquipiers a perdu sa crosse. Parité maintenue après 40 minutes.
Le troisième tiers-temps ne débute pas comme les précédents. Ce sont les Rouennais qui sont les plus dangereux et dominent aux tirs (4 à 1) pendant sept minutes, notamment parce qu’une réussite enfin retrouvée aux mises au jeu leur donne plus de possession. Quand Mannheim revient en contrôle du palet en zone offensive, David Wolf lève sa crosse au visage de Kristensen. Le coach suédois Lundskog exprime son mécontentement à l’arbitre en réclamant un retenir dans l’autre sens. Le jeu de puissance est moins fructueux. Kris Bennett essaie de dribbler Kristensen malgré l’infériorité numérique mais le défenseur danois le bloque juste assez pour que Pintarič puisse geler le palet. Cela permet à Mannheim de gagner assez de temps pour revenir à cinq.
À dix minutes de la fin, Dylan Yeo retient Eisenmenger. Sur ce powerplay, Linden Vey initie un jeu en triangle parfait avec Jordan Szwarz sur la ligne de fond et Tyler Gaudet, servi dans le cercle droit, conclut dans le haut du filet avant que n’ait eu le temps de se déplacer (3-2).
Quelques petites approximations allemandes peuvent encore être exploitées. Fabrice Lhenry tire profit d’un dégagement interdit de Mannheim à 1’42 de la fin pour sortir son gardien. Mais quand les Dragons sont sortis de la zone offensive, ils n’arrivent plus à y entrer en contrôle de la rondelle et commettent deux hors-jeu de ligne bleue. Ils ne peuvent plus obtenir qu’un lancer axial de la ligne bleue de Chakiachvili, que Tiefensee bloque sur la sirène.
En difficulté face aux équipes au jeu de transition très rapide, comme Lahti et Genève, les Dragons de Rouen tiennent mieux le choc face à des formations qui se reposent plus sur leurs aptitudes techniques et physiques, comme c’est le cas des meilleures équipes allemandes. Ils ont fait leur match, même si l’adversaire était évidemment un ton au-dessus. Néanmoins, la DEL, qui était à égalité avec la Ligue Magnus en CHL (!), a maintenant pris l’avantage 5 victoires à 3. Mannheim est officiellement en huitièmes de finale et Rouen est logiquement éliminé, comme tous les représentants des petits pays (il reste une chance microscopique à Belfast). La compétition a qualifié presque tous les clubs des grands championnats, plus Innsbruck qui a bénéficié d’un tirage favorable. Seul le perdant du choc Bienne-Tappara de mardi prochain passera étonnamment à la trappe.
Commentaires d’après-match (au micro de la CHL) :
Dylan Yeo (défenseur de Rouen, en photo ci-dessus) : « Une pénalité a fait la différence. Je l’ai prise malheureusement. On ne peut pas prendre une pénalité comme ça à ce moment du match. Nous l’avons payé. Mais je pense qu’on a très bien joué, on a eu nos occasions. »
Fabrice Lhenry (entraîneur de Rouen) : « Ce soir ils ont fait la différence sur les supériorités numériques. Ils ont fait un très bon match mais on a su être bien solidaires défensivement, on a su montrer du caractère aussi pour revenir. Les dix premières minutes, on était un peu attentistes, mais à 2-0 on a vu qu’on pouvait jouer contre eux même s’ils ont dominé l’ensemble du match. Il nous a manqué un peu de profondeur de banc – on avait des blessés ce soir – et d’expérience de cette compétition. L’équipe a fait le maximum, je suis très fier de ce qu’elle a fait pour se battre jusqu’au bout. On est très déçu de ne pas pouvoir continuer, ou au moins jouer le dernier match pour la qualification. Cela restera une bonne expérience et j’espère que ça va nous aider pour la saison nationale. »
Stefan Loibl (attaquant de Mannheim) : « On a très bien démarré, on menait 2-0. Ils sont revenus en powerplay et au retour à cinq contre cinq. Nous avons dominé en grande partie la suite du match. Nous avons eu beaucoup de tiers. L’important est que nous avons su rester patients et travailler proprement derrière, en restant au marquage sur eux. »
photos de Pierre Maillard
Mannheim – Rouen 3-2 (2-2, 0-0, 1-0)
Mercredi 11 octobre 2023 à 19h30 à la SAP Arena. 7172 spectateurs.
Arbitres : André Schrader et Gordon Schukies (ALL) assistés de Kai Jürgens et Patrick Laguzov.
Pénalités : Mannheim 10′ (0’, 6’, 2’) ; Rouen 10’ (2’, 4’, 4’)
Tirs : Mannheim 46 (13, 25, 8) ; Rouen 17 (5, 4, 8)
Mises au jeu : Mannheim 39 (12, 22, 5) ; Rouen 25 (9, 6, 10)
Évolution du score :
1-0 à 01’55 : Murray assisté de Bennett et Gaudet (sup. num.)
2-0 à 26’41 : Wolf assisté de Gaudet et Loibl
2-1 à 15’08 : Lampérier assisté de Haščák et Perron (sup. num.)
2-2 à 16’41 : Lampérier assisté de Yeo et Chakiachvili
3-2 à 51’20 : Gaudet assisté de Szwarz et Vey (sup. num.)
Mannheim
Attaquants :
Kris Bennett (+1) – Linden Vey (+1) – Tom Kühnhackl (+1, 2’)
Markus Hännikäinen – Jordan Szwarz – Daniel Fischbuch (2’)
Stefan Loibl – Tyler Gaudet – David Wolf
Ryan McInnis – Maximilian Eisenmenger – Simon Thiel
Défenseurs :
Denis Reul – Jordan Murray
Paul Mayer – Korbinian Holzer
Max Gildon – John Gilmour
Jyrki Jokipakka
Gardien
Arno Tiefensee
Remplaçant : Felix Brückmann (G). Absents : Taro Jentzsch (rupture de contrat), Matthias Plachta (bras).
Rouen
Attaquants :
Marcel Haščák – Francis Perron – Alexandre Mallet
Anthony Rech – Jordan Hervé – Quentin Tomasino
Loïc Lampérier (C) – Milan Kytnár – Joris Bedin
Antoine Addamo – Vincent Nesa – Tommy Perret
Arrières :
Florian Chakiachvili (A) – Kristaps Sotnieks
Sacha Guimond – Emil Kristensen
Dylan Yeo (A) – Noa Goncalves Nivelais
Enzo Cantagallo
Gardien :
Matija Pintarič [sorti de 58’18
Remplaçant : Tonin Caubet (G). Absents : Antonín Honejsek (raisons personnelles), Rolands Vigners (bas du corps).