Grenoble ouvre un tournoi de demi-finale qui constitue un fort enjeu pour un club aux prétentions européennes souvent contrariées. Le maillot spécial, avec un arc orange en forme de C qui rappelle le logo de la Coupe Continentale, illustre l’importance du rendez-vous. La diffusion élargie (IIHF, télégrenoble et beIN sports pour la première fois) renforce la nécessité de bien figurer. Les Brûleurs de Loups entrent en scène face à l’adversaire le plus faible sur le papier, le Zemgale de Jelgava. Le champion de Lettonie a aussi évolué en parallèle en Mestis – la deuxième division finlandaise – la saison passée, mais se concentre cette année sur sa compétition nationale, élargie pour devenir une vraie ligue de la Baltique.
Pendant la trêve, les Grenoblois ont accueilli un joker de luxe, l’attaquant défensif Roman Lyubimov, ex-international russe bien connu en KHL. Il prend place au centre du troisième trio d’un alignement privé de son meilleur marqueur Alexandre Lavoie malade. La défense pâtit pour sa part des absences de Charles Schmitt et Lucien Onno. Il ne reste plus que cinq arrières de métier. L’ailier Timothé Quattrone est donc utilisé en défense, poste où il a été testé mardi en Coupe de France contre Marseille.
Les Brûleurs de Loups entrent bien dans le match et semblent capables de contrôler physiquement le danger letton qui vient souvent de débordements le long de la bande. Mais sur son aile droite, Daniels Andersons résiste à la mise en échec de Jonathan Racine dans la balustrade et va travailler en fond de zone, où il obtient la faute naïve du néo-défenseur Quattrone qui lui met la crosse entre les jambes. Les Brûleurs de Loups tuent cette première pénalité avec deux bons arrêts de Jakub Stepanek, une mitaine basse sur un lancer de Gatis Gricinskis et une parade sur un tir à bout portant de Kristaps Rokis idéalement servi de derrière la cage par Alksnis.
Le patinage grenoblois s’intensifie pour donner le tempo du match, notamment avec la jeune quatrième ligne qui est la plus incisive à l’attaque. Julien Munoz montre la voie. Après neuf minutes, Flavian Dair se présente seul face à Cimermanis. Le match s’emballe avec une pluie d’occasions dans les deux minutes qui suivent. L’Ukrainien Bohdan Panasenko dribble deux joueurs pour solliciter le gardien, puis c’est Damien Fleury qui part à 2 contre 1 avec Deschamps, sans que ce dernier ne puisse prendre le rebond en cage ouverte. Au tour de Brent Aubin de tester le gardien de près sur une bonne passe en retrait de Sacha Treille.
Cette domination iséroise n’a qu’un défaut : elle est stérile. Cela réveille les démons de la dernière participation des Grenoblois en Coupe Continentale, il y a 6 ans à Renon : ils avaient dominé les trois rencontres aux tirs mais n’avaient mis qu’un but durant tout le week-end.
Lyubimov donne un petit coup de crosse sur le poignet de Zabis et c’est Hardy qui est envoyé par erreur en prison. Maxim Lamarche fait un dégagement risqué qui passe au-dessus du plexi et oblige Grenoble à jouer en double infériorité numérique pendant 1’40 ». Vutkevics, parfaitement servi entre les cercles par Gricinskis, lance… sur la barre transversale ! Ouf de soulagement. Une dernière action de Damien Fleury juste avant la sirène rappelle que Grenoble est normalement supérieur à 5 contre 5.
La seule supériorité qui compte est néanmoins celle du tableau d’affichage. Dès le début de la deuxième période, un palet anodin envoyé depuis la balustrade par Martins Porejs est dévié par la crosse de Daniels Andersons, ou par Crinon au marquage (0-1). Maintenant qu’ils mènent au score, les Lettons se recroquevillent en défense et laissent beaucoup moins d’espaces qu’avant. Qui plus est, le gardien vétéran Rihards Cimermanis ne laisse plus de rebonds contrairement au premier tiers. La tâche des Brûleurs de Loups semble se compliquer à vue d’œil.
Juste avant la mi-match, une grosse présence en zone offensive de la troisième ligne locale provoque la première pénalité balte quand Rokis retient Aubin dans la bande. Ce premier jeu de puissance est essentiellement organisé par Nicolas Deschamps sur le côté droit, avec l’artilleur à la ligne bleue Jere Rouhiainen comme solution alternative, mais il manque du trafic dans le slot pour gêner un gardien qui prend confiance.
La domination grenobloise aux tirs est plus quantitative que qualitative, avec pas mal de lancers en angle et peu de présence dans l’enclave. Les Brûleurs de Loups peuvent d’autant moins se plaindre du score que Zemgale touche une seconde fois le poteau, par Gustavs Miller sur l’aile droite.
Les vice-champions de France continuent d’envoyer des palet à la cage, jusqu’à ce que la chance tourne en leur faveur. Un centre de Sacha Treille est ainsi détourné par le gardien Cimermanis… sur l’arrière de la jambe de son défenseur Gustavs Krumins qui fait entrer la rondelle dans ses propres filets (1-1). Cette égalisation aurait pu être annihilée aussi sec par une contre-attaque solitaire de Kristaps Rokis, mais Stepanek réussit un bel arrêt de la mitaine.
Le troisième tiers-temps débute comme le précédent : par une bonne douche froide sur Polesud. Nicolas Deschamps réceptionne mal une passe en zone neutre, ce qui offre le palet à Daniels Andersons. Celui-ci déborde sur l’aile gauche et prend un lancer dans un angle impossible… mais il vient ensuite prendre son propre rebond et marquer en tour de cage (1-2). L’heure est grave. Les longues relances continuent d’être interceptées et Grenoble vit des moments très difficiles.
Après Søberg qui n’est pas reparu en fin de deuxième période, c’est Loïc Farnier rentre au banc, apparemment blessé à la main. Jyrki Aho doit varier ses lignes, mais le plus gênant est que Zemgale a plus de volonté dans les duels. Pierre Crinon perd le palet qu’il est allé rechercher en fond de zone, Panasenko le donne en retrait à Kevins Stradnieks qui bute sur Stepanek. Un arrêt vital à ce moment.
Il reste moins de onze minutes de jeu et Grenoble se réinstalle enfin en zone offensive. Le défenseur Kyle Hardy réussit à s’infiltrer jusqu’à la cage, mais le face-à-face tourne à l’avantage du gardien Rihards Cimermanis. Les arrières peuvent jouer un rôle pour débloquer la situation, même Rouhiainen vient mettre le feu autour de la cage mais les jeunes attaquants de quatrième ligne auraient dû mieux perturber la vue du gardien sur cette action.
Les occasions restent rares malgré la domination territoriale des Brûleurs de Loups. il suffit d’une transition et Zemgale part à 2 contre 1. Gatis Gricinskis démontre sa grande patience en laissant croire au tir jusqu’à ce que Crinon vienne sur lui… et ouvre la ligne de passe pour la reprise de Vutkevics (1-3). Grenoble est obligé de se découvrir de plus en plus. Stepanek pare du gant un tir de Rokis parti en échappée.
Grenoble n’arrive plus à produire du jeu. Il faut la sortie du gardien pour que les Brûleurs jettent leurs dernières forces à 6 contre 5. Des forces souvent incontrôlées, à l’instar de la crosse de Sacha Treille qui se brise sur un lancer. Les Lettons ne sont pas doués pour viser la cage vide mais les Brûleurs de Loups ne sont guère plus précis de toute manière.
Première journée ratée pour Grenoble face à l’adversaire présumé le plus prenable. Rien n’est perdu pour accrocher une des deux premières places qualificatives en finale, mais il faudra se rattraper dès demain face au Nomad Astana au risque de ne plus avoir son destin en mains. Le champion du Kazakhstan a montré dans l’après-midi contre Cardiff (5-4) qu’il ne pardonnait pas les erreurs adverses.
Malgré les 50 tirs comptabilisés, en nombre croissant à chaque tiers, cette équipe grenobloise n’a pas été de plus en plus tranchante dans le slot adverse. En l’absence de Lavoie, elle manque cruellement d’un stratège en attaque. Nicolas Deschamps aurait pu tenir ce rôle mais il est vraiment en dessous des saisons antérieures, il a perdu beaucoup de duels et a souvent été éloigné du palet par la défense balte. Lyubimov peut apporter de bonnes choses mais il doit encore s’adapter à ses coéquipiers. Derrière, si le poste de défenseur ne s’improvise par pour Quattrone en difficulté à la relance, c’est plutôt Crinon qui s’est compromis sur les buts lettons.
La sortie de la glace se déroule dans la confusion et les arbitres sont appelés à intervenir en raison de propos racistes d’un joueur letton envers le défenseur Jonathan Racine.
Désignés joueurs du match : Sacha Treille pour Grenoble et Rihards Cimermanis pour Zemgale.
Commentaires d’après-match (recueillis par Christophe Laparra) :
Jyrki Aho (entraîneur de Grenoble) : « On doit mériter la chance. Oui on a peut-être été malchanceux. Nous n’avons pas été assez efficaces sur nos occasions alors que nos adversaires l’ont été. Bien sûr, on apprend de bonnes leçons sur ce niveau de hockey. Il y aurait pu également avoir plus de powerplays en notre faveur, en tout cas c’est ce que je ressens assez fortement. En première période, nous avons tué les pénalités, nous avons tué le 3 contre 5, et en deuxième période nous avons créé beaucoup et nous avons été assez bons à égalité numérique, hormis sur cette question d’efficacité. C’était l’histoire du match, on n’a pas marqué et ils ont marqué. Au troisième tiers, on a dû ouvrir notre jeu pour égaliser mais nous n’avons pas réussi et quand on fait ce genre d’erreur malheureusement cela se traduit bien souvent par un but. Et puis on tente de revenir à six contre cinq mais voilà c’était peut-être effectivement pas de chance cette fois. J’espère qu’on pourra récupérer un joueur demain parce que dans cette Coupe Continentale, les règles sont les mêmes que celles que nous avons dans notre Ligue Magnus et en ce moment cela ne rend pas notre situation plus facile parce que nous déjà nommé nos imports, nous en avons un qui est malade et maintenant nous ne pouvons pas nommer de joueurs supplémentaires. Bien sûr cela n’aide pas mais on doit juste trouver un moyen de gagner demain et c’est la chose la plus importante. Bien sûr nous devions gagner aussi ce soir mais cela ne va pas toujours dans le sens que l’on veut. C’est le hockey, la meilleure équipe n’est pas toujours celle qui gagne. Pour ce qui c’est passé à la fin, ça ne doit pas faire partie du hockey. C’est le genre de chose pour lequel il devrait y avoir une suspension, peu importe si le joueur revient en disant Je suis désolé, cela ne fait pas partie du sport. Cela me rend triste, bien sûr pour Jonathan mais aussi pour tout le tournoi. »
Sacha Treille (capitaine de Grenoble) : « On est très déçu, ce n’est pas le résultat qu’on espérait. Je pense qu’il ne faut pas tout mettre à la poubelle, le fond de jeu n’était pas si mal, on a eu beaucoup d’occasions, mais on n’a pas réussi à trouver le chemin du filet parce que même sur notre but, c’était une passe ratée. On sait qu’un tournoi c’est long, il reste encore deux matchs, donc on va se relever de ça dès maintenant. Tant que la qualification restera possible on la jouera à fond. Là c’est encore plus challengeant, on sait qu’il y a aussi de grosses équipes qu’on va rencontrer prochainement donc il va falloir être plus prêt et trouver les moyens de franchir cette ligne qui était compliquée à franchir ce soir. Le match aurait pu être totalement différent avec ces occasions du premier tiers dedans, mais l’implication de tout le monde était plutôt bonne et donc il y a beaucoup de positif. [Ce qu’on a entendu à la fin du match] n’a rien à faire dans le sport et dans la vie en général donc j’espère qu’il sera suspendu à la hauteur de ses propos car c’est inadmissible tout simplement. »
Kyle Hardy (défenseur de Grenoble) : « Je pense qu’on a bien commencé le match, on avait beaucoup d’opportunités mais on n’a pas capitalisé. Après on a joué un peu flat, on manquait un peu d’énergie mais c’est un tournoi de trois matchs donc on va essayer de se reprendre demain. On va se concentrer sur demain et faire les ajustements pour être prêts. On a des opportunités, c’est à nous de marquer des buts. Normalement on les met mais c’était un bon gardien en face, et des fois il y a des jours comme ça. […] En 2023, si on pense comme ça, je ne veux même pas en parler, dans le hockey ni dans le monde il n’y a aucune place pour ça. »
Grenoble – Zemgale Jelgava 1-3 (0-0, 1-1, 0-2)
Vendredi 17 novembre 2023 à 20h15 à la patinoire Polesud. 3653 spectateurs.
Arbitres : Krzysztof Kozlowski (POL) et Dániel Rencz (HON) assistés de Clément Goncalves et Maxime Laboulais (FRA).
Pénalités : Grenoble 6’ (6’, 0’, 0’) ; Zemgale 2’ (0’, 2’, 0’)
Tirs cadrés : Grenoble 50 (10, 18, 22) ; Zemgale 28 (11, 6, 11)
Évolution du score :
0-1 à 21’49 : Porejs
1-1 à 37’42 : Treille assisté de Racine et Hardy
1-2 à 43’36 : Andersons
1-3 à 55’33 : Vutkevics assisté de Gricinskis
Grenoble
Attaquants :
Loïc Farnier (-1) – Nicolas Deschamps (A, -1) – Damien Fleury (A, -1)
Sacha Treille (C) – Adel Koudri – Markus Søberg
Aurélien Dair – Roman Lyubimov (-1) – Brent Aubin
Flavian Dair (-1) – Mathias Bachelet (-1) – Julien Munoz
Défenseurs :
Kyle Hardy (2′) – Maxim Lamarche (2′)
Jere Rouhiainen (-3) – Pierre Crinon (-3)
Jonathan Racine (+1) – Timothé Quattrone (+1, 2′)
Gardien :
Jakub Stepanek [sorti à 57’52]
Remplaçant : Raphaël Garnier (G). Absents : Charles Schmitt et Lucien Onno (blessés), Alexandre Lavoie (malade), Zachary Daneau (étranger surnuméaire).
Zemgale Jelgava
Attaquants :
Rinalds Vutkevics (+1) – Gatis Gricinskis (C, +1) – Martins Karsums (A)
Daniels Andersons (+2) – Kristaps Rokis (A, +1, 2′) – Karlis Bucenieks (+1)
Bohdan Panasenko (-1) – Arturs Homjakovs – Kevins Stradnieks (+1)
Kristians Zelts – Kristaps Kristins – Gustavs Millers
Défenseurs :
Renars Alksnis – Patriks Seilis
Danils Andrejevs (-1) – Gustavs Krumins
Martins Porejs (+3) – Edgars Kazaks (+2)
Roberts Andersons
Gardien :
Rihards Cimermanis
Remplaçants : Mariuss Bajaruns (G), Eimantas Noreika. Absent : Arturs Karasa.