Une semaine et un premier tour de playoffs à l’image de la saison bordelaise. Cela aurait d’ailleurs pu ressembler à un programme dont certaines plateformes spécialistes ont le secret, un recrutement notable et des ambitions affichées comme le pitch d’une bonne série. Quelques rebondissements scénaristiques, des moments difficiles, puis une fin de saison en mode rédemption. Après tout, cette série contre les Spartiates de Marseille, qui ont par ailleurs leur arc de narration bien à eux cette année, a été plutôt bien écrite.
Bordeaux était touché, mais pas coulé. Avec déjà une victoire à l’extérieur sur cette série, ils se savaient capables de remettre le couvert, et n’en n’avaient d’ailleurs pas le choix.
Et c’est bien ce qui est ressenti dans une patinoire marseillaise bouillante pour ce qui est de leur première possibilité d’accéder aux demis. Malgré tout, les Bordelais étaient au dessus sur ce match 6, en tout cas dans l’efficacité, la même qui leur a fait défaut dans le match précédent. Un doublé d’Enzo Carry sur les deux premières périodes, ajouté aux réalisations de Nikita Jevpalovs et Julius Valtonen pour éteindre le cratère phocéen, et renvoyer tout le monde dans un irrespirable match 7, le graal des playoffs.
Marseille a-t-il laissé passer l’occasion ? Ce n’est pas spécialement ultra-visible dans leur manière d’aborder cette rencontre décisive. Les Spartiates ne sont pas venus en victimes expiatoires, et le scénario du match met longtemps à se dessiner, et surtout, la soirée n’est pas du tout compatible avec des profils de supporters un peu anxieux, voire stressés.
Le premier tiers est un round d’observation de 20 minutes, et aucune des deux équipes ne prend le dessus. Si Bordeaux profite du retour inespéré de Mathieu Pompei en attaque, laissant du coup Alexey Polodyan en carafe, c’est toujours Marek Ciliak qui endosse le beau rôle côté marseillais.
Et ce n’est pas la suite qui va encourager les cardiaques bordelais. Marek Ciliak continue de dominer ses vis-à-vis, et la peur prédomine du côté des Boxers. À l’inverse, Martin Kadlec ouvre la marque pour des Spartiates qui jouent leur va-tout, et qui effectuent surtout le match parfait jusqu’alors.
Plus le temps avance, plus les Bordelais s’empêtrent, butent sur Ciliak, et tendent une patinoire qui sent le scepticisme à plein nez. Même les supériorités numériques octroyées ne sont pas suffisantes. Les Boxers passent totalement à côté de leur match, et Marseille est en train de tendre le piège parfait.
Mais à l’image de leur saison, et de la série, cela re-bascule, et sur un déboulé de Baptiste Bruche, qui fait le tour de la cage, c’est Kévin Spinozzi qui arrive lancé, dribble Marek Ciliak et conclut du revers dans une explosion de joie de Mériadeck. Et au-delà de la joie, c’est surtout du soulagement tant cela semblait mal parti, et que les Boxers butaient sur une défensive très bien organisée.
Dans la foulée, Marek Ciliak se blesse au genou, et est contraint de sortir du match. Florian Gourdin le remplace, et entre presque au pire moment du match. Froid et dans une dynamique négative, il va devoir réaliser des miracles, et tout de suite, car les Boxers ont retrouvé de l’allant. Et malgré une supériorité numérique offerte aux Bordelais, le score en reste là, et le stress monte d’un cran.
Une prolongation, à 3 contre 3, en match 7… Irrespirable n’est même pas assez fort pour mesurer la tension ambiante. Florian Gourdin va donc repousser quelques tentatives locales, mais Quentin Papillon reste lui aussi en veille, et même s’il est moins assailli, les rares opportunités marseillaises peuvent faire mouche.
On s’attache bien à ne pas perdre le palet lorsque l’on en a la possession, mais ce sont les Bordelais qui vont planter les premières banderilles. Baptiste Bruche va bien penser donner la victoire en se retrouvant seul face à Gourdin, il trouve malheureusement le poteau (ou le gardien), et Bordeaux rate une énorme occasion.
Ce n’est que partie remise pour les locaux, et c’est finalement Maxime Legault, excentré à la droite du but marseillais, qui trouve le haut du filet de l’infortuné Florian Gourdin, sous la barre. Pour sa dernière saison avant de prendre sa retraite, l’ex-Grenoblois, en prise avec des soucis physiques toute la saison, fait chavirer la patinoire.
Les hommes d’Olivier Dimet, qui « ont certainement livré leur plus mauvais match de la série » s’en sortent malgré tout aux forceps, revenant d’une situation bien mal embarquée. Pour les Marseillais, c’est cruel tant le plan était bien exécuté et le coup est passé près.
(Illustrations : Nini Calimoutou)
Commentaires d’après-match (sur le site des Boxers) :
Julien Guillaume (attaquant de Bordeaux) : « C’est juste incroyable, les sentiments et les sensations qu’on a vécus de revenir à 4 minutes de la fin et de gagner ce match en prolongation. Je pense qu’on est un des seuls sports avec le basket et tous les sports américains avec des playoffs où on vit des émotions comme ça, des retournements de situation. Je pense que la nuit quand on fait un rêve, ça ressemble à peu près à ça ! Marquer dans une patinoire Mériadeck qui était ultra chaude, c’est fantastique. Je pense qu’on peut remercier les supporters car ils nous ont poussés, ils nous ont redonné un peu d’énergie dans le troisième tiers pour aller chercher l’égalisation. Je pense qu’avec une patinoire en feu comme ça, il ne pouvait rien nous arriver. C’était écrit que c’était notre match. Je l’ai dit aux gars dans le vestiaire, quand on a été plus forts cette année c’est quand on était dos au mur. Et on a réussi à remonter la pente. Les moments difficiles, ça crée un groupe, ça crée une équipe, ça crée une famille. […] Non, ce n’est jamais joué d’avance ! Si tous les matchs étaient joués d’avance, on ne les jouerait même pas. On a vu Cergy qui a été capable de sortir Angers qui est une de ces trois grosses équipes. On sait qu’il va sans doute falloir livrer nos meilleurs matchs de la saison pour l’emporter [contre Grenoble]. Mais on n’a qu’une envie, c’est d’aller en finale. On va tout donner, on ne va rien lâcher jusqu’au bout. On les a battus chez eux, on les a amenés en prolongation ici. C’est une très belle équipe, une armada, mais on va tout donner. On a une belle équipe aussi. Je pense qu’on est capable de le faire. »
Olivier Dimet (entraîneur de Bordeaux) : « C’est une série incroyable qui est allée au bout du bout. Bien entendu, on est très heureux pour cette qualification en demi-finale, mais avant toute chose je voudrais féliciter cette équipe marseillaise. Elle a été incroyable tout au long de la saison. Elle nous a livré une série de fous où ça s’est rendu coup pour coup. Je dois féliciter le travail de Luc et Jon fait pendant un an. La venue de Marseille a été beaucoup décriée en Ligue Magnus au début de l’année mais je crois que c’est une bonne chose pour la ligue d’avoir une ville comme ça, un club comme ça. Il faudra compter sur eux à l’avenir. C’est nous qui avons gagné. Il y a de l’émotion parce que la saison a été dure. C’est une équipe de barjots ! On a toujours été là les uns pour les autres. Cette victoire est leur récompense. Ils la méritent amplement. J’ai envie que ça continue. Bien entendu c’est Grenoble en face de nous. C’est un ogre mais c’est les playoffs. Il faut continuer à se donner le droit de rêver. Quand on a un public qui nous pousse comme il l’a fait ce soir, ça donne des ailes et ça permet d’avoir l’énergie qu’on n’a pas. On a senti dès le début du match qu’on était fatigué. Mais on est allé chercher cette victoire avec les tripes. C’est une récompense pour tout le travail du club. […] Max [Legault], c’est un capitaine, un homme merveilleux, un leader exemplaire, et dans les moments où ça tanguait un petit peu, notre capitaine n’était pas là. Ce n’était pas le seul, mais on voit l’importance qu’il a eu dans le redressement de l’équipe. Il a toujours été là à encourager, à motiver, à être exemplaire et sur ce dernier match, c’est lui qui délivre la patinoire et nous envoie en demi-finale. C’est une très belle symbolique. »
Bordeaux – Marseille 2-1 après prolongation (0-0, 0-1, 1-0, 1-0)
Mercredi 20 mars 2024 à 20h15 à la patinoire Mériadeck. 3312 spectateurs.
Arbitres : Geoffrey Barcelo et Pierre Dehaen assistés de Nicolas Constantineau et Quentin Ugolini
Pénalités : Bordeaux 0′ (0′, 0′, 0′, 0′) ; Marseille 4′ (0′, 0′, 4′, 0′).
Tirs : Bordeaux 39 (10, 10, 15, 4) ; Marseille 27 (13, 7, 5, 2).
Évolution du score :
0-1 à 31’04 : Kadlec assisté d’Aslin et Kalkis
1-1 à 56’02 : Spinozzi assisté de Bruche et Guillaume
2-1 à 68’00 : Legault
Bordeaux
Attaquants :
Nikita Jevpalovs (-1) – Loïk Poudrier (A, -1) – Julius Valtonen (-1)
Samuel Salonen – Mathieu Pompei – Enzo Carry
Rudy Matima (+1) – Rudolfs Polcs – Maxime Legault (C, +1)
Aina Rambelo (+1) – Julien Guillaume (A, +1) – Baptiste Bruche (+2)
Mattéo Mahieu
Défenseurs :
Niki Blomberg – Kévin Dusseau
Antti Kauppila (+1) – Axel Prissaint
Bastien Lemaître (-1) – Kévin Spinozzi
Gardien :
Quentin Papillon
Remplaçant : Victor Bodin (G). Absents : Charles-David Beaudoin (commotion), Aleksei Polodyan (étranger surnuméraire).
Marseille
Attaquants :
Bryan Ten Braak (A) – Maxence Leroux – Lucas Colombin
Gennadi Stolyarov (A) – Patrik Machac (-1) – Jan Dufek (-1)
David Åslin – Teddy Da Costa (C, 2′) – Martin Kadlec (+1)
Filip Dvorak – Nicolas Ruel – Paul Siraudin (-1)
Défenseurs :
Roberts Kalkis (+1) – Louis Cirgues (+1, 2′)
Colin Morillon – Tyler Rockwell (-2)
Thomas Parran – Guillaume Roussel
Sasha Djigaouri
Gardien :
Marek Ciliak puis à 58’34 Florian Gourdin
Absent : Fabien Colotti.