Les patrons de la NHL pensent toujours démontrer la supériorité de leurs équipes face à des clubs soviétiques, et ce, depuis 1975. Concrètement, la rudesse et la violence de plusieurs équipes NHL a pu peser. Mais le public nord-américain, derrière son chauvinisme, a découvert et applaudi un hockey européen fait de vitesse, de technique individuelle et un système de passes collectives inconnues jusqu’alors.
Deux clubs sont à chaque fois invités pendant les fêtes de fin d’année. Le Dynamo Moscou affronte les franchises d’expansion, et débute chez les Canucks de Vancouver.
Mais les affrontements les plus attendus opposent le CSKA Moscou, l’équipe de l’Armée Rouge, aux franchises les plus anciennes et prestigieuses. Les New York Rangers sont les premiers à se frotter aux Russes. Les Islanders s’inclinent ensuite 2-3.
Le sommet de la tournée, c’est le duel entre les Canadiens de Montréal, quadruples champions NHL en titre, et le CSKA. Quatre ans plus tôt, un match nul 3-3 du Nouvel An était entré dans l’histoire comme un des plus beaux matches jamais vus. Ce remake, toujours la nuit du réveillon, est un peu moins connu, et pourtant le Forum de Montréal a encore vécu une soirée mémorable.
L’ancien coach des Canadiens, Scotty Bowman, est passé l’été précédent aux Sabres de Buffalo, et son équipe attend de pied ferme celle de Viktor Tikhonov : les deux entraîneurs de légende se vouent un grand respect mutuel et ont beaucoup appris l’un de l’autre.
Enfin, le CSKA marque les esprits face aux Nordiques de Québec.
Pour conclure ces Superseries 1980, comme un symbole, les Soviétiques du Dynamo ont posé leurs patins sur la glace des Washington Capitals. Au même moment où la crise internationale bat son plein entre les deux pays, suite à l’invasion militaire soviétique en Afghanistan. Les deux équipes se séparent par un score égal (5-5).
Cette supersérie 1980 consacre donc la victoire des équipes soviétiques qui remportent 5 défis contre 3 et 1 match nul. Au final, tout le monde se respecte et confirme les talents de chacun, mais derrière cette jolie vitrine, la tension politique s’accentue. Les Jeux olympiques de Lake Placid pointent leur nez. Les Nord-Américains vont jouer à domicile, et ils espèrent bien tenir le choc. Et on peut se demander si les Soviétiques sont bien prêts pour remettre le couvert. Car, si le Dynamo et le CSKA ont remporté le plus de victoires, seul le Dynamo a eu la partie plus facile contre des franchises d’expansion comme Winnipeg et Edmonton. Pour le reste, les Soviétiques du CSKA ont été sérieusement mis en difficulté ou bien largement dépassés avec la majorité des joueurs cadres de l’équipe nationale. Dans les pires moments, ils n’ont pu exister qu’un seul tiers dans ces matchs intenses.
La raison vient tout d’abord de la prise de conscience nord-américaine et des dirigeants d’équipes. Le hockey européen a prouvé que leurs joueurs sont très bien formés au pays et apportent une touche supplémentaire de talent dans le hockey mondial. C’est pourquoi les dirigeants de franchises NHL ont décidé de recruter les meilleurs européens dans la ligue. De plus, certains avant-gardistes comme Scotty Bowman ont déjà compris que l’architecture du hockey soviétique redistribuait les cartes. Des voies de progrès étaient à saisir pour enrichir le jeu et pour repousser les limites d’un hockey nord-américain trop étriqué et peu développé techniquement a quelques rares exceptions près. Derrière le business et la multitude des matchs, les joueurs canadiens et américains n’étaient pas assez entraînés pour progresser. Bien sûr l’échec-avant, l’intensité et la rudesse ont pesé. Mais ce sont bien la lecture du jeu et l’adaptation de certains entraîneurs pour bloquer le dispositif soviétique qui ont permis de peser largement dans ces victoires NHL. Ceci n’est donc pas une très bonne nouvelle pour l’URSS au vu des Jeux Olympiques qui approchent.
Du côté soviétique, justement, Viktor Tikhonov a présenté une image d’un entraîneur ouvert, respectueux et admiratif de plusieurs joueurs canadiens. Il a transmis son plus profond respect à Scotty Bowman, un entraîneur qui a réussi à déjouer les plans du CSKA. Derrière cette façade, il faut bien constater que ce ne sont pas les cadres de l’équipe comme Mikhaïlov, Kharlamov, Petrov qui ont été les plus en vue dans cette série. La capacité de ces joueurs talentueux mais vieillissants à débloquer une situation paraissait effacée. Ce sont plutôt les Balderis, Zhluktov et Skvortsov, entre autres, qui ont été les plus dangereux. Et que dire de Tretiak encore très bon, mais paraissant en difficulté par moment ?
La relève n’est pas encore prête, mais des jeunes, talentueux, pointent leur nez comme Sergei Makarov et Vyatcheslav Fetisov. Les anciens ont paru usés, voire déstabilisés, et sûrement bien plus mentalement que physiquement. Dans len cadre contraint du système de la bureaucratie soviétique et avec les pressions qui s’exercent avec la course au résultat, ces « soldats-joueurs » sont dans une bataille permanente de la politique mondiale. Les meilleurs restent au prix d’immenses sacrifices et pressions, les plus faibles sont écartés, et le règne de Viktor Tikhonov ne fait que commencer.