C’est à l’issue de l’entraînement à la patinoire René Froger que Pierre Bergeron nous accorde de son temps pour présenter la saison à venir des Diables Rouges.
Hockey Archives : Briançon attaque cette nouvelle saison en connaissant beaucoup de changements au sein du club. Comment cela se présente sur la glace ?
Pierre Bergeron : Sur la glace, ça se passe très bien et les gars sont arrivés dans une très bonne forme physique. J’apprécie vraiment leur sérieux, et ils sont très réceptifs. Les pratiques se déroulent bien. On a un nouveau président, un nouveau coach, donc on est dans l’ajustement.
Alors que l’équipe a dernièrement lutté dans le bas de tableau en Ligue Magnus, quels sont les objectifs du staff pour cette saison ? Et comment te positionnes-tu pour entamer ce nouveau projet ?
On est là pour se battre pour une place en play-offs et on a monté une équipe pour ça. On a un gardien très solide avec Griffen Outhouse. On peut créer la surprise avec une défense très rapide et de jeunes Français qui seront sûrement prospectés par d’autres clubs. On a de la qualité avec des Aurélien Chausserie-Laprée, Lucas Villain, Mathis Despatie. Offensivement on n’a pas mal de joueurs qui veulent se faire une place et sont peut-être même sous-estimés. On aura donc un groupe qui va avoir faim et je veux transmettre à mes joueurs cette attitude de combat permanent, de défi.
Avec cette préparation, comment le groupe va se projeter dans les semaines à venir ?
Nous avons un court camp d’entraînement. On doit faire en trois semaines ce que les autres font en six. Moi, personnellement, en Europe, je ne vois pas l’intérêt d’organiser des camps d’entraînement de six semaines quand tu n’as pas de décision à prendre sur les joueurs. Les gars se sont déjà bien préparés avant. Par contre les trois semaines de plus, que les autres clubs vont engager, auront surtout un intérêt au niveau mental dans une saison qui est longue. Mais ajouter des pratiques, ça peut saouler les joueurs, et moi je ne veux pas de ça.
Tu entres en Magnus sans être connu de tous les suiveurs de l’élite uniquement, alors qui est Pierre Bergeron, avec ton long parcours au Canada avant d’arriver en France ?
Comme tous les bons joueurs de hockey canadiens (rires !), j’ai joué en Midget AAA et en Ligue Junior Majeur du Québec. À 18 ans, j’ai eu la chance de gagner la coupe Memorial, puis d’être capitaine de mon équipe des Remparts de Québec. J’ai été entrainé par des coachs talentueux comme Alain Vigneault, André Tourigny et Patrick Roy et c’est grâce à eux que j’ai eu l’envie d’entraîner. J’ai malheureusement dû arrêter le hockey assez tôt, à cause des blessures, et je me suis tourné vers le journalisme sportif pendant trois ans. Comme j’ai gardé l’envie de passer derrière le banc, c’est dans ma ville natale qu’on a remonté une organisation avec beaucoup de joueurs repêchés en LHJMQ, et pour certains en première ronde, qui ensuite ont été prospectés pour la NHL. Ensuite aux Panthères de St Jérôme, là encore, on a rehaussé une équipe qui avait des difficultés dans la ligue. L’arrivée en France a débuté avec l’aventure Chambéry. Encore une fois il s’agissait de reconstruire une organisation, ce qui est devenu une de mes spécialités, en amenant une éthique de travail et des valeurs. Peut-être qu’un jour, ça va me barber de reconstruire (rires) mais pour le moment, ce challenge me va bien, je m’y sens bien.
On peut faire un retour sur ta période à Chambéry ?
Je n’étais jamais allé en Europe et pour être honnête je ne savais pas que Chambéry était le club école de Grenoble ! C’était la première fois que je coachais sans assistant avec un effectif qui tournait autant. On a vu passer près de 45 joueurs la première année. On a, par la suite, diminué l’effectif, trouvé une stabilité, et on a démontré que l’on était capable de trouver des joueurs étrangers qui voulaient venir à Chambéry. Maintenant, la moyenne d’âge de l’équipe est de 20 ans et 5 mois alors que chez les adversaires on est plutôt à 26 ou 27 ans de moyenne. C’était un sacré challenge d’aller « toucher » des équipes expérimentées en allant chercher, pour notre équipe, des jeunes U20 à fort potentiel et leur apprendre à jouer des matchs pro. Tous les jeunes français ne sont pas encore prêts à passer le cap car la D1 est une ligue compétitive. Les gens n’ont peut-être pas une bonne image de la D1, mais c’est un championnat de plus en plus exigeant. L’année dernière on a réussi à se frayer un chemin dans les play-offs et on a accumulé de la confiance. On a montré qu’on était capable de battre tout le monde. Sincèrement, avec une équipe aussi jeune, le fait d’avoir été en demi-finale de la coupe de France, de s’être hissé jusqu’au dernier match de la saison en championnat, pour moi, le job a été fait !
Ce parcours de Chambéry, la saison dernière, a été un sacré coup de fraîcheur pour l‘image du hockey. Le partenariat avec Grenoble a donc été positif ?
Oui ça a été positif pour le hockey français, parce que ça donne des chances à des joueurs d’avoir plus de temps de glace de qualité dans un championnat compétitif. Les clubs Magnus font jouer des licences bleues, mais ce n’est pas tous les joueurs qui peuvent y prétendre pour être sur la glace. Sur les trois dernières années, on a pu faire jouer des U20, ou des joueurs de 3e ou 4e blocs qui avaient peu de temps de glace. Ils pouvaient trouver 18 ou 19 minutes de glace dans toutes les situations de jeu à Chambéry. On a vu Aurélien Dair, Adel Koudri, Flavian Dair, Lucien Onno, Tim Quattrone, Matias Bachelet, vraiment beaucoup qui ont bénéficié de ce dispositif. L’année dernière, on a fait jouer Hugo Nogaretto, Valentin Grossetete et Téo Besnier. Dans l’avenir c’est l’équipe nationale qui va bénéficier de ce travail. Même si ce ne sont pas des années de niveau Magnus, elles ne sont pas perdues pour autant. On respecte la formation, le cheminement du joueur et quand on respecte ça, le joueur traverse des montagnes russes mais gagne en confiance pour se développer.
Cet exemple donne des réponses au sujet du développement et de la formation des jeunes en France. Comment vois-tu les choses pour encore avancer, alors qu’à l’étranger, certains jeunes atteignent le plus haut niveau dès 18 ou 19 ans ?
Je suis curieux de voir ce que vont donner les quatre pôle espoir en U18. Je trouve qu’on essaie de réinventer le hockey. Moi, je pense que les clubs qui peuvent avoir un centre de formation et proposer des équipes ou affiliées au niveau Magnus, D1, D2 et D3, doivent absolument le faire. Tu ne peux pas le faire partout, car certains clubs de D1 ont l’ambition de monter, mais il faut trouver le moyen de bâtir plus de centres de formation, regrouper des U18, peu importe leur niveau de départ.
En Slovaquie, au Danemark, en Hongrie, le meilleur U18 joue déjà professionnel ! Donc, faire des pôles comme ça, je ne pense pas que ça va nous amener à en faire des « game-changer » (joueur qui peut tirer une équipe). Ce genre de gars doivent être rapidement dirigés vers le hockey professionnel et non attendre dans un regroupement de U18. C’est ma philosophie, elle n’est sûrement pas partagée, mais tu me demandes mon avis, je te le donne (rires).
Hockey Archives te remercie pour cet échange très instructif et te souhaite une bonne saison ainsi qu’aux Diables Rouges.
(Illustration : Laurie Zydek)