Voir le Canada et les États-Unis se partager la première place du groupe A et en découdre pour la souveraineté du hockey féminin est une réalité à chaque compétition. Pékin 2022 ne déroge pas à la règle, les Américaines et les Canadiennes ont fait le plein de points à leurs trois premiers matchs, de buts aussi puisque le Canada a inscrit la bagatelle de 29 buts en 3 rencontres.
C’est un fait, depuis le début des compétitions internationales féminines dans les années 90, les États-Unis et le Canada se sont partagés les titres mondiaux et olympiques. Cette domination sans partage, qui se confirme une nouvelle fois en Chine, a incité le Toronto Star, par le biais d’une journaliste signalons-le (Rosie DiManno), de remettre en cause la place du hockey féminin aux Jeux olympiques, abordant le peu d’intérêt que procurerait un tel tournoi. Cet article controversé – c’est le moins que l’on puisse dire – publié dimanche, de la part d’un « grand » quotidien d’Amérique du Nord, a été intitulé « Why women’s hockey doesn’t belong at the olympics » (pourquoi le hockey féminin n’appartient pas aux Jeux olympiques).
Un article sans concession qui sous-estime le travail réalisé par le Canada et les États-Unis, l’intensité de sa rivalité et l’importance de l’exposition olympique. DiManno occulte également les caractéristiques du hockey féminin, des joueuses obligées de cumuler d’autres boulots, deux puissances qui font office de locomotive pour les autres nations, des programmes féminins qui se sont consolidées ces dernières années en Europe et en Russie, des championnats qui deviennent plus structurés comme la SDHL suédoise et la ZhHL russe. Et même si les Nord-Américaines dominent tout à Pékin, ces Jeux olympiques ont permis de voir la première victoire de l’histoire de la Suisse sur la Finlande, les étonnantes performances de la Chine et un groupe B incroyablement ouvert à une journée de la fin du tour préliminaire… Évidemment, dans une logique implacable, cet article, volontairement provocateur plutôt que maladroit, a fait un tollé. À juste titre.
États-Unis – Canada est une telle rivalité au féminin qu’il serait bien dommage de s’en passer aux JO. Dans l’attente de l’incroyable dénouement du groupe B, Américaines et Canadiennes s’affrontaient ce mardi en début de journée. On serait tenté de dire que le résultat de ce match pourrait avoir un ascendant psychologique. Au Mondial de Calgary, les Canadiennes l’avaient déjà emporté, nettement, en phase préliminaire (5-1) avant de gagner de nouveau en finale (3-2). Rappelons par ailleurs lors de la fameuse Rivalry Series de cette saison que le Canada a remporté quatre des six rencontres face aux Américaines.
Le match est disputé devant une blessée dans chaque camp : Brianna Decker, gravement touchée à la cheville dès les premières minutes du tournoi, et Mélodie Daoust, qui pourrait revenir d’ici la fin de la compétition. Ann-Renée Desbiens retrouve la cage canadienne, elle qui a disputé les deux premières rencontres. Devant le but américain, l’héroïne de PyeongChang 2018 Maddie Rooney effectue également un retour après avoir été alignée contre la Finlande.
L’une des plus grandes rivalités du hockey peut débuter. Après un temps d’observation, la première occasion franche intervient à la 8e minute, au bénéfice des Américaines : Keller frappe de loin, Abby Roque se montre particulièrement dangereuse sur le rebond, Desbiens suit toutefois parfaitement l’action pour geler le palet et mettre fin à cette première alerte. Deux minutes plus tard, Abbey Murphy intercepte une mauvaise passe de Johnston, elle se présente seule mais son tir du revers tape deux fois le poteau gauche après avoir rebondi sur le dos de Desbiens ! Les Canadiennes semblent en difficulté mais leur gardienne les gardent dans le match, avec un brin de chance. Puis la première supériorité numérique du match va sourire au Canada, grâce à Brianne Jenner bien servie devant le but : ouverture du score, contre le cours du jeu avouons-le.
En tête après une période malgré les difficultés, le Canada investit le camp américain avec un pressing important dès le début du deuxième tiers, permettant à Poulin et Rattray d’être en bonne position de doubler la mise. Rooney et les Américaines résistent, celles-ci manquent toutefois de répondant, y compris en supériorité numérique, seule Knight étant dangereuse devant le demi-cercle. Il faut attendre la mi-match pour voir un vrai temps fort américain qui va faire mouche. Kelly Pannek est postée derrière la cage et remet dans le slot, où surgit Dani Cameranesi qui frappe une première fois, blocage de Thompson, la deuxième tentative est la bonne : 1-1. Dans la foulée, probablement par agacement, la Canadienne Clark fait une faute en zone offensive. Si l’installation dans le camp canadien demeure un problème pour les Américaines, un splendide jeu de passes de gauche à droite, Megan Keller pour Amanda Kessel pour Alex Carpenter, permet de prendre les devants, Carpenter logeant du revers le palet sous la barre, splendide but : 2-1.
On rentre décidément dans une deuxième moitié de seconde période totalement folle. Les Canadiennes ne seront menées au score que 26 secondes ! Sarah Nurse réalise en effet un gros travail en zone offensive et sert dans son dos Brianne Jenner, lancée plein champ, qui égalise à 2-2. La tension est à son maximum, chacune des deux équipes souhaitant rapidement reprendre l’avantage sur l’autre. Carpenter a de nouveau une bonne occasion mais ce sont les Canadiennes qui vont de nouveau prendre les devants : Natalie Spooner fait parler sa puissance le long de la bande, elle fait le tour de la cage, Rooney ferme la porte mais pas suffisamment au deuxième poteau où se trouve Jamie-Lee Rattray : 3-2 Canada ! Les Américaines n’ont peut être pas dit leur dernier mot, Larocque étant sanctionnée pour une faute sur Coyne Schofield. Mais elles bafouillent toujours leur hockey à 5 contre 4… jusqu’à laisser échapper seule Marie-Philip Poulin en contre, Cayla Barnes forçant sur son retour un tir de pénalité. Tir de pénalité transformé avec sang froid par la capitaine canadienne, elle loge le palet côté crosse. L’entraîneur des États-Unis, Joel Johnson, ne cache pas sa colère vis-à-vis du comportement de ses joueuses. Dans ce deuxième tiers-temps particulièrement soutenu, le Canada a finalement eu plus que le dernier mot : 4-2.
Le Canada mène au score, en dépit du fait que les Américaines canardent Desbiens (32 lancers après 40 minutes). Le troisième tiers-temps continue de voir la Québécoise s’illustrer avec brio devant les tentatives américaines. Même sur le dos, à la 10e minute, Desbiens parvient à repousser les essais adverses ! Coyne Schofield, Keller et leurs coéquipières, malgré un total impressionnant de 53 tirs (!), n’empêcheront pas la victoire canadienne. Réussite, opportunisme et le mur Desbiens – déjà derrière le titre mondial de Calgary – les joueuses de Troy Ryan s’imposent 4-2. Encore un affrontement plaisant des deux rivaux qui ne déçoit jamais et qui fait toujours office de belle vitrine pour le hockey féminin.
Avant de jouer une éventuelle revanche en finale, il faudra se projeter dès jeudi pour les quarts. Après une dernière journée émotionnellement intense, cela signifie donc que le Canada termine en tête du groupe A et affrontera la Suède, les États-Unis défieront la Tchéquie. Comité olympique de Russie – Suisse et Finlande – Japon seront les autres affiches.
Commentaires d’après-match
Ann-Renée Desbiens (gardienne du Canada) : « Je pense qu’en tant que gardienne, tu dois donner l’opportunité de gagner à ton équipe. La première période, ce n’était peut-être pas notre meilleure du tournoi. Mais on est rentrées [aux vestiaires] avec une avance de 1-0, c’est ça qui a fait la différence. »
Amanda Kessel (attaquante des États-Unis) : « On a presque tiré deux fois plus qu’elles. Il faut trouver le moyen de compter plus de buts. On a fait un bon match dans l’ensemble, on ne veut jamais perdre. Mais il faut se servir de cette défaite et être meilleures au prochain match. »
États-Unis – Canada 2-4 (0-1, 2-3, 0-0)
Mardi 8 février 2022 à 12h10 au Wukesong Sports Centre de Pékin. 591 spectateurs.
Arbitres : Cianna Lieffers et Elizabeth Mantha (CAN) assistées de Kendall Hanley et Jackie Spresser (USA).
Pénalités : États-Unis 2′ (2′, 0′, 0′), Canada 12′ (2′, 6′, 4′).
Tirs : États-Unis 53 (16, 16, 21), Canada 27 (5, 16, 6).
Évolution du score :
0-1 à 14’10 : Jenner assistée de Fillier et Spooner (sup. num.)
1-1 à 29’17 : Cameranesi assistée de Pannek et Barnes
2-1 à 31’34 : Carpenter assistée de Kessel et Keller (sup. num.)
2-2 à 32’00 : Jenner assistée de Nurse
2-3 à 34’25 : Rattray assistée de Spooner et Zandee-Hart
2-4 à 37’25 : Poulin
États-Unis
Attaquantes :
Kendall Coyne-Schofield (C) – Hannah Brandt – Hilary Knight (A)
Alex Carpenter – Abby Roque – Amanda Kessel
Dani Cameranesi – Kelly Pannek (-1) – Grace Zumwinkle (-1)
Hayley Scamurra – Jesse Compher – Abbey Murphy
Défenseures :
Lee Stecklein (A, -1) – Cayla Barnes (+1)
Megan Keller – Savannah Harmon
Jincy Dunne – Megan Bozek (-2)
Caroline Harvey (2′)
Gardienne :
Maddie Rooney [sortie à 57’23]
Remplaçante : Alex Cavallini (G). En réserve : Nicole Hensley (G). Blessée : Brianna Decker (A, cheville).
Canada
Attaquantes :
Sarah Nurse (+1) – Marie-Philip Poulin (C, +1) – Brianne Jenner (+1)
Jamie-Lee Rattray – Sarah Fillier – Natalie Spooner
Emily Clark (2′) – Blayre Turnbull (A, 2′) – Rebecca Johnston (2′)
Jillian Saulnier – Emma Maltais – Laura Stacey (2′)
Défenseures :
Jocelyne Larocque (A, 2′) – Renata Fast (+1)
Claire Thompson (2′) – Erin Ambrose
Micah Zandee-Hart – Ashton Bell
Ella Shelton (+1)
Gardienne :
Ann-Renée Desbiens
Remplaçante : Emerance Mashmeyer (G). En réserve : Kirsten Cambell (G). Blessée : Mélodie Daoust (A, haut du corps).