De jour en jour, la situation ne faisait qu’empirer en ce début de saison à l’Hormadi. Sportivement, le départ du gardien numéro 1 et la perte de deux attaquants russes majeurs (l’un renvoyé car hors de forme et l’autre blessé) ont affaibli l’équipe qui a accumulé les défaites et est dernière de Ligue Magnus, à égalité de points avec Briançon et déjà loin derrière les autres.
Mais ce retard serait en soi rattrapable, une fois le nouveau gardien Mat Robson qualifié, avec le retour au jeu de Polodyan (qui a repris l’entraînement sur glace depuis dix jours) et avec la dernière recrue offensive tant attendue, si l’équipe pouvait évoluer dans un état d’esprit apaisé. Le problème est que la crise de confiance a de loin dépassé ce cadre, et que la situation vient d’exploser.
La banderole « Delage dégage » – ou plus exactement Delag€ dégag€ – déployée dans les tribunes lors du dernier match à domicile vendredi dernier contre Rouen pourrait passer pour anecdotique. Qu’un groupe de supporters manifestent leur mécontentement (ici les « Concha Boys » qui avaient signé ladite banderole) est classique dans un stade, toutefois plus rare dans une patinoire, a fortiori dans l’Hexagone. Dans le cas présent, cela n’avait rien d’un épiphénomène.
Le même sentiment est en fait partagé dans le public et dans le vestiaire. Les propos printaniers du président Grégoire Delage selon lesquels le secteur sportif n’était pas sa priorité lui étaient sans cesse renvoyés au boomerang. Il ne s’agissait pas que d’une maladresse, car son manque d’implication a été douloureusement ressenti.
Une anecdote résume tristement cette distance. En début de saison, le président Delage s’est adressé à un hockeyeur de l’Hormadi en anglais, d’un air avenant, en lui demandait d’où il venait. Des propos banals pour faire connaissance… sauf que son interlocuteur, totalement ahuri, lui a répondu qu’il était français et qu’il faisait déjà partie de l’équipe depuis plusieurs années. On comprend que le groupe se soit senti abandonné et méprisé.
Il peut certes exister – en étant quand même en droit d’attendre un peu plus de tact – un modèle de président gestionnaire qui structure l’économie d’un club et ne s’occupe pas de la gestion sportive, laissée à ceux qui savent. La réticence des dirigeants à débloquer le dernier recrutement offensif pourrait dès lors passer pour un signe de gestion prudente. Cette façon de voir les choses ne dit pas tout de la situation de l’Hormadi.
D’autres signaux étaient en effet au rouge. Depuis le renvoi de la personne responsable des partenariats, dont le président Delage promettait de substituer lui-même le travail, la défiance gagnait aussi les loges et nombre de partenaires historiques, qui n’ont pas reconduit leur engagement. Les recettes attendues de sponsoring sont en berne et c’est d’ailleurs pour cela que le président ne voulait pas délier les cordons de la bourse en craignant un déficit en fin d’exercice. La fédération commençait aussi à s’inquiéter et à se défier d’un président peu présent aux réunions avec ses homologues de Ligue Magnus.
On le comprend, la situation dépasse donc le simple conflit de personnes entre le directeur sportif Xavier Daramy et le président Grégoire Delage, même si c’est cette dissension – qui ne date pas d’hier – qui a éclaté de manière irréconciliable. Mardi soir, lors d’une réunion du conseil d’administrateur, Daramy a été accusé d’être à l’origine de la grogne exprimée par les supporters et relayée dans la presse. Hier – mercredi – il a donc remis sa démission. Les dirigeants lui ont proposé de rester, en lui accordant même le fameux « joker » offensif (le remplaçant de Zubov), et en évoquant leur possible départ en fin de saison. Cela ne l’a pas fait changer d’avis.
Craignant d’entendre leurs oreilles siffler encore plus après une démission d’un manager perçu comme impulsif, Grégoire Delage a annoncé aujourd’hui sa propre démission, ainsi que celle des deux administrateurs qu’il avait amenés avec lui (Jean-Christophe Filippin et Fabien Cisneros). Ces démissions seront effectives lors de la prochaine assemblée générale du club qui aura lieu le 26 octobre.
En résumé, Anglet n’a plus de président et plus de directeur sportif. Ce qui ne signifié évidemment pas qu’il n’y a plus de problèmes, au contraire.
Au lieu d’une transition en douceur à l’intersaison, voire d’une période de tuilage en bonne intelligence, c’est donc un navire « Hormadi » à la dérive qui n’a plus personne à la barre (sans mauvais jeu de mots…). Vingt jours, c’est très exactement le temps qu’il faudra pour que des volontaires se manifestent pour reprendre le club. C’est évidemment très court pour construire un projet, il s’agirait d’abord de gérer l’urgence.
Éteindre l’incendie, ramener le calme, rassurer l’équipe, convaincre éventuellement Xavier Daramy de ré-embarquer (oui lui trouver un remplaçant à un poste imposé dans le cahier des charges de la Ligue Magnus), re-tisser enfin le lien distendu avec le hockey mineur, fédérer assez de partenaires pour boucler le budget : voilà un vaste programme à accomplir. Plus généralement, il s’agirait d’abord de restaurer la confiance, ensuite de rebâtir un projet sportif. Anglet reste une place qui compte dans le hockey français, et qui dispose de fondations solides : une vraie implantation locale, un public attaché au club et un hockey mineur qui tient toujours la route après quelques années creuses.