En clôture de la journée de NL se tient un derby romand aux allures de match des extrêmes entre le HC Ajoie – lanterne rouge du classement – qui reçoit le leader Genève-Servette dans son antre de la Raiffeisen Arena de Porrentruy. Les deux équipes ont vécu une semaine délicate (deux défaites) et seront toutes deux à la recherche d’une victoire qui permettrait aux locaux d’enrayer la spirale négative dans laquelle ils sont englués (10 défaites de suite) et aux visiteurs d’évacuer la question d’un éventuel début de crise.
HC Ajoie : la situation se crispe
Grâce à un recrutement malin et des moyens supérieurs à ceux de l’an passé (tout en restant le petit budget de la Ligue), le HCA pouvait légitimement ambitionner d’être compétitif à chaque rencontre et pourquoi pas d’éviter les dernières places. Après un début de saison encourageant, le HCA enchaîne les défaites : d’abord 7 rencontres perdues de rang durant le mois d’octobre puis une autre série toujours en cours de 10 matchs sans victoire. La frustration et la crispation s’installent dans le Jura, et avec elles naissent les polémiques. Ainsi, le top scorer québécois Philip-Michaël Devos (photo ci-dessous), au club depuis 7 ans, n’a pas été convoqué pour affronter Davos juste avant la pause internationale du mois de novembre. La raison officielle est une décision du coach Filip Pešán qui souhaitait pouvoir aligner ses deux défenseurs étrangers (Jérôme Gauthier-Leduc et T.J. Brennan) en défense puisque le HCA dispose de 7 joueurs étrangers pour 6 places. Raison officieuse : Devos a été puni s’être affranchi des consignes de Pešán lors du match précédent.
Fragilisé par l’absence de résultats et son style autoritaire, le coach tchèque déroute par certaines de ses décisions et pourrait se retrouver en danger. Ainsi, le week-end précédent, après être revenu au score face à Lausanne dans les derniers instants du match au prix d’une forte débauche d’énergie, le HCA a tenté de jouer la prolongation sans gardien. En effet, Pešán doutait de la capacité de ses hommes à forcer la décision en fusillade. Malheureusement pour les Ajoulots, c’est le LHC qui s’est imposé avec un but de Tim Bozon dans la cage vide. Plus récemment, les Jurassiens ont débuté leur prolongation face à Kloten en n’alignant pas leurs meilleurs patineurs. Après seulement 17 secondes, Jonathan Ang a déposé sur place Martin Bakoš pour offrir le but à Éric Faille pour les Aviateurs. Décroché au classement (9 points de retard sur Ambrì-Piotta 13e et 11 points de retard sur Lausanne 12e), Ajoie doit retrouver le chemin de la victoire sous peine de vivre une saison de la peur avec le spectre d’un barrage de promotion/relégation aux allures de coupe-gorge face au champion de Swiss League (avec Olten comme favori).
Genève-Servette : la question Tömmernes
Large leader à la pause de novembre, Genève-Servette vit une reprise de championnat un peu délicate. Sa série de 20 rencontres avec au moins 1 point s’est achevée face à Berne (défaite 1-3 aux Vernets). Les Aigles ont également connu la défaite à deux reprises à domicile cette semaine, contre Rapperswil-Jona (2-3 a.p.) d’abord puis Zoug (2-4). Ces résultats ne sont pour l’instant pas un sujet d’inquiétude pour Genève. La principale préoccupation au bout du Lac Léman est la situation contractuelle d’Henrik Tömmernes. Le défenseur suédois, considéré comme l’un des meilleurs joueurs (si ce n’est le meilleur joueur) du championnat, est en fin de contrat. Et si Genève-Servette souhaite prolonger son bail, Tömmernes est très courtisé en Suisse mais également du côté de la Suède et notamment par son ancien club de Frölunda. Les dernières nouvelles émanant du dossier indiqueraient que Tömmernes aurait écarté les propositions des clubs Suisses autres que Genève. Il aurait donc restreint son choix entre demeurer avec Servette et retourner en Suède. Sa décision – pour laquelle le facteur familial comptera – est attendu dans les semaines qui viennent, certainement d’ici Noël.
Notons que pour cette rencontre face à Ajoie, Jan Cadieux a brassé ses lignes du fait des absences de Tanner Richard (malade, en photo ci-dessous) et de Mike Völlmin (blessé). Ainsi, Deniss Smirnovs est promu au centre de la 2e ligne, Linus Omark et Teemu Hartikainen son réunis au sein du même trio autour de Marc-Antoine Pouliot et le jeune Giancarlo Chanton est installé dans la 3e paire défensive.
Dès le début du match, Servette cherche à mettre la pression mais Maurer est rapidement puni pour une mise en échec tardive. Malheureusement, Ajoie ne profite pas du jeu de puissance. Fidèle à son style de jeu depuis la prise de poste de Pešán, le HCA laisse venir son adversaire, limite les espaces, tente de contenir le danger loin de sa cage et exploite ses chances dès que possible. Après une mise au jeu gagnée par Devos en territoire offensif, Bakoš adresse un tir puissant que Descloux ne peut contrôler, Brennan se jette sur le rebond mais le portier Genevois veille. Les Grenats reprennent leur pressing et poussent les Ajoulots à la faute : Arnold – coupable d’un accrocher – laisse ses coéquipiers en infériorité numérique pour ce qui pourrait déjà être un tournant dans le match. En effet, Servette affiche le meilleur rendement de la National League en powerplay (28,7%) tandis qu’Ajoie présente le plus mauvais bilan en boxplay (73,7%). Les locaux résistent, mais dès le retour à 5 contre 5, ils doivent s’en remettre à leur portier Wolf qui s’interpose face à Omark venu de derrière la cage puis face à Filppula qui tente de profiter du rebond accordé. Le gardien jurassien sort le grand jeu de la botte sur une tentative à bout portant de Winnik qui a profité un excellent travail préparatoire de Le Coultre.
Ajoie souffre et ne parvient plus à quitter sa zone défensive, sauf quand sa première ligne est sur la glace. C’est pourtant celle-ci qui commet un revirement à la ligne rouge et qui profite à Pouliot. Le numéro 78 part en contre mais Devos se rattrape de sa bévue d’un excellent geste défensif et annihile l’action de but. À force de pousser, Genève finit par trouver la faille. Omark rentre en zone offensive et attire à lui Brennan. Le Suédois laisse le palet en retrait à Hartikainen. Celui-ci renverse vers Pouliot qui profite de la couverture défensive laxiste de Gauthier-Leduc pour repiquer vers le centre et loger palet dans la lucarne hors de portée de Wolf (0-1, 18’24’’). L’ouverture du score est logique tant Servette a dominé la période. Le score aurait même pu être plus sévère (2-0 voire 3-0) sans les parades exceptionnelles du gardien jurassien.
Wolf est rapidement mis à contribution au retour des vestiaires. Servette cherche un nouvelle fois à prendre de vitesse Ajoie pour se créer des espaces. Maurer relaie pour Smirnovs accélère en zone offensive. Le Letton à licence suisse polarise l’attention de trois joueurs et créé le décalage pour Rod qui reprend sans succès dans l’enclave. Les pensionnaires de la Raiffeisen Arena affichent toutefois un bien meilleur visage qu’en première période. Bozon puis Fey testent les réflexes de Descloux. Le gardien grenat est même suppléé par son défenseur Maurer pour empêcher Frossard de profiter d’une cage ouverte à la suite de tentatives rapprochées de Rouiller puis de Kohler. Les deux équipes se rendent coup pour coup. Winnik dévie une tentative lointaine de Le Coultre mais butte sur Wolf. Puis Ajoie profite d’un petit coup de chance. Sur une sortie de zone, le puck levé contre la bande de Frossard et effectue un rebond capricieux et retombe entre Chanton et Le Coultre. Kohler profite de l’opportunité et jaillit entre les défenseurs. Il décale vers Pouilly qui s’est porté à l’attaque et qui trompe Descloux côté bouclier (1-1, 26’49’’).
Piqués au vif, les Servettiens repartent à l’assaut. Praplan déborde et repère Rod plein axe qui échoue encore sur Wolf. Ce dernier est même chanceux sur un tir soudain d’Omark qui s’écrase sur sa latte. La quatrième ligne genevoise s’installe en zone offensive. Antonietti est plaqué derrière le but par Gauthier-Leduc. Jooris récupère le palet et le remet à Bertaggia qui tire à bout portant. Wolf accorde un rebond qui profite à Antonietti (1-2, 30’19’’). Servette tente d’emballer le match et passe près du 1-3 par Filppula puis par Rod mais le dernier rempart ajoulot veille. Après avoir laissé passer l’orage, Ajoie se procure plusieurs occasions d’abord par Hazen et Gauthier puis par Brennan et Bakoš en supériorité numérique en fin de tiers, mais Descloux s’illustre encore et parvient à conserver l’avantage au score des siens.
Après une période médiane particulièrement riche en occasions, les équipes adoptent une stratégie plus prudente au troisième tiers. Peu de tirs parvient jusqu’aux gardiens qui de leur côté ne faiblissent pas. Il faut attendre les huit dernières minutes de jeu pour que la rencontre s’emballe à l’initiative d’Ajoie qui échoue néanmoins sur Descloux qui doit notamment s’employer tour à tour face à Hazen (esseulé devant la cage), Pouilly et Bakoš. Avec un peu plus de 3 minutes à écouler dans le match, Pešán tente un coup de poker en sortant Wolf au profit d’un sixième joueur de champ. La stratégie fera long feu. Hartikainen récupère le palet, relaie avec Omark qui parvient à s’extraire de la zone pour donne le palet à Pouliot qui inscrit le doublé dans la cage vide (1-3, 57’38’’), scellant la victoire Genevoise. Wolf sera de nouveau rappelé au banc pour un résultat identique, Rod inscrivant un anecdotique quatrième but (1-4, 58’26’’).
Dans cette rencontre marquée par les performances des deux gardiens, c’est donc Genève-Servette qui repart avec la victoire. Ajoie aura fait jeu égal avec les leaders pendant deux périodes mais doit concéder une onzième défaite de rang. Certes, elle n’est pas des plus infamantes, mais une fois de plus les détails n’auront pas penché du côté jurassien. Si près, si loin….
Illustrations de Pierre Maillard
Les résultats et classements détaillés du championnat de Suisse
Commentaires d’après-match :
Filip Pešán (entraineur, Ajoie) : « Je suis extrêmement fier de ce qu’ont réalisé mes joueurs face à une équipe comme celle de Genève-Servette. Bien sûr, nous avons à nouveau été battus, mais il n’y avait que 1-2 à quelques minutes de la sirène finale. Mais c’est devenu une mauvaise habitude : nous ne trouvons jamais le moyen de faire tourner un match de notre côté. J’ai l’impression que les défaites de deux buts avec une cage vide pour conclure le match sont désormais notre lot quotidien. Nous allons devoir trouver des solutions, mais ce n’est pas comme s’il fallait tout changer. Je me répète, mais le HCA possède une chance de gagner quasi chaque soir. »
Jonathan Hazen (attaquant, Ajoie) : « Nos adversaires parviennent à nous user physiquement sur la longueur et nous commettons une ou l’autre erreur qui nous coûte le match. Face à une équipe comme Genève, cela ne pardonne pas. À nous de travailler encore plus fort pour que cela n’arrive plus. Mais j’ai l’impression que cette année, nous sommes dans le match à chaque sortie. Nous ne lâchons jamais et c’est le meilleur moyen de parvenir à mettre un terme à cette série rapidement. Mais de savoir que nous sommes si proches et à la fois si loin, c’est un sentiment vraiment frustrant. »
Bastien Pouilly (défenseur, Ajoie) : « Comme d’habitude, nous encaissons deux buts contre Genève, nous avons nos occasions et nous ne marquons pas. Nous n’arrivons pas à passer l’épaule. Je ne sais pas ce que nous pouvons trouver d’autre parce que nous avons nos occasions. Nous avions une chance de gagner et nous perdons encore. C’est plus décevant que d’essayer de tirer quelque chose de positif. Il faut trouver le moyen de gagner, nous n’avons pas le choix. [Sur son 1er but en carrière en National League] C’est dommage, cela ne nous amène pas vers une victoire, sinon ça aurait été parfait. »
Marc-Antoine Pouliot (attaquant, Genève-Servette) : « Ce n’est jamais facile de jouer ici, on sait qu’Ajoie à la maison est difficile à jouer. C’est un match serré, nous avons montré beaucoup de caractère et à la fin nous sommes allés chercher le match. Nous voulions frapper fort au début, ne pas leur laisser de chance. Leur gardien a joué un excellent match, le nôtre aussi d’ailleurs. Ça a été un duel de gardiens. Nous avons eu beaucoup de succès au début de saison à la maison, dernièrement c’est un peu plus compliqué mais nous voulons retrouver le chemin de la victoire à domicile. »
Ajoie – Genève-Servette 1-4 (0-1, 1-1, 0-2)
Dimanche 4 décembre 2022 à 20h00 à la Raiffeisen Arena (Porrentruy). 3393 spectateurs.
Arbitres : Daniel Piechaczek et Ken Mollard et assistés de Thomas Wolf et Nathy Burgy.
Tirs : Ajoie 29 (6, 13, 10) ; Genève-Servette 32 (8, 14, 10)
Pénalités : Ajoie 6’ (2’, 0’, 4’) ; Genève-Servette 4’ (2’, 0’, 2’)
Évolution du score
0-1 à 18’25’’ : Pouliot assisté de Hartikainen et Omark
1-1 à 26’49’’ : Pouilly assisté de Kohler
1-2 à 31’19’’ : Antonietti
1-3 à 57’33’’ : Pouliot assisté d’Omark et Hartikainen (cage vide)
1-4 à 58’26’’ : Rod (cage vide)
Ajoie
Attaquants :
Reto Schmutz (-2) – Philip-Michael Devos (-2) – Jonathan Hazen (-2)
Kévin Bozon (-1) – Frédérik Gauthier (-2) – Martin Bakoš (-1)
Mathieu Vouillamoz – Thibault Frossard – Ueil Huber (-1)
Gilian Kohler – Steven Macquat – Fabio Arnold (2’)
Défenseurs :
T.J. Brennan (2’, -3) – Bastien Pouilly (+1, 2’)
Valentin Pilet – Jérôme Gauthier-Leduc
Jordane Hauert (C, -1) – Kévin Fey
Thomas Thiry (+1) – Anthony Rouiller (-2)
Gardien :
Tim Wolf
Remplaçant : Damiano Ciaccio (G). Absents : Alain Birbaum (surnuméraire) Guillaume Asselin (blessé), Ian Derungs (blessé), Lilian Garessus (blessé), Gregory Sciaroni (blessé), Matteo Romanenghi (blessé)
Genève-Servette
Attaquants :
Daniel Winnik – Valtteri Filppula – Marco Miranda
Noah Rod (C, +1) – Deniss Smirnovs – Vincent Praplan
Linus Omark (+2) – Marc-Antoine Pouliot (+2) – Teemu Hartikainen (+2)
Alessio Bertaggia – Josh Jooris (+1) – Benjamin Antonietti (+1)
Défenseurs :
Henrik Tömmernes (+2) – Arnaud Jacquemet
Marco Maurer (+1, 2’) – Roger Karrer (+2)
Simon Le Coultre (2’) – Giancarlo Chanton
Sandis Šmons
Gardien :
Gauthier Descloux
Remplaçants : Robert Mayer (G), Keanu Derungs. Absents : Sami Vatanen (blessé, genou), Tanner Richards (malade), Michael Völlmin (blessé), Eliot Berthon (prêt à La Chaux-de-Fonds), Christophe Cavalleri (prêt à La Chaux-de-Fonds),