Les Dragons de Rouen se lancent dans une nouvelle campagne européenne avec peu de certitudes. Même s’ils se sont assuré une adversité élevée pour se préparer (dont un match à Cologne), il n’est pas sûr que cela suffise pour intégrer les nombreuses recrues. Les champions de France ont même perdu en présaison face à leurs deux concurrents majeurs de Ligue Magnus (Angers et Grenoble) sans jamais avoir pu s’entraîner au complet. Le recrutement a été finalisé tardivement et Jules Boscq a été engagé avec un contrat d’un mois avant-hier pour pallier la blessure d’Enzo Cantagallo en défense.
La nouvelle formule de la CHL apporte plus de variété avec six adversaires différents. Le tirage n’a pas pour autant été commode avec les Dragons : ils auront zéro adversaire de la ligue autrichienne, alors que d’autres équipes placées dans le même chapeau en auront deux, voire trois pour les Belfast Giants. Toutes les équipes rencontrées sont censées être supérieures à Rouen, et des supporters grenoblois se sont ouvertement réjouis de ce tirage difficile, comme certains Normands l’avaient fait il y a un an dans le cas opposé : la rivalité entre les deux clubs prend des allures puériles alors que le hockey français n’a pas intérêt à voir ses représentants accumuler les défaites sur la scène européenne.
Premier gros morceau : Ingolstadt, finaliste de la DEL, qui se sent assez supérieur pour aligner son nouveau second gardien Devin Williams. En début de match, la gêne vient surtout des débris jetés sur la glace par les supporters allemands qui provoquent une longue interruption du jeu après seulement 13 secondes. Rouen est au niveau et se procure le premier lancer cadré, un tir en angle instantané de Marcel Haščák sur un engagement gagné en zone offensive par Jordan Hervé.
La première faute, parfaitement inutile, est commise en zone offensive par Casey Bailey qui retient Kristaps Sotnieks avec le bras. En supériorité numérique, Sacha Guimond réussit à garder le palet à la ligne malgré le pressing de Patrik Virta : il évite le Finlandais tenant du titre (il a remporté la dernière CHL avec Tappara) et peut ainsi s’avancer et décaler Rolands Vigners pour un one-timer parfait en lucarne (1-0). Les Dragons restent à 5 contre 4 jusqu’à la fin des deux minutes selon la nouvelle règle expérimentée en CHL, mais sans en profiter.
Ingolstadt n’a encore rien montré de probant… mais voilà que l’international allemand d’origine polonaise Wojtech Stachowiak poursuit sur la lancée de son Mondial et signe encore une action individuelle éblouissante : il prend de la vitesse en zone neutre, déborde par la droite le pigiste de la défense rouennaise Jules Boscq et marque du revers dans un angle fermé, piégeant Pintarič sous son bras gauche (1-1, photo ci-dessus).
Cette égalisation permet aux Allemands de reprendre l’initiative. Rouen a quelques absences dans son placement défensif. Il est important de reprendre possession du palet, comme le fait Vigners avec son habileté technique. Pas maladroit non plus, Francis Perron subit un cinglage de Stachowiak sur sa crosse après une entrée de zone, mais ce second jeu de puissance est sans effet malgré un nouveau lancer du cercle gauche de Haščák, dans la masque du gardien. Plus ce premier tiers-temps avance et plus la construction du jeu d’Ingolstadt progresse. Vingt secondes avant la pause, en conclusion d’une longue séquence installée en zone offensive, une excellente passe diagonale du vétéran Daniel Pietta trouve le jeune Jan Nijenhuis qui s’en saisit au nez et à la barbe de Jordan Hervé et lève le palet en lucarne (1-2). Un renversement du score qui traduit celui observé dans le déroulement du match.
Si Rouen n’a pas à rougir de sa première période, la reprise est plus compliquée. Les Dragons ont un temps de retard sur tous les palets et se retrouvent cantonnés dans leur zone. Après six minutes de souffrance, ils sortent un peu la tête de l’eau pendant deux minutes, jusqu’à leur première pénalité, une crosse haute de Lampérier. Joris Bedin, qui ne figure qu’en quatrième ligne mais est aligné en supériorité et en infériorité, sort son équipe de ce mauvais pas : il vole le palet à la ligne bleue à Casey Bailey qui le fait trébucher, ce qui remet les équipes à égalité de joueurs. Au moment où Rouen revient à cinq, Philipp Krauß se fait sanctionner pour crosse haute. Les Dragons jouent brièvement à 5 contre 3, puis à 5 contre 4. Le gros slap de Sacha Guimond dans le trafic les relance dans la partie (2-2). Et ils auraient pu en ajouter un second but à la suite dans cet avantage numérique maintenu lorsque Lampérier a dévié à bout portant une passe de Honejsek.
Sauvé par son powerplay, Rouen subit toujours le jeu à 5 contre 5 et peine à se dégager. Face à une défense fatiguée, Ingolstadt crée un bon décalage vers le défenseur Leon Hüttl monté sur le côté droit, traînant la crosse d’Anthony Rech en remorque : faute évidente. Matija Pintarič enchaîne les arrêts solides pendant cette infériorité numérique et préserve ce score de parité. Il arrête aussi une échappée de Wayne Simpson alors que les Dragons se sont portés un peu plus à l’attaque avant de rentrer aux vestiaires sous les applaudissements.
Au début du troisième tiers-temps, Haščák fait trébucher le toujours intenable Stachowiak mais Rouen tue la pénalité sans trembler. Ce match n’est pas si déséquilibré jusqu’ici, mais une individualité sort vraiment du lot : Wojtech Stachowiak. Conduisant sans cesse le palet à haute vitesse, le vice-champion du monde se rend derrière la cage et fait une passe subtile au premier poteau pour Daniel Pietta (2-3).
Juste avant la mi-tiers, Lampérier peine à se relever après une charge pleine glace de Stachowiak qu’il n’a pas vu venir car il a tourné la tête au mauvais moment. Il quitte le jeu, commotionné. L’action n’est pas si répréhensible, mais la perte de leur capitaine a certainement perturbé les Dragons qui ne comprennent pas qu’elle ne soit pas sanctionnée. Dès la reprise du jeu, ils sont très passifs face à l’attaque d’Ingolstadt, notamment l’ex-international letton Kristaps Sotnieks qui laisse Patrik Virta prendre deux fois son propre rebond (2-4).
Face au système bien organisé de Mark French, les deux buts à remonter en dix minutes paraissent une mission impossible. Les jeux sont faits. Anthony Rech est sanctionné pour un cinglage sur la crosse de Bailey. L’inévitable Stachowiak, laissé trop libre de ses mouvements dans le slot par Boscq, en profite pour s’offrir un doublé en déviation (2-5). Le match est vraiment à sens unique désormais et le score aurait même pu être plus lourd si le poteau n’avait pas repoussé un tir puissant de Pietta. Une faute de Nijenhuis permet au RHE de jouer les deux dernières minutes à un homme de plus. Il s’installe durablement et Alexandre Mallet dévie la passe de Perron à cinq secondes de la fin.
Rouen aurait eu besoin d’un match parfait pour signer un exploit européen. Le mauvais premier but encaissé par Matija Pintarič était un mauvais signe de ce point de vue. Le joker de dernière minute Jules Boscq a connu un premier match très difficile sous la tunique normande. Il a l’excuse du système et de l’équipe qu’il découvrait, mais en vérité, c’est surtout la vitesse de jeu ébouriffante de Wojtech Stachowiak (en photo ci-dessous) qui l’a régulièrement mis au supplice en un contre un. Cela donne une idée du niveau auquel il devra s’élever en vue du prochain France-Allemagne lors des championnats du monde…
Commentaires d’après-match (au micro de la CHL) :
Fabrice Lhenry (entraîneur de Rouen) : « Je suis assez déçu de notre troisième période parce que je trouve qu’on avait bien commencé le match et que l’équipe était bien revenue dans le deuxième tiers. Malheureusement nous n’avons pas su amener cette énergie et nous avons fait quelques erreurs dans le troisième tiers. Il faut apprendre de ces erreurs dans deux jours pour progresser vite parce que c’est une compétition de haut niveau. Notre campagne 2021-2022 est un excellent souvenir, mais c’est une formule différente, une équipe différente de notre côté, il n’y a plus que 24 équipes et le niveau est plus élevé. »
Mark French (entraîneur d’Ingolstadt) : « J’ai dit aux joueurs que si on continuait à être intelligent à 5 contre 5, tout irait bien si on ne se mettait pas en difficulté par des pénalités. C’est ce qui s’est produit. On est toujours content de gagner mais en tant que coach on sait qu’il y a de la place pour s’améliorer, surtout à cette période de la saison. Il y a Färjestad qui arrive, nous allons faire des ajustements mais la récupération sera importante avec le voyage pour être frais samedi. »
Rouen – Ingolstadt 2-5 (1-2, 1-0, 1-3)
Jeudi 31 août 2023 à 20h00 à la patinoire Nathalie-Péchalat.
Arbitres : Pierre Dehaen et Yann Furet assistés de Cyril Debuche et Clément Goncalves.
Pénalités : Rouen 8′ (0′, 4′, 4′) ; Ingolstadt 10′ (4′, 4′, 2′).
Tirs : Rouen 15 (3, 9, 3) ; Ingolstadt 38 (9, 10, 19).
Évolution du score :
1-0 à 05’43 : Vigners assisté de Guimond et Rech (sup. num.)
1-1 à 07’38 : Stachowiak assisté de Bertrand et Edwards
1-2 à 19’42 : Nijenhuis assisté de Pietta et Maginot
2-2 à 31’12 : Guimond assisté de Perron et Vigners (sup. num.)
2-3 à 46’02 : Pietta assisté de Stachowiak et Bertrand
2-4 à 49’42 : Virta assisté de Höfflin et Bodie
2-5 à 54’03 : Stachowiak assisté d’Edwards et Simpson (sup. num.)
3-5 à 59’56 : Mallet assisté de Chakiachvili et Rech (sup. num.)
Rouen HE
Attaquants :
Anthony Rech (-1, 4′) – Francis Perron (-1) – Alexandre Mallet (-1)
Antonin Honejsek – Jordan Hervé (-2) – Marcel Haščák (2′)
Loïc Lampérier (C, -1, 2′) – Milan Kytnár – Rolands Vigners (-1)
Joris Bedin (-1) – Vincent Nesa (-2) – Quentin Tomasino (-2)
Tommy Perret
Défenseurs :
Florian Chakiachvili (A, -1) – Kristaps Sotnieks (-1)
Sacha Guimond (-1) – Emil Kristensen (-1)
Jules Boscq (-2) – Dylan Yeo (A, -2)
Gardien :
Matija Pintarič
Remplaçants : Tonin Caubet (G), Noa Goncalves-Nivelais (D).
ERC Ingolstadt
Attaquants :
Travis St. Denis (+1) – Patrik Virta (+1) – Mirko Höfflin (+1)
Philipp Krauß (+1, 2′) – Daniel Pietta (A, +2) – Jan Nijenhuis (+1, 2′)
Charles Bertrand (+2) – Wojciech Stachowiak (+2, 2′) – Wayne Simpson (+1)
Marko Friedrich – Andrew Rowe – Casey Bailey (4′)
Défenseurs :
Fabio Wagner (C, +3) – Maury Edwards (+3)
Colton Jobke – Luca Zitterbart
Daniel Schwaiger – Kevin Maginot
Mathew Bodie (+1) – Leon Hüttl (+1)
Gardien :
Devin Williams
Remplaçant : Michael Garteig (G).