Assurément un grand moment pour le hockey français : Chloé Aurard a été repêchée par New York, l’attaquante de 24 ans disputera la saison inaugurale de la toute nouvelle ligue professionnelle féminine de hockey, la PWHL. Retour sur cette première grande étape d’une ligue qui génère beaucoup d’enthousiasme.
Elle a lancé les hostilités. Billie Jean King, aussi légendaire pour ses performances tennistiques que pour ses prises de position en faveur du sport féminin, s’est avancée sur l’estrade, elle est apparue émue, a pesé ses mots entre plusieurs grandes respirations, entre soulagement et volonté de profiter du moment. Membre du conseil d’administration de la ligue, elle a commencé ce marathon de plusieurs heures en annonçant le tout premier choix de repêchage de l’histoire de la PWHL : la star américaine en devenir de 23 ans Taylor Heise, qui était annoncée à ce rang depuis le début.
"Ce n'est pas un moment, c'est un mouvement"
– @BillieJeanKing@thepwhlofficial @PWHL_Montreal #PWHLDraft2023 pic.twitter.com/XuAivkmIcR
— Isabelle Ethier (@isabelleethier) September 19, 2023
Du Vercors à New York
Lundi soir, la toute première draft de la Professional Women’s Hockey League, la grande ligue pro féminine tant attendue, a comporté bien des surprises. Certes, Chloé Aurard, comme 267 autres joueuses, avait déclaré son souhait d’y participer, c’était la condition pour figurer sur la liste d’éligibilité. Après cinq saisons fructueuses en NCAA avec Northeastern University, 204 points en 167 matchs, il ne faisait aucun doute qu’elle allait obtenir un billet d’entrée dans la grande ligue. Les prévisions la plaçaient au troisième ou quatrième tour, assez haut pour un repêchage qui en comptait quinze. C’est finalement au quatrième tour, le 21e choix au total, que Chloé Aurard a été choisie pour participer à la PWHL.
Pour autant, on pouvait s’attendre à ce que ce soit Boston qui la repêche. Northeastern est l’une des grandes universités du Massachusetts, elle y a passé cinq années. Elle avait d’ailleurs signé en mai dernier au Boston Pride, en PHF, avant que la ligue ne soit démantelée pour laisser le champ libre à cette toute nouvelle PWHL. Sa complice Alina Müller, qui avait elle aussi signé au Pride, a d’ailleurs été choisie au premier tour par Boston. Beaucoup de facteurs et probablement un souhait semblait prolonger son bail à Boston… mais c’est finalement New York qui a choisi la hockeyeuse native de Villard-de-Lans ! Boston, qui avait le choix suivant, s’est rabattu sur Loren Gabel, la meilleure joueuse du défunt circuit PHF, mais l’équipe bostonienne aurait probablement choisi la Canadienne avant la Française.
Boston n’a donc pas été en mesure de recréer le duo Müller – Aurard, l’un des plus prolifiques de ces dernières années en NCAA, deux joueuses proches sur et en dehors de la glace. Contrairement à Minnesota qui a mis la main sur Taylor Heise, le premier choix de la draft, et Grace Zumwinkle. Voilà l’explosif duo de l’Université du Minnesota reconstitué. La saison dernière, Heise et Zumwinkle avaient inscrit 126 points en 38 matchs à elles deux ! Elles risquent bien d’être l’une des attractions de cette première saison PWHL.
Une équipe prometteuse
La destination de Chloé Aurard sera donc Big Apple, qui avait déjà signé en tant qu’agents libres trois pointures. Abby Roque, une attaquante explosive qui avait inscrit 9 points en 7 matchs au dernier Mondial. Micah Zandee-Hart, à 26 ans l’une des défenseures les plus douées de sa génération. Et puis Alex Carpenter, que l’on ne présente plus, leader charismatique, sextuple championne du monde, qui devrait logiquement arborer le « C » de capitaine.
Durant la draft, New York a d’ailleurs mis la main sur des joueuses régulières de l’équipe du Canada : Ella Shelton, Jaime Bourbonnais et Jill Saulnier. Et à défaut de Müller, Aurard aura tout de même à ses côtés une ancienne coéquipière de Northeastern, Brooke Hobson, qui était capitaine des « Howlin’Huskies » de 2020 à 2022.
New York dispose d’une jeune défense, Micah Zandee-Hart et Olivia Zafuto faisant figure de cadres à 26 ans. La Canadienne Corinne Schroeder était l’une des meilleures gardiennes disponibles lors de la draft, la meilleure de PHF. Schroeder avait en effet réalisé une splendide saison 2022-23 avec 95,5% d’arrêts et 7 blanchissages en 22 matchs, ne subissant qu’une seule défaite en saison régulière. Hormis Aurard, Carpenter et Roque, Elizabeth Giguère et Jessie Eldridge seront aussi des attaquantes redoutables.
Pour autant, les effectifs ne sont pas encore définitifs. Chacune des six équipes dispose pour l’instant de 18 joueuses. 10 joueuses supplémentaires rejoindront chaque équipe à la mi-novembre lors des camps. À l’issue de cette dernière phase de sélection, 5 des 10 joueuses devront alors être mises sous contrat pour atteindre le compte définitif de 23 joueuses.
Chloé Aurard et cette troupe new-yorkaise officieront sous les ordres d’un coach de renom, Howie Draper. Jusqu’à maintenant, Draper entraînait l’équipe féminine de l’Université de l’Alberta et ce… pendant 26 ans ! Il a mené les « Pandas » à 14 championnats de l’ouest canadien et 8 titres nationaux, deux records, sur le circuit universitaire Usports. Le coach de 56 ans est également l’entraîneur le plus victorieux dans le hockey universitaire canadien féminin avec 667 victoires. Il a donc de l’expérience à revendre en s’offrant un beau challenge dans cette nouvelle et prometteuse équipe de New York.
Allemoz en 2016, Aurard en 2023
Placer une hockeyeuse française dès le lancement de cette grande ligue professionnelle, c’est une belle performance pour le hockey français. Aurard est l’une des 13 Européennes sur 90 joueuses repêchées, elle était la troisième Européenne à être draftée. L’attaquante tricolore a d’ailleurs devancé de grands noms comme Loren Gabel, Natalie Spooner, Jesse Compher, Hannah Brandt ou Hayley Scamurra, habituées à jouer les titres mondiaux et olympiques avec le Canada ou les États-Unis. Précisons par ailleurs que trois grandes gardiennes n’ont pas été sélectionnées : Noora Räty, Maddie Rooney et Alex Cavallini. Chloé Aurard est l’une des 26 joueuses en provenance de NCAA, la PWHL fait la part belle à la nouvelle génération.
La seule joueuse française à avoir été draftée dans un circuit féminin par le passé était Marion Allemoz, le 24 août 2016 lorsque la ligue canadienne, la CWHL, existait encore, en concurrence avec la NWHL. L’ancienne capitaine des Bleues avait été sélectionnée par les Canadiennes de Montréal. Après ses années universitaires aux Carabins, cela lui avait permis de rester à Montréal, et de jouer avec Marie-Philip Poulin, Erin Ambrose et Ann-Sophie Bettez… qui porteront les couleurs de l’équipe de Montréal, en PWHL cette fois-ci.
Malgré tout, cette draft 2023 est incomparable avec ce qui a été fait par le passé. La PWHL est une ligue unifiée, où tous les efforts sont désormais réunis, la ligue n’a donc aucune concurrence, ce qui lui permet de recevoir le maximum d’attention. Le repêchage était accessible à tous, visible sur des canaux nationaux comme CBC, TSN, Sportsnet ou Radio Canada, également sur les réseaux Twitch et Youtube. Puisque l’on parle réseaux, il n’y a jamais eu autant de partages et d’interactions pour une draft féminine, sans commune mesure avec les défuntes CWHL, NWHL et PHF qui n’intéressaient qu’un cercle plus réduit. La couverture et l’attention sont là, voilà un départ encourageant.
Précisons tout de même que nous n’en sommes qu’aux prémices de cette PWHL. Alors que la saison débutera en janvier, il manque encore des détails importants : la diffusion des rencontres, le lieu, le nom et le logo de chacune des six équipes. Des interrogations qui seront résolues rapidement. Une chose est sûre, la ligue recueille déjà beaucoup d’enthousiasme, les attentes sont élevées. Et gageons que cette frénésie gagnera la France, grâce à cette ambassadrice de choc à New York.