Battus le premier jour par l’adversaire le moins coté (Zemgale), les Grenoblois doivent maintenant hisser leur niveau d’au moins un cran pour relever leur défi européen. Le Nomad Astana est la réserve de l’équipe KHL du Barys, elle porte le renouveau de l’équipe nationale du Kazakhstan, d’où l’on reconnaît quelques joueurs vus au dernier championnat du monde et surtout le gardien international Nikita Boyarkin. Cette formation est encore plus jeune que les Lettons, et a encore plus de talent.
Une victoire des Brûleurs de Loups remettrait les quatre équipes à égalité : ce serait le scénario idéal pour le tournoi, il y aurait deux finales dimanche, dont chaque vainqueur serait qualifié en finale. Tout ne serait pas perdu en cas de défaite, mais les Français seraient en fâcheuse posture. Malade hier, Alexandre Lavoie fait son retour attendu à la place de Søberg et porte les espoirs grenoblois.
La surprise vient de la titularisation de Raphaël Garnier dans les cages à la place du vétéran tchèque Stepanek. Après une minute de jeu, le portier français se fait peur tout seul sur un palet qui frappe la balustrade et rebondit dans son dos. Il pose son gant derrière lui dans une position inconfortable (photo ci-dessus), pas très loin du but contre son camp. Les arbitres vont même regarder le ralenti lors de l’arrêt de jeu suivant. Cette frayeur survient alors que Grenoble a démarré fort avec la volonté de prendre l’emprise sur le match. Mais comme hier, les contre-attaques individuelles des visiteurs sont dangereuses, à l’instar de Dias Gusseinov qui dribble entre Hardy et Lamarche.
Comme hier aussi, Grenoble prend la première pénalité, pour un cinglage d’Aurélien Dair en zone offensive. La différence est que cette faute inutile coûte très cher. Sur la mise au jeu gagnée par Nikolaï Shulga (la seule de tout le match puisqu’il sera crédité de 1/17 aux engagements par les statistiques !), Maksim Musorov décale Vyacheslav Kolesnikov qui reprend en lucarne alors que Garnier est en retard dans son déplacement, comme s’il était dans de mauvaises dispositions psychologiques après sa boulette initiale (0-1).
Garnier se met en confiance en arrêtant des tirs un peu excentrés, notamment de Gusseinov dont la vitesse met à mal la défense grenobloise. Les Isérois jouent plus en contrôle. La première ligne se procure des séquences plus longues en zone offensive, Nicolas Deschamps repique depuis l’arrière la cage mais n’arrive toujours à trouver le chemin des filets. Sur la mise au jeu, le deuxième bloc enchaîne : Pierre Crinon porte le danger derrière le but et passe en retrait à Sacha Treille qui donne toujours de sa personne dans le slot, mais sans conclure. Ce temps fort grenoblois semble se poursuivre avec le troisième bloc, mais Brent Aubin se fait voler le palet à la ligne bleue par Georgi Saushkin qui part en 2 contre 0 et sert Nikita Kolobov. L’arrêt de l’épaule de Raphaël Garnier arrive à point nommé.
Quatre minutes avant la pause, Oleg Boiko accroche Fleury, et neuf secondes plus tard, Eduard Shetle dégage au-dessus du plexi. De manière symétrique à hier soir, c’est cette fois Grenoble qui bénéficie du 5 contre 3 après ce retard de jeu. Les défenseurs sont très regroupés pour couper les lignes de passe et laissent Boyarkin gérer les angles de tir à mi-distance. Le gardien du Nomad s’interpose notamment sur un gros lancer de Sacha Treille. En fin de compte, Kyle Hardy feinte un tir qu’il aurait dû tenter et fait une passe, interceptée, qui permet aux Kazakhstanais de se dégager. Grenoble a une dernière occasion à 5 contre 5, toujours dans un jeu bien installé avec la participation des cinq joueurs, mais Crinon n’arrive pas à reprendre la passe de Jere Rouhiainen au second poteau.
Les Brûleurs de loups ont produit du jeu sans marquer avec 20 tirs en 20 minutes : on a l’impression de revivre le scénario du premier jour. En pire, puisqu’ils sont même menés au score au moment de rentrer aux vestiaires.
Grenoble ne perd pas le moral et revient avec la même volonté d’imposer son jeu en espérant que ça finisse par rentrer. Boyarkin semble dans un grand jour, ce qui est toujours possible avec ce portier. L’autre joueur qui impressionne ce soir, c’est Gusseinov : il signe une passe transversale magnifique vers le défenseur Eduard Shetle qui est monté dans le dos de Crinon (0-2). Ce sont encore les joueurs d’Astana qui ont marqué contre le cours du jeu. C’était leur premier tir de la période.
Racine fait trébucher Saushkin mais Boiko retient Treille 18 secondes plus tard. À 4 contre 4, Kyle Hardy régale avec une passe splendide qui envoie Deschamps en échappée, mais Boyarkin arrête le tir du Canadien et est encore à la parade sur le rebond de Fleury. Non seulement Grenoble domine largement aux tirs, mais par rapport à hier, ce sont des tirs mieux placés, avec des tentatives à bout portant pour Dair ou Lamarche. Le score est d’autant plus rageant.
Les Brûleurs de loups sont plus forts dans les duels, ils récupèrent souvent le palet sur les rebonds, ou même après l’avoir perdu. Le premier bloc du Nomad se fait rôtir pendant plus d’une minute dans sa zone défensive après une longue pénalité différée. Mais la cuisson n’est pas suivie de dégustation. Sur l’avantage numérique, Aurélien Dair n’arrive pas à concrétiser la passe de derrière le but de Loïc Farnier, qui échoue à son tour à la conclusion d’un jeu en triangle.
Roman Lyubimov tente de surprendre Boyarkin sur un tour de cage incisif (photo ci-dessous), mais toujours rien à faire face à un gardien toujours très bien placé. Le compteur affiche 38 tirs à 13 mais rien ne veut rentrer.
Jyrki Aho modifie un peu son alignement pour le dernier tiers-temps. Roman Lyubimov est promu en deuxième ligne (entre Treille et Lavoie) à la place de Koudri. Le Russe inaugure ce nouveau trio en venant se placer devant le gardien pendant que Jere Rouhainen lance de la ligne bleue. Ainsi voilé, Boyarkin voit le palet filer entre ses jambières… et à côté du poteau !
Grenoble maintient sa pression mais n’est toujours pas récompensé. Nikita Boyarkin signe encore une parade de grande classe sur un tir en pivot à mi-distance de Lamarche, puis lève l’épaule droite pour détourner un lancer de Rouhiainen dans le cercle droit.
Le défenseur finlandais Jere Rouhiainen, certainement le meilleur Grenoblois sur ces deux jours (il a même sauvé un 2 contre 1 en début de tiers), s’infiltre encore jusqu’à la cage à huit minutes de la fin, puis Lavoie dévie un envoi de Treille sur cette même longue présence en zone offensive.
Une charge avec la crosse d’Aubin au visage de Musorov corse un peu plus la mission grenobloise. Le Nomad Astana fait défiler le chronomètre, qui n’affiche plus que quatre minutes à jouer. Aho sort très tôt son gardien pour créer le surnombre. On croit que tout est fini à deux minutes de la fin sur quand Kolobov touche le poteau de la cage vide. Sur une contre-attaque, les blancs ratent encore les filets déserts mais Kyle Hardy est pénalisé sur l’action. Garnier doit regagner son poste et les carottes – dont la couleur s’est invitée ce week-end sur les maillots grenoblois – sont cuites.
Les Brûleurs de loups s’offrent encore une succession de tirs rapprochés, arrêtés par les arbitres qui sifflent sans que le gardien soit en contrôle. Musorov touche encore le poteau des filets déserts à dix secondes de la fin et le score en reste là.
50 tirs hier, 52 ce soir, et 1 seul but marqué au total. Cela fait 1% d’efficacité aux tirs pour les Brûleurs de Loups, et encore ce but est-il une déviation contre son camp d’un adversaire letton. Néanmoins les deux prestations grenobloises ne sont pas comparables. La carte des tirs n’a rien à voir, majoritairement en périphérie hier, principalement dans des zones à fort danger aujourd’hui. Les BDL ont joué avec beaucoup plus d’intensité ce soir, ils ont livré un match plein et ont donné l’impression de faire tout ce qu’il fallait. Mais ils sont tombés sur un Nikita Boyarkin en état de grâce, comme quand le gardien du Kazakhstan avait battu la Finlande championne du monde en 2021.
La victoire du Nomad ne qualifie pas encore les champions du Kazakhstan, qui risquent de passer à la trappe s’ils perdent de plus de deux buts contre Zemgale demain après-midi (si Cardiff gagne ensuite). C’est d’ailleurs une bonne nouvelle pour Grenoble, qui a besoin que les joueurs d’Astana jouent à fond pour ne laisser aucun point à Zemgale. Dans ce cas-là, les Brûleurs de Loups auraient bien un dernier match décisif demain soir. Ils s’entrouvriraient les portes de la finale à condition de battre Cardiff par trois buts d’écart. Pas une mince affaire, mais le fond de jeu des Isérois pourrait le permettre… s’ils parviennent à se débloquer en mettant le palet derrière la ligne de but.
Désignés joueurs du match : Jere Rouhiainen pour Grenoble et Nikita Boyarkin pour Astana.
Commentaires d’après-match :
Jyrki Aho (entraîneur de Grenoble) : « On ne peut pas gagner si on ne marque pas. Bien sûr l’efficacité n’est pas là, mais on n’a pas perdu notre capacité à marquer des buts. En ce moment c’est dans notre tête, alors on force un peu trop les choses. Dans ces moments-là, on n’est pas complètement là, on se retient. On ne fait pas les bons choix au bon moment, on ne met pas la vitesse au bon moment. En première période on n’a pas très bien joué, les basiques n’étaient pas là : on se prend une pénalité en zone offensive, on perd un engagement et le score est de 1-0. Mais je dois tirer mon chapeau à l’adversaire, ils ont très bien joué à cinq, ils attendaient humblement avec leurs cinq joueurs dans leur zone, ils attendaient les contres… Ils ont fait ça déjà dans leur ligue, c’est dur de passer quand à chaque fois vous devez faire face aux cinq joueurs qui sont sur la glace. Et ils se sacrifient bien, c’est aussi ça. Dans la deuxième et la troisième périodes, on a eu nos occasions, on a eu un 5 contre 3, on a eu des opportunités mais on n’a pas marqué. Ce match aurait pu aller en prolongation et le résultat aurait été qu’on perdait le match sûrement. Le jeu de ces équipes est plus rapide que ce qu’on a l’habitude d’affronter. Ces équipes se sacrifient vraiment bien défensivement, c’est ce que je passe mon temps à dire à mes gars, c’est aussi comme ça qu’on gagne ! En défense, on doit batailler et quand il s’agit de gagner le match, vous arrivez toujours à avoir une opportunité. C’est tout l’enjeu. Si vous jouez contre les équipes de NHL, elles sont meilleures bien sûr. Mais si votre gardien joue bien, vous vous battez, vous essayez de gagner ces situations et alors vous avez toujours une possibilité de gagner. Ce sont des adversaires valeureux, ils se sont sacrifiés pour gagner. Demain notre sort sera entre nos mains ou non lorsque le match va commencer. Mais quoi qu’il en soit, on veut jouer le meilleur match possible demain soir. On doit cela à beaucoup de gens, on doit montrer notre meilleur visage demain. »
Aurélien Dair (attaquant de Grenoble) : « C’est le même résultat qu’hier, c’est vrai qu’on domine, on a beaucoup de chances de marquer mais au final, il n’y a aucune finition, on n’a pas été assez présents devant la cage et si on n’est pas là pour prendre les rebonds, ça ne sert à rien. Les gardiens font des bons matchs, c’est sûr, ils ont tout notre respect, mais on les fait briller aussi. C’est frustrant, une défaite, qu’on domine ou qu’on ne domine pas. Mais c’est vrai que c’est un peu plus frustrant quand on domine, qu’on a 50 shoots par match et qu’on n’arrive pas à mettre un seul but dans le filet, ça devient lassant. Il y a beaucoup de leaders dans l’équipe et ils aiment bien rester positifs. C’est très important pour le groupe. Donc on est restés positifs 60 minutes mais ce soir ça n’a pas marché et puis on verra demain. C’est mathématique, on va juste voir comment ça se passe demain après-midi mais on va tout donner demain pour prendre cette victoire même si on ne peut plus se qualifier. C’est important pour le club, pour tous les supporters qui viennent nous voir. Les tournois européens, on attend ça avec excitation toute l’année et on est content de le faire mais vu comment ça se passe, c’est vrai que ça nous titille un peu. C’est un autre hockey, c’est pas le même qu’en Ligue Magnus et je pense qu’on était peut-être trop excité. Les équipes ont d’autres systèmes de jeu qui n’ont rien à voir avec le notre, là on a joué deux équipes très très jeunes, ça patine beaucoup, ça change beaucoup et ce n’est pas du tout les mêmes structures. Et du coup on n’a pas l’habitude peut-être. »
Damien Fleury (attaquant de Grenoble) : « C’est exactement le même match. On est tous dégoûtés, on a tout donné mais voilà quand tu ne marques pas de but, tu ne peux pas espérer gagner. C’est dommage parce que je pense qu’on a montré de belles choses, mais dans la finition on n’a pas été bon, moi le premier, donc extrêmement déçu. Je ne sais pas si on n’en fait pas assez mais on le fait mal, ça c’est sûr. Moi je suis tout seul devant le gardien, je tire à côté de la cage… Comment tu peux marquer un but en tirant à côté ? Maintenant c’est comme ça, il faut qu’on se remette en question et puis j’espère que demain ça ira parce que mine de rien on a encore une chance même si elle infime. C’est extrêmement frustrant parce qu’on joue bien, c’est pas comme si on passait à côté. Il faut donner du crédit aux gardiens d’hier et de ce soir. Si ce n’est pas le match de leur vie, c’est pas loin. On a mis du trafic, on s’est fait des passes, on a shooté, on a tout essayé et puis aucun n’est rentré… Il va falloir qu’on se remette en questions, qu’on se regarde devant la glace et qu’on se remette au travail pour marquer des buts. On y croit encore, on est mal embarqués mais on a encore une chance et on va tout donner pour la saisir. »
(photos Philippe Crouzet et Emmanuel Giraudeaux)
Grenoble – Nomad Astana 0-2 (0-1, 0-1, 0-0)
Samedi 18 novembre 2023 à 20h15 à la patinoire Polesud. 3724 spectateurs.
Arbitres : Kenneth Nielsen (DAN) et Omar Piniè (ITA) assistés de Johan Fauvel et Clément Goncalves (FRA).
Pénalités : Grenoble 10’ (2’, 4’, 4’) ; Nomad 10’ (4’, 6’, 0’)
Tirs cadrés : Grenoble 52 (20, 18, 14) ; Nomad 16 (8, 5, 3)
Évolution du score :
0-1 à 08’41 : Kolesnikov assisté de Musorov et Shulga (sup. num.)
0-2 à 25’38 : Shetle assisté de Gusseinov et Aleksandrov
Grenoble
Attaquants :
Loïc Farnier – Nicolas Deschamps (A) – Damien Fleury (A)
Sacha Treille (C, -1, 2′) – Adel Koudri (-1) – Alexandre Lavoie
Aurélien Dair (2′) – Roman Lyubimov – Brent Aubin (-1, 2′)
Flavian Dair – Mathias Bachelet – Julien Munoz
Défenseurs :
Kyle Hardy (2′) – Maxim Lamarche
Jere Rouhiainen (-1) – Pierre Crinon (-1)
Jonathan Racine (2′) – Timothé Quattrone
Gardien :
Raphaël Garnier [sorti de 57’00 à 58’09 et de 58’45 à 60’00]
Remplaçant : Jakub Stepanek (G). Absents : Charles Schmitt et Lucien Onno (blessés), Markus Søberg (adducteurs), Zachary Daneau (étranger surnuméaire).
Nomad Astana
Attaquants :
Nikita Kolobov – Oleg Boiko (C, 4′) – Artur Gatiyatov (2′)
Maxim Musorov (A, 2′) – Nikolay Shulga – Ruslan Ospanov
Stanislav Alexandrov (A, +1) – Dias Gusseinov (+1) – Daniil Tsybin (+1)
Viacheslav Kolesnikov – Dinmukhamed Saparbek – Georgi Saushkin
Défenseurs :
Abylaikhan Suleimenov – Khaknazar Kengesbay
Eduard Shetle (+1, 2′) – Diar Manash (+1)
Marat Sagymbayev – Klimenti Tsaryov
Gardien :
Nikita Boyarkin
Remplaçants : Jelal-ad-din Amirbekov (G), Ali Kassenov.