Dans un calendrier serré, les matches éliminatoires de CHL sont parfois fixés juste avant ou juste après la trêve internationale. En général, les sélections en tiennent compte et renoncent aux joueurs concernés, ou les laissent partir plus tôt (ce fut le cas des Allemands en novembre) ou arriver plus tard. La Tchéquie a procédé autrement cette fois. En convoquant Roman Červenka (Rapperswil) et David Tomášek (Färjestad), elle a engagé un bras de fer avec deux clubs étrangers.
Radim Rulík est nouveau comme sélectionneur national. Il est encore novice dans ses relations avec les clubs. Après son excellent début au tournoi Karjala (trois victoires en trois rencontres), il a reconduit la majorité de son effectif et tient à constituer son équipe-type. Il n’hésite pas à convoquer des vétérans qu’il n’est évidemment plus question de tester, mais d’utiliser comme cadres du système. Peu importe si Červenka a 38 ans, Rulík a dit qu’il aurait aussi Jan Kovář (Zoug, 33 ans) si celui-ci ne venait pas de reprendre le jeu après une blessure à la jambe.
Le droit est pour Rulík. Le règlement IIHF précise que les joueurs doivent être mis à disposition de leur sélection avec 48 heures d’avance. Cela n’interdit pas de s’arranger, comme l’a fait l’entraîneur suisse Patrick Fischer en convoquant les participants à la CHL pour mercredi matin. Červenka est le maître à jouer de Rapperswil, l’homme sans qui jamais ce petit club ne serait monté jusqu’à jouer une compétition européenne. Sans lui, le SCRJ n’est plus la même équipe, et après sa victoire à l’aller, elle s’est inclinée au match retour… chez un club tchèque, Vítkovice. C’est pour cela que la Suisse a crié au scandale en dénonçant une manigance des Tchèques.
Il faut dire qu’ils ont donné tous les arguments en ce sens. Ils ont insisté pour avoir deux attaquants évoluant dans des clubs étrangers (éliminés), mais ont accepté que Roman Will joue son match de CHL avec Pardubice et arrive plus tard. Or, Rulík est l’ancien entraîneur de… Pardubice, dont le patron Petr Dědek est un homme très influent dans le hockey tchèque.
Lundi, Rulík jouait au candide : « Je dois dire que c’est différent pour un gardien que pour un joueur. Cela ne nous gêne pas du tout que Will arrive mercredi. [Červenka et Tomášek sont des joueurs qui sont intégrés dans un certain système, nous voulions qu’il soit là. Je suis désolé qu’il y ait eu une telle friction avec les clubs, mais cela ne m’était pas venu à l’idée que la CHL était jouée pendant la trêve internationale. »
Le lendemain, virage à 180°C du même Rulík : « Après consultation au sein de notre staff d’entraîneurs, nous avons réévalué notre stratégie et nous voulons entrer dans le tournoi seulement avec les joueurs présents au camp d’entraînement depuis le premier jour. » Josef Kořenář, prévu comme gardien d’entraînement, a donc remplacé Will. Difficile de ne pas voir dans cette volte-face la conséquence des débats houleux avec les clubs. La dérogation accordée au gardien était un « deux poids deux mesures » intenable.
Les principaux intéressés n’ont pas participé aux discussions animées entre dirigeants, pas plus que Rulík que le principal intéressé, Roman Červenka : « Je ne voulais pas refuser ma sélection. Cela s’est passé un peu au-dessus de moi. Les règles ont sûrement été suivies. Cela dépendait de quelqu’un d’autre… Bien sûr j’en ai parlé au club. Ils m’ont dit ce qu’ils voulaient, comment ça devrait être… mais c’est ainsi que ça a tourné. Nous ne sommes pas très bons en club, j’avais aussi besoin d’un changement d’environnement. C’est pourquoi je suis content d’être ici et de faire un petit break. »
Vu les mécontents qu’ils ont faits, les Tchèques ont vraiment intérêt à gagner ce soir. C’est le seul match à Prague avant mai et une répétition de l’atmosphère des prochains Mondiaux pour Rulík : « Quand 16 000 personnes viennent à la O2 Arena et que l’équipe nationale monte sur la glace, tout est un peu différent. Nous voulons jouer un bon match, mais pas nous rendre dingues avec cette foule. » Test mental donc, sachant qu’ils sont plus de 17 000 spectateurs ce soir.
En face, la Finlande est toutefois un gros morceau. Elle compte certes trois débutants (Otto Latvala, Atro Leppänen et Arttu Hyry) mais aussi six champions olympiques de 2022. Elle ne compte que trois tirs en première période… mais son efficacité est maximale ! Le défenseur Martin Jandus s’implique à l’offensive dans le coin de la patinoire et ses ailiers Červenka et Řepík couvrent mal. Juho Lammikko peut ainsi envoyer en 2 contre 1 Eemeli Suomi et Aleksi Saarela. Ce dernier dribble le gardien et glisse le palet du revers dans les filets (0-1). Une faute de carre du passeur de ce but Eemeli Suomi, qui chute tout seul en zone neutre, offre toutefois un breakaway à Ondřej Kovařčík, qui échoue en face-à-face avec Harri Säteri.
C’est en profitant d’un changement de joueurs de la Finlande que les Tchèques égalisent en deuxième période. La longue passe de Filip Pyrochta provoque un 2 contre 0 et Pavel Kousal décale David Tomášek, qui marque dans le haut du filet son quatrième but en quatre matches internationaux cette saison (1-1). Säteri ne pouvait rien faire sur cette action, mais il se déplace bien pour empêcher Pyrochta de convertir une passe transversale de Jakub Flek sur une nouvelle contre-attaque. Il arrête aussi un revers de Červenka à bout portant et reste bien positionné. Pas gêné par le but encaissé sur son premier tir, Dominik Pavlát est aussi solide devant les filets tchèques.
La clé vient des frères Kovařčík, réunis pour la première fois de leur carrière sous le maillot tchèque : Michal tire à la cage, Ondřej arrive au moment idéal sur le rebond pour dribbler le gardien à pleine vitesse et inscrire son premier but pour sa quatrième sélection (2-1). Les trois buts de la soirée auront tous été inscrits du revers, ce qui n’arrive plus si souvent dans le hockey sur glace. Quand la Finlande sort son gardien en fin de match, Červenka part vers la cage vide et Lammikko le fait trébucher. Après la pénalité, Säteri ne quitte plus sa cage que pour rétablir une parité à 5 contre 5, en vain.
Radim Rulík écrit déjà l’histoire : c’est la première fois qu’un entraîneur de la Tchéquie commence son mandat par 4 victoires. Malgré la polémique, c’est lui qui gagne !
Désignés joueurs du match : David Tomášek pour la Tchéquie et Harri Säteri pour la Finlande.
Commentaires d’après-match :
Radim Rulík (entraîneur de la Tchéquie) : « Ce n’est qu’en deuxième période qu’ils nous ont verrouillés dans notre zone pendant deux ou trois présences, mais la plupart du temps nous étions sur le palet. Ils se sont donc appuyés sur leur défense, en espérant des contre-attaques. Notre jeu actif ne leur a pas donné beaucoup d’occasions. J’ai apprécié l’excellente performance de notre gardien. Je pense que Flek et les Kovařčík ont été parmi nos meilleurs joueurs sur la glace. Ils ont été récompensés par le but décisif mais ont très bien joué tout le match. Je sais ce que le hockey signifie pour la nation tchèque. Après tout, nous avons eu la meilleure affluence de l’histoire des championnats du monde, et nous pourrions la dépasser. Cela ne peut arriver que dans un pays qui aime le hockey. »
Ondřej Kovařčík (attaquant de la Tchéquie) : « Nous n’aurions pas cru inscrire le but décisif. Nous avons été récompensés pour notre activité. J’aime la façon dont joue mon frère. Nous sommes des joueurs similaires. Il m’a dit que j’avais eu tellement d’occasions qu’il ne voulait même plus me faire de passe. [rires] Donc il a décidé de tirer, heureusement cela m’a touché et j’ai pris le rebond. Pendant l’hymne national , j’avais un frisson qui descendait le long de la colonne vertébrale. C’est un beau sentiment, qui aurait cru avant la saison que je jouerais dans une O2 Arena pleine. Ma grand-mère était là, des amis, douze personnes en tout. »
Tchéquie – Finlande 2-1 (0-1, 1-0, 1-0)
Jeudi 14 décembre 2023 à 18h30 à la O2 Arena de Prague. 17 013 spectateurs.
Arbitres : Christoffer Holm (SUE) et Miroslav Štolc (SVK) assistés de Daniel Hynek et Jiří Ondráček (TCH).
Pénalités : Tchéquie 6′ (0′, 2′, 4′) ; Finlande 10′ (2′, 4′, 4′).
Tirs : Tchéquie 28 (8, 14, 6) ; Finlande 21 (3, 8, 10).
Évolution du score :
0-1 à 07’03 : Saarela assisté de Suomi
1-1 à 21’35 : Tomášek assisté de Kousal et Pyrochta
2-1 à 49’27 : O. Kovařčík assisté de M. Kovařčík
Tchéquie
Attaquants :
Roman Červenka (C, -1) – Michael Špaček (-1) – Michal Řepík (-1)
Daniel Voženílek – Tomáš Filippi (A) – Matěj Stránský
Radan Lenc (+1) – David Tomášek (+1) – Pavel Kousal (+1)
Ondřej Kovařčík (+1) – Michal Kovařčík (+1) – Jakub Flek (A, +1)
Défenseurs :
Filip Král (-1) – Tomáš Kundrátek
Filip Pyrochta (+1) – Martin Jandus (2′)
Dominik Mašín (2′) – Libor Zábranský
Jiří Ticháček (+1, 2′) – Ronald Knot (+1)
Gardien :
Dominik Pavlát
Remplaçants : Josef Kořenář (G), Jakub Rychlevský (A). En réserve : Michal Kempný, Mikuláš Hovorka (D), Petr Kodýtek, Ondřej Beránek (A).
Finlande
Attaquants :
Eemeli Suomi (+1) – Juho Lammikko (2′) – Aleksi Saarela (+1)
Anrei Hakulinen (-1) – Arttu Ruotsalainen – Lauri Pajuniemi (-1, 2′)
Jere Innala (-1) – Juhani Tyrväinen (-1) – Iiro Pakarinen (A)
Saku Mäenalanen (2′) – Arttu Hyry – Miikka Salomäki (-1, 2′)
Heikki Liedes
Défenseurs :
Rasmus Rissanen – Elmeri Eronen
Atte Ohtamaa (C) – Valtteri Kemiläinen
Tobias Winberg (-1) – Ville Pokka (A)
Atro Leppänen – Otto Latvala (-1, 2′)
Gardien :
Harri Säteri [sorti de 57’32 à 57’50 et de 58’26 à 60’00]
Remplaçant : Lassi Lehtinen (G). En réserve : Ruben Rafkin, Mikko Lehtonen (D), Juuso Mäenpää, Kalle Kossila (A).