Pour les amateurs de hockey Romand, le Père-Noël était un peu en avance cette année puisqu’en cette veille de réveillon de Noël, c’est un derby qui va se tenir entre Genève-Servette et Lausanne. Pour ce qui est dorénavant consacré comme le « Derby du Lac », les Vernets ont fait le plein (7135 spectateurs), signe que cette rencontre n’est pas un match comme les autres.
Champion en titre, Genève-Servette navigue en eaux troubles et n’occupe que la 8e place du classement. Et si la 6e place – directement qualificative pour les playoffs – reste accessible (Lugano ne dispose que de 5 points d’avance sur Servette), les Grenats sont pour l’instant loin des attentes placées en eux.
Trois raisons peuvent expliquer ce début de saison poussif. Tout d’abord, Genève-Servette a peut-être eu du mal à digérer son titre en encaissant de grosses défaites dès les premiers matchs. Ensuite, le duo de gardiens Robert Mayer/Gauthier Descloux est en difficulté. Rayonnant en saison régulière (2,31 buts encaissés et 91,3% d’arrêts) et stratosphérique en playoffs (1,67 but encaissé et 93,4% d’arrêts), Mayer est dans le dur depuis le début de l’exercice (3,26 buts encaissés et 87,8%). De son côté, Descloux peine à assumer un statut de n°1. Commotionné après avoir reçu un puck dans le casque dans un match face à Kloten, Mayer est out pour la fin de l’année 2023. Descloux régulièrement touché par des pépins physiques, le staff grenat a réagi en s’attachant les services du gardien international finlandais Jussi Olkinuora, membre des Pelicans de Lahti en début de saison.
« Ministre de la Défense » lors des 6 dernières années, Henrik Tömmernes n’a pour le moment pas été remplacé dans la défense genevoise. Et ce n’est pas vraiment la faute de l’infortuné Theodor Lennström, censé remplacer numériquement son compatriote dans l’arrière-garde des Aigles, limité à seulement 11 rencontres depuis le début de la saison par cause d’une blessure à la cheville contractée début septembre puis d’une blessure à la tête en novembre. Là encore, les dirigeants ne sont pas restés passifs en obtenant le prêt du défenseur ginlandais Julius Honka de Berne jusqu’à la fin de l’année civile.
Enfin, il est également fort plausible que les Aigles aient laissé de la gomme en CHL où le club du bout du Lac est encore en lice et va affronter les Finlandais de Lukko Rauma (aller le 9 janvier aux Vernets et retour le 16 janvier) pour une place en finale. Le parallèle avec la situation de Zoug la saison passée est d’ailleurs frappant. Le club de Suisse Centrale, champion 2021 et 2022, avait longtemps déçu en saison régulière tout en parvenant à sauver la face en CHL en atteignant la demi-finale (perdue face au futur champion Tappara Tampere).
Et pour couronner le tableau peu reluisant, Genève-Servette devra également se passer des services de son attaquant Canadien Daniel Winnik pour 6 à 8 semaines, blessé au genou dans une chute face à Ambrì-Piotta plus tôt dans la semaine.
À Lausanne, l’ambiance tend plutôt vers le beau fixe. Actuels quatrièmes du classement, les Vaudois font mentir les pronostics d’avant-saison. Pleinement débarrassé de la présence encombrante de Petr Svoboda, le LHC avait clamé en début de saison vouloir redevenir un club « normal ». Jusqu’à présent, l’objectif est rempli puisque le club est resté éloigné des scandales.
Le LHC ne fait parler de lui pour des raisons sportives avec notamment quelques belles histoires comme celle de Kevin Pasche. Prévu pour être 3e gardien (et assigné à Martigny en Swiss League), le jeune portier de 20 ans a été appelé en National League pour pallier la blessure de Connor Hugues et la méforme d’Ivars Punnenovs. Il est tout bonnement étincelant avec le grand club (7 victoires en 11 rencontres, 1,90 but encaissé et 93,1% d’arrêts). Malgré ses bonnes performances, Pasche est remplaçant ce soir. Vainqueur de Langnau plus tôt dans la semaine, Punnenovs est confirmé dans la cage lausannoise.
Genève-Servette impose un fort pressing d’entrée de jeu devant le but de Punnenovs, il faut près de deux minutes à Lausanne pour parvenir à franchir la ligne rouge et s’installer en territoire adversaire. Jäger presse Vatanen qui manque grossièrement sa relance. Le numéro 17 vaudois poursuit son action, contourne le filet et centre mais ni Fuchs ni Hügli ne parviennent à réceptionner. Puni pour être resté en jeu après avoir perdu son casque, Vatanen est exclu pour deux minutes. Le jeu de puissance ne donne rien, Olkinuora fermant les bottes sur la meilleure tentative venue de la crosse de Kovacs.
Après un début de match sur les chapeaux de roues, le niveau d’intensité baisse un peu, les deux équipes se neutralisent en zone neutre. Sur un engagement remporté en zone offensive, le tir de Pouliot frappe la barre. L’action suivante se déroule de l’autre côté de la patinoire : Haapala se joue d’Honka le long de la bande et relaie à Salomäki qui repique et adresse deux tirs à bout portant sur Olkinuora. Haapala récupère le rebond, complète son tour de cage et remet une nouvelle fois à Salomäki resté bien placé dans l’enclave, qui cette fois trouve le fond du filet (0-1, 08’45’’).
Légèrement dominateurs en termes de possession de palet, les Genevois peinent à se montrer réellement dangereux, car imprécis et gênés par la bonne défense des Vaudois qui laisse peu de place pour s’exprimer. De son côté, Lausanne fonctionne en contre, et Olkinuora doit s’employer pour repousser les tentatives de Suomela et de Salomäki. Le portier de Servette doit encore s’interposer sur un slap lointain de Pilut. Un derby ne serait pas un derby sans un peu de tension sur la glace, les échanges d’amabilités commencent à poindre après chaque coup de sifflet.
Genève-Servette va néanmoins parvenir à égaliser. Filppula perd son engagement en zone offensive face à Almond, mais Bertaggia jaillit sur Jelovac et intercepte sa relance derrière le but. Le Tessinois repère Honka au niveau du point d’engagement. L’ancien choix de repêchage de Dallas (14e choix de la Draft 2014) effectue un centre-tir que dévie victorieusement Filppula (1-1, 19’29’’), mal couvert par Holdener. Un nouvel échange de politesses entre Karrer et Salomäki conclut le premier tiers.
Pouliot puni en fin de tiers précédent, Lausanne attaque la période médiane avec un homme de plus sur la glace, mais se montre une fois de plus incapable d’installer son jeu de puissance, malgré une légère domination territoriale. La physionomie du match change, et cette fois c’est Genève-Servette qui procède en contre. Punnenovs s’impose d’abord face à Bertaggia puis face à Jooris qui après avoir remporté son duel avec Glauser dans l’arrondi avait pu repiquer vers la cage.
Le cerbère letton se montrera moins à son avantage sur l’action suivante. Berni récupère un puck perdu par Kenins dans sa zone offensive. Il transmet à Rod qui envoie le palet en transversale littéralement par-dessus Frick à destination de Berthon. Le natif de Lyon laisse le puck rebondir sur la bande, en prend le contrôle et adresse un tir depuis le point d’engagement qui passe au-dessus du bouclier de Punnenovs (2-1, 26’09’’). Berthon marque son premier but en championnat depuis presque 1 an (13 janvier 2023 contre Lugano). Pas à son avantage sur le 2-1, Punnenovs se rattrape en privant Miranda d’un 3e but cette saison.
À la mi-match, le sort de la rencontre basculedu côté des protégés des Vernets. Pouliot et Vatanen s’échangent le palet le long de la bande. L’ancien compère de ligne de Sidney Crosby à l’Océanic de Rimouski relaie avec Richard et part au filet. Richard lui envoie une passe tendue à mi-hauteur. Bien qu’excentré, Pouliot parvient à dévier le puck qui tombe devant Punnenovs et passe entre ses jambières (3-1, 30’08’’). Sur deux actions ayant démarré de manière presque anodine, Genève-Servette parvient à creuser l’écart.
De leur côté, les Lausannois ne parviennent pas à saisir les opportunités offertes. Ils disposent de près de 4 minutes de supériorité numérique durant lesquels ils ont toutes les peines du monde à s’installer et se montrent particulièrement imprécis à l’image de Pilut qui expédiera coup-sur-coup deux « plombs » hors-cadre depuis la ligne bleue. Ils restent également vulnérables aux contres genevois, Bertaggia ayant le 4-1 au bout de la crosse. Pourtant, le LHC réussit à réduire la marque en fin de période avec un magnifique but : Holdener catapulte de volée à mi-hauteur – tel un joueur de baseball – le palet contré par Olkinuora consécutif à un tir puissant de Jäger (3-2, 38’59’’).
La dernière période débute par une double parade d’Olkinuora face à Genazzi puis Jäger. À la 45e, le gardien finlandais (qui avait signé à Bienne la saison précédente avant de faire jouer sa clause NHL pour rejoindre Détroit) sort le grand jeu face à Haapala qui avait profité d’un mauvais dégagement de Völlmin.
La rencontre devient plus tactique et les occasions moins nombreuses. Mais alors que les minutes s’égrènent, les Lausannois tombent dans le piège de l’indiscipline. C’est d’abord Jelovac qui rejoint le banc d’infamie avec un peu plus de 3 minutes à faire. Punnenovs s’impose sur les tentatives de Pouliot et de Filpulla pour garder un espoir d’égalisation. Celui-ci sera condamné par Marti qui assène un double-échec dans le dos de son adversaire avec moins de 2 minutes à jouer sur l’horloge. Le LHC rappelle son gardien au banc, Manninen en profitant pour inscrire le but de l’assurance dans la cage vide (4-2, 59’37’’).
Auteur d’une prestation solide, Genève-Servette a fait honneur à son statut de champion en disputant un match plein, grâce notamment à son gardien Olkinuora (particulièrement rassurant sur sa ligne) et à ses « soutiers », aux premiers rangs desquels les buteurs du soir Berthon et Pouliot. Les Lausannois pourront quant à eux regretter leurs approximations en jeu de puissance, leur talon d’Achille (avant-derniers de National League avec seulement 14,8% de supériorités concrétisées).
Déclarations d’après-match (Blick) :
Jan Cadieux (entraîneur, Genève-Servette) : « Oui, je suis satisfait de mon équipe, même si tout n’était pas encore parfait. J’ai bien aimé la réaction de l’équipe après avoir pris le 3-2 sur un coup du sort en fin de deuxième période. Ces derniers temps, nous avions tendance à trop reculer lorsque nous avions l’avantage. Ce n’était pas le cas ce soir. Pour moi, cette victoire face à Lausanne est une preuve que la confiance revient lentement, poursuit-il. Au niveau de l’état d’esprit, c’était bien. »
Noah Rod (attaquant et capitaine, Genève-Servette) : « C’était important de partir en pause sur une bonne note, surtout dans un derby. Si l’on regarde dans la globalité, c’est bien mieux ces derniers temps. Hormis Ambri, cela faisait un moment que nous n’avions pas perdu. Je suis convaincu que si nous continuons à travailler, nous allons arriver là où nous le souhaitons. Holdener marque un superbe goal pour le 3-2, mais nous, derrière, on s’en fout. On continue à jouer notre jeu et c’est une des raisons qui fait que nous avons fini par gagner. »
Geoff Ward (entraîneur, Lausanne) : « Notre power-play devait faire la différence tôt dans le match mais ne l’a pas fait. On en a perdu le momentum. (…) Cette période de l’année est importante : il faut augmenter son niveau de jeu si tu veux être l’une des meilleures équipes et te battre jusqu’à la fin. Tout ce qui s’est passé jusqu’à maintenant n’a pas d’importance. »
Joël Genazzi (défenseur et capitaine, Lausanne) : « Je pense que des deux côtés, il y a eu des erreurs défensives. Le hockey est un sport d’erreur. Ils en ont profité 2-3 fois et nous, on l’a fait une fois de moins. (…) On ne s’est pas trop focalisé sur les vacances mais, c’est clair que quand tu vas rentrer, que ta famille te parle et que tu as perdu le derby, ce n’est pas la même chose que si tu étais venu t’imposer ici. »
Illustrations de Pierre Maillard
Genève-Servette – Lausanne 4-2 (1-1, 2-1, 1-0)
Samedi 23 décembre 2023 à 19h45 à la patinoire des Vernets. 7135 spectateurs (guichets fermés).
Arbitres : Mark Lemelin (USA) et Stefan Fonselius (FIN) assisté de Nathy Burgy et Valentin Meusy
Pénalités : Genève-Servette 12’ (8’, 4’, 0’) ; Lausanne 10’ (2’, 0’, 8’)
Tirs : Genève-Servette 28 (5, 9, 14) ; Lausanne 29 (8, 15, 6)
Évolution du score :
0-1 à 08’45’’ : Salomäki assisté de Haapala et Suomela
1-1 à 19’29’’ : Filppula assisté de Honka et Bertaggia
2-1 à 26’09’’ : Berthon assisté de Rod et Berni
3-1 à 30’08’’ : Pouliot assisté de Richard et Vatanen
3-2 à 38’59’’ : Holdener assisté de Jäger et Frick
4-2 à 59’37’’ : Manninen assisté de Hartikainen (cage vide)
Genève-Servette
Attaquants
Marco Miranda – Tanner Richard – Marc-Antoine Pouliot
Noah Rod – Valtteri Filpulla – Vincent Praplan
Josh Jooris – Sakari Manninen – Teemu Hartikainen
Eliot Berthon – Christophe Cavalleri – Alessio Bertaggia
Défenseurs
Giancarlo Chanton – Sami Vatanen
Tim Berni – Roger Karrer
Simon Le Coultre – Julius Honka
Michael Völlmin
Gardien
Jussi Olkinuora (27/29)
Remplaçants : Gauthier Descloux (G), Antoine Grignard. Absents : Guillaume Maillard (blessé), Arnaud Jacquemet (blessé), Daniel Winnik (blessé), Theodor Lennström (blessé), Robert Mayer (blessé), Mathieu Vouillamoz (prêt à Sierre)
Lausanne
Attaquants
Mïkka Salomäki – Antti Suomela – Henrik Haapala
Robin Kovacs – Théo Rochette – Damien Riat
Jason Fuchs – Ken Jäger – Michael Hügli
Ronalds Kenins – Cody Almond – Makai Holdener
Défenseurs
Christian Djoos – Andrea Glauser
Aurélien Martin – Lawrence Pilut
Lukas Frick – Fabian Heldener
Joël Genazzi – Igor Jelovac
Gardien
Ivars Punnenovs (24/27) [sorti de 59’01’’ à 59’37’’]
Remplaçant : Kevin Pasche (G). Absents : Michael Raffl (blessé), Connor Hughes (blessé), Jiří Sekáč (blessé), Tim Bozon (blessé), Nicolas Perrenoud (prêt à Martigny), Dario Sidler (prêt à La Chaux-de-Fonds), Matthias Méméteau (prêt à Martigny), Benjamin Bougro (prêt à Martigny), Marco Pedretti (surnuméraire)