Depuis l’annonce par l’Hormadi de sa démission le 26 février, Pierrick Rezard, désormais ex-entraîneur d’Anglet, était resté discret : « J’ai coupé mon téléphone, j’avais besoin de me retrouver seul avec ma femme et mes enfants. J’en profite pour faire tout ce que je n’ai pas pu faire pendant mes deux saisons à Anglet, je suis par exemple actuellement en visite en Espagne. »
Après avoir pris du temps pour se ressourcer, il explique aujourd’hui les raisons de son départ.
– Pourquoi avoir choisi de démissionner ?
On ne jouait pas très bien, il restait deux matches de championnat. Il y avait forcément de la pression, le maintien était en jeu. La priorité, c’était vraiment le club. Il ne faut pas se tromper de mission, s’attacher à un contrat.
J’ai senti que mon discours ne passait plus. Il se dit parfois qu’on perd un vestiaire, on en était à ce niveau-là. J’ai provoqué un peu les choses avec les joueurs, pour savoir où on en était réellement. J’ai pris la décision de m’écarter de ma fonction, c’était à mon sens la meilleure décision à prendre.
– Qu’est-ce qui vous a fait sentir que vous aviez perdu le vestiaire ?
En tant que coach, on vit au quotidien avec l’équipe, il y a des hauts et des bas. C’est un ressenti, les consignes n’étaient plus appliquées. Le poids des défaites a égratigné la confiance dans ce que nous proposions avec le staff.
– En quoi votre adjoint Mathieu Cyr, qui vous a succédé, a été épargné par cette défiance ?
Mathieu Cyr a une personnalité différente. Les joueurs, de nos jours, réclament beaucoup de communication. Changer d’interlocuteur fait du bien. À mon avis – avis que j’ai donné au club – Mathieu Cyr était la meilleure personne. Il a toutes les compétences. Et cela a l’air de bien se passer car Anglet a aujourd’hui assuré son maintien.
– C’est courageux de votre part d’avoir admis ce constat mais cela ne doit pas être facile…
Devoir à nouveau déménager avec ma famille, ce n’était pas une décision agréable à prendre. J’avais encore un an de contrat, un salaire correct, et j’ai une femme et deux enfants en bas âge. Mais je me suis toujours impliqué à 100%. Le hockey est ma passion, si j’en étais privé je serais en dépression.
J’ai peu travaillé avec les enfants à Anglet, mais je les voyais avec des paillettes dans les yeux quand ils regardaient l’équipe pro. Le club passe avant tout. L’important était de rester en Magnus, pas ma situation personnelle.
– Le fait que le président Cazenabe avait annoncé son intention de changer de coach l’an prochain lors de la réunion avec les supporters a-t-il influencé votre décision ?
Je ne sais pas du tout ce qu’il avait dit aux supporters. De manière générale, le club n’a pas trop soigné sa communication à mon avis. J’essaie de m’en écarter au quotidien, je reste dans ma bulle. Si le club m’avait dit qu’il ne comptait plus sur moi la saison prochaine, de toute façon, j’en aurais pris acte, je ne me serais pas accroché à mon contrat.
– L’incertitude sur l’avenir et la situation financière de l’Hormadi ont-elles pesé sur les difficultés sportives ?
En deux saisons dans le Pays Basque, je n’ai pas connu beaucoup de sérénité. On peut quasiment dire qu’il y a eu une crise politique tous les six mois. Pour qu’un club comme Anglet survive en Ligue Magnus, cela demande beaucoup de travail, il faut de la sérénité. Cela ne veut pas dire qu’il faut se foutre des résultats sportifs, bien au contraire. Mais niveau sérénité, c’était moins mille.
L’annonce d’un possible nouveau manager sportif l’an prochain [NDLR : l’ancien handballeur Jérôme Fernandez] n’a pas été communiquée avec le staff technique. Si moi je n’étais pas au courant, c’est que forcément ma place était en ballottage. Les joueurs le ressentent. Quand l’annonce intervient juste avant le départ à Rouen, toute l’équipe ne parle que de ça.
Quand on annonce des problèmes financiers alors que l’équipe est en train de jouer aux cartes avant de monter dans le bus, le sujet des conversations, ce ne sont pas les éliminations de Koh-Lanta. Les imports n’ont pas les mêmes références que nous, ils ne savent pas si le club ne va pas couler dès le lendemain. Ce genre de choses se passe dans beaucoup de clubs, dans beaucoup de sports, mais la communication n’a pas aidé.
– Comment jugez-vous avec le recul l’équipe et le recrutement ?
Jusqu’à janvier, je trouve qu’on était beaucoup plus constants. Il y a eu des non-matches l’an dernier où l’équipe ne répondait plus, ce n’était plus le cas. Même si on était menés au score, on savait qu’on était capables de revenir. Si j’avais à le refaire, je referais pareil en termes de construction d’équipe, dans les personnalités et les profils de joueurs.
– Gap, que vous connaissez bien, n’a toujours pas assuré son maintien. Éric Blais, dont vous aviez été l’adjoint pendant deux ans, a lui aussi perdu sa place. Avez-vous échangé avec lui ?
On s’entend très bien avec Éric et on a forcément échangé. Gap est un club qui a eu du succès, pendant les années Basile puis Blais, mais les choses sont fragiles. Il y a eu beaucoup de changement à l’intersaison, de mon point de vue, mais cela ne remet pas en cause le travail d’un club comme Gap. Le niveau augmente, la ligue est très compétitive, c’est difficile pour tout le monde d’y rester.
La grosse force de Gap était le groupe. Je les prenais en exemple même quand je travaillais en D1, car c’est un club où les joueurs avaient envie d’aller jouer, de se joindre à ce groupe.
– Que comptez-vous faire maintenant pour rebondir ?
C’est flou pour le moment, ce n’est pas facile de rebondir. Il va bien falloir car je ne sais faire que ça. Où et quand, c’est trop tôt pour le dire. Je ne visualise pas, je sais bien que personne ne m’attend. Je viens d’un petit club à la base [NDLR : Amnéville], personne ne s’attendait à ce que j’entraîne en Magnus. Je vais faire la même chose que d’habitude, travailler fort et prouver ma cohérence.
– Resterez-vous attaché au Pays Basque ?
Mes enfants sont nés ici, cela crée des attaches. J’ai pris du plaisir dans chaque région où j’ai évolué en France, on a vraiment un pays formidable où le paysage change complètement quand on fait 200 kilomètres. Malheureusement, cela ne se finit pas comme je l’aurais voulu mais j’ai découvert ce Pays Basque qui gardera une place dans mon cœur.