Le hockey allemand nous propose, à nouveau, une finale inédite. La saison dernière nous avions droit à une finale 100% bavaroise, jamais vu depuis la création de la DEL. Cette année nous avons une finale aux antipodes. Berlin se présente avec ses 12 finales et 9 titres de champion face à Bremerhaven qui n’a jamais atteint ce niveau de compétition. Les Fischtown Pinguins sont, comme leur nom l’indique, un club tourné vers la mer. La ville est avant tout une cité portuaire importante et historiquement un lieu d’émigration de la population allemande vers les États-Unis.
Si le hockey a débuté avant-guerre dans cette cité, c’est à partir de 1974 que le club remonte les échelons jusqu’à la banqueroute de 1983 en Bundesliga 2. Le second départ tout en bas ne s’arrêtera plus jusqu’aux deux titres de champions remportés en DEL 2 (2002 et 2014). C’est d’ailleurs à l’issue de ce titre que le club s’est inscrit à la Coupe continentale 2015, dont il a accueilli le tournoi final, face à Angers entre autres, en atteignant la deuxième place.
Pour la petite histoire, l’entraîneur-assistant de Berlin aux côtés de Serge Aubin, le Germano-Canadien Craig Streu, fait partie des joueurs ayant marqué l’histoire de Bremerhaven. Il est à ce jour le deuxième marqueur avec 381 points et le meilleur distributeur d’assistances de l’histoire du club. Il est suivi par Jan Urbas et ses 322 points qui prendra place sur la glace de cette finale.
Si les Eisbären partent largement favoris et pourraient compter un 10e trophée dans leur histoire, Serge Aubin est loin de vendre la peau de l’ours : « Bremerhaven est à juste titre en finale. Ils ont fait une très bonne saison. Ils ont été très constants dès le début, jouent de manière très disciplinée et disposent d’unités spéciales incroyablement fortes. Je m’attends donc à une longue série dans laquelle chaque centimètre sera combattu. La discipline jouera un rôle important. Les deux équipes ont de bons jeux de puissance. Il s’agira de mettre en œuvre le plan de jeu et de gagner les duels. Nous avons une équipe expérimentée. Nous serons certainement confrontés à l’adversité tout au long de la série. J’espère que cette expérience nous aidera. »
Kai Wissmann, défenseur berlinois, est à la fois impatient et très vigilant : « C’est la belle finale. Se rencontrent deux grandes équipes qui ont été les plus constantes tout au long de la saison. À mon avis, la comparaison entre David et Goliath qui a été invoquée est erronée. En tant que vainqueur de la saison régulière, Bremerhaven n’est pas l’opprimé. On sait ce qui nous attend en finale. Nous avons déjà été confrontés à plusieurs reprises à des situations similaires et avons pu les mener à bien. Nous voulons aborder la série avec ce sentiment. Cela dépendra des petites choses. Les deux équipes ont de solides unités spéciales. Bien sûr, nous voulons faire peu d’erreurs et profiter des erreurs de nos adversaires. Nous avons été très forts à l’extérieur et nous nous sommes améliorés à domicile au fil de la saison. C’est pourquoi nous ne nous soucions pas de commencer loin de chez nous. Dès que la rondelle est lancée, nous voulons jouer notre jeu et remporter la victoire. »
C’est Bremerhaven qui a la chance d’ouvrir le bal avec une patinoire pleine et déjà heureuse de l’évènement. La cité portuaire est honorée avec des chants du public au son des chansons de marins. Par la suite, l’hymne national retentit avec le corps musical de la marine nationale.
Les deux coachs sont tendus et ont chacun une solide expérience avec 227 victoires en DEL pour Serge Aubin sur 390 matchs. Thomas Popiesch a lui 229 victoires mais sur 448 parties. On dira qu’Aubin a une plus grande efficience et remporté deux trophées. Mais tout ceci peut être remis en question.
Berlin remporte la première mise au jeu de cette finale et Jonas Müller s’échappe pour aller shooter sur le portier (0’35). Sur la mise au jeu qui suit, le palet este envoyé derrière la cage et Leo Pföderl le capte pour le ramener devant les buts. Boychuk prend le gardien Gudlevskis à défaut. Bremerhaven est pris à froid (0’43 : 0-1).
Clairement les Berlinois imposent une présente forte à l’avant en zone offensive. Par la suite les nordistes parviennent à desserrer l’étau pour se projeter à l’avant. Jensen envoie un palet sur Hildebrand qui se rate avec une mitaine incertaine. Plutôt rare, ce genre de méprise du gardien américain. C’est Appendino qui est présent au rebond (2’06). Par la suite le repli défensif de Berlin est ajusté. Les batailles dans les bandes sont rudes. Les Ours imposent leur puissance avec un forecheck solide. Les duels sont gagnés et permettent d’augmenter le danger. Leo Pföderl envoie un puissant tir en entrée de zone. Pas attaqué, il revient récupérer l’énorme rebond et double la mise (5’33 : 0-2).
Les joueurs de l’Est sont clairement dans leur match et parfaitement efficaces dans tous les secteurs du jeu. La présence des blancs est énorme. Bremerhaven reprend le jeu mais est totalement bloqué pour construire ses attaques. Les joueurs sont rapidement isolés les uns des autres par un maillage défensif impénétrable. On ne voit pas vraiment comment se sortir de ce piège. Et pourtant… Les locaux trouvent des ressources, d’abord avec Eminger qui trouve le poteau sur son tir (9’21). Les noirs utilisent toute la surface de jeu en zone offensive et font « courir » les blancs. Bien décalé et, du coup, abandonné, Kälble envoi un palet lointain sur le gardien. Hildebrand fait une nouvelle erreur de mitaine et le palet retombe dans les buts. C’est la folie dans les tribunes (11’07 : 1-2).
Suite à une mauvaise relance des blancs, Kälble est ensuite passeur avec un tir de loin que Mauermann récupère et va placer dans les buts. Marco Nowak n’a pas pu suivre, tout comme le reste de l’équipe berlinoise prise de vitesse (12’40 : 2-2).
En un peu plus d’une minute, Bremerhaven est revenu au score. C’est la grande ambiance dans la patinoire. En donnant beaucoup de patinage les joueurs de Popiesch ont réussi à prendre de vitesse les Berlinois et renverser la partie. Mais les blancs n’ont pas dit leur dernier mot, ils se projettent en deux contre un et Boychuk ne peut pas reprendre le puck. Gudlevskis a bien suivi en se couchant et en fermant la porte, la jambe calée contre le poteau (14’52). La révolte berlinoise continue avec Jonas Müller qui glisse le palet entre les jambes. il est repoussé par le défenseur mais tout le monde se jette sur le puck comme des morts de faim. Gudlevskis est tout simplement « enterré » par une forêt de joueurs (16’09). Bremerhaven finit fort le tiers avec encore plus de vitesse et de tirs à la cage. La pénalité de Wissmann permet même de mitrailler la cage de Hildebrand. C’est feu nourri ! Tout le monde rentre sur ce score de parité. Mais les deux équipes ont démontré de sacrées qualités de haut niveau.
En deuxième période, Bremerhaven continue sur son temps fort. La réponse est donnée par l’intenable Leo Pföderl qui s’échappe en solo pour un tir intense qui passe entre les jambes de Gudlevskis, encore une fois. C’est nettoyé dans l’urgence (25’23). Berlin fait à nouveau sa loi avec une déviation de Tiffels sur un tir de Wissmann (26’40). La machine est en route et carbure à plein régime. La défense locale est prise de vitesse et l’oubli est dramatique. Blaine Byron se retrouve totalement seul face au portier letton des nordistes, sans conséquence toutefois (27’15). Les locaux vont-ils tenir ? La défense va-t-elle craquer ? Un palet de Noebels percute l’épaule du gardien (27’48). Bremerhaven réagit et, sur la première réelle offensive, déboussole le système berlinois. La vitesse d’exécution est foudroyante suite au tir de Miha Verlič. Le jeu à trois qui suit est incroyable et Verlič conclut, cage totalement vide (29’40 : 3-2).
C’est au plus mal que les joueurs de Popiesch ont à nouveau tout renversé. Décidément, ces « pêcheurs » du nord ont rempli les filets. Et ça continue, avec un pressing infernal sur les avants berlinois. Les Eisbären ont les pires difficultés à sortir de leur « tanière ». Hildebrand lâche encore un nouveau rebond. Décidément, ce soir, le gardien ne donne pas de gages de sûreté. De l’autre côté, Gudlevskis effectue un double arrêt magistral (34’35). Malgré cet arrêt solide, Popiesch est très loin de vouloir rigoler. Il passe un sévère recadrage à ses joueurs. Il y a eu trop de fuites défensives à son goût. La suite est de l’ordre de l’exceptionnel avec une première passe de sortie de zone depuis le slot par Kälble. Mauermann fait la remontée, s’appuie sur Alex Friesen en une/deux. Mauermann, de nouveau, fait la passe dans le dos à Friesen qui conclu d’un tir qui perfore Hildebrand, le tout à une vitesse incroyable ! C’est le délire dans la petite patinoire de Bremerhaven (35’40 : 4-2).
On a maintenant compris que Bremerhaven est capable de sautes de rythme mais parvient à effectuer des accélérations impressionnantes qui laissent tout le monde planté sur la glace ! Les Fischtown Pinguins poussent encore plus fort, le kop chante à tout rompre et le public suit en chantant et en tapant des mains. Nous sommes dans un chaudron, un cœur qui bat à tout rompre. Les Berlinois rentrent au vestiaire groggy.
La troisième période n’a pas débuté que déjà les visages sont ultra-concentrés comme Ross Mauermann qui fixe une cible invisible devant lui. Les joueurs de Serge Aubin en ont vu d’autres et repartent à la bataille. Ty Ronning capte le palet et traverse la zone, contourne Bruggisser et envoie le puck sur le gardien letton qui plaque sa mitaine sur la glace (41’15). En supériorité, et suite à un contre local, Pföderl, bien décalé, arrive droit sur le gardien et n’a plus qu’à reprendre « one timer » (42’42). Par la suite la pression est de toute part, les équipes contre-attaquent dans les deux sens. Mais au fur et à mesure, Bremerhaven remporte des duels et reprend l’avantage. Wissmann est poussé à la faute. La pénalité ne donne rien mais les locaux exercent un pressing sur l’homme intenable. Avec son public, l’équipe de Popiesch tient son match. Mauermann traverse le slot et provoque la faute de Melchiori. Décidément les blancs sont obligés d’utiliser la force pour stopper le danger. Il n’y a plus le choix, Serge Aubin doit sortir son gardien. Il prend son temps mort. Mais le pressing très haut des noirs est étanche. Berlin n’y arrive pas et doit céder. C’est l’explosion, Bremerhaven tient sa première victoire dans cette série. À l’issue, Gudlevskis revient voir le kop de supporters et se jette contre la balustrade pour saluer le public.
Commentaires d’après-match :
Serge Aubin (entraîneur de Berlin) : « Nous étions prêts tout de suite et nous avons pu prendre rapidement une avance de 2-0. Mais après cela, nous n’avons plus gagné les duels. Respect à Bremerhaven. Ils se sont bien battus et méritaient de gagner. Je sais que nous pouvons mieux jouer. Nous apprendrons du match et nous envisageons déjà le deuxième match de vendredi. »
Kai Wissmann (capitaine de Berlin) : « Bremerhaven a profité de ses occasions et nous ne l’avons pas fait. Je veux dire : on était tout seuls devant leur but 6 ou 7 fois. Si on n’en place que quelques-uns, alors on mène 4-2 et pas eux. Il y a aussi d’autres points que nous devons améliorer. Mais je pense que c’est l’une des principales raisons. Jouer plus vite depuis l’arrière, comme dans les 10 premières minutes. Ne pas toujours essayer de créer des occasions en zone neutre avec la possession de la rondelle. Placer simplement la rondelle derrière la défense et travailler dessus. Nous avons fait un excellent travail dans les 10 premières minutes et Bremerhaven n’a rien vu. Ensuite, nous avons pensé – oh ouais, super, ça marche. Nous voulions que ce soit un peu trop beau. Oui, c’est 1-0 – je veux dire, ils font la fête ici comme s’ils avaient gagné le championnat. Mais nous savons que nous sommes loin d’avoir terminé. »
Thomas Popiesch (entraîneur de Bremerhaven) : « La ville entière est tellement excitée. C’est une euphorie incroyable et nous sommes heureux de l’emporter avec nous. Après le 2-2, nous avons rejoué notre hockey sur glace. C’était positif que notre quatrième ligne marque le but suivant, ce qui a apporté une certaine efficacité. »
Bremerhaven – Berlin 4-2 (2-2, 0-2, 0-0)
Mercredi 17 avril 2024 à 19h30 à l’Eisarena Bremerhaven. 4639 spectateurs.
Arbitres : Reid Anderson (CAN) et Martin Frano (TCH) assistés de Kai Jürgens et Nikolaj Ponomarjow
Pénalités : Bremerhaven 4′ (2’, 0’, 2’) ; Berlin 8’ (4’, 0’, 4’)
Tirs : Bremerhaven 33 (15, 7, 11) ; Berlin 36 (10, 13, 13)
Évolution du score :
0-1 à 00’43 : Boychuk assisté de Pföderl et Melchiori
0-2 à 05’33 : Pföderl assisté de Geibel
1-2 à 11’07 : Kälble assisté de Bruggisser et Kinder
2-2 à 12’40 : Mauermann assisté de Kälble
3-2 à 29’40 : Verlič assisté de Jeglič et Nich
4-2 à 35’40 : Friesen assisté de Mauermann et Kälble
Bremerhaven
Attaquants :
Jan Urbas (+1) – Žiga Jeglič (+1) – Miha Verlič (+1)
Ross Mauermann (+2) – Markus Vikingstad (+1) – Colt Adam Conrad (+1)
Felix Maegaard Scheel (4’) (-2) – Alexander Friesen (+1) – Dominik Uher (-2)
Justin Büsing (+1) – Christian Wejse (+2) – Nino Kinder (+1)
Défenseurs :
Blaž Gregorc – Vladimir Eminger
Lukas Kälble (+2) – Phillip Bruggisser (+2)
Nicolas Appendino – Nicholas B. Jensen
Philip Preto
Gardien
Kristers Gudlevskis
Remplaçant : Maximilian Franzreb (G). Absents : Anders Grönlund, Marat Khaidarov, Skyler McKenzie (blessés), Gregory Kreutzer, Jake Virtanen (surnuméraires).
Berlin
Attaquants :
Leonhard Pföderl (+1) – Zachary Boychuk – Marcel Noebels (+1)
Tobias Eder (-1) – Blaine Byron – Frederik Tiffels (-1)
Ty Ronning (-1) – Manuel Wiederer (2’) (-1) – Jaeden Descheneau (2’) (-1)
Maximilian Heim (-1) – Patrice Cormier (-1) – Erik Mik (-1)
Défenseurs :
Kai Wissmann (2’) (-1) – Jonas Müller (-1)
Thomas Schemitsch – Julian Melchiori (2’)
Marco Nowak (-1) – Korbinian Geibel (-1)
Eric Hördler
Gardien
Jake Hildebrand [sorti de 58’11 à 58’51 et de 59’21 à 60’00]
Remplaçant : Jonas Stettmer (G). Absents : Morgan Ellis, Lean Bergmann, Michael Bartuli, Yannick Veilleux.