Même s’il a cédé son poste à Victor Bodin (qui a signé 96% d’arrêts) au match 1 de la demi-finale, il est indéniable que Quentin Papillon a joué un rôle décisif dans le parcours historique de Bordeaux, d’abord pour frustrer Marseille lors des deux dernières manches d’un quart de finale serré, puis pour ôter tout espoir de retour à Grenoble. Il a parfois agacé ses adversaires par son comportement très théâtral, sans que personne ne nie la grande qualité de ses réflexes et de ses arrêts.
Mais en finale, il a fini par trouver son maître (de peu, par 92,9% contre 92,8% sur la durée des play-offs) avec le stabilisateur Matija Pintaric, qui couvre toujours aussi bien son filet et se déplace avec assurance. Le gardien slovène a obtenu son deuxième titre de MVP des play-offs – après 2018 – et son quatrième titre de champion de France. Il quitte les bords de Seine après sept ans sur un triomphe collectif et personnel.
Kevin Spinozzi est depuis trois ans le joueur-phare de Bordeaux : un défenseur physique et surtout un lancer redoutable en power-play. Il a fait preuve d’une efficacité sans pareil dans ces play-offs en inscrivant 10 buts. Il est le défenseur offensif dont l’équipe de France aimerait disposer, mais sa naturalisation officielle attendue depuis deux ans se fait encore attendre.
Ce sont donc trois autres arrières finalistes qui ont été convoqués en équipe de France, et c’était attendu tant ces trois défenseurs tricolores se sont mis en évidence. MVP de la finale l’an passé, Florian Chakiachvili a confirmé cette année. Même s’il reste capable d’erreurs comme au match 1 de la finale, il compense largement cela par un apport offensif toujours déterminant et a globalement gagné en rigueur défensive. Sa fiche sans égal de +21 en play-offs en est la preuve chiffrée. Aucun autre défenseur n’a dépassé +7, sauf… son partenaire de ligne.
Chakiachvili a en effet su assumer la responsabilité de jouer le rôle du mentor avec un jeune à ses côtés. Enzo Cantagallo a en effet été la très bonne surprise des play-offs. Même s’il peut encore commettre des erreurs de jeunesse, il a réussi de belles relances et a clairement franchi un palier, progressant nettement après avoir manqué le début de saison pour une blessure à l’épaule. C’est la première fois à 25 ans que son nom est cité dans une équipe-type. C’est la première fois aussi pour Axel Prissaint, un profil plus discret, sauf par son jeu rugueux, qui a su bien canaliser et utiliser pleinement son impact physique. Il incarne bien une défense bordelaise compacte et efficace qui a laissé peu d’espaces. Prissaint, contrairement à Cantagallo, n’a toutefois pas été conservé par Philippe Bozon pour la dernière semaine de préparation des Bleus.
Dès ses premiers coups de patin en CHL, Francis Perron avait donné une impression ambivalente : la recrue de Rouen a des capacités indéniables de création offensive, mais aussi une tendance au moindre effort qui expliquait que sa carrière n’ait pas pleinement exploité son talent. On doutait donc que ce type de joueur soit capable de se faire violence, et après les deux défaites initiales en finale à l’île Lacroix, la défaillance du trio « Air Québec » – pourtant très efficace aux tours précédents – était déjà identifiée comme une possible conclusion de la boîte noire en cas d’accident. Perron a pourtant redressé le manche, et de quelle manière, avec l’attitude et la volonté dignes d’un champion sur la glace. Meilleur marqueur des play-offs, il s’est imposé incontestable dans cette équipe-type, à ce poste de centre qu’il occupe à Rouen mais qui n’est pas forcément le sien à l’origine.
Aux postes d’ailiers, des joueurs français se sont mis en évidence. Anthony Rech n’a pas forcément été de période impressionnante cette saison où il a explosé les statistiques. Il a longtemps laissé sur sa faim le public rouennais qui attendait plus de lui au vu de son CV. Mais ses coéquipiers savent l’importance du récipiendaire du trophée Hassler, dont l’importance ne se mesure pas que dans les stats. Il a marqué le but-clé au moment-tournant de la finale, en prolongation du match 4. Depuis la mi-saison, il n’est plus aligné avec des Canadiens tombés dans la potion magique du hockey mais avec deux jeunes joueurs, occupant lui aussi une nouvelle fonction de mentor. Il a bien assumé ce rôle et a une partie du mérite de a progression de Quentin Tomasino, le meilleur espoir de la saison en Ligue Magnus. Connu pour sa rapidité de patinage, Tomasino y a ajouté la vitesse d’exécution technique et l’intelligence de jeu, brillant en finale avec un triplé puis un but magnifique au dernier match en déposant Spinozzi au passage. Celui que la rumeur envoie à Angers a toqué ensuite à la porte des Bleus, mais sans être conservé après les deux matches à Cergy contre la Slovénie.
L’autre révélation de la saison – peut-être encore plus car il était moins attendu que Tomasino – c’est Enzo Carry. L’ailier bordelais a marqué les play-offs par son doublé à Marseille, évitant l’élimination toute proche à son équipe pour la placer sur un chemin qui n’a jamais été tout tracé, mais surtout par son jeu physique et plein d’énergie, jamais avare d’une mise en échec. Il n’a que 21 ans et cela donne envie de le voir testé en équipe de France. Le camp actuel de préparation arrivait trop tard, d’autant que Carry ne semblait plus avoir la même super-forme sur la fin de la finale, mais gageons qu’on le verra sur une convocation à l’automne prochain.
Cette attaque bordelaise s’est moins caractérisée par un gros scoreur que par son jeu collectif, très efficace pour exploiter les situations de surnombre. Samuel Salonen, qui était parfois l’individualité saillante dans ses précédents clubs, a su briller dans des lignes plus homogènes, et être décisif quand il le faut comme au premier match. Loïk Poudrier a joué un rôle-clé, devant redoubler d’efforts en quart de finale quand il y avait deux centres absents, et il a su être performant dans la durée (13 points mais aussi 56% de mises au jeu remportées en play-offs) avec une belle activité sur la glace.
Première équipe-type : Matija Pintaric (Rouen) / Florian Chakiachvili (Rouen) – Kevin Spinozzi (Bordeaux) / Anthony Rech (Rouen) – Francis Perron (Rouen) – Quentin Tomasino (Rouen).
Deuxième équipe-type : Quentin Papillon (Bordeaux) / Axel Prissaint (Bordeaux) – Enzo Cantagallo (Rouen) / Samuel Salonen (Bordeaux) – Loïk Poudrier (Bordeaux) – Enzo Carry (Bordeaux).