230 jours après le coup de sifflet inaugural (le 13 septembre dernier à Fribourg), la saison 2023/2024 de National League va rendre son verdict ce soir et le dénouement ne pourra pas en être plus dramatique puisque les deux prétendants au titre – qui se rendent coup pour coup depuis le début de la finale – vont devoir se départager sur un match VII. Depuis l’introduction des playoffs en 1989, c’est la 9e fois que le titre va se jouer sur un 7e match décisif. Jusqu’en 2022, l’équipe qui se déplaçait l’avait le plus souvent emporté (4 victoires sur 6 à l’extérieur) avant que Zoug (2022) et Genève-Servette (2023) ne remportent consécutivement la Finalissima à domicile.
Aussi, peut-être que Zurich part avec la faveur des pronostics, du fait de l’avantage de la glace (les ZSC sont invaincus depuis le début des séries et plus globalement depuis le 20 janvier dans leur antre) et qui offre à Marc Crawford le choix du dernier changement (et donc de choisir ses match-ups). Reste que le statut d’outsider peut aussi parfaitement convenir aux Lausannois, qui ont largement dépassé les attentes et évolueront peut-être avec un peu moins de pression. Les Zurichois attendent depuis 6 ans un titre et restent sur deux désastres (finale perdue 4-3 en 2022 après avoir mené 3-0 et coup de balai reçu par Bienne en quart-de-finale en 2023).
Pour ce match VII, les ZSC Lions doivent toujours composer sans Weber, Balcers et Zehnder (toujours blessés). C’est Justin Sigrist qui est promu dans le premier bloc aux côtés de Denis Malgin et Sven Andrighetto. Pas de changement côté Lausanne, l’équipe victorieuse samedi est reconduite avec le même alignement ce soir.
Dès le début de la rencontre, Lausanne paraît crispé tandis que Zurich applique méthodiquement une étreinte qui étouffe les velléités vaudoises. Les vagues zurichoises se succèdent en zone offensive avec des lancers à la cage à la moindre occasion. L’emprise du ZSC sur la rencontre est telle qu’après 12 minutes de jeu les statistiques affichent 14 tirs cadrés à 1 ! Il faut un Connor Hughes au sommet de son art pour empêcher l’ouverture du score. Le portier Lausannois s’illustre ainsi face à Malgin qui a sauté sur un rebond consécutif à un tir d’Andrighetto (4e), face à Nicolas Baechler bien trouvé au premier poteau par Chris Baltisberger depuis l’arrière de la cage (9e) puis encore face à Andrighetto en pivot et Malgin sur le rebond (11e). L’ouverture du score est proche lorsqu’un long rebond est accordé par Hughes après un tir de Mikko Lehtonen, mais Théo Rochette parvient à dégager avant que Jesper Frödén ne puisse profiter d’une cage grande ouverte (17e).
Le LHC parvient à sortir la tête de l’eau dans les dernières minutes du tiers. Sur une rare sortie de zone réussie, Kovács centre pour la déviation du revers de Fuchs qui passe juste à côté (17e). Un tir contré de Jäger par un défenseur zurichois manque de surprendre Hrubec (18e). Alors qu’il ne reste qu’une quarantaine de secondes à écouler dans la période, Kukan fait une derrière frayeur aux Vaudois en s’infiltrant en trois adversaires mais son tir est trop croisé. Après 20 minutes de jeu, Zurich domine outrageusement les débats (20 tirs cadrés à 6, 62,5% des engagements remportés) mais cette suprématie est pour le moment stérile. Autre sujet d’inquiétude, Malgin a dû se retirer aux vestiaires avant la fin du tiers, visiblement touché en ayant manqué une mise en échec sur Raffl.
Les regards sont tournés vers le banc zurichois au retour de la pause et Malgin n’y figure pas. Il reviendra quelques minutes plus tard alors que la période est déjà entamée. Il profitera d’une interruption de jeu pour donner quelques coups de patins avant de rentrer au banc et de renoncer définitivement. Hollenstein puni pour un accrocher, Lausanne dispose d’une supériorité numérique. Par deux fois, Raffl alimenté par Rochette tente la reprise de volée mais Hrubec veille (22e). Le jeu est un peu plus équilibré qu’au premier tiers, même si Hughes est encore assailli de tirs notamment par Schäppi en tour de cage (25e) ou encore Grant qui dégaine après avoir remporté l’engagement (27e). Le LHC souffre encore lorsque Heldner est envoyé sur le banc d’infamie, et notamment par Grant qui tente sa chance en se retournant puis en tentant de dévier un tir de Kukan (34e).
Connor Hughes doit réaliser son 32e arrêt de la soirée en couvrant bien son poteau suite à un débordement d’Andrighetto (37e). Le gardien canado-suisse doit en revanche s’avouer vaincu à moins d’une minute de la fin du tiers. Un dégagement du LHC est intercepté par Scott Harrington qui relaie vers Juho Lammikko. Le Finlandais centre pour Jesper Frödén qui devance Lukas Frick et glisse le palet entre les jambes de Hughes (1-0, 39’16’’). La tendance vaudoise à encaisser des buts rapprochés va encore frapper. Alors qu’il ne reste plus qu’une poignée de secondes, Kukan lance à la cage et Frödén dévie victorieusement. Les arbitres décident d’aller vérifier à la vidéo la hauteur de la canne de Frödén sur l’action et confirment leur décision. Mais Geoff Ward fait usage de son coach-challenge pour une obstruction de Grant sur Hughes. Après une nouveau visionnage des images, le but est finalement refusé. Le LHC peut s’estimer heureux d’arriver à la seconde pause avec « seulement » un but de retard tout en étant encore dominé 37 à 17 au chapitre des tirs cadrés.
Zurich contrôle le début du troisième tiers. Les lancers lausannois sont soit lointains et sans grand danger pour Hrubec, soit bloqués (5 tirs contrés entre la 44e et la 46e). Sans solution, les Vaudois vont finir par concéder le 2-0. Une passe de Sekáč est touchée par Rohrer, Sigrist récupère le palet et lance Lammikko dont le tir croisé par entre les jambières de Hughes. Avec un but de retard, la tâche de Lausanne apparaissait ardue, avec deux buts de retard, elle devient quasi-insurmontable. Le LHC est plus entreprenant que lors des 40 minutes précédentes mais reste contenu loin de la cage de Hrubec. Les minutes défilent vers le scénario qui paraît de plus en plus inéluctable. Hughes est rappelé au banc avec 3 minutes à faire au match sans arriver à renverser le score. Les ZSC Lions remportent le 10e titre de leur histoire dans une ambiance de folie. Des fumigènes sont même craqués, occasionnant une sorte de brouillard dans la patinoire.
L’issue cruelle pour les Lausannois mais la victoire est méritée pour les Zurichois, tant ils auront maitrisé leur sujet sur l’acte VII, conservant le contrôle de leurs émotions alors que leur domination était stérile jusqu’à la 39e minute. Loin d’être les joueurs les plus en vue depuis le début de la finale, Jesper Frödén et Juho Lammikko auront été décisifs au moment le plus important, venant ainsi compenser la sortie de Denis Malgin. Chancelant samedi à Lausanne (il avait été retiré à 4-0), Šimon Hrubec signe un 5e blanchissage des playoffs, le deuxième de rang à domicile.
Favoris des pronostics en début de saison, dominateurs en saison régulière (qui leur a procurer l’avantage de la glace en finale, ce qui s’est avéré décisif), les ZSC Lions auront dû batailler en finale face de vaillants Lausannois mais ont fait respecter la logique. Zurich retrouve le trône de champion qu’il n’a plus occupé depuis 2018 et fait oublier ses échecs de 2022 et 2023. Au moment de la remise du trophée, le capitaine Patrick Geering remet immédiatement la coupe à Denis Hollenstein (qui remporte son premier titre à 34 ans) qui sera le premier à la lever dans les airs, puis ce sera au tour de Simon Bodenmann (qui jouait là son dernier match en carrière) et Reto Schäppi (formé à Zurich et en partance pour Kloten) de brandir le trophée.
Côté Lausanne la déception est évidemment énorme mais après avoir autant défrayé la chronique ses dernières années, le LHC a redoré son blason à travers la National League et se sera réconcilié avec ses fans. D’ailleurs plusieurs centaines d’entre eux ont patienté jusqu’à plus de 2h du matin sur le parvis de la Vaudoise Arena pour accueillir le retour des joueurs, célébrés tels des héros malgré la défaite.
Illustrations de Pierre Maillard (P.m_photos) et MySports
Commentaires d’après-match :
Jason Fuchs (attaquant, Lausanne) : « On n’arrive pas à marquer ce soir. On a eu des occasions. On a eu une bonne réaction dans le deuxième tiers, mais ça n’a pas suffi, on se prend un but à une minute de la fin. On n’a pas trouvé les solutions offensivement. On était à un match, une victoire, ça fait vraiment mal. Dans les prochains jours on se rendra compte de tout ce qu’on a fait avec ce groupe incroyable. Mais je vous le dis maintenant, Lausanne, dans les prochains années, on sera là, et on va le gagner, ce titre ! »
Geoff Ward (entraîneur, Lausanne) : « Ils méritaient davantage la victoire que nous. Nous n’avons jamais vraiment trouvé notre rythme en début de match et cela nous a accompagnés durant toute la soirée (…) Nous n’étions pas là pour garder le 0-0. Ce n’était pas l’idée, mais finalement, nous avons peut-être joué pour ne pas perdre plutôt que pour gagner. Mais ce sont des choses qui sont compréhensibles. Nous n’avons pas eu beaucoup de gars qui ont vécu des matches comme celui-ci. Surtout à l’extérieur dans une patinoire où il est difficile de gagner. (…) Le respect que nous avons obtenu à travers la Ligue est énorme. Et le mérite revient aux joueurs. Les gars ont vraiment rendu nos supporters fiers. Globalement, tout le monde est devenu meilleur individuellement et en équipe. C’est très positif même si on n’est pas là pour perdre en finale. (…) Pour savoir gagner, il faut avoir appris à perdre. »
Marc Crawford (entraîneur, ZSC Lions) : « C’était vraiment compliqué, Lausanne est une très bonne équipe. Chaque match de la série était serré, c’était dur de marquer des buts. Je suis vraiment fier de mes joueurs, j’ai la chance d’avoir une très bonne équipe qui travaille fort et trouve toujours une manière de gagner. Je suis très heureux pour notre propriétaire, pour nos spectateurs qui ont été fantastiques ce soir encore et pour l’ensemble des gens du club. »
Denis Malgin (attaquant, ZSC Lions) : « J’ai essayé de tout donner pour l’équipe. Malheureusement, je n’ai pas pu jouer. J’ai tout donné pour les gars sur le banc. Nous le méritons. Je leur en suis très reconnaissant. Nous sommes une équipe, je ne suis pas seul. Zurich le mérite, pour les supporters, pour la ville, pour tout le monde. »
Sven Andrighetto (attaquant, ZSC Lions) : « C’est beau. C’était un travail difficile, mais cela en valait la peine. Nous savions que nous avions l’avantage de notre côté avec nos fans. Le fait que nous ayons pu surmonter les échecs montre le caractère de notre équipe. Il y a eu de grands échecs, tout le monde a dû donner un peu plus et nous y sommes parvenus. Je mentirais s’il n’y avait pas la pression pour enfin remporter le titre. Cela finit toujours par payer lorsque vous travaillez dur. »
ZSC Lions – Lausanne 2-0 (0-0, 1-0, 1-0)
Mardi 30 avril 2024 à 20h00 à la Swiss Life Arena. 12 000 spectateurs (guichets fermés)
Arbitres : Mark Lamelin et Micha Hebeisen assistés de Dario Fuchs et David Obwegser
Pénalités : Zurich 2’ (0’, 2’, 0’) ; Lausanne 6’ (0’, 2’, 0’)
Tirs : Zurich 42 (20, 17, 5) ; Lausanne 26 (6, 11, 9)
Évolution du score :
1-0 à 39’16’’ : Frödén assisté de Lammikko et Harrington
2-0 à 46’57’’ : Lammikko assisté de Sigrist et Rohrer
ZSC Lions
Attaquants :
Justin Sigrist – Denis Malgin – Sven Andrighetto
Simon Bodenmann – Derek Grant – Jesper Frödén
Denis Hollenstein – Juho Lammikko –Vinzenz Rohrer
Willy Riedi –– Reto Schäppi – Chris Baltisberger
Défenseurs :
Scott Harrington – Dean Kukan
Patrick Geering – Mikko Lehtonen
Christian Marti – Dario Trutmann
Phil Baltisberger – Nicolas Baechler
Gardien :
Šimon Hrubec
Remplaçant : Robin Zumbühl (G). Absents : Rūdolfs Balcers, Yannick Weber et Yannick Zehnder (blessés)
Lausanne
Attaquants :
Jiří Sekáč – Antti Suomela – Théo Rochette
Robin Kovács – Jason Fuchs – Damien Riat
Michael Raffl – Ken Jäger – Tim Bozon
Ronalds Kenins – Cody Almond – Makai Holdener
Marco Pedretti
Défenseurs :
Christian Djoos – Andrea Glauser
Lukas Frick – Fabian Heldner
Joël Genazzi – Lawrence Pilut
Gardien :
Connor Hughes
Remplaçants : Kevin Pasche (G), Igor Jelovac. Absents : Miikka Salomäki et Henrik Haapala (étrangers surnuméraires), Aurélien Marti et Nicolas Perrenoud (blessés), Michael Hügli, Matthias Mémeteau, Benjamin Bougro, Léonard Fuhrer, Virgile Thévoz (surnuméraires).