Nous sommes dimanche, et pour trouver un silence aussi religieux qu’à la messe, il y a Kazakhstan – États-Unis, un match entre les pays géographiquement les plus éloignés, tous deux avec peu de supporters dans la petite ville de Herning. Cette ambiance de recueillement – que combattront avec leurs meilleurs efforts le DJ et la mascotte adepte d’air guitar – est-elle un requiem pour un des derniers adieux au Kazakhstan, dont la survie en élite ne tient qu’à un fil (un échec de la Norvège demain contre la Hongrie) ?
Le Kazakhstan abat sa dernière carte. Voilà enfin Sergei Kudryavtsev, qui est resté numéro 3 de la hiérarchie come les années précédentes… malgré l’absence des deux titulaires blessés ! Il a dû ronger son frein en tribune en voyant des jeunes lui passer devant, mais voilà enfin, à 30 ans, sa chance de jouer son premier match de championnat du monde. À lui de prendre sa chance avec un style totalement différent, plus sûr que ses collègues mais moins vif… et moins foufou.
La défense a l’air dans le même esprit après s’être fait remonter les bretelles hier : on se calme et on joue posé, en tenant sa position et en bloquant les Américains pour les empêcher de prendre de la vitesse. Deux petits accrocs seulement. Premièrement, une obstruction inutile d’Orekhov sur Cooley en zone neutre. Kudryavtsev doit effectuer une belle parade du bras droit sur le puissant one-timer de Conor Garland et la pénalité est tuée. Deuxièmement, un 2 contre 1 en fin de période, que Leonid Metalnikov annihile d’une bonne intervention de la crosse pour contrer la passe de Pinto. Le premier tiers-temps s’achève à 0-0, presque sans autre évènement. La meilleure occasion à 5 contre 5 est même à mettre au crédit du Kazakhstan : un tir croisé de Beketayev que relâche la mitaine de Jeremy Swayman avec Panyukov à l’affût (photo ci-dessous).
Des prises de bec après la sirène valent deux minutes de prison à Conor Garland pour attitude anti-sportive, mais le Kazakhstan ne fait rien de cet avantage numérique quand il revient sur la glace. Revenus à cinq, les États-Unis reprennent la possession et profitent de l’éloignement des bancs pour fatiguer l’équipe adverse dans sa zone. La différence vient d’une action individuelle de Frank Nazar : l’attaquant de Chicago tourne autour du bloc bleu puis vire en cherchant une brèche, et au moment où Metalnikov le charge à la hanche, il dégaine de façon très soudaine et son tir transperce Kudryavtsev côté mitaine (0-1).
Frank Nazar est aussi impliqué sur le deuxième but. Entouré de deux défenseurs devant la cage, il crée un gros bouchon dans le champ de vision de Kudryavtsev, qui n’a aucune notion du lancer de la bleue de Jackson LaCombe, le premier but du tournoi pour le défenseur (0-2).
C’est ensuite le défenseur Zeev Buium qui part de sa zone, prend de la vitesse, s’infiltre entre Omirbekov et Metalnikov (qui ne tente plus la charge à la hanche comme face à Nazar mais ouvre du coup la porte) et fait une petite passe en retrait à Tage Thompson pour un but offert sur un plateau, placé au-dessus de la botte droite du gardien (0-3).
Dur pour le Kazakhstan de voir ses efforts anéantis. Beketayev rate son interception du gant au centre de la glace sur un palet qui retombe du ciel et c’est un 2 contre 1 pour Drew O’Connor et Matty Beniers, qui change l’angle de son tir à la dernière seconde pour tromper Kudryavtsev (0-4).
Oleg Bolyakin appelle son temps mort car ses joueurs accusent le coup moralement, cela se voit dans leur langage corporel. Mais il n’y a plus rien à espérer que de finir dignement. Alors que le Kazakhstan a réagi avec une bonne action offensive, il encaisse un but de plus : un tir dans un angle très fermé de Michael Kesselring qui passe dans l’espace infime laissé par Kudryavtsev entre son masque et son poteau (0-5).
Ce but – le seul qui soit vraiment de sa faute – aura raison de Kudryavtsev, remplacé à la pause par Maksim Pavlenko. Lui aussi devra s’incliner, face à Zach Werenski qui s’avance doucement et place son tir du poignet côté mitaine (0-6).
Une longue passe d’Arkady Shestakov trouve Roman Starchenko, dans le dos de la défense à la ligne bleue américaine, mais le vétéran rate ce breakaway avec un faible tir à ras glace dans la botte droite de Swayman. N’y aura-t-il donc même pas de but pour l’honneur ? Et si, alors que le Kazakhstan finit pourtant le match en infériorité numérique ! Vladimir Volkov intercepte une passe de Matty Beniers et part en contre-attaque, son tir dévié par la crosse de Buium lobe Swayman à 50 secondes du blanchissage (1-6)
Le Kazakhstan a livré un match bien plus sérieux qu’hier, concentré et engagé. Mais la différence individuelle était juste trop importante. La qualité de tir des États-Unis a été particulièrement fantastique et explique le large score. Prendre un point était très difficile, et le sera sans doute autant contre une Suisse très solide…
Désignés joueurs du match : Arkady Shestakov pour le Kazakhstan et Jackson LaCombe pour les États-Unis.
Commentaires d’après-match :
Oleg Bolyakin (entraîneur du Kazakhstan) : « Vous pouvez ajouter la première période à notre actif. Si les joueurs de hockey jouent avec ce dévouement et accomplissent les instructions, alors il y aura un résultat positif. La deuxième période a été difficile, les adversaires ont élevé le niveau, on a pris des pénalités inutiles et on s’est fait coincer dans notre zone. La deuxième période est notre talon d’Achille. Les changements de ligne sont le facteur le plus important. Nos joueurs se retrouvent coincés, il y a de l’oxydation, l’indiscipline commence parce que les gars sont beaucoup sur la glace. En analysant le match contre l’équipe nationale tchèque, nous avons analysé que certains joueurs sont sur la glace pendant 50 secondes ou une minute et ne peuvent pas changer correctement. Alors ils sont en retard, ils perdent des batailles et l’adversaire obtient un avantage. »
Kazakhstan – États-Unis 1-6 (0-0, 0-5, 1-1)
Dimanche 18 mai 2025 à 16h20 au Jyske Bank Boxen de Herning. 3968 spectateurs.
Arbitres : Peter Stano (SVK) et Kristian Vikman (FIN) assistés de Daniel Hynek (TCH) et Anders Nyqvist (SUE).
Pénalités : Kazakhstan 4′ (2′, 0′, 2′) ; États-Unis 4′ (2′, 0′, 2′).
Tirs : Kazakhstan 17 (5, 7, 5) ; États-Unis 38 (9, 17, 12).
Évolution du score :
0-1 à 26’58” : Nazar assisté de Lacombe et Eyssimont
0-2 à 31’46” : Lacombe assisté de Nazar et McCarron
0-3 à 34’00” : Thompson assisté de Buium et Pinto
0-4 à 34’58” : Berniers assisté de O’Connor
0-5 à 39’04” : Kesselring assisté de Nazar et Eyssimont
0-6 à 45’54” : Werenski assisté de Kesselring et Keller
1-6 à 59’10” : Volkov (inf. num.)
Kazakhstan
Attaquants :
Nikita Mikhailis (A, -2) – Arkadi Shestakov (-1) – Roman Starchenko (C, -1)
Maksim Mukhametov (-1) – Alikhan Omirbekov (-1) – Vyacheslav Kolesnikov (-1)
Kirill Panyukov (-3) – Artyom Likhotnikov (-1) – Kirill Savitsky
Batyrlan Muratov (-2) – Vladimir Volkov (-2) – Dinmukhamed Kaiyrzhan (-1)
Défenseurs :
Valeri Orekhov (+1, 2’) – Dmitri Breus (-1)
Leonid Metalnikov (A, -2, 2’) – Artyom Korolyov (-3)
Adil Beketayev (-2) – Tamirlan Gaitamirov (-2)
Eduard Mikhailov (-1) – Samat Daniyar
Gardien :
Sergei Kudryavtsev puis à 40’00” Maksim Pavlenko (G).
En réserve : Jelal-ad-Din Amirbekov (G), Evgeny Rymarev (A), Alikhan Asetov (A, dos).
États-Unis
Attaquants :
Clayton Keller (C, +1) – Logan Cooley (+2, 2’) – Conor Garland (A, +1, 2’)
Drew O’Connor (+1) – Matty Beniers (+1) – Tage Thompson (+2)
Cutter Gauthier – Shane Pinto – Will Smith (-1)
Mikey Eyssimont (+3) – Michael McCarron (+2) – Frank Nazar (+2)
Josh Doan
Défenseurs :
Zach Werenski (A, +3) – Jackson LaCombe (+4)
Brady Skjei (A, +1) – Andrew Peeke (+1)
Alex Vlasic – Michael Kesselring (+2)
Zeev Buium
Gardien :
Jeremy Swayman
Remplaçant : Joey Daccord (G). En réserve : Hampton Slukynsky (G), Mason Lohrei (D), Isaac Howard (A).