Le Danemark a déjà réussi ses championnats du monde en atteignant les quarts de finale pour la troisième fois de son histoire. Battu 4-2 par la Suède en 2010 et 5-1 par la Finlande en 2016, il affronte cette fois un plus gros morceau encore : le Canada porté par ses deux superstars Sidney Crosby et Nathan MacKinnon. Il a un atout en plus : son public, sorti de sa réserve nordique pour vivre une première soirée de rêve mardi lors d’une qualification au bout du suspense contre l’Allemagne.
Le Canada a fini premier de poule mais se déplace au profit du pays-hôte. Il vient de dominer la très forte Suède chez elle à Stockholm et avait déjà affronté une patinoire acquise à la cause des Finlandais lundi. Il a donc l’habitude des ambiances hostiles.
L’affiche semble déséquilibrée entre le Danemark, 6000 licenciés en hockey sur glace, et le Canada qui en compte 600 000, soit cent fois plus. Mais les joueurs se rappellent la victoire historique de 2022 et ne veulent pas partir perdants. Le défenseur Markus Lauridsen : « Ce sont des stars mondiales, mais en même temps il faut penser ou se rendre compte que ce sont aussi des êtres humains. Même s’ils sont très bons au hockey sur glace. Il se peut bien qu’ils soient les énormes favoris, mais nous devons y aller et jouer notre chance. »
Les vedettes du Canada sont tout de suite en action. Sur un tir de Montour à l’extérieur du cadre, Sidney Crosby rôde et Markus Lauridsen doit dégager en ultime recours (photo ci-dessus). Après quatre minutes, Travis Konecny arrive seul devant la cage sur une géniale passe aveugle de derrière la cage de Nathan MacKinnon mais son tir ne peut battre Fredrik Dichow qui couvre parfaitement son poteau. Trente secondes plus tard, Stefan Lassen dégage le rebond au-dessus du plexi. Quand il rentrera à son banc, il félicitera un à un ses coéquipiers qui ont parfaitement défendu l’infériorité numérique. Cela se ressent, il y a une grande solidarité dans ce groupe danois.
Le jeu est comme prévu à sens unique : 18 tirs à 4 pour le Canada dans ce premier tiers-temps. Ce que les chiffres ne disent pas, c’est la qualité des quatre lancers danois. Après un bon pressing de Wejse sur Fantilli, Mathias Bau Hansen intercepte dans l’axe la passe de Noah Dobson et propose un tir très dangereux sous les jambes du défenseur, que Jordan Binnington dévie d’un réflexe du bras droit. Son arrêt de l’épaule droite face à Markus Lauridsen en fin de tiers ne sera pas moins utile.
En face, Fredrik Dichow enchaîne les exploits. Une redoutable déviation de Tyson Foerster est détournée par le haut de son épaule gauche. Sa mitaine enchaîne les réflexes fantastiques, notamment face à un tir de MacKinnon entre les cercles. Il résiste aussi à une seconde infériorité numérique après une « faute utile » de Blichfeld (il a accroché O’Reilly qui partait seul au but après une perte de palet d’Alexandre True en sortie de zone). Quand les équipes rentrent aux vestiaires, tous les spectateurs sont debout et applaudissent le 0-0 et l’effort de leur équipe.
L’armada offensive canadienne s’essouffle-t-elle ? Pendant les dix premières minutes de la deuxième période, les tirs sont de 5 à 2 en faveur… du Danemark ! Celui-ci a profité dans cet intervalle de son premier avantage numérique en deuxième période (concédé par O’Reilly).
À la mi-match, Nicholas B. Jensen charge durement Danault dans la bande. Les frères Lauridsen règnent en maîtres dans leur enclave et ne se laissent jamais mettre hors de position durant cette infériorité numérique. À 5 contre 5, le Canada reste installé pendant de longues séquences en zone offensive, mais le Danemark concède étonnamment peu d’occasions malgré la fatigue qui devrait l’accabler. Alors qu’on croit le point de rupture proche, Jonas Røndbjerg part même à 2 contre 1 et fait la passe à Nikolaj Ehlers… qui n’arrive à la reprendre.
36e minute. Moment d’émotion contrariée pour dix mille spectateurs. Nicklas Jensen intercepte du gant une passe de Crosby dans la zone danoise et propulse le palet loin en avant en s’efforçant de patiner à sa poursuite. Quand il voit son coéquipier Morten Poulsen s’emparer de la rondelle, Jensen comprend ce qui va suivre et frappe la glace de sa crosse avec rage. Mais pas le public, qui voit comme dans un rêve la feinte gauche-droite de Poulsen devant Binnington et le but… évidemment invalidé pour passe à la main.
L’équipe danoise absorbe mieux l’ascenseur émotionnel que le public. Elle reste déchaînée dans cette ambiance exceptionnelle. Un tir contré de Nikolaj Ehlers retombe sur l’arrière de la barre transversale, c’est encore passé à quelques centimètres. En fin de deuxième tiers, Bruggisser fait trébucher Danault dans le coin et les rouges tuent cette pénalité… à trois et demi, car Alexander True a cassé sa crosse !
Pendant quatre minutes en troisième période, on se demande qui est qui. Les rouges tournoient en zone offensive… mais c’est bien le Danemark qui est en rouge ce soir. Sidney Crosby perd le palet face à Christian Wejse, et en deux passes, Wejse se retrouve servi seul face au but par Morten Poulsen… mais il échoue dans les bottes de Binnington sur cette énorme occasion.
Les centres de classe mondiale du Canada se chargent alors de construire depuis l’arrière de la cage. Nathan MacKinnon commence par servir Macklin Celebrini qui manque un peu sa conclusion. C’est ensuite Sidney Crosby qui s’appuie d’abord sur Konecny, puis libère du revers Travis Sanheim qui reprend instantanément d’un tir croisé (1-0, photo ci-dessous).
L’hallucinante quatrième ligne du Danemark se procure sa seconde énorme occasion en dix minutes. Un puissant lancer en angle de Bau Hansen dans les bottes du gardien provoque un rebond dans l’axe. Christian Wejse y est absolument seul pour un véritable « pénalty »… dévié du haut de la jambière par Jordan Binnington ! De l’autre côté, Dichow bloque sous son bras gauche un tir de Fantilli, égalment seul dans l’enclave. Que le score soit un petit 1-0 est vraiment une anomalie qui ne décrit pas le spectacle des deux côtés de la glace.
Le cinglage de O’Reilly casse la crosse de Blichfeld : deux minutes. Le phénomène Oscar Fisker Mølgaard est au four et au moulin : dans le cercle droit pour une reprise qui oblige Binnington à un gros arrêt, préposé aux entrées en zone en contrôle, puis tout à gauche pour chercher une déviation de Russell dans le slot. Toujours rien. À 5 contre 5, la domination du Danemark se poursuit. Nicklas Jensen arrive seul sur un rebond mais Binnington réussit encore un arrêt-réflexe improbable et lève son gant conquérant qui a encore attrapé ce palet.
Mais il y a une morale : à force d’essayer, au bout de 30 tirs, le Danemark est enfin récompensé ! Il faut pour cela qu’il sorte son gardien. À 6 contre 5, le tir de Nikolaj Ehlers du coin de la ligne bleue n’est pas celui à plus haute probabilité, mais il est parfaitement masqué par Alexander True (1-1).
L’élan reste très nettement danois, rien ne peut plus arrêter les vikings… Après un énorme travail dans les bandes de Patrick Russell, Nicklas Jensen centre pour Nick Olesen seul devant la cage pour un but qui renverse la planète hockey (2-1, photo ci-dessous).
Il reste 49 secondes au Canada pour retourner une situatiion compromise. On l’a déjà vu le faire maintes fois. Dean Evason sort son gardien, son équipe donne tout, mais les Danois sont prêts au sacrifice et décidés à bloquer tous les palets. Il faut entendre ce hurlement de contentement dans le public quand Oliver Lauridsen se jette devant un lancer de Brandon Montour à dix secondes de la fin !
La nuit promet d’être festive à Herning après cette sensation, ce tremblement de terre. La plus grande surprise de l’histoire du championnat du monde ? Dans un match éliminatoire, sans le moindre doute ! Le Danemark devra maintenant quitter son public en liesse pour aller jouer le carré final à Stockholm. Il affrontera en demi-finale la Suisse, qui a hérité du statut de tête de série numéro 1 après cette impensable élimination du Canada.
Désignés joueurs du match : Fredrik Dichow pour le Danemark et Travis Sanheim pour le Canada.
Trois meilleurs Canadiens du tournoi : Sidney Crosby, Nathan MacKinnon et Ryan O’Reilly.
Commentaires d’après-match :
Sidney Crosby (capitaine du Canada) : « C’est décevant. Nous nous sommes améliorés au fil du tournoi, ce match n’était pas notre meilleur mais nous avions réussi à prendre de l’avance. Ils ont pressé très fort dans ce troisième tiers quand nous sommes passés devant. Ils ont eu le momentum après cette égalisation. C’était un environnement dur ici, un match sur la route… Ils ont fait du bon travail pour nous maintenir sur les extérieurs, il y a quelques rebonds sur lesquels nous n’avons pas pu mettre la crosse. Nous avions tout pour aller plus loin que nous ne l’avons fait. »
Dean Evason (entraîneur du Canada) : « Nous ne nous sommes pas rapprochés de la cage. Nous n’avons pas fait ce que nous avions fait jusqu’ici, c’est-à-dire jouer vite. Nous avons continué à construire le jeu dans la mauvaise direction. À l’instant, cette défaite est dévastatrice. Nous devions simplement être meilleurs dans tous les éléments du jeu. Le voyage et les supporters adverses, ce n’est pas une excuse, nous devions juste être meilleurs, mais nous ne l’avons pas été. La défaite est difficile à avaler, mais nous serons en mesure de la digérer. Nous sommes très frustrés et déçus. Arriver si loin et perdre comme ça, c’est très désagréable pour tout le monde. Nous devons prendre nos responsabilités et être clairs. »
Nick Olesen (attaquant du Danemark) : « Je n’ai pas de mots. C’est incroyable. Les fans ont chanté tout le match, ils nous ont aidés à gagner ce match. À la fin, j’ai eu un palet devant le but, j’ai marqué, j’étais fou, la foule était folle. Probablement le plus grand match que je jouerai dans ma carrière. »
Nikolaj Ehlers (attaquant du Danemark) : « C’est complètement surréaliste. C’est le truc le plus fou que j’ai vécu. On savait que le Canada aurait plus d’occasions, plus de tirs. Mais en fait je pense que nous les avons bien maintenus à l’extérieur. Ils n’ont pas eu d’énormes occasions au milieu. On a pu voir qu’ils étaient frustrés à la fin de la deuxième période. Ils ont commencé à parler à Dichow et à essayer de le percuter. Je suis tellement fier de ces gars. Ce qu’il y a de cool au championnat du monde est que tout le monde peut battre tout le monde, et le Danemark l’a fait aujourd’hui. »
Canada – Danemark 1-2 (0-0, 0-0, 1-2)
Jeudi 22 mai 2025 à 20h20 à la Jyske Bank Boxen de Herning. 10 500 spectateurs.
Arbitres : Andris Ansons (LET) et Christoffer Holm (SUE) assistés d’Onni Hautamäki (FIN) et Daniel Hynek (TCH).
Pénalités : Canada 6’ (0’, 4’, 2’) ; Danemark 10’ (4’, 6’, 0’).
Tirs : Canada 40 (18, 12, 10) ; Danemark 33 (4, 7, 22).
Évolution du score :
1-0 à 45’17” : Sanheim assisté de Crosby et Konecny
1-1 à 57’43” : Ehlers assisté de M. Lauridsen et Russell
1-2 à 59’11” : Olesen assisté de Jensen et Russell
Canada
Attaquants :
Ryan O’Reilly (A, -1, 4’) – Nathan MacKinnon (A) – Travis Konecny (2’)
Macklin Celebrini – Sidney Crosby (C, +1) – Tyson Foerster
Will Cuylle (-1) – Adam Fantilli – Kent Johnson
Brayden Schenn (-1) – Philip Danault (-1) – Porter Martone
Défenseurs :
Travis Sanheim (-1) – Jared Spurgeon (-1)
Mackenzie Weegar – Noah Dobson
Mike Matheson – Brandon Montour
Ryker Evans
Gardien :
Jordan Binnington [sorti de 59’15” à 60’00”]
Remplaçant : Marc-André Fleury (G). Réservistes : Dylan Garand (G), Bo Horvat (A, blessé), Barrett Hayton (A, blessé).
Danemark
Attaquants :
Nick Olesen (+1) – Oscar Fisker Mølgaard (+1) – Nikolaj Ehlers (+1)
Jonas Røndbjerg – Patrick Russell (A, +2) – Nicklas Jensen (+1)
Mikkel Aagaard (-1) – Alexander True – Joachim Blichfeld (2’)
Morten Poulsen – Christian Wejse (2’) – Mathias Bau Hansen
Défenseurs :
Jesper Jensen Aabo (C) – Phillip Bruggisser (2’)
Mattias Lassen (2’) – Markus Lauridsen (+1)
Anders Koch – Oliver Lauridsen (A)
Nicholas B. Jensen (2’)
Gardien :
Frederik Dichow [sorti de 57’24” à 57’43”]
Remplaçants : Sebastian Dahm (G), Mathias From (A). En réserve : Mathias Seldrup (G), Felix Maegaard Scheel (A), Nicolai Meyer (A).