Épique !

Chacun se méfie grandement de l’autre, et parfois sur les mêmes points. Dans le camp russe, on a observé l’extrême rapidité des Américains face à la Slovaquie (7-1), et on s’inquiète de la capacité des défenseurs locaux à faire face. Les observateurs américains, eux, considèrent avec circonspection la paire défensive Orpik-Martin que leur entraîneur en club, Dan Bylsma, a reconstitué pour ce match. Ils craignent que le physique Brooks Orpik ne puisse pas suivre face à ce niveau de talent.
Les deux entraîneurs ont fait des choix opposés sur les gardiens : Bylsma a confirmé Jonathan Quick, alors que Zinetula Bilyaletdinov a choisi de laisser sa chance à Sergei Bobrovsky. Le jeune gardien, élu le meilleur en NHL l’an passé pendant une saison raccourcie, n’a joué qu’un match en équipe nationale jusqu’ici. Il fait ses débuts en compétition officielle dans une partie à haute intensité, l’environnement le plus dur qui soit.
L’intensité de jeu est tout de suite à la hauteur des attentes. Les mises en échec ne sont pas retenues, et tous s’engagent à fond. La tension est à son comble. Dans ce type de match de haut niveau, chaque erreur peut valoir cher. Attention aux conséquences des mauvaises passes commises par les stars russes Malkin et Kovalchuk en zone neutre.

Les Russes continuent de dominer légèrement. Jonathan Quick doit détourner de la crosse le palet de Radulov, revenu de derrière la cage, puis faire face à Aleksandr Popov qui se présente face à lui. En face, Sergei Bobrovsky est aussi testé, mais il paraît très sûr de lui et ne laisse aucun rebond.
Nikulin a été pénalisé en fin de première période, mais à la reprise, Popov dégage le palet mis dans le slot par Shattenkirk. C’est au tour de Pacioretty de partir en prison pour avoir retenu Nichushkin. Aleksandr Ovechkin frappe le poteau. On peut vraiment parler de sacrifice quand Ryan Kesler fait barrage devant le slap surpuissant de Kovalchuk : le courageux joueur de centre prend le palet au niveau de la main et est envoyé se soigner au vestiaire, mais fera son retour sur la glace quelques minutes plus tard.
C’est juste au moment où Vladimir Poutine fait effectivement son entrée dans la patinoire que la Russie ouvre le score. La Russie s’inquiétait avant-hier que Pavel Datsyuk soit insuffisamment remis de sa blessure, mais aujourd’hui le capitaine russe semble au sommet de sa forme, il vole sur la glace à travers les lignes américaines. Lancé par une fantastique longue passe d’Andrei Markov, il accélère dans l’axe face à un certain… Brooks Orpik, solide jusqu’ici mais collé sur place en comparaison. Datsyuk place alors un tir poteau rentrant, côté mitaine de Quick (0-1, 29’15 »).

En début de troisième période, les États-Unis doivent tuer deux pénalités. Kane a été sanctionné à une seconde de la pause, et Brown lui succède en prison pour une obstruction sévère. Les Américains adoptent un système très compact qui laisse peu d’espaces internes. Emmenés par les très volontaires Callahan et McDonagh, ils bloquent admirablement les lancers et sortent indemnes de ces infériorités numériques.
Les unités spéciales font la différence dans ce match. En effet, c’est au tour de Radulov de partir en prison pour avoir inutilement accroché Patrick Kane. Ce même Kane qui, jusqu’ici, perdu beaucoup de palets en tentant trop de feintes personnelles. Normalement, c’est un créateur, et il se le rappelle soudain avec une magnifique passe transversale vers la reprise de Joe Pavelski dans le cercle droit (2-1, 49’27 »). Un peu plus tard à 5 contre 5, Kane trouve encore Pavelski qui transperce la défense russe.
Des mauvaises pénalités, tout le monde peut en prendre. Surtout Dustin Brown, le joueur le plus détesté de l’équipe américaine. Il perd le palet en zone neutre puis attrape de façon vilaine le genou de Tarasenko (le même geste qui a envoyé Tomas Hertl à l’infirmerie et l’a privé du tournoi olympique). La punition est infligée par l’inévitable Pavel Datsyuk, d’un tir du poignet depuis le cercle droit (2-2, 52’44 »). Brown lui non plus ne sera plus aligné après cette pénalité…
Après un arrêt phénoménal de Quick sur Kovalchuk, les Russes maintiennent la pression, et la défense n’arrive pas à se dégager. Tyutin récupère le palet à la ligne bleue et l’envoie dans le haut du filet. Le problème, comme le montre le gardien américain, c’est que la cage a bougé auparavant sur un mouvement de ses jambières. Le but, moralement mérité, est donc annulé par l’implacable force du règlement.

Medvedev ayant commis une obstruction sur Callahan, la prolongation commence à 3 contre 4 pour les Russes. Pavel Datsyuk intercepte le palet, envoie à la cage et poursuit son action ne cherchant son rebond. Le capitaine russe s’affirme décidément comme le leader de son équipe. Côté américain Patrick Kane est lancé en échappée, seul face à Bobrovsky, mais celui-ci ferme aisément les jambes sur le tir du joueur de Chicago. Les cinq minutes ne donnent rien de plus
Un des arguments pour sélectionner T.J. Oshie était qu’il était bon aux tirs au but. Ce n’est donc pas une surprise de le voir s’élancer, pour un tir bien exécuté entre les bottes de Bobrovsky.
Jonathan Quick détourne la tentative de Malkin et s’interpose face au revers de Datsyuk. Pour sa part, Sergei Bobrovsky arrête de la plaque le tir de Van Riemsdyk et ne part pas dans la feinte de Pavelski. Reste le dernier tireur Ilya Kovalchuk… qui lance à mi-hauteur côté mitaine et égalise.
Place aux tirs individuels. Kovalchuk y retourne et tente de rééditer le même tir, moins précis. Oshie déporte complètement Bobrovsky par sa feinte de hanche, mais son tir part dans les airs. Pavel Datsyuk marque de justesse, le palet ricocheant sur la botte de Quick, mais le super-spécialiste Oshie réplique entre les jambières. Les rôles sont maintenant attribués : c’est Oshie tout seul contre Kovalchuk et Datsyuk !

Partie remise. Le tir de Kovalchuk touche le poteau, il en reste à 2 sur 4. Oshie, lui, est incroyable : patinant très lentement, il démontre que la vitesse est peu de chose quand on est virtuose à l’approche de la cage. ses deux échecs, de justesse, ont fait suite à des feintes réussies. Il réussit sa quatrième tentative et donne la victoire aux États-Unis.
Ce match entre deux équipes au niveau très proche a tenu toutes ses promesses et a été une incroyable propagande pour le hockey olympique. C’est sans doute la plus belle séance de tirs au but jamais vue, par la grâce d’un génie de la spécialité nommé T.J. Oshie. Quelle sera son importance sur le résultat final des Jeux olympiques ? Les États-Unis risquent de terminer troisièmes et les Russes quatrièmes dans la première phase, ce qui pourrait envoyer la Russie vers une demi-finale contre le Canada, si celui-ci bat la Finlande demain. Voilà qui promet…
Commentaires d’après-match
Ilya Kovalchuk (attaquant de la Russie) : « C’est OK, rien de terrible n’est arrivé. Nous avons montré notree caractère. Ce n’est qu’un match de poule, tout se décidera en demi-finale et en finale. J’espère que nous rejouerons les Américains. »
Vyacheslav Voïnov (défenseur de la Russie) : « Nous jouons dans la même équipe [que Quick], et c’est assez dans son style, il a quelques trucs comme ça [bouger la cage]. Mais nous devons juste marquer plus, et plus importaant, nous créer plus d’occasions. »
Ryan MacDonagh (défenseur des États-Unis) : « C’est notre fonctionnement normal en infériorité numérique [de bloquer des tirs]. À ma place, chacun aurait fait la même chose. Je faisais juste mon travail. Nous avons ressenti le frisson de la victoire. C’était un match très excitant pour les fans, et pour nous aussi. Quant à l’utilisation régulière d’Oshie dans la fusillade, je n’avais jamais rien vu de tel. Je ne m’attendais pas à ce qu’il ait autant de mouvements dans son répertoire. C’était cool à regarder. »
États-Unis – Russie 2-2 (0-0, 1-1, 1-1, 0-0) / 4-3 aux tirs au but
Samedi 13 février 2014 à 16h30 au palais des glaces Bolshoï de Sotchi. 11678 spectateurs.
Arbitrage de Brad Meier (USA) et Marcus Vinnerborg (SUE) assistés de Greg Devorski et Jesse Wilmot (CAN).
Pénalités : États-Unis 12′ (2′, 6′, 4′, 0′), Russie 10′ (2′, 4′, 4′, 0′).
Tirs : États-Unis 33 (10, 13, 8, 2), Russie 31 (13, 8, 7, 3).
Évolution du score :
0-1 à 29’15 » : Datsyuk assisté de Markov et Radulov
1-1 à 36’34 » : Fowler assisté de Van Riemsdyk et Kessel
2-1 à 49’27 » : Pavelski assisté de Kane et Shattenkirk (sup. num.)
2-2 à 52’44 » : Datsyuk assisté de Markov (sup. num.)
Tirs au but :
Russie : Malkin (arrêté), Datsyuk (arrêté), Kovalchuk (réussi).
États-Unis : Oshie (réussi), Van Riemsdyk (arrêté), Pavelski (arrêté).
Tireurs supplémentaires : Kovalchuk (R, arrêté), Oshie (U, au-dessus), Datsyuk (R, réussi), Oshie (U, réussi), Kovalchuk (R, réussi), Oshie (U, réussi), Datsyuk (R, arrêté), Oshie (U, arrêté), Kovalchuk (R, poteau), Oshie (U, réussi).
États-Unis
Gardien : Jonathan Quick.
Défenseurs : Ryan Suter (A) – Ryan McDonagh ; Brooks Orpik (-1) – Paul Martin ; Cam Fowler – Kevin Shattenkirk ; John Carlson (-1).
Attaquants : Zach Parisé (C) – David Backes (-1, 2′) – Ryan Callahan (-1) ; James van Riemsdyk – Joe Pavelski – Phil Kessel ; Dustin Brown (A, 4′) – Ryan Kesler – Patrick Kane (2′) ; Max Pacioretty (-1, 2′) – Paul Stastny – T.J. Oshie ; Blake Wheeler (2′).
Remplaçant : Ryan Miller (G). En réserve : Jimmy Howard (G), Justin Faulk, Derek Stepan.
Russie
Gardien : Semyon Varlamov.
Défenseurs : Andrei Markov (+1) – Vyacheslav Voïnov (+1) ; Evgeni Medvedev (2′) – Aleksei Emelin ; Fyodor Tyutin (2′) – Ilya Nikulin (2′) ; Anton Belov – Nikita Nikitin.
Attaquants : Ilya Kovalchuk (A, +1) – Pavel Datsyuk (C, +1) – Aleksandr Radulov (+1, 4′) ; Aleksandr Ovechkin (A) – Evgeni Malkin – Aleksandr Syomin ; Nikolaï Kulyomin – Artyom Anisimov – Vladimir Tarasenko ; Aleksandr Popov – Aleksei Tereshchenko – Valeri Nichushkin.
Remplaçant : Sergei Bobrovski (G). En réserve : Aleksandr Eryomenko (G), Viktor Tikhonov, Aleksandr Svitov.
 
			 
                                





























 
			







