Les Dragons de Rouen cherchent à entrer dans l’histoire en étant la première équipe de l’histoire à remporter une troisième Coupe de France d’affilée.
Ils n’ont pas préparé ce rendez-vous dans les meilleures conditions puisque six véhicules appartenant à des joueurs rouennais ont été incendiés et quatre autres vandalisés dans la nuit de mercredi à jeudi sur le parking de l’immeuble où loge la majorité de l’effectif. Laisser leurs familles dans ce contexte social un peu chaud ne sera donc pas facile. Le point positif est que l’effectif des Dragons est au complet : Mark Matheson s’entraîne sans son plâtre à la main depuis seulement mardi matin.
Grenoble réalise une très belle saison après ses tourments estivaux, et sa série de 20 victoires jusqu’au Nouvel An a marqué les esprits. Mais les Brûleurs de Loups restent sur une défaite inhabituelle 7-3 à Amiens avec sortie en cours de match du gardien Lukáš Horák : faut-il s’en inquiéter avant ce choc au sommet, remake de la dernière finale de Coupe de France ?
L’an passé, Rouen s’était détaché avec deux buts en cinq minutes. Le scénario s’inverse cette fois. Le grand espoir Jordann Perret, passé à l’intersaison de Grenoble à Rouen, prend la première pénalité pour une charge contre la bande. David Rodman sert son compatriote Boštjan Goličič près de la cage, dans le dos du duo Chakiachvili-Matheson, et le Slovène glisse le palet sous les bottes de Sabourin (0-1, 02’22 », photo ci-dessus).
Les Brûleurs de Loups maintiennent la pression. Patrick Koudys fait trébucher Anže Kuralt derrière la cage rouennaise. Après une entrée de zone en vitesse, Éric Chouinard reste en retrait, et lorsqu’il reçoit le palet remis en retrait par Texier, il peut armer un lancer puissant (0-2, 05’15 »). Le jeu de puissance de Grenoble, trop attentiste vendredi à Amiens, a retrouvé son efficacité le jour J.
Mais quand on mène de deux buts, il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. C’est ce qui était arrivé à Rouen l’an dernier. Cette année, ce sont les Grenoblois qui reculent progressivement. Leur première pénalité est infligée contre une violente charge de Stéphane Gervais, et six secondes avant qu’elle ne s’achève, Marc-André Thinel réduit le score sur un rebond (1-2, 07’28 »). Les occasions sont ensuite rouennaises. À la treizième minute, Jordann Perret lève même les bras sur un tour de cage du revers : à tort apparemment, même si les supporters des Dragons situés dans le virage opposé s’y sont laissés prendre. Les arbitres, eux, n’accordent pas le but.
Julien Baylacq se fait pénaliser pour avoir retenu une crosse normande, puis Kyle Hardy fait trébucher un adversaire : Rouen termine donc le tiers-temps à 5 contre 3 pendant une minute et demie, mais le gardien tchèque Lukáš Horák préserve une partie de la précieuse avance initiale jusqu’au retour aux vestiaires. Rouen aura été moins tranchant pour conclure dans cette première période.
Le deuxième tiers-temps commence avec le même élan rouennais. La sortie à la crosse de Lukáš Horák est si indolente que Yorick Treille surgit devant lui et envoie ce palet qui traîne… passer de peu à côté du poteau. La vivacité de Jordan Perret inflige ensuite les pires tourments à son défenseur Bisaillon et lui permet de se procurer deux tirs dangereux sur la même présence.
Rouen a un avantage de vitesse depuis le début de la partie et une situation de 4 contre 4 tourne logiquement en sa faveur. François-Pierre Guénette fonce au but et attire tous les défenseurs avec lui. Il laisse le palet à Olivier Dame-Malka qui est seul face au gardien mais n’a aucun angle : au lieu de tenter l’impossible, le défenseur franco-canadien donne intelligemment en retrait à Chad Langlais qui fusille Horák (2-2, 27’53 »).
Les Dragons continuent d’imposer leur rythme de jeu à une équipe grenobloise étouffée qui n’arrive plus à sortir de sa zone. Lorsque le tempo décroît en fin de deuxième période, les Brûleurs de Loups reprennent du poil de la bête et arrivent de nouveau à poser leur jeu. C’est par la construction et la précision technique qu’ils s’installent à leur tour en zone offensive. En résumé, Rouen a la vitesse, et Grenoble a la maîtrise. Les deux équipes sont cependant toujours dos-à-dos après quarante minutes.
Nicolas Favarin prend 2’+2′ pour crosse haute au début de troisième tiers-temps. Les Grenoblois réussissent néanmoins à contrer le palet et à provoquer une obstruction de Yorick Treille qui diminue de moitié l’effet de la sentence. À 4 contre 4, Chouinard dribble même à lui seul la défense rouennaise Koudys-Coulombe. On ne revbient pas longtemps au complet car Lampérier prend une pénalité inutile dans un duel en zone offensive. La bonne activité de la boîte rouennaise, avec des joueurs qui bougent beaucoup, se jettent et coupent bien les angles, tue cette infériorité numérique.
La partie se poursuit avec un léger avantage grenoblois, mais sur une incursion rouennaise à sept minutes de la fin, Fabien Colotti est pris en sandwich par deux Brûleurs de Loups : l’un d’eux, Anže Kuralt, est sanctionné pour charge incorrecte. On se souvient que le premier but rouennais était déjà venu d’une pénalité provoquée par la quatrième ligne, très remuante ce soir… Mais il n’y aura pas de répétition de l’histoire. Après les trois buts marqués sur les trois premiers avantages numériques de la partie, les unités d’infériorité ont fini par prendre le dessus, de part et d’autre. Comme les deux adversaires limitent les prises de risques dans les dernières minutes, on file tout droit en prolongation.
Le nouveau règlement à 3 contre 3 pour le temps supplémentaire pourrait favoriser Rouen au vu de sa domination dans le jeu rapide, même si celle-ci n’a plus transparu au cours de la troisième période. Mais les Dragons commettent pas mal d’erreurs et perdent des palets dans leur zone. La maîtrise technique est un point-clé, et la maîtrise technique a un nom : Éric Chouinard. Alors qu’un tir raté de Jordan Perret frappe la balustrade et revient dans les crosses grenobloises, le capitaine d’expérience tire sous le bras d’un Dany Sabourin dépité et donne la victoire à Grenoble (2-3, 61’59 »).
Les Brûleurs de Loups ponctuent déjà leur incroyable résurrection par un titre, leur quatrième victoire en Coupe de France après 1994, 2008 et 2009. Ce succès couronne la transformation d’un club qui a crevé ses abcès et s’est remobilisé pour être digne de son histoire.
Désigné joueur du match : Lukáš Horák (Grenoble).
Commentaires d’après-match
Christophe Tartari (attaquant de Grenoble) : « Ils sont peut-être un peu plus méritants sur ce match, comme nous l’avions été l’an passé, mais on a réussi à les emmener en prolongation. Comme toujours, c’est une grande fête du hockey, il faut profiter de chaque instant quel que soit le résultat. »
Alexandre Texier (attaquant de Grenoble) : « Pour l’instant, tout est incroyable. C’est mon premier titre en tant que pro. On va bien profiter, mais il ne faut rester là-dessus. Nos lignes changent tout le temps, mais ce n’est pas un problème, ça met les adversaires en difficulté pour s’ajuster par rapport à nous. »
Mathias Arnaud (attaquant de Grenoble) : « Rouen est une excellente équipe, on a énormément de réussite contre eux depuis le début de la saison puisqu’on n’a perdu qu’une fois en prolongation. Après son premier shift dans la prolongation, j’ai dit à Chouin’ cette fois-ci prend ta chance et shoote parce que parfois il fait la passe à 2 contre 1. Je ne sais pas s’il m’a écouté, mais il l’a fait. […] Le président a géré formidablement depuis le début de la saison, en délégant énormément et en faisant confiance aux gens. Chacun respecte ses coéquipiers, l’équipe est fondée là-dessus. Cela a porté ses fruits, et j’espère que ça les portera encore. »
Jordann Perret (attaquant de Rouen, dans Paris Normandie) : « [À propos de son action à la 13e] Le gardien avait sa botte derrière la ligne rouge et le palet a tapé la botte. Sur l’instant pour moi, il y a but. L’arbitre derrière la cage en a décidé autrement mais, de ce qu’on m’a dit après, sur les ralentis de la télévision, on voit le palet passer la ligne. »
Fabrice Lhenry (entraîneur de Rouen, dans Paris Normandie) : « Je suis fier de ce qu’ont fait les gars. Ils ont été vaillants. Je suis vraiment triste pour eux. Je sais le reconnaître quand on mérité pas de gagner, mais là, sur les cinquante-cinq dernières minutes du temps réglementaires, on a été bon, voire très bon. À deux mois des championnats du monde, qui se dérouleront en partie en France, je regrette que sur un match comme ça, dans une enceinte comme celle-là et avec je ne sais pas combien de télévisions, et donc de caméras filmant la rencontre, on ne puisse pas faire appel à la vidéo pour vérifier si un but est valide ou pas. [Nous devrons] savoir rebondir dès mardi à domicile face à Lyon car l’objectif, maintenant, c’est la première place de la saison régulière et, si on remporte nos deux derniers matches, on l’obtiendra. »
Rouen – Grenoble 2-3 après prolongation (1-2, 1-0, 0-0, 0-1)
Dimanche 19 février 2017 à 15h00 à l’AccorHotels Arena de Paris-Bercy. 11367 spectateurs.
Arbitrage de Nicolas Barbez et Geoffrey Barcelo assistés de Gwilherm Margry et Thomas Caillot.
Pénalités : Rouen 12′ (6′, 2′, 4′, 0′) ; Grenoble 16′ (6′, 4′, 6′, 0′).
Évolution du score :
0-1 à 02’22 » : Goličič assisté de Rodman et Chouinard (sup. num.)
0-2 à 05’15 » : Chouinard assisté de Texier et Kuralt (sup. num.)
1-2 à 07’28 » : Thinel assisté de Y. Treille et S. Treille (sup. num.)
2-2 à 27’53 » : Langlais assisté de Dame-Malka et Guénette
2-3 à 61’59 » : Chouinard assisté de Hardy
Rouen
Attaquants :
Loïc Lampérier – François-Pierre Guénette (A) – Dan Koudys
Sacha Treille – Adam Miller – Marc-André Thinel
Joris Bedin – Matt Hussey – Jordann Perret
Fabien Colotti – Damien Raux – Yorick Treille (A)
Défenseurs :
Florian Chakiachvili – Mark Matheson
Olivier Dame-Malka – Chad Langlais
Patrick Coulombe (C) – Patrick Koudys
Gardien :
Dany Sabourin
Remplaçants : Quentin Papillon (G), Aurélien Dorey, Vincent Nesa.
Grenoble
Attaquants :
Éric Chouinard (C) – Boštjan Goličič – David Rodman
Camilo Miettinen – Sébastien Gauthier – Anže Kuralt
Julien Baylacq – Christophe Tartari (A) – Norbert Abramov
Sébastien Rohat – Alexandre Texier – Mathias Arnaud
Défenseurs :
Kyle Hardy – Sébastien Bisaillon
Teddy Trabichet (A) – Nicolas Favarin
Aziz Baazzi – Stéphane Gervais
Quentin Scolari
Gardien :
Lukáš Horák
Remplaçants : Antoine Bonvalot (G), Antoine Torres. Absent : Rhett Bly (ligaments du genou).