Seconde partie de l’entretien avec Daniel Sedlak et Christophe Lapointe, respectivement entraîneur et manager général des Diables Rouges de Briançon. Le staff briançonnais évoque notamment l’extra-sportif, c’est-à-dire les finances, la structuration du club ou bien encore la patinoire.
Pour rappel, le premier volet concernant les aspects sportifs est à lire ici.
Un petit mot sur les finances, le Président Guillaume Lebigot a évoqué un budget stable.
Christophe Lapointe (C. L .) : Oui, statu quo sur le budget et masse salariale. On sera au centime près comme l’a dit le président. La masse salariale sera autour de 405 000 euros avec un budget prévisionnel de 1,18 millions d’euros.
Daniel Sedlak (D.S.) : Guillaume Lebigot et Christophe m’ont donné le tableau financier que je dois respecter. Pas plus car ici les finances doivent rester saines. On doit vivre avec ça.
Briançon revient souvent comme le plus petit budget de Ligue Magnus, quel est l’écart avec le reste du championnat ?
C.L. : Il y a des différences bien sûr. Il doit y avoir 5 clubs à plus de 2 millions d’euros : Amiens, Grenoble, Angers, Rouen et je pense que Cergy ne va pas tarder à y être. Ensuite un paquet à 1,4 – 1,5 millions d’euros. Et enfin, Anglet, Briançon, Chamonix, Mulhouse entre 1,2 et 1,3 millions d’euros. Tout dépend aussi car une masse salariale ce n’est pas seulement ce qu’on donne aux joueurs mais c’est aussi la taxe d’habitation, les assurances, les appartements donc il suffit que pour telle raison il y ait moins de taxe d’habitation ailleurs, la masse salariale s’en ressent. Il y a plein de choses qui rentrent en ligne de compte.
On a un budget de tant, une masse salariale de tant, et on se garde un petit coussin si on a un joueur à prendre en cours de saison comme on l’a fait avec Denis Kurepanov ou Bazevics. Le but est d’arriver en fin de saison à l’équilibre budgétaire et de le mettre en corrélation avec un équilibre sportif. Il faut aussi qu’on arrête d’être dernier de Ligue Magnus car, je le redis, Briançon reste une terre de hockey et je ne vois pas pourquoi Briançon aurait moins sa place aujourd’hui que d’autres clubs de Magnus. C’est à nous de travailler, de régler les petites choses qui n’ont pas fonctionné l’an passé et l’on va y arriver. Je ne vois pas pourquoi on serait moins intelligent que les autres.
On évoquait précédemment que Briançon aurait désormais un préparateur physique à plein temps, un chef matos, pouvez-vous nous parler des efforts entrepris par le club pour se structurer ?
D.S. : Aujourd’hui c’est vraiment la base. On a vraiment besoin d’un chef matos, d’un préparateur physique, d’un système de coaches. Parce que le staff c’est le hockey moderne. C’est impossible sinon. Par rapport à 10, 20 ans en arrière, aujourd’hui ce n’est pas seulement le coach qui est responsable, c’est vraiment tout le monde : le kiné, les médecins… Tout le monde est responsable pour aider l’équipe et son confort. Si le joueur est bien sur la glace, dans son appartement, alors il donnera ses meilleures performances sur la glace et donc l’équipe gagnera davantage. Nos joueurs sont là pour 9 mois et doivent se sentir bien partout, sur la glace et à l’extérieur.
Comment travailles-tu en tant que coach ?
D.S. : La vidéo existe depuis longtemps. La première chose est d’être un coach moderne en travaillant la psychologie. Tu as besoin de trouver la confiance de tous les joueurs : de mon meilleur joueur au plus « faible ». Si t’as confiance en lui et que lui aussi croit en toi en tant que coach, ça permet d’obtenir les meilleurs résultats. Je vais continuer ça l’an prochain. Head coach, c’est un poste important. On peut faire des plans, des systèmes, plein de différentes tactiques mais le plus important c’est que les joueurs croient au coach et soient dans la même direction avec la même philosophie. Enfin la dernière chose, j’aime être très transparent avec les joueurs et ne rien cacher. S’il y a un problème, nous devons en discuter directement, que ce soit avec les plus jeunes ou les plus vieux.
Contrairement à d’autres clubs de Magnus, Briançon n’a pas de directeur sportif. Est-ce un choix du club ou est-ce une difficulté à trouver le profil idéal ?
C.L. : Il y a eu deux cas. L’année dernière où c’était un actionnaire, Luc Rougny, qui aidait Daniel avec ses connaissances depuis des années dans le secteur sportif même s’il n’a jamais été hockeyeur. Aujourd’hui Luc s’est retiré du secteur sportif, car ces personnes ont des job à côté et c’est compliqué de donner de son temps. Du coup oui aujourd’hui, il n’y a pas de directeur sportif. Par contre on a quand même une personne d’une cinquantaine d’années avec nous qui a tout de même quelques années de professionnalisme en tant que joueur et entraîneur (même si c’était du mineur puis dans le secteur pro depuis 3-4 ans) avec pas mal de connaissances. On sait très bien que si on a un entraîneur canadien, on aurait davantage de Canadiens et Nord-Américains ; un entraîneur issue de la filière de l’Est implique davantage de joueurs de l’Est. C’est donc complètement logique. Là encore je parle de clubs de même niveau que nous. On n’a pas ce qu’a Chamonix par exemple où Christophe Ville est actionnaire et directeur sportif. Nous avons des actionnaires passionnés de hockey même si ce ne sont pas des hockeyeurs, on est conscient, on n’a pas de Christophe Ville dans nos actionnaires mais ils ont des qualités également.
Il y a un choix qui a été fait : ce que faisait Luc, c’est moi qui l’ai repris. Je n’ai aucun passé de hockeyeur mais un peu de passé sportif et mes deux enfants étaient dans le hockey. Le réseau, c’est Daniel qui l’a. Bien sûr nous ne sommes pas toujours d’accord mais on se complète bien. Il y a une ligne directrice, toujours en rapport avec ce que Briançon est. On n’a pas l’argent de certains gros clubs. On va chercher à l’extérieur, des anciens Briançonnais comme Thomas Raby, qui n’a pas forcément le niveau Magnus à l’heure actuelle, mais qui a exactement le même nombre de points en D1 que Torres à son arrivée à Briançon l’an passé (5 pts). Thomas Raby était sur la quatrième ligne en D1 et treizième attaquant avant de partir. Il était sur la quatrième ligne de Marseille, on l’a vu jouer notamment contre nous en Coupe de France et s’il y en avait un qui se jetait sur les palets notamment en box-play c’était bien lui ! On n’a pas l’argent comme les autres donc il faut chercher d’autres joueurs.
Le contingent français sera sans doute moins performant mais peut-être qu’au 15 septembre ou 1er octobre, on pourra peut-être dire qu’on a eu raison. Est-ce que c’est la bonne solution ? Pour nous oui. Et je ne pense pas qu’on ait les moyens pour aller chercher un manager sportif. Des directeurs sportifs, il n’y en a pas tant que ça. Anglet a Xavier Daramy, un ancien grand joueur, mais non salarié du club. Christophe Ville est actionnaire de Chamonix. Gap a Sébastien Oprendi effectivement, Mulhouse a Erwan Agostini. À Nice, c’est Stan (Sutor) qui fait tout. C’est sûr que c’est plus et peut-être que ce directeur sportif aurait une filière que le coach n’aurait pas.
Est-ce un manque de ne pas être affilié à un club ou de n’avoir aucun partenariat sportif (licence bleue, pouvoir prêter des jeunes joueurs) ? Briançon semble en quelque sorte « isolé ».
D.S. : Le hockey mineur est un peu « coincé » depuis pas mal d’années. à Briançon c’est compliqué de garder une équipe U20 car après le lycée, les joueurs partent faute de formation post-bac ou d’université. On a une équipe en D3 et dommage qu’elle n’ait pas pu monter en D2 afin de donner davantage de profondeur à notre équipe première. D3 et Ligue Magnus, ça fait beaucoup trop d’écart de niveau. Si la D3 arrive à monter en D2, nous aurons alors plus de chance pour recruter des joueurs pour notre réserve. En Junior, nous avons une belle équipe U17 et une équipe U20 où ça été plus compliqué mais qui a fait une super saison. On n’a pas d’équipes de D1 ou de D2 à proximité. On se bat contre des équipes qui ont plus de possibilités pour former.
C.L. : Ça aurait été bien qu’on ait un partenariat comme Gap avec Marseille mais Briançon reste au fin fond des Hautes-Alpes et c’est dur d’aller faire une convention d’un club ferme avec quelqu’un d’autre surtout qu’aujourd’hui les licences bleues c’est intéressant si nos joueurs étaient en formation à Briançon. Surtout qu’actuellement en Magnus, on n’a droit qu’à 2 joueurs non professionnels alors qu’on avait le droit à 4 l’année dernière, 6 l’année d’avant et 8 encore l’année d’encore avant. Mais dans 2 ans, tout ceci n’existera plus. Il y aura les joueurs pro, joueurs avec des contrats smic ou plus, et les joueurs en formation. Donc quelqu’un de D2 ou D3 qui n’aura pas fait sa formation dans le club et qui a plus de 23 ans ne pourra plus jouer en Ligue Magnus. Pour nous ça ne compliquera pas les choses. Il va falloir que les clubs fassent de la formation car les joueurs devront avoir moins de 23 ans et devront avoir évolué en U17 ou U20 pour pouvoir jouer en Magnus.
Chaque fin de saison, il y a un tableau qui est fait avec les joueurs de moins de 23 ans jouant en Ligue Magnus. Nous avons intégré 9 joueurs qui ont joué en Ligue Magnus là où certains clubs en ont intégré 1, 2 ou 3. Sinon on va arriver à une situation où il n’y aura que des joueurs pro comme au rugby avec 30 joueurs pros avec peu de joueurs en formation à intégrer.
Notre but à nous, c’est de faire jouer. Notre 5e ligne ne sera composée que des joueurs issus de la formation briançonnaise comme notre huitième défenseur et notre troisième gardien. Nous aurons 6-7 joueurs qui nous aideront, même s’ils n’ont pas forcément le niveau Magnus. À l’image d’un Kais Faure-Brac dont on lui avait dit qu’il ferait 15 matches. Au final, il en a joué 38.
On évoquait précédemment les blessures qui ont beaucoup pesé la saison passée, comment améliorer ça ?
C.L. : Au niveau médical, je pense qu’on est vraiment bien. On a des gens qui sont très professionnels. D’autres nous ont rejoint en cours de saison. Nous avons notre secrétaire salariée, Isabelle Chakiachvili (dont le fils Florian joue à Rouen), issue du monde hospitalier, qui fait parfaitement son travail. On a 3 kinés qui s’occupent des joueurs, un médecin généraliste, un médecin du sport (notamment pour les tests prévues par le règlement de la Fédération et les licences) et plein d’autres choses également mises en place. Ce n’est peut-être pas ça qui va empêcher les blessures. Mais on s’est rendu compte que nous n’avons eu aucune blessure musculaire. Nous avons mis en place quelque chose en début de saison. Considérant que les contrats débutent à telle date, que Briançon est à 1300 mètres d’altitude et que Daniel attaque fort dès le début de la préparation (2 entraînements glace et 1 entraînement hors glace par jour), les joueurs sont arrivés progressivement en avance pour s’habituer à l’altitude. On va refaire cela cette saison. Car on s’était rendu compte la saison précédente que des joueurs ont rencontré pas mal de petits soucis musculaires. Il y a un vrai suivi des joueurs. Le CIPPA nous prête sa salle de musculation avec une convention passée avec eux.
Ça reste des blessures malheureuses. Le fait d’avoir beaucoup de blessés a fait que les joueurs ont joué plus souvent et c’est un cercle vicieux. Je ne pense pas qu’on ait été mauvais sur le plan médical.
D.S. : Je n’ai pas absolument rien à redire car Isabelle a vraiment super bien travaillé. Du fait qu’elle a travaillé à l’hôpital avant de s’investir dans le hockey, elle connaît beaucoup de monde. Elle essaye de régler tout de suite les soucis médicaux en demandant les rendez-vous le plus vite possible en ne « lâchant » rien ainsi que tout l’administratif avec les papiers médicaux. Vraiment chapeau à elle !
Le président Lebigot disait dans le Dauphiné Libéré « J’ai l’impression que les Briançonnais préfèrent gagner des matches en D1 que d’en perdre en Magnus », ce qui se ressent sur l’affluence à la patinoire René-Froger (670 spectateurs de moyenne). Quel est votre point de vue là dessus et comment ramener du monde à la patinoire ?
C.L. : Ça m’embête de perdre comme on a perdu les premières saisons (saisons 2019-2020 et 2020-2021). Ça m’embête de perdre certains matches comme on l’a fait l’année passée (comme celui d’Anglet où on menait 2-0…). Mais des matches comme on a fait contre Cergy (victoire 5-4 aux tirs au but après avoir été menée 0-4), on n’en verra pas en D1. Effectivement, il y a beaucoup de gens qui disent que notre place est en D1. Mais si on est en D1, la première chose que ces mêmes gens vont nous dire c’est « vivement qu’on remonte en Magnus ». Il faut qu’on arrive, avec les moyens qu’on a, à sortir de cette zone qui nous aspire depuis 3 ans. On a fait de bons play-down. Et contrairement à ce qui se disait, personne ne s’en moquait car ce que regardent les joueurs ce sont les points et des points en play-down restent des points !
D.S. : On a perdu 8 matches dans les deux dernières minutes car comme on l’a dit nous avons eu beaucoup de blessés et peu de profondeur de banc. Ce qui nous a coûté environ 20 points. Avec ces points là en plus on aurait été en course pour les play-offs qui étaient notre objectif l’année dernière et le seront aussi l’an prochain. Les commentaires, c’est normal, c’est la vie. L’an prochain, je vais encore essayer de motiver, former, faire la meilleure tactique contre toutes les équipes pour arriver à l’objectif de la huitième place. C’est mon plan et ma vision.
C.L. : Il ne faut pas partir en début de saison avec « Cette saison on va être dernier ». Non, on joue une place (8e place) qui serait top car on n’est pas si loin que ça. On verra à la reprise mi-août, puis lors des matches amicaux et du début de saison. Le but c’est clairement d’être dans les 8. On a un petit budget mais si on travaille bien et si on ne s’est pas trompé on devrait y arriver. Si on s’est trompé sur des joueurs, on fera le nécessaire, peut-être plus vite que l’année dernière, pour changer. Des erreurs, on en a faites et on en fera tous. Comme l’a dit Guillaume Lebigot, Daniel a fait sa première saison en tant que head coach. Moi c’était ma première saison de manager post-Covid ; je ne compte pas ma première saison avec le Covid où c’était étrange. Il y a plein de choses qui doivent être faites.
À l’été prochain, la glace (avec la dalle et les balustrades) va être démontée et refaite car elle a plus de 40 ans. On sent que la Ville est là pour nous aider. Ça ne rentre pas dans le projet global du Parc des Sports de Briançon (2022-2024) mais la patinoire n’est pas du tout oubliée puisqu’elle est prévue pour l’été 2023.
Le sportif c’est une chose mais les gens viennent pour voir un spectacle. On en est conscient (NDLR : du manque d’animation soulevé par de nombreux supporters) mais le problème c’est que la patinoire ne nous appartient pas et il faut qu’on fasse avec. Il y aura des jours meilleurs pour l’attractivité à la patinoire. On a eu des réunions de travail. Faire une entrée de joueurs digne de ce nom avec un gros diable gonflable etc, le devis je l’ai. Le souci c’est que pour monter sur la glace, il faut monter 3 marches en biais et rentrer par le banc des joueurs ce qui fait que ce n’est pas faisable aujourd’hui. Avec la nouvelle glace, on a demandé à ce que les joueurs puisse rentrer droit devant en sortant du vestiaire.
On manque aussi de bénévoles pour développer les animations, faut dire la vérité. On a toujours nos inconditionnels, qu’on remercie, et c’est sur qu’avec 10 ou 15 bénévoles supplémentaires ce serait top et ça permettrait de faire plus de choses. Le peu de salariés administratifs que nous sommes, sommes les couteaux suisses du club. À l’époque, quand j’avais fini avec l’entrée c’est moi qui allais m’occuper du projo pour l’entrée des joueurs. Il y a plein de choses à revoir, nous en sommes conscients. Et aujourd’hui il y a les écrans géants qui ont fait leur apparitions. La Mairie est venue voir il y a peu pour cela. Ce sont des choses qui vont arriver avec le programme d’amélioration de la patinoire. Il faut qu’on arrive à faire des choses pendant les tiers. L’année dernière on sortait du Covid, maintenant on a le temps pour voir tout ça et je commence à y penser fortement. On est largement conscient qu’il y a des choses qu’on n’a pas faites et qu’on aurait peut-être pu faire. Si je n’avais pas repris le poste de chef matériel, je n’aurais pas été sur le banc, ni parti en déplacement. Cette saison, je vais avoir davantage de temps donc ce ne sera pas la même chose.