Quand le gardien de l’équipe de Russie est arrêté pour être envoyé au service militaire, le monde du hockey tout entier est choqué.
Qu’est-ce qui se passe au juste en Russie, ce pays étonnant où un oligarque formé dans une école anglaise de business peut se retrouver entraîneur du club le plus riche du pays ?
Vous pourrez le comprendre un peu plus avec les histoires étonnantes de la dernière partie de notre bilan KHL. Elle inclut les huit meilleures équipes, celles qui ont passé au moins un tour de play-offs.
CSKA Moscou (1er) : un champion enrôlé de force
Le CSKA Moscou a prolongé sa tradition victorieuse, même au temps du plafond salarial. Il existe une spécificité à ce règlement de la KHL : les bonus versés pour l’atteinte du dernier carré des play-offs sont totalement déplafonnés. Le CSKA a une politique particulière en la matière : il ne vers un bonus collectif que si l’équipe soulève la Coupe Gagarine. Les joueurs peuvent alors doubler leur salaire ! Cela les a peut-être motivés à ne pas se contenter d’une finale de Conférence (qui ne leur rapporte rien contrairement à ce qui se fait dans les clubs concurrents) mais à remporter deux séries décisives en sept matches, contre le SKA Saint-Pétersbourg – après avoir été mené 3 victoires à 2 – puis contre Magnitogorsk – après avoir été mené 3 victoires à 1.
Plus qu’aux incitations financières, cette capacité à renverser une situation compromise a été attribuée au sang-froid de l’entraîneur Sergei Fedorov. Beaucoup ricanaient en début de saison du coach débutant qui proclamait le retour au « style offensif soviétique » mais qui voyait son équipe faire des contre-performances face aux derniers du classement. Fedorov a consommé trois adjoints spécialistes de la défense en trois mois, jusqu’à ce que Valeri Chebaturkin, l’entraîneur de l’équipe-réserve appelé fin octobre, le ramène finalement vers un équilibre… qui ressemblait beaucoup au CSKA des dernières années.
Les Moscovites disposent de quatre lignes homogènes et n’ont donc pas trop été gênés par le départ des attaquants étrangers (les internationaux suédois Lucas Wallmark et Joakim Nordström, qui venaient de prolonger leur contrat, sont partis début mars, une semaine après le déclenchement de la guerre en Ukraine). Celui qui a tiré l’équipe en play-offs, c’est l’inoxydable Aleksandr Popov. Âgé de 41 ans, ce taiseux à l’épaisse barbe grisonnante a encore une condition physique de jeune homme et est capable de laisser sur place ses adversaires par ses accélérations soudaines et son agilité.
Le gardien Ivan Fedotov, qui avait rapidement devancé son concurrent suédois Adam Reideborn pour la place de titulaire, a aussi élevé son niveau après les JO qui lui ont donné confiance. Peu après le titre, il a signé un contrat NHL pour Philadelphie… mais deux mois plus tard, une descente de police a été organisée dans plusieurs lieux qu’il fréquente à Saint-Pétersbourg pour l’arrêter et l’envoyer dans une base de la Marine de la région arctique pour son service militaire obligatoire.
Cette conscription forcée rappelle la face sombre du mythique CSKA, mais l’ancien club militaire n’a aujourd’hui plus aucun lien avec le Ministère de la Défense. Cette affaire a provoqué la panique chez les hockeyeurs russes. Certains d’entre eux sont en effet inculpés pour avoir acheté des attestations de service militaire, une pratique extrêmement répandue en Russie (qui explique que seuls les plus pauvres rejoignent l’armée). Si l’objectif était d’empêcher le départ des champions vers les États-Unis, ce cas emblématique pourrait bien avoir l’effet inverse en amplifiant la peur et l’exode.
Metallurg Magnitogorsk (2e) : la vitesse en atout inédit
La stratégie de l’entraîneur Ilya Vorobyov – une équipe plus petite mais plus rapide – a fonctionné, à l’inverse de l’Avangard qui s’était fourvoyé dans une recherche de gabarit à tout prix. Vorobyov avait constaté l’évolution physique du hockey mais aussi la tendance actuelle qui privilégie la vitesse. Il a voulu avoir trois lignes fortes tournées vers l’offensive, et Magnitka a eu plus de densité de talent que d’habitude. Vorobyov, dont le maintien était contesté l’été dernier, a re-signé deux ans de plus
Le manager du club Sergei Gomolyako, qui n’avait pas vraiment le profil de ce hockey moderne (il pesait 120 kg durant sa carrière de joueur), est pour sa part grand amateur de qualité technique, ce qui l’a orienté vers Brendan Leipsic, joueur très dangereux avec le palet même s’il fait parfois trop de fioritures. Le centre canadien Philippe Maillet, qui n’avait pas le même passé NHL, a été dédié à son compatriote Leipsic et a formé avec lui un duo qui imprimait un rythme élevé de jeu. Une paire idéale pour faire revivre Nikolai Goldobin, ailier russe créatif mais peu physique qui a enfin gagné en régularité quand il a été placé à leurs côtés. En misant sur la possession du palet et en faisant le jeu, le Metallurg était plus constant sur 60 minutes que l’an passé, quand il était plutôt en réaction sur les fins de match.
La première place en saison régulière témoignait déjà du retour au sommet du club de l’Oural, mais les play-offs présentaient d’autres difficultés. Trois défenseurs se blessaient (Pashnin, Minulin et Maklyukov) et le gardien médaillé d’or Juho Olkinuora était rentré en Finlande. Champion olympique quatre ans plus tôt, Vasili Koshechkin se retrouvait donc seul, à désormais 39 ans, à gérer un rythme infernal de play-offs qui n’était plus de son âge, en jouant tous les deux jours. Remplacé huit fois dans les play-offs (trois parce qu’il était en difficulté et cinq juste pour le faire souffler), il a quand même fini à 93% de moyenne et montré qu’il avait de beaux restes. Finaliste battu, le Metallurg Magnitogorsk aura fait plaisir à ses fans en renouant avec sa tradition d’un hockey à la fois spectaculaire et efficace, mais en y ajoutant une mobilité qui manquait à son ADN.
Traktor Chelyabinsk (3e) : l’air des sommets
Le Traktor Chelyabinsk est revenu cette saison en position de se mêler à la lutte pour le titre, ce qui ne lui était plus arrivé depuis deux saisons enchantées voici une décennie. Il a même fini l’année 2021 en première place. De quoi se désoler que la fin prématurée de la saison régulière l’ait empêché de concourir pour cette position honorifique (récompensée de la « Coupe Continentale »). Les esprits pointilleux ont néanmoins remarqué que le court passage du Traktor en tête était un peu factice (le Metallurg était 1 point derrière avec 2 matches en moins) et que le calendrier lui avait été plus favorable que ses concurrents au moment de l’arrêt du championnat régulier.
Qu’importe : l’idée de faire jeu égal avec « Magnitka » – nouveau riche apparu dans les années 1990 en faisant venir les meilleurs joueurs de Chelyabinsk grâce à l’argent du combinat métallurgique – comblait d’aise les partisans du Traktor. Les étrangers sont tous restés pour les play-offs et ont permis d’éliminer un Salavat plus affaibli. Chelyabinsk accédait donc à la finale de Conférence Est contre le Metallurg, un grand derby pour régler la suprématie dans l’Oural. Une série commencée sans le centre tchèque Lukáš Sedlák, dont l’ailier attitré Tomáš Hyka semblait un peu perdu sans lui. Indispensable meneur de l’équipe, Sedlák est partout sur la glace, dans toutes les situations de jeu, et n’a de cesse de provoquer des fautes adverses par sa puissance physique difficile à arrêter. Mais il n’était plus à 100% à son retour au jeu. À force d’attendre son retour comme le Messie, le Traktor a oublié qu’il venait de se qualifier en son absence.
Il faudra apprendre à faire sans lui car les Tchèques ne resteront pas. On observera de près si les performances de Nikita Tertyshny survivent à leur départ. Ce joueur entièrement formé au club, fils et neveu d’anciens membres de l’équipe (Andrei et Sergei), n’était apparu que 14 fois en équipe première sans inscrire le moindre point. Mais après une phase de développement au niveau inférieur (meilleur buteur de VHL), il a fait son retour directement sur la ligne de Sedlák et Hyka et a été l’immense révélation de la saison à 23 ans : 22 buts en saison régulière et 3 en play-offs !
SKA Saint-Pétersbourg (4e) : quand un homme d’affaire devient entraîneur
C’est probablement le parcours le plus atypique du hockey mondial, une histoire qui ne peut arriver qu’en Russie : un fils d’oligarque qui, après avoir tiré les ficelles d’un club et de l’équipe nationale, se nomme lui-même coach ! Roman Rotenberg fait valoir la tradition familiale. Son père Boris Rotenberg, formé au judo aux côtés d’un certain Vladimir Poutine, a en effet travaillé comme entraîneur dans cet art martial lorsqu’il a émigré en Finlande dans les années 1990 au moment de l’écroulement de l’URSS dans le cadre du rapatriement des Ingriens qui avaient quitté la Finlande pour Saint-Pétersbourg au XVIIe siècle (politique de retour controversée en Finlande car certains rapports publié vingt ans plus tard prétendent que c’est le KGB qui en est à l’origine). C’est en débarquant à Helsinki à 10 ans que Roman a commencé le hockey sur glace, rattrapant peu à peu son retard en patinage car il ne pratiquait que le judo en Russie.
Tandis que son père Boris rentrait en Russie après son divorce – juste avant l’arrivée au pouvoir de son ami d’enfance Poutine et avant de fonder une banque qui le rendrait milliardaire – Roman abandonna le sport pour se concentrer sur ses études. Il suivit non pas l’avis de son père mais celui de sa mère, qui travaillait à Londres dans l’importation de gaz russe, et la rejoignit dans la capitale britannique en étudiant les affaires internationales à la European Business School. Pour son premier emploi, il choisit Gazprom où il rencontra Aleksandr Medvedev, amateur de sport et futur fondateur de la KHL. Il le rejoignit comme directeur du marketing de cette nouvelle ligue, puis du SKA Saint-Pétersbourg. Quand Medvedev fut remplacé par Timchenko, moins impliqué dans les affaires sportives, Rotenberg s’impliqua de plus en plus au point de prendre toutes les décisions. C’est lui qui nommait les entraîneurs, et qui se mêlait des compositions d’équipe, y compris avec la sélection russe dont il s’était fait nommer manager, tout cela sur ordre direct de Kremlin.
Au lieu de se contenter de son influence en coulisses, Rotenberg – entre-temps titulaire d’un diplôme d’entraîneur depuis 2019 – a voulu prendre la responsabilité officielle du destin sportif du SKA. Évincé du giron de l’équipe nationale dans une lutte de pouvoir avant les Jeux olympiques, il a décidé en janvier de devenir pour de bon coach principal, en reléguant l’expérimenté Valeri Bragin (qui n’avait déjà pas son mot à dire face à lui) au simple rôle d’adjoint. Un choix très osé car le SKA Saint-Pétersbourg – qui avait notamment connu une série record de six défaites de suite en novembre – n’est plus aussi souverain qu’autrefois. Son effectif pléthorique (3 gardiens en concurrence et 7 étrangers pour 5 places en début de saison) est devenu plus un embarras qu’autre chose en l’absence de vraie star dominante.
Cette star devait être Nikita Gusev, mais son retour de NHL en octobre fut longtemps catastrophique avec 1 seul but en 13 rencontres. C’est en changeant son centre qu’il s’est réveillé : contrairement à l’autre joker Leo Komarov – obstinément mis dans un rôle offensif qui n’a jamais été le sien – Mikhaïl Vorobyov a trouvé une bonne complémentarité avec Gusev qui a la même fibre technique que lui. Ce poste de centre était devenu le talon d’Achille en play-offs après le départ du solide Finlandais Joonas Kemppainen, officiellement pour une blessure que l’intéressé a démentie. Le SKA s’était lui-même tiré une balle dans le pied puisqu’il avait échangé ou remercié quatre centres au cours de la saison : Kamenev, Händemark, Vey et le jeune espoir Ivan Morozov, « puni » comme son collègue Kirill Marchenko parce qu’il ne voulait pas prolonger son contrat.
La pratique du rapport de force – voire du chantage – semble en effet usuelle chez Roman Rotenberg, qui se comporte en homme de pouvoir. Le défenseur finlandais Mikko Lehtonen aurait bien voulu rentrer au pays comme Kemppainen après le déclenchement de la guerre en Ukraine, mais il était coincé. Comme son contrat courait encore trois ans, jusqu’en 2025, on le menaçait de devoir régler des indemnités légales de départ faramineuses (2 millions d’euros). Le club avait accepté de le laisser partir à l’intersaison, mais à condition qu’il reste jusqu’à la fin des play-offs. Avec Lehtonen présent bon gré mal gré, le SKA était encore assez armé. L’élimination contre le SKA après avoir mené 3 victoires à 2 a donc été une vive déception pour le dirigeant devenu coach. Il a pourtant essayé de changer toutes les lignes avant le septième match, n’hésitant pas à renvoyer en quatrième ligne le meilleur marqueur Andrei Kuzmenko – habile technicien qu’on présentait comme son chouchou – pour le remplacer sur le premier trio par le travailleur de l’ombre Ketov. En vain. La carrière du coach débutant débute donc par un échec.
Salavat Yulaev Ufa (5e) : le départ des étrangers pas totalement fatal
Ces dernières années, le Salavat Yulaev Ufa ne valait que par son premier trio étranger, devenu le meilleur de la ligue, sans jamais trouver un équilibre collectif. La première ligne a moins dominé cette saison, en partie parce que Teemu Hartikainen – pilier du club depuis neuf ans et véritable idole locale – était longtemps à la recherche de sa forme… pleinement retrouvée aux Jeux olympiques.
Mais en plus du premier trio médaillé d’or avec la Finlande, les Bachkires disposaient cette fois d’un deuxième trio aussi performant. L’ancien joueur de NHL Nikolaï Kulyomin, qu’on disait fini et qui revenait de convalescence, a en effet étonné dès le début de saison avec une séquence de 6 buts en 6 matches. Les ailiers recrutés à l’intersaison, Kulyomin et Sergei Shmelyov, ont tout de suite trouvé une bonne entente sur la glace avec le centre Aleksandr Kadeikin, très utile dans toutes les situations et extrêmement efficace aux mises au jeu.
Lorsque les étrangers ont quitté la Russie après l’invasion de l’Ukraine, les Bachkires ont été les plus affaiblis. Ils n’ont pas perdu cinq hommes mais carrément six, car Geoff Platt – Canadien naturalisé biélorusse qui ne compte donc pas comme étranger – a suivi le mouvement. Beaucoup d’équipes n’y auraient pas résisté, et surtout pas… le Salavat Yulaev Ufa des saisons antérieures. C’est la preuve que l’équipe a progressé, bien plus homogène et solide défensivement. C’est tout le mérite de Toni Lämsä, l’entraîneur finlandais qui a accompli sa mission jusqu’à la fin, ce qui a été très apprécié au sein du club. Dans une saison marquée par les épidémies, il avait préparé l’équipe à gérer les absences. Le tout jeune Shakir Mukhamadullin, défenseur offensif qui n’hésite pas à prendre des risques même s’il commet des erreurs, avait déjà remplacé le Danois Philip Larsen en supériorité numérique quand il était blessé, sans toutefois être capable de pointer en play-offs comme son modèle.
Lämsä ne restera évidemment pas en Russie. Pour la troisième fois consécutive, le Salavat Yulaev opèrera une transition en douceur sur le banc en remplaçant l’entraîneur par son adjoint qui a appris à ses côtés. Viktor Kozlov reprendra donc une position de chef qu’il n’avait connue que quelques mois à Magnitogorsk. Mais la transition la plus rude sera de se priver à plus long terme des habituels cadres étrangers.
Dynamo Moscou (6e) : comment gâcher une saison
Le Dynamo a connu un début de saison parfait. Ses 8 victoires d’affilée permettaient à l’entraîneur Aleksei Kudashov de battre le record de victoires consécutives en saison régulière de Znarok puisqu’il en comptait déjà 16 au SKA. Le centre Vadim Shipachyov survolait la ligue de manière encore plus impressionnante que d’habitude en cumulant 27 points en 11 rencontres en septembre. L’ailier de 20 ans Dmitri Rashevsky avait profité d’être aligné à ses côtés pour inscrire 8 buts en un mois avec son tir du poignet fatal. Mais même le joueur de quatrième ligne Nikolai Chebykin, revenu dans son club formateur à 24 ans sans avoir percé nulle part, en était déjà à 6 buts.
Tous les voyants étaient donc au vert, avec 11 victoires en 12 rencontres, lorsque le club bleu et blanc annonça l’arrivée d’Andrei Safronov comme conseiller du président. Safronov était le manager du Dynamo au moment de sa faillite (avant que le club ne change d’entité légale sans jamais payer les salaires en retard de ses joueurs). Autant dire que son retour ne réveillait pas de bons souvenirs. Ne risquait-il pas de perturber le bel équilibre constitué ? Après son arrivée, les Moscovites se mirent à perdre : 8 défaites sur les 12 rencontres suivantes. Simple coïncidence, pouvait-on se dire, tant qu’il n’avait rien fait. Safronov devint rapidement actif. Il fit resigner Rashevsky mais envoya Chebykin au Spartak. Mais il n’en avait pas fini.
Safronov avait bâti sa réputation de manager en constituant une équipe « sans millionnaire ». Clairement recruté pour sabrer dans les dépenses, il eut rapidement dans le viseur les deux plus gros salaires, le défenseur Vyacheslav Voïnov et bien sûr la superstar Shipachyov. Celui-ci pouvait ruiner à lui seul le budget du club car il avait un énorme bonus s’il terminait dans les trois meilleurs compteurs de KHL (ce qui paraissait évident). Safronov l’interpella après une défaite pour lui dire qu’il n’aurait jamais son argent. L’équipe était en déplacement quand elle apprit par des articles de presse que le Dynamo proposait aux clubs concurrents d’échanger Shipachyov et Voïnov. Le problème est que les deux joueurs avaient des clauses de non-échange. Ils remportèrent donc cette première bataille. Le président Viktor Voronin déclara qu’il était satisfait de Shipachyov et qu’il n’irait nulle part. Safronov n’apparut pas dans le vestiaire après la victoire le lendemain, se faisant discret pour un temps alors qu’il adorait se mêler de tout.
Les problèmes étaient simplement reportés. Les retards de paiement des salaires trahissaient les difficultés financières du club et n’étaient plus une surprise. Les bonus ne furent jamais versés. En fin de saison, Shipachyov et Voinov furent échangés à Kazan pour la somme ridiculement symbolique de 1000 roubles. Le staff se voyait ordonner de bâtir une équipe sur les joueurs formés au club, une décision clairement dictée par la volonté d’économie car le Dynamo ne les a pas toujours bien traités.
La gabegie vient par exemple de la gestion des gardiens. Depuis cinq ans, le produit local Ivan Bocharov avait été installé pour prendre progressivement la succession du vieil Aleksandr Eryomenko. Mais en play-offs, c’est Eryomenko – à presque 41 ans – qui dut prendre le relais de Bocharov pour passer le premier tour. Mis sous pression par le manager Safronov qui lui rendait la vie impossible, Bocharov a choisi de quitter le club, à cause de ce manque de confiance, mais aussi parce qu’il avait constaté la différence de niveau dans la préparation des gardiens pendant les stages de l’équipe nationale. Les entraîneurs de gardiens qui se sont succédé au Dynamo n’ont pas convaincu, et le prochain sera… le tout nouveau retraité Eryomenko qui n’a encore aucune expérience en la matière !
Avangard Omsk (7e) : un champion lesté et alourdi
Bob Hartley, l’entraîneur francophone qui a tout gagné (NHL, LNA, KHL…), avait annoncé dès l’automne que sa quatrième saison avec l’Avangard serait sa dernière. Même si les dirigeants ont cherché un successeur prestigieux (appelant même vainement Slava Bykov pour le sortir de sa retraite suisse), c’est Dmitri Ryabykin, fidèle adjoint durant ces quatre ans, qui aura la charge de reprendre les rênes de l’équipe pour son grand retour à Omsk. Cette quatrième année fut aussi la plus difficile. C’est la première fois que l’Avangard de Hartley part si mal et se fait distancer en début de championnat par les meilleurs de sa conférence.
Les difficultés du champion en titre étaient parfaitement identifiées. Il avait construit sa victoire sur un jeu intense avec un forechecking actif, un investissement total au repli et pour bloquer les tirs. La dimension physique en était un élément important… qui a été appuyé à l’excès. Même le gardien Simon Hrubec confessait sans ambages à la presse tchèque ce que les observateurs russes avaient pointé du doigt : « Cinq joueurs rapides nous ont quittés. Ils ont été remplacés par cinq joueurs grands et lourds qui étaient censés faire écran devant la cage et prendre des rebonds. Mais je pense qu’avec notre style de jeu, nous étions plus confortables avec les cinq rapides. » Aussi bien Hartley que le président Aleksandr Krylov se sont très vite désolidarisés de ces choix en identifiant le directeur général Aleksei Volkov comme le responsable du recrutement. Les gros gabarits comme Ivan Telegin, Yaroslav Kosov et Vladimir Zharkov ont eu bien peu d’impact sur les lignes offensives.
Histoire d’enfoncer le clou, l’Avangard a finalement été éliminé par le Metallurg Magnitogorsk qui avait fait le choix exactement inverse – tout miser sur la vitesse – et qui avait dit être inspiré en observant l’influence sur le jeu de… Sergei Tolchinsky, le MVP des derniers play-offs, bien plus en difficulté cette année et critiqué publiquement par les dirigeants (peut-être pour faire baisser ses prétentions au moment de prolonger son contrat).
Néanmoins, les play-offs restent une satisfaction relative pour l’Avangard. Il a en effet réussi à éliminer Kazan alors que ses deux défenseurs finlandais Oliwer Kaski et Ville Pokka étaient partis et que l’international biélorusse Kirill Gotovets était blessé. Il tournait donc essentiellement à cinq arrières qui dépassaient largement leur temps de jeu normal, dont le néo-international Damir Sharipzyanov passé de 22 à 26 minutes. L’autre grand gagnant de l’année est l’attaquant Arseni Gritsyuk, l’ailier de 20 ans qui a qualifié la Russie en finale olympique par son pénalty gagnant contre la Suède : rarement titulaire l’an passé, il a mené l’équipe avec 16 buts en saison régulière et 6 en play-offs, témoignant lui aussi de l’importance de la vitesse…
Spartak Moscou (8e) : un tour passé sans jouer
Le Spartak a connu une saison relativement ordinaire et s’est retrouvé au second tour des play-offs uniquement parce qu’il devait affronter les Jokerit Helsinki, qui se sont retirés de la KHL. La ligue a envisagé un temps de refaire le tableau en intégrant le neuvième (le Severstal), mais celui-ci avait déjà laissé certains de ses joueurs partir en vacances. Le Spartak a donc passé un tour sur tapis vert et a eu tout son temps pour se préparer à affronter le SKA Saint-Pétersbourg. Mais l’équipe n’avait plus le rythme en reprenant le jeu mi-mars alors qu’elle avait joué son dernier match le 9 janvier.
Après deux mois sans compétition, la performance face au SKA a donc été tout à fait honorable (une série en cinq matches qui aurait même pu se prolonger un peu plus). Le Spartak avait en plus eu le déplaisir de subir le départ impromptu de Jake Virtanen. Ce n’est pas le seul étranger à avoir fui la KHL en raison du contexte géopolitique. Mais la plupart d’entre eux ont expliqué leurs intentions et fait des adieux en bonne et due forme à leurs coéquipiers. Virtanen, lui, a filé sans prévenir personne. Le club moscovite a très peu apprécié cette attitude de la part d’un joueur à qui il avait tendu la main au moment où il était banni de NHL après des accusations d’agression sexuelle. Sur la glace, Virtanen avait laissé une impression mitigée : ses qualités physiques et techniques étaient évidentes, mais il était irrégulier et peu énergique.
Le Spartak aura eu quelques belles satisfactions lors de cette saison où il avait rajeuni son équipe. La plus inattendue est le jeune attaquant biélorusse Ivan Drozdov, dont le Dinamo Minsk ne voulait pas et qui a mis 13 buts. Si Aleksandr Khokhlachev a été le meneur offensif attendu pour son retour dans son club formateur, il a peu d’héritiers car l’école du Spartak est moins forte que par le passé. Le club fait donc venir des jeunes talents de l’extérieur. On attendait beaucoup du retour en Russie du centre international junior Vasili Ponomarev, mais il n’a jamais trouvé grâce aux yeux de son entraîneur Boris Mironov qui ne lui a laissé que des miettes de temps de jeu et l’a envoyé faire ses classes en VHL. Mais ce cas négatif ne signifie pas que le développement des jeunes se passe mal. L’étonnant exemple d’Aleksandr Nikishin, utilisé sur la première paire défensive de la Russie aux JO, le prouve.