La finale de la National League va se décider pour la 2e année de suite au 7e match, épilogue dramatique – mais pas illogique – pour Genève-Servette et Bienne, deux équipes qui ont terminé la saison régulière en tête du classement avec le même nombre de points. Dans cette finale, si on fait exception du match V (remporté 7-1 par les Aigles), les autres rencontres ont toutes été serrées (quatre ont même été décidées par 1 but), symbole de proximité de niveau entre les deux prétendants au sacre. Comme il est de coutume dans les matchs couperets – a fortiori lors d’une Finalissima – le sort de la rencontre promet de se jouer sur des détails. Reste à savoir de quel côté pencheront les Dieux du Hockey en ce jeudi 27 avril à la Patinoire des Vernets.
Statistiquement parlant, la tenue d’un septième match en finale n’est pas favorable à l’équipe qui reçoit. En effet, sur 10 finales jouées sur un match décisif, 7 ont été remportées par le club visiteur. Genève-Servette a déjà été du « mauvais » côté de l’histoire en s’inclinant au match VII aux Vernets face à Berne en 2010. Dans l’effectif grenat d’alors figurait un certain Marco Maurer (passé entre autres par Bienne avant de revenir sur les rives du Léman en 2019). Benjamin Antonietti et Jan Cadieux faisaient également partie du contingent genevois mais n’avaient pas participé aux playoffs (Antonietti – en début de carrière – était surnuméraire et Cadieux était blessé).
Le Biennois Etienne Froidevaux (qui joue ce soir son dernier match avant de raccrocher les patins) portait alors le maillot de Berne avait même marqué lors de cette fameuse rencontre. Enfin, rappelons tout de même que Zoug avait fait mentir les statistiques la saison passée en s’imposant à domicile pour la Finalissima.
Au regard des niveaux de jeu affichés lors de cette finale, aucune équipe ne mérite de perdre. Pour Bienne, l’histoire serait d’autant plus belle que sans être un « petit » club, l’EHCB ne dispose pas des mêmes moyens que les titans que sont Berne, Zürich, Zoug… ou même son adversaire de cette finale. Dès lors, disposer d’une chance de mettre la main sur un trophée devient un événement d’autant plus rare !
Du côté de Genève-Servette, le sacre serait également marquant. D’abord parce qu’il serait le premier depuis la création du club créé en 1905 et dont la vitrine n’est garnie que de deux titres de champion de deuxième division (1964, 2002), de deux coupes de Suisse (1959, 1972) et de Coupes Spengler (2013, 2014). Ensuite parce que la fenêtre de tir que possède l’effectif grenat tend à se refermer. Son meilleur joueur « King Henrik » Tömmernes repartira en Suède la saison prochaine. Malgré un contrat valable encore un an, Linus Omark pourrait imiter son compatriote défenseur et rentrer à Luleå. À 39 ans et en étant déjà membre du Triple Gold Club, Valtteri Filppula pourrait prendre sa retraite. Quant à Daniel Winnik (38 ans), Marc-Antoine Pouliot (37 ans) ou encore Arnaud Jacquemet (35 ans), ils sont au crépuscule de leur carrière.
Sur le plan de la dynamique, Bienne s’est considérablement rassuré en s’imposant en costaud lors du match VI. Antti Törmanen doit néanmoins composer sans Damien Brunner, touché au dos et limité à 4 minutes mardi. De ce fait, Luca Hischier est promu en première ligne, Ramon Tanner réintègre l’alignement et remplace numériquement Brunner aux côtés de Mike Künzle et Luca Cunti. Enfin, comme mardi, Tino Kessler débutera sur la 4e ligne. En revanche, peu de changements côté Jan Cadieux si ce n’est dans les paires défensives où Marco Maurer retrouve sa place dans le top-6, Mike Völlmin reculant en 7e défenseur.
Dans une série où le jeu l’a souvent emporté sur l’enjeu, les deux équipes se mettent rapidement en évidence. En fin de présence, Olofsson adresse un tir que Mayer détourne du bras. Puis une bonne séquence de la 4e ligne Genevoise en zone offensive donne une ligne de tir à Tömmernes que Säteri bloque difficilement du gant. Le scénario du match se décante rapidement. Libre de toute pression de la part de la défense Biennoise, Vatanen prend de la vitesse dans son territoire, il efface Rajala puis Lööv – quasi à l’arrêt – d’un dribble intérieur-extérieur et conclue son coast-to-coast en expédiant le palet dans la lucarne de Säteri (1-0, 3’53’’).
Désarçonnés par cette ouverture du score précoce, les Biennois se laissent aller à une inhabituelle indiscipline. Mike Künzle prend d’abord une mauvaise pénalité dans sa zone offensive avant d’être rejoint sur le banc d’infamie une minute plus tard par Noah Schneeberger (pour un coup de canne sifflé sévèrement). À 5 contre 3, Genève-Servette ne va pas manquer l’occasion. Säteri stoppe les premières tentatives lointaines de Tömmernes et Vatanen, mais ne pourra rien faire après un échange à une touche de puck conclue par un slap victorieux du Finlandais (2-0, 7’27’’). Touché au genou au match I, le Finlandais qui joue sur une jambe selon les bruits de couloirs, se lève au meilleur moment pour son club.
À l’exception d’une mauvaise relance de Karrer interceptée par Sallinen mais bien rattrapée par Mayer, les tentatives des Seelandais sont pour le moment trop timides. Genève-Servette contrôle bien le jeu et ne laisse que peu d’espace à ses adversaires. Hartikainen gagne son duel avec Froidevaux dans l’arrondi et sert Jooris dont le tir en pivot échoue dans les bottes de Säteri. Admirable de leadership durant toute la saison, Haas prend ses responsabilités : il devance Le Coultre qui tentait de pincher le palet à la ligne bleue et adresse un tir puissant depuis le point d’engagement obligeant Mayer à une parade de l’épaule. Sur l’action suivante, Haas amorce une descente en contre. Sa passe en retrait trouve Lööv qui s’était portée à l’attaque, mais une fois de plus Mayer ne se laisse pas surprendre.
Menés de deux buts, les Biennois n’ont pas d’autre choix que de réagir mais ils n’y parviennent pas, faute à une équipe de Genevoise qui contrôle la possession du palet et qui ne fait pas d’erreurs. Ce sont même les hommes de Jan Cadieux qui se procurent les meilleures chances en début de deuxième tiers. Les Grenats vont rapidement assommer le match. L’infatigable patineur Praplan dérobe la rondelle à Hofer dans la zone offensive Seelandas et lance la contre-attaque à deux contre un avec Winnik. La passe du Valaisain est parfaite, tout comme la conclusion en pleine lucarne pour l’ancien des Capitals (3-0, 23’32’’). Genève-Servette pose déjà une main sur le trophée.
Bienne tente de réagir avec l’habituel lancer frappé de Rajala depuis le point d’engagement, sans succès. Sérieux et appliqués depuis le début de la rencontre, Genève-Servette commet néanmoins une erreur et laisse Bienne reprendre un peu d’espoir. Dans sa zone défensive, Richards tente une passe levée du revers à haut risque à travers le slot. Haas intercepte la rondelle et capitalise la boulette du top-scorer Genevois (3-1, 30’45’’). Cette action mise à part, Genève-Servette ne cède rien ou presque à Bienne. Et lorsque qu’un tir parvient à quitter une crosse Seelandais, Mayer veille au grain.
Avec 20 minutes à faire dans le match, les Biennois se doivent d’être moins timorés, mais leurs tentatives sont soit hors cadre soit bloqués. À la 45e minute, c’est même Hartikainen qui, en force et avec Lööv sur le dos, parvient à repiquer à la cage et toucher du poteau.
Bienne bénéficie de deux supériorités numériques consécutives mais ne parvient pas à les concrétiser, comme depuis le début de cette finale. Avec un peu moins de 10 minutes à écouler sur l’horloge, Hartkainen profite d’un palet perdu en zone neutre pour faire parler sa pointe de vitesse et battre Säteri pour mettre la deuxième main sur le trophée (4-1, 50’45’’). Les derniers minutes n’apporteront rien, Bienne n’a pas réussi à reproduire sa performance du match VI, laissant Genève-Servette dérouler son jeu et conquérir le titre.
Au coup de sifflet final, c’est bien entendu l’effusion de joie, sur la glace, dans les tribunes mais également en dehors de la patinoire puisqu’une fan zone a été installée à la hâte sur le parking des Vernets pour répondre à la demande populaire.
L’issue de cette finale est forcément cruelle pour Bienne dont le « beau jeu » et l’allant offensif auront égayé toute la saison de National League. Les Seelandais ont été trahis en finale par leur jeu de puissance (seulement 1 but marqué en 24 tentatives là où Genève-Servette a scoré à trois reprises en 21 powerplay) et une partie de leurs leaders (aux exceptions de Rajala, Haas et Säteri), ont été moins bons que ceux de Servette (0 but et -4 pour Cunti, 0 but et 2 assists pour Olofsson, 1 but pour Hofer ou encore 1 assist pour Sallinen). La profondeur d’effectif des Grenats aura également fait la différence sur la longueur de la finale.
Après 118 ans d’existence, 21 ans après le retour dans l’élite du hockey Helvétique et 3 finales perdues, Genève-Servette gagne enfin ! En étant titré en tant que headcoach, Jan Cadieux réussit là où son père Paul-André Cadieux, avait échoué à trois reprises avec Fribourg-Gottéron (emmené alors par le duo Bykov-Khomutov) en finale en 1992, 1993, 1994.
Et quelle rédemption pour Robert Mayer ! Parti de la cité de Calvin en 2020, poussé par l’émergence de Gauthier Descloux et par un gros contrat offert par Davos, le portier est revenu au bout du Lac Léman, sur la pointe des pieds cet été après avoir vu son contrat rompu par le club Grison. D’abord back-up durant les trois premiers matchs des playoffs, Mayer est venu en relève de Descloux pour ne plus lâcher la place de titulaire. Le numéro 29 des Aigles a joué le meilleur hockey de sa vie durant les séries éliminatoires (1,67 but encaissé, 93,4% d’efficacité). Il est le MVP officieux de cette finale.
Et que dire des « guerriers » du hockey. Ainsi, Simon Le Coultre, qui a dû subir l’ablation d’un rein en urgence après un match à Ambrì et annoncé out jusqu’à la fin de saison, est pourtant revenu au jeu à la surprise générale lors du quart-de-finale. Sami Vatanen (genou), Valtteri Filppula (genou), Noah Rod (cheville) ou encore Vincent Praplan (fracture du poignet) ont tous joué blessés. Plus encore, Benjamin Antonietti a annoncé son retrait de la compétition à seulement 31 ans, le corps fatigué.
Pour conclure, complimentons les Français du Genève-Servette : les joueurs Yohann Auvitu (7 points en 17 matchs de saison régulière, 0 point en 2 matchs de PO), Eliot Berthon (1 but en 13 matchs de SR avant de se blesser avec la Chaux-de-Fonds en Swiss League), Antoine Keller (plusieurs fois back-up cette saison et champion de MHL – le 3e niveau suisse – avec Martigny), Yorick Treille (assistant coach) et les responsables matériel Aurélien « Jimmy » Omer et Jordan Nardi.
Commentaires d’après-match (Blick, Watson, La Tribune de Genève)
Henrik Tömmernes (défenseur, Genève-Sevette) : « Je ne pouvais pas rêver d’une meilleure fin pour mon passage à Genève. Ces six années ont été merveilleuses dans ce club et je suis reconnaissant d’avoir pu compter sur toute l’organisation durant tout ce temps. Honnêtement ? Je ne pouvais pas partir autrement qu’avec ce titre. Le premier de l’histoire. (…) Je ne réalise toujours pas. Mais si je dois dire, je pense que c’est sur le 4-1 de Teemu Hartikainen. À cet instant, tu sais que c’est bon. Auparavant, nous avions été très solides lors des cinq ou six premières minutes du dernier tiers. On sentait que Bienne n’allait pas revenir. (…) Genève va me manquer, c’est certain. Je savais que ce serait terminé tôt ou tard lorsque j’ai pris cette décision de rentrer au pays, mais tant que nous étions encore en lice pour le titre, je ne me rendais peut-être pas compte. »
Noah Rod (attaquant, Genève-Servette) : « C’est l’un des plus beaux jours de ma vie. Ça fait dix ans que je me lève tous les matins pour gagner cette coupe. Il y a surtout énormément de fierté d’avoir pu me battre avec des gars pareils. C’est rare d’avoir une équipe aussi forte. Chacun a tout donné, sacrifié énormément, et on a le résultat de nos efforts. (…) Le staff a fait un bon job, chacun a dû mettre son ego de côté pendant cette saison. Chacun a dû faire des efforts sur son temps de jeu, sur le power-play, le box-play. Peu importe l’aspect, tout le monde a su faire l’effort et c’est pour ça qu’on est champion. (…) J’ai juste envoyé un message aux joueurs hier soir avant d’aller au lit. Pour leur dire que quoi qu’il arrive, on serait des p***** de légendes demain. C’est ce qu’on a réussi à faire. (…) Il y a plein de joueurs qui ont énormément sacrifié, les gens ne se rendent pas compte. En tout cas, c’est beau les gars »
Jan Cadieux (entraineur, Genève-Servette) : « Le mérite revient à tous les joueurs et c’était un plaisir de travailler avec eux. Le 19 avril, je leur ai montré la photo de la coupe. On a répété que c’était pour ça qu’on jouait. Tous les sacrifices sont payants. Genève, c’est mon club. La seule chose que je voulais, c’était de gagner une fois avant de partir. Je suis heureux d’offrir ce titre à la famille grenat. »
Gaëtan Haas (attaquant, Bienne) : « Les détails, les détails. Le premier goal ne doit pas arriver. On prend deux pénalités bêtes après. 5 contre 3, tu ne peux pas te le permettre. Tu cours après le score tout le match et c’est dur. À la fin, c’est presque que tu n’as pas eu de chance. Il y avait vraiment mieux à faire. T’as des gars qui nous quittent ce soir. Je pense plus à eux qu’à nous. Ils ont amené quelque chose et ce soir ils partent sur un septième match, il manque la cerise. Ceux qui restent, il manque quelque chose et il faudra trouver les solutions si on veut aller chercher le titre »
Etienne Froidevaux (attaquant, Bienne) : « Ce n’est pas dû à la nervosité. Peut-être qu’on en voulait trop… C’est clair que si vous faites des erreurs comme ça, ça devient dur. Mais je pense qu’on a montré du caractère par la suite. (…) Je suis fier du groupe. On a montré tellement de caractère toute la saison… Il y a eu des situations compliquées, sur la glace comme en-dehors, mais on a toujours bien géré, on a fait quelque chose de bien pour la Ville et le club. (…) C’est la gratitude qui prime. Je suis vraiment reconnaissant de tout ce que le hockey m’a apporté. J’ai rencontré de magnifiques personnes qui sont devenues très importantes pour moi. J’ai appris tellement… Les émotions, dans ce sport, c’est quelque chose de fou »
Antti Törmänen (entraineur, Bienne) : « Seule une équipe peut être sur le podium et je veux féliciter Genève. Ils étaient un peu meilleurs ce soir. Ils l’ont mérité. Mais je veux aussi féliciter mes joueurs. On verra pour la saison prochaine. Ma bataille continue et je vais la remporter »
Illustrations de Pierre Maillard
Genève-Servette – Bienne 4-2 (0-1, 2-0, 2-1)
Jeudi 27 avril 2023 à 20h00 à la patinoire Vernets. 7135 spectateurs (guichets fermés).
Arbitrage de Mark Lemelin et Daniel Stricker assistés d’Éric Cattaneo et David Obwegeser.
Pénalités : Genève-Servette 6’ (0’, 2, 4’) ; Bienne 6’ (4’, 2’, 0’)
Tirs : Genève-Servette 18 (8, 9, 1) ; Bienne 23 (9, 7, 7)
Évolution du score
1-0 à 03’54’’ : Vatanen assisté de Maurer et Winnik
2-0 à 07’27’’ : Vatanen assisté de Tömmernes et Filppula (double sup. num.)
3-0 à 23’32’’ : Winnik assisté de Praplan
3-1 à 30’47’’ : Haas
4-1 à 50’50’’ : Hartikainen (inf. num.)
Genève-Servette HC
Attaquants :
Daniel Winnik – Valtteri Filppula – Marco Miranda
Noah Rod (C) – Tanner Richard – Vincent Praplan
Linus Omark – Josh Jooris – Teemu Hartikainen
Alessio Bertaggia – Marc-Antoine Pouliot – Deniss Smirnovs
Benjamin Antonietti
Défenseurs :
Henrik Tömmernes – Roger Karrer
Marco Maurer – Sami Vatanen
Simon Le Coultre – Arnaud Jacquemet
Gardien :
Robert Mayer
Remplaçant : Gauthier Descloux (G), Michael Völlmin. Absents : Yohann Auvitu, Christophe Cavalleri. Giancarlo Chanton, Daniel Eigenmann, Sandis Smons (surnuméraires), Eliot Berthon (blessé)
EHC Biel-Bienne
Attaquants :
Toni Rajala – Jere Sallinen – Luca Hischier
Jesper Olofsson – Gaëtan Haas (C) – Fabio Hofer
Mik Künzle – Luca Cunti – Ramon Tanner
Elvis Schläpfer – Etienne Froidevaux – Tino Kessler
Yanick Stampfli
Défenseurs :
Viktor Lööv – Yannick Rathgeb
Robin Grossmann – Alexander Yakovenko
Beat Forster – Noah Schneeberger
Noah Delémont
Gardien :
Harri Säteri
Remplaçant : Joren van Pottelberghe (G). Absents : Damien Brunner (blessé), Jérémie Bärtschi, Simon Ritz, Luca Christen et Riley Sheahan (surnuméraires)