L’Allemagne joue sa première finale depuis le tout premier véritable championnat du monde, celui de 1930, qui avait débuté à Chamonix et s’était terminé à Berlin. Elle avait déjà affronté le Canada à l’époque… et avait perdu 1-6.
Le caractère historique de cette qualification n’a pas mobilisé les foules pour un voyage improvisé ce week-end, comme cela a pu être le cas pour les Lettons. La lointaine Tampere n’a pas été une destination très populaire dans un contexte de forte inflation. Après l’ambiance de feu du match pour la troisième place, cette finale débute dans un silence de cathédrale !
Même si le tir le plus dangereux du début de match est celui de Scott Laughton, détourné par le bouclier de Niederberger à la quatrième minute, on est impressionné par la capacité des Allemands à gagner des palets dans la zone canadienne par leur pressing.
Pendant que le Canada change de joueurs, une longue passe géniale de Moritz Seider trouve à la ligne bleue John Jason Peterka qui avance dans le cercle gauche et place un tir croisé parfait sous la mitaine de Samuel Montembeault (0-1). Le coach canadien André Tourigny utilise son challenge pour un hors-jeu de Peterka – en photo ci-dessus en pleine réjouissance – au moment où il ramène son palet après l’avoir contrôlé du patin. Les arbitres considèrent qu’il est bien en contrôle de la rondelle et confirment le but. Il n’y aura pas de double peine pour Tourigny car la pénalité supplémentaire de banc mineur ne donne rien, tuée à la perfection par le Canada.
Cette bonne performance en infériorité numérique donne confiance aux rouges. Ils ont aussi un peu de réussite quand une passe du revers de Neighbours en zone neutre ricoche sur la jambe d’Ehl, ce qui offre un 2 contre 1 au Canada. Il est parfaitement exécuté avec Peyton Krebs pour la passe du revers et Samuel Blais pour la reprise (1-1, photo ci-dessous).
Les duels sont intenses dans les bandes mais les occasions restent rares, notamment parce que les défenses interviennent parfaitement. MacKenzie Weegar en évite une belle en interceptant la passe du revers de Tiffels avant qu’elle ne puisse arriver à Dominik Kahun au poteau gauche. Max Kastner bloque du patin dans la dernière minute un puissant tir à mi-distance de Krebs.
Les supporters allemands commencent à se faire entendre en deuxième période, et leur équipe répond au rendez-vous. Justin Barron fait trébucher Wojtech Stachowiak qui virevolte derrière la cage canadienne. Cette seconde supériorité numérique est meilleure pour l’Allemagne, qui arrive enfin à s’installer grâce aux entrées de zone en contrôle de Noebels – sur sa technique – et de Peterka – sur sa vitesse. Mais elle ne concrétise pas ses occasions, que ce soit par Nico Sturm au rebond d’un tir de Wissmann ou par Tiffels sur une bonne infiltration. Les Allemands gardent le momentum dans les minutes suivantes.
Le jeu s’accélère après la mi-match. À une attaque rapide de la première ligne allemande succède une contre-attaque canadienne à 2 contre 1. Le lancer de Neighbours est paré du bouclier par Niederberger et Krebs n’arrive pas à prendre le rebond dans l’angle ouvert grâce à la bonne intervention défensive de Kai Wissmann. La rondelle peut basculer d’un côté ou de l’autre… et si l’égalisation canadienne avait eu un rebond favorable, que dire du deuxième but allemand ? La passe de Max Kastner est déviée par le patin de Toffoli et arrive sur Daniel Fischbuch, dont le tir instantané fait billard successivement sur les deux jambes (!) du défenseur Justin Barron avant de passer sous le bras droit de Montembeault (1-2).
Le jeu continuer d’aller rapidement d’un but à l’autre. Tiffels transmet en profondeur à Kahun seul devant la cage, et dix secondes plus tard, c’est un slap de Brad Hunt qui fait trembler l’extérieur des filets. Mais c’est la première pénalité allemande (Szuber a accroché Quinn) qui fait basculer le match. Le danger vient essentiellement du cercle gauche sur ce jeu de puissance canadien. Seider bloque deux lancers de Toffoli, puis Niederberger capte d’une mitaine acrobatique le slap de Weegar. Du même endroit, Krebs ne tente pas un nouveau tir mais trouve la belle déviation de Lawson Crouse dans l’enclave (2-2). Jonas Müller réclame à grands cris – mais évidemment en vain – une faute préalable de Krebs qui l’a fait trébucher un peu avant.
Il reste donc vingt minutes aux deux équipes pour se départager. Pour l’instant, elles se neutralisent et ne veulent pas faire d’erreur. Mais le plus jeune défenseur allemand en commet une. La passe de Maksymilian Szuber derrière la cage est interceptée par Cody Glass qui fait le tour de la cage, insiste pour empêcher Niedeberger de poser son gant sur cette rondelle et la transmet vers Sammy Blais qui est toujours là pour finir les actions et qui tire dans le haut du filet en angle fermé (3-2). Le Canada passe même près de tuer le match car un lancer fulgurant de Milan Lucic heurte le poteau.
L’Allemagne essaie de repartir de l’avant, mais qu’il est difficile de s’imposer dans les bandes pour réussir à porter le jeu dans la zone canadienne plus que quelques secondes. Mais c’est une erreur inattendue de l’attaquant le plus expérimenté qui anéantit ces efforts : Marcel Noebels sort du banc et arrive en quatrième homme sur une action offensive, il contrôle le palet dans un premier temps… puis le rate complètement sur sa touche suivante ! C’est un 2 contre 1 pour le Canada. Le défenseur Szuber se couche pour empêcher la passe mais cela n’est pas suffisant car Tyler Toffoli tire entre les jambes de Niederberger (4-2).
À un peu plus de trois minutes de la fin, dès que son équipe s’installe enfin en zone offensive, Harold Kreis sort tout de suite son gardien. Seider lance à la cage mais Kahun n’arrive pas à se saisir du rebond. Il n’y aura pas d’autre occasion. Moritz Seider laisse le palet ressortir derrière la ligne bleue lors d’un contrôle, le défenseur de Détroit et Leon Gawanke ont tous les deux peur de le toucher par peur du hors-jeu volontaire… Mais cela aurait été moins grave que le but en cage vide, inévitable dès lors que les Canadiens s’emparent de cette rondelle. C’est Laughton qui le marque (5-2, photo ci-dessous).
Proche de la consécration, l’Allemagne a été fébrile lors de cette troisième période par des erreurs individuelles forcément fatales. Avec une pénalité qui a provoqué le but égalisateur puis une boulette grossière sur le but gagnant, Maksymilian Szuber, le défenseur de Munich qui a signé un contrat de trois ans avec les Arizona Coyotes (s’ils existent encore) il y a un mois, porte une responsabilité un peu lourde pour ses jeunes épaules. Mais ces joueurs apprendront de cette belle quinzaine qui prouve que l’or n’est pas si loin. JJ Peterka est en larmes à la fin du match, peut-être qu’un jour un sourire viendra les effacer…
Il est remarquable que le Canada, lui, ne tremble jamais dans ces moments-là, même avec des joueurs inexpérimentés. Taillés pour gagner depuis leur plus jeune âge, ils vivent cela comme une évidence et remportent leur vingt-neuvième titre mondial, inamovibles même cette année où deux nations inattendues les accompagnent sur le podium. Le hockey mondial peut vivre toutes les révolutions qu’il veut, cela n’affecte pas le moins du monde la domination intangible du Canada, champion pour la quatrième fois sur les huit dernières éditions. La soirée se termine par quelques échanges chaleureux en français lors de la remise de la médaille par Luc Tardif à André Tourigny.
Désignés joueurs du match : Samuel Blais pour le Canada et Moritz Müller pour l’Allemagne.
Commentaires d’après-match :
Harold Kreis (entraîneur de l’Allemagne) : « On a très bien débuté, on les a mis sous pression avec notre forechecking. Mais ils se sont adaptés à ça, ils ont pu mettre en place leur jeu de passes courtes. Ils ont fait du bon travail pour remonter le palet et quand ils se sont établis dans notre zone, ils ont su se créer des occasions. À la fin du match nous avons passé plus de temps dans notre zone que nous l’aurions voulu. »
Moritz Müller (capitaine de l’Allemagne, photo de droite) : « Je suis très fier des gars. On s’en rend compte dès le début quand chacun est prêt à se sacrifier pour l’autre, et on avait ça dans cette équipe. La déception est bien plus grande que le bonheur à ce moment. Dans quelques temps, je crois que nous réaliserons ce que nous avons accompli ici. Ce n’est pas facile avec le football qui est le sport majeur. J’espère que ça peut faire bouger les choses en Allemagne, faire que les jeunes se mettent au hockey. »
André Tourigny (entraîneur du Canada) : « Ils se sont tous engagés pour l’équipe depuis le jour 1. C’était une formidable expérience. Je ne peux pas en dire assez sur les joueurs, ils ont combattu, bloqué les tirs, ils ont sacrifié un mois de leur vie pour représenter leur pays et rendre leur pays fier. Je pense que ça vient du leadership du groupe, ils voulaient tous gagner et ramener le Canada à sa place. »
Samuel Blais (attaquant du Canada) : « Nous attendions ce moment, jouer pour la médaille d’or. Nous sommes assez chanceux de l’avoir gagnée, nous avons vraiment de la chance d’avoir nous familles avec nous et la gagner pour eux est quelque chose de spécial. La chimie dans l’équipe était incroyable, on est ensemble pendant un mois au complet mais on aurait dit que ça faisait deux ans. »
photos IIHF
Canada – Allemagne 5-2 (1-1, 1-1, 3-0)
Dimanche 28 mai 2023 à 20h20 à la Nokia Arena de Tampere. 10470 spectateurs.
Arbitres : Tobias Björk (SUE) et Sean MacFarlane (USA) assistés de Nick Briganti (USA) et Daniel Hynek (TCH).
Pénalités : Canada 4′ (2′, 2′, 0′) ; Allemagne 2′ (0′, 2′, 0′).
Tirs : Canada 28 (12, 7, 9) ; Allemagne 23 (7, 9, 7).
Évolution du score :
0-1 à 07’44 : Peterka assisté de Seider et M. Müller
1-1 à 10’47 : Blais assisté de Krebs et Neighbours
1-2 à 33’47 : Fischbuch assisté de Kastner et Seider
2-2 à 37’28 : Crouse assisté de Krebs et Weegar (sup. num.)
3-2 à 44’51 : Blais assisté de Glass
4-2 à 51’51 : Toffoli
5-2 à 58’06 : Laughton assisté de Quinn et Crouse (cage vide)
Canada (2′ pour retard de jeu)
Attaquants :
Milan Lucic (A) – Cody Glass (+1) – Adam Fantilli
Lawson Crouse (+1) – Scott Laughton (A) – Jack Quinn (+1)
Jake Neighbours (+1) – Peyton Krebs (+1) – Samuel Blais (+1)
Michael Carcone – Jack McBain – Tyler Toffoli (C)
Défenseurs :
Jake Middleton (+2) – MacKenzie Weegar
Brad Hunt (-1) – Justin Barron (+1, 2′)
Pierre-Olivier Joseph (+1) – Tyler Myers (+1)
Gardien :
Samuel Montembeault
Remplaçant : Devon Levi (G). Réservistes : Joel Hofer (G), Ethan Bear (D, blessé au poignet par un cinglage de Kapanen). Suspendu : Joe Veleno (A).
Allemagne
Attaquants :
Frederik Tiffels – Dominik Kahun (A, -1) – John Peterka
Samuel Soramies (-1) – Nico Sturm (-1) – Alexander Ehl (-1)
Marcel Noebels (A, -1) – Maximilian Kastner – Daniel Fischbuch (-1)
Parker Tuomie – Wojciech Stachowiak (-1) – Justin Schütz
Défenseurs :
Moritz Müller (C, +2) – Moritz Seider (+1)
Jonas Müller – Kai Wissmann (-1)
Maksymilian Szuber (-3, 2′) – Leon Gawanke (-3)
Fabio Wagner [3 présences]
Gardien :
Mathias Niederberger [sorti de 56’39 à 58’06]
Remplaçants : Dustin Strahlmeier (G), Filip Varejcka (A). En réserve : Maximilian Franzreb (G), Leon Hüttl (D), Manuel Wiederer (A).