Christophe Cuzin, manager général des Jokers de Cergy-Pontoise qui ont atteint à la surprise générale les demi-finales de la Ligue Magnus, répond à nos questions sur le bilan sportif et financier de la saison.
– Le bilan sportif de cette saison a dépassé toutes les espérances
On peut commencer à dire qu’on maîtrise notre modèle de travail. Avec l’équipe la plus jeune et même la plus légère du plateau, on va jusqu’en demi-finale. C’était magnifique. C’est une très belle saison sportivement. Il y a eu un engouement populaire, avec 2600 spectateurs de moyenne, et 2900 en play-offs où on a joué 4 matches sur 5 à guichets fermés. On a rempli le match 6 contre Angers en seulement une journée et demie. On a passé un palier à tous les niveaux : la popularité, les partenaires.
On a gagné contre toutes les équipes. La seule contre laquelle on s’était cassé les dents en saison régulière, c’était Angers, et on l’a éliminée en quart de finale. On a gagné 7 points sur 12 en saison régulière contre Rouen, 6 sur 12 contre Grenoble. Le défaut de la cuirasse, c’est qu’on tournait à trois lignes et demi, voire trois lignes par moments. Les joueurs sont arrivés épuisés à la demi-finale contre Rouen. On a atteint notre plafond de verre actuel.
– L’entraîneur Miika Elomo a dû jouer un grand rôle dans cette réussite.
Le recrutement a été piloté par Erwan Agostini, en concertation avec Miika Elomo, Kevin Da Costa et même [l’ancien coach] John Paredes, il a fait de jolies trouvailles. Mais la gestion du groupe au quotidien était de la responsabilité de Miika Elomo en tant qu’entraîneur-chef, tout l’honneur lui revient. Sans oublier [son adjoint] Kévin Da Costa et le travail de la préparation physique et du staff médical. Dans une saison de 44 maches, la récupération et la réactivité sur les petits pépins est très importante.
– Dans le même temps, une procédure de sauvegarde accélérée vient d’être ouverte jeudi dernier. Faut-il s’en inquiéter ?
C’est la première étape des dispositifs d’action collective. On n’a pas fini les négociations avec certains créanciers, qui se sont déroulées pendant toute la saison. On a ressenti le besoin d’ouvrir cette procédure de sauvegarde accélérée auprès du Tribunal de commerce de Pontoise. Si celui-ci a accepté le plan, c’est qu’il estime qu’il y a de très bonnes chances qu’il se réalise.
Il est dangereux d’en dire plus pour le moment pour ne pas interférer avec la procédure en cours. Mais je suis très confiant sur le fait d’être en Magnus la saison prochaine. Je pense que l’exercice 2023/24 finit en bénéfice, mais pas suffisamment pour remplir l’objectif fixé au départ par la CNSCG. Les négociations nous permettront d’être dans les clous et de donner des garanties de fiabilité pour les prochaines saisons. Je ne peux pas être plus précis avant juin, tant que dure cette procédure. Mais je ne suis pas inquiet outre mesure. Tous les salaires ont toujours été payés en temps et en heure.
– Quelle sera la stratégie du club pour la prochaine saison ?
La stratégie restera la même. Nous voulons préserver l’ossature et l’identité du groupe. Idéalement, nous voulons garder tout le monde, mais on sait qu’on ne pourra pas s’aligner sur les offres faites à certains de nos joueurs. Nous remplacerons les gars que nous aurons perdus en restant dans le même cadre économique. La différence est que nous tenterons de vraiment disposer de 4 blocs.
L’entraîneur Miika Elomo avait signé pour deux ans, il reste aussi une année au contrat plus long de Kévin Da Costa. On a resigné notre gardien Seb Ylönen, notre défenseur Aurélien Dorey reste aussi. D’autres joueurs ont déjà resigné mais je ne veux pas trop en parler, sinon je vais me faire engueuler car on en réservera la primeur dans notre communication sur les réseaux sociaux.
– La réussite des Jokers a-t-elle attiré des partenaires de plus grande envergure ?
Pas depuis le contrat signé avec ADP. Le cœur de nos partenaires, ce sont des PME, qui apportent chacune entre 5 000 et 15 000 euros. De nouveaux partenaires ont frappé à la porte. Nous sommes passés de 30 à 80 partenaires en trois ans, et nous devrions au moins dépasser les 100 la saison prochaine. On discute aussi avec un ou deux potentiels plus importants, au-delà de 100 000 euros, mais les négociations sont longues, je ne maîtrise pas forcément le calendrier. Le juge de paix pour nous, ce sera le 23 juin, date du dépôt de notre dossier au CNSCG.
– La médiatisation a-t-elle progressé avec les résultats obtenus ?
Ça a progressé. On a une meilleure couverture dans Le Parisien, on vient de passer un partenariat avec BFM Paris. Ce n’est rien par rapport aux clubs de province où l’on ouvre le journal tous les matins en trouvant quelque chose sur le club, mais on sait que ça n’arrivera jamais en Île-de-France. C’est pourquoi on va beaucoup investir dans les réseaux sociaux.
– Prévoyez-vous des évènements particuliers pour faire parler de vous ?
On envisage de délocaliser un ou deux matches à Bercy ou à l’U-Arena, mais pour l’instant, c’est au stade de l’idée. Nous thématisons tous les matches, donc pour nous chaque match est un évènement. Même si ce n’est pas toujours visible en dehors du Val d’Oise, nous continuons les initiatives. Nous avons récemment lancé un jeu de cartes de type Panini. Nous allons aussi mettre à l’honneur nos photographes bénévoles avec une exposition de leur travail, et une vente aux enchères de leurs photos lors de la soirée de clôture de la saison.
– Quand vous voyez la dynamique qui se crée autour de Bordeaux ou Marseille, vous voyez cela comme quelque chose de positif ou comme une concurrence de la part de métropoles aux moyens supérieurs ?
On n’est pas concurrents les uns des autres. On ne se bat pas pour des droits TV, pour des transferts mirobolants. On est tous dans le même bateau et on doit travailler ensemble. On a ainsi passé des accords avec Rouen, on invite mutuellement nos partenaires respectifs et on a ainsi proposé à une vingtaine de partenaires d’aller voir le match joué chez l’autre. Plus il y aura de clubs forts dans leur territoire, plus on commencera à capter de l’attention au niveau national. La force principale du hockey, c’est la puissance émotionnelle du spectacle que l’on offre. Je crois sincèrement qu’il n’y a pas mieux en indoor.
Cela crée un cercle vertueux. Selon toute probabilité, la France organisera le Mondial 2027, avant les JO en 2030. Et il y a l’option de se qualifier pour le tournoi olympique en Italie en 2026. Il y a du renouvellement en Ligue Magnus, des favoris qui ont chuté. C’est une bonne chose de ne pas toujours savoir qui va gagner.
– Pensez-vous que le nouvel accord de diffusion négocié par la fédération puisse y aider ? Et avez-vous une télé locale qui pourrai servir de relais ?
Cela nous donne des outils de travail. Pour nous, la télé locale, c’est BFM. Et France 3 Île-de-France est venu aussi.
– Ce sont plus des reportages, mais envisager un match de Cergy-Pontoise sur France 3 Île-de-France, cela paraît osé…
C’est sûr que notre plafond de verre est sacrément plus haut que dans d’autres régions. La concurrence n’a rien à voir. Rien qu’en foot, il y a un club pro par niveau, plus deux clubs en Top 14 de rugby, trois en handball, plus les spectacles… Et pour beaucoup de gens, on est au fond de la banlieue, c’est loin… Notre bassin de population est autour de Cergy et le long de l’A15.
– Avez-vous l’impression d’y être reconnus sans être critiqués ?
Aujourd’hui, je n’ai pas connaissance de critiques. Nous recevons plus de messages de félicitations. Mais les gens sous-estiment combien le changement de division et le Covid nous ont fragilisés. Je crois que nous avons maintenant trouvé notre modèle économique. Nous nous sentons soutenus, nous avons l’engagement de deux kops qui mettent l’ambiance et nous éprouvons beaucoup de plaisir à accueillir les gens.