La perspective d’un titre de champion de France pour Bordeaux n’a plus rien d’une perspective farfelue. Le formidable printemps bordelais semble bourgeonner sans plus connaître aucune limite. Après avoir débuté par deux victoires à l’extérieur sur l’île Lacroix, les Boxers font désormais figure de légitimes favoris de cette finale. Ils compteront pour cela sur leurs fidèles spectateurs, qui ont acheté tous les billets dès la première nuit après la qualification. Ils ont néanmoins un forfait supplémentaire, Rudy Matima.
Mais s’il y a une équipe qu’il ne faut jamais enterrer dans une finale, c’est bien le RHE. Perdre les deux premières manches à Grenoble l’an passé ne l’avait pas empêché d’être champion. Le scénario de cette année, avec deux défaites d’entrée dans l’antre des Dragons, rappelle surtout 2010, où ces revers étaient encore plus handicapants dans une formule au meilleur des cinq matches. À l’époque, Angers, qui jouait la première finale de championnat, n’avait pas su conclure (et n’a toujours pas soulevé la Coupe Magnus à ce jour). Les néophytes bordelais feront-ils mieux en y parvenant dès leur premier essai ?
Fabrice Lhenry ne s’appuie évidemment pas seulement sur cette confiance historique pour renverser la situation. Il a pris une décision fore en séparant le trio canadien qui avait mené l’offensive lors des tours précédents mais ne pesait pas sur cette finale (sinon par des pénalités de Boivin) : Alexandre Mallet est laissé sur le banc comme treizième attaquant. Non alignés lors des deux défaites à domicile, Marcel Hascak et Rob Flick réintègrent en revanche l’alignement. Joris Bedin est quant à lui envoyé en tribune. Les Dragons ont de la profondeur en attaque mais déplorent une grosse perte à l’arrière : Kristaps Sotnieks avait percuté la porte ouverte de la prison avec son bras.
Comme il fallait s’y attendre, Rouen met une grosse pression d’entrée et s’installe en zone offensive. Mais c’est sur leur première transition rapide que les Dragons concrétisent cette domination initiale, quand Anthony Rech, seul au second poteau, contrôle du revers la passe de Sacha Guimond pour placer du coup droit au-dessus de la botte droite de Papillon (0-1, 02’15). Le premier tir bordelais, signé Polodyan, ne survient qu’après ce but, lors d’une action qui envoie Rob Flick et Maxime Legault sur le banc pour une petite altercation. Dans cette situation de 4 contre 4, Rolands Vigners fixe Antti Kauppila pour servir idéalement Dylan Yeo qui a devancé Aina Rambelo (0-2, 03’09).
Les Bordelais sont toujours pris à la gorge. Christophe Boivin intercepte une relance de Papillon par un effort dans la bande et donne en retrait à Tommy Perret qui aurait même pu ajouter un troisième but en cinq minutes. Mais ce n’est que partie remise. Deux minutes plus tard, sur une mise au jeu remportée par Francis Perron face à Loîk Poudrier en zone offensive, Florian Chakiachvili s’avance jusqu’à l’arrière de la cage et fait une passe décisive en retrait pour ce même Perret, laissé sans opposition tout au long de l’action par Axel Prissaint (0-3).
Trop souvent débordés défensivement, les Bordelais montrent qu’ils peuvent aussi déployer des transitions rapides. Sur un 3 contre 2, Samuel Salonen met ainsi sur orbite Enzo Carry à gauche du but, mais Matija Pintaric s’interpose. Néanmoins, le score permet plus facilement aux Rouennais d’attendre les contre-attaques, toujours nombreuses et redoutables : une passe levée de Perron que Guimond ne peut reprendre puis un service de Jordan Hervé pour Anthony Rech dans l’enclave en témoignent, même si Quentin Papillon évite le pire. Les Bordelais reste sous une menace permanente et ne parvient pas à inverser la tendance dans ce premier tiers-temps, qu’ils achèvent en infériorité numérique.
Il reste 19 secondes de pénalité à la reprise et Quentin Papillon doit tout de suite se remettre dans le bain avec un double arrêt décisif de la jambière gauche devant Vigners puis Kytnar. Bastien Lemaître a quitté la prison depuis seulement 30 secondes… qu’il y retourne, pour un cinglage ! Papillon, qui a perdu sa crosse dans un contact avec Lampérier hors de sa zone, continue de multiplier les interventions avec les mains « libres ».
Revenus enfin à cinq, les Boxers ont alors leur premier temps fort avec une longue séquence installée en zone offensive. Mais la délivrance arrive, pile poil à la mi-match, sur ce qui part d’abord comme une attaque rapide. La vitesse n’ayant pas mis à défaut le repli rouennais à 2 contre 2 puis 3 contre 3, Aleksei Polodyan vire de bord et temporise après le passage de la ligne bleue, ce qui attire deux joueurs et libère Kevin Spinozzi dans l’axe pour un lancer à mi-distance tel qu’on lui connaît (1-3, 30’00).
La partie est complètement relancée et Mériadeck reprend espoir. Cinq minutes plus tard, Rob Flick – qui a mis l’impact physique attendu de sa part ce soir – surgit sur un palet dans l’axe et Axel Prissaint lui casse la crosse d’un net cinglage. L’avantage numérique est converti en 21 secondes. La reprise dans le cercle gauche de Quentin Tomasino est déviée par la jambe de Kevin Spinozzi vers la lucarne (1-4, 35’03).
Dame Fortune équilibre toutefois son apport sur ces déviations. La jambe de Rob Flick – dont la mauvaise passe a permis aux Bordelais d’installer leur circulation de palet en zone offensive à 5 contre 5 – détourne le lancer de la ligne bleue du défenseur bordelais Bastien Lemaître (2-4, 38’44). Les Boxers remportent ce deuxième tiers, de manière méritée car ils y ont eu le dessus. Le suspense est donc maintenu à la seconde pause, d’autant que Yeo a été pénalisé peu avant.
Bordeaux peut donc installer son powerplay en début de troisième période, mais sans venir à bout d’un solide Matija Pintaric. Le plus bel arrêt du gardien slovène intervient cependant un peu plus tard, en se déployant pour remporter un face-à-face avec Nikita Jevpalovs lancé par une longue passe.
Rouen réplique également avec une relance depuis la zone défensive. La capacité d’accélération de Quentin Tomasino lui donne alors un mètre d’avance sur Aina Rambelo, qui lui donne un petit coup sur le poignet pour l’empêcher de tirer. Les arbitres se consultent et accordent le tir de pénalité. Francis Perron est chargé de le tirer. La feinte droite-gauche du Canadien ne perturbe pas du tout Quentin Papillon qui détourne de manière très sûre avec sa plaque.
Peut-être aurait-il mieux valu que Tomasino s’occupe lui-même du duel avec le gardien ? Il y démontre son talent deux minutes plus tard. À la réception d’un dégagement via le plexi après une mise au jeu en zone défensive, le meilleur espoir de Ligue Magnus soulève la crosse du défenseur Aina Rambelo (qui en perd l’équilibre et finit couché sur la glace) et se présente seul face à Papillon pour une superbe feinte (2-5, 45’41, photo ci-dessous).
Après ce nouveau début de période animé, les défenses se resserrent et le match se referme. Avec trois buts d’avance, le chronomètre est maintenant très favorable aux Rouennais qui envoient au fond et maintiennent le danger éloigné, avec un gros travail dans les bandes. Mais dans le coin de sa zone défensive, Alexandre Mallet retient la crosse de son vis-à-vis à six minutes de la fin. Une supériorité numérique qui tombe à pic pour Bordeaux. Après une relance de Papillon, le palet entre en zone et est disputé dans le cercle offensif droit. Poudrier parvient à devancer Nesa pour une passe transversale vers Julius Valtonen, dont le lancer à ras glace passe entre les bottes de Pintaric (3-5, 55’11).
Tout reste possible et Olivier Dimet sort donc son gardien à deux minutes de la fin. Mais après avoir cueilli dans sa mitaine un envoi désespéré de la zone neutre de Legault, Matija Pintaric relance aussitôt de l’autre côté, où Quentin Tomasino, le héros de la soirée, qui clôt le match en cage vide (3-6, 59’43).
Rouen a construit sa victoire sur son départ canon et la marche de trois buts à remonter était trop dure à remonter pour les Boxers, obligés de faire le jeu. Les Dragons ont pu adopter une nouvelle stratégie et se replier en trappe pour mieux décocher des contre-attaques. Dans cette configuration, ils ont un peu plus subi au deuxième tiers-temps avec l’éloignement des bancs, mais pas assez pour mettre en cause le succès qui se dessinait.
Le début de match sera une nouvelle fois la clé du match 4 demain soir. L’équipe qui a pris les devants l’a toujours emporté dans cette finale.
Commentaires d’après-match (recueillis par le 7e Dragon) :
Anthony Rech (attaquant de Rouen) : « Je pense qu’on était attendus, on avait aussi nous-mêmes une grande envie pour ce match 3. On savait que ça allait être difficile ici, c’est une belle ambiance. On a été opportunistes, on a très bien commencé. Trois buts en sept minutes, c’est sûr que ça aide. On a essayé d’aller plus vite vers l’avant, rapidement, en une passe, en une touche de palet. On a été aussi beaucoup plus proches entre nous, c’est une bonne chose, on a donné beaucoup plus de solutions au porteur. […] Le premier match a été compliqué pour tout le monde, on a manqué de rythme sans le vouloir. Notre ligne a fait un gros travail depuis un match ou deux, on a fait des vidéos parce qu’il y avait des choses à régler, on est sérieux défensivement et ça nous apporte offensivement. Je suis content que Tomas’ marque trois buts ce soir, ça fait du bien à notre ligne et du bien à l’équipe. »
Quentin Tomasino (attaquant de Rouen) : « On a très bien commencé ce match. On a eu une petite baisse de régime au deuxième tiers mais on a su tenir le score et c’est ce qu’il fallait pour la victoire. On n’a pas envie d’être menés 3-0 donc on a essayé de se réveiller un peu et on était prêts ce soir. On s’était tous remobilisés, on a été présents et on est très contents de notre victoire. Il n’y a pas forcément de panique parce qu’on a confiance en notre groupe. On a fait très belle saison donc on ne voit pas pourquoi ici ça ne marcherait pas. »
Bordeaux – Rouen 3-6 (0-3, 2-1, 1-2)
Mardi 9 avril 2024 à 20h30 à la patinoire Mériadeck. 3312 spectateurs.
Arbitres : Adrien Ernecq et Nicolas Cregut assistés de Nicolas Constantineau et Joffrey Yssembourg.
Pénalités : Bordeaux 8’ (4′, 4’, 0’) ; Rouen 6′ (2′, 2’, 2’)
Tirs cadrés : Bordeaux 39 (6, 17, 16) ; Rouen 39 (16, 12, 11)
Évolution du score :
0-1 à 02’15 : Rech assisté de Guimond et Goncalves Nivelais
0-2 à 03’09 : Yeo assisté de Vigners et Kytnar
0-3 à 06’27 : Perret assisté de Chakiachvili et Perron
1-3 à 30’00 : Spinozzi assisté de Polodyan et Bruche
1-4 à 35’03 : Tomasino assisté de Chakiachvili et Perron (sup. num.)
2-4 à 38’44 : Lemaître assisté de Polcs et Mahieu
2-5 à 45’41 : Tomasino assisté de Chakiachvili et Hervé
3-5 à 55’11 : Valtonen assisté de Poudrier et Polcs (sup. num.)
3-6 à 59’43 : Tomasino assisté de Rech et Pintaric (cage vide)
Bordeaux
Attaquants :
Alexei Polodyan – Julien Guillaume (A, +1) – Maxime Legault (C, -1, 2′)
Enzo Carry (-2) – Mathieu Pompei (-3) – Samuel Salonen (-3)
Nikita Jevpalovs – Loik Poudrier (A, -2) – Julius Valtonen (-1)
Matteo Mahieu – Rudolfs Polcs – Baptiste Bruche
Arrières :
Kevin Dusseau (-2) – Axel Prissaint (-2, 2′)
Kevin Spinozzi (+1) – Bastien Lemaitre (+1, 4′)
Aina Rambelo (-1) – Antti Kauppila (-2)
Gardien :
Quentin Papillon [sorti à 57’55]
Remplaçant : Victor Bodin (G). Absents : Charles-David Beaudouin (commotion), Niki Blomberg (étranger surnuméraire), Rudy Matima (malade).
Rouen
Attaquants :
Loïc Lampérier (C, +1) – Milan Kytnar (+2) – Rolands Vigners (+1)
Christophe Boivin (+1) – Francis Perron (+1) – Tommy Perret (+1)
Anthony Rech (+3) – Jordan Hervé (+1) – Quentin Tomasino (+2)
Vincent Nesa (-1) – Rob Flick (-1, 2′) – Marcel Hascak (-1) puis Alexandre Mallet (-1, 2′)
Arrières :
Florian Chakiachvili (A, +2) – Enzo Cantagallo
Dylan Yeo (A, +2, 2′) – Emil Kristensen (+1)
Sacha Guimond (+1) – Noa Goncalves Nivelais
Gardien :
Matija Pintaric
Remplaçant : Julien Gaubert (G). Absents : Tonin Caubet (hanche), Kristaps Sotnieks (avant-bras), Fiorenzo Villard et Joris Bedin (choix).