L’équipe de France finit sa préparation à Weißwasser, près de la frontière polonaise, directement sur la route d’Ostrava où elle jouera les championnats du monde. Cete ville qui fut le bastion du hockey sur glace dans l’ex-Allemagne de l’Est, mais aussi du charbon, arbore sur ses armoiries le marteau et la pioche qui sont les symboles reconnus des mineurs en Europe centrale. Ici aussi, la patinoire fait le plein, malheureusement sa capacité est notoirement trop petite puisqu’elle peut accueillir moins de trois mille personnes.
L’équipe de France est – malheureusement ? – presque inchangée. Toujours pas de Perret, pour qui le pronostic semble pessimiste. Pas non plus de Tim Bozon : ce n’est pas si bon signe que son père continue d’alterner Bruche et parfois Colomban sur le même poste en deuxième ligne, on ne teste pas deux joueurs à cette seule place si le titulaire est certain de jouer chaque mach. Le seul blessé à faire sa rentrée est le défenseur Vincent Llorca.
En revanche, l’Allemagne intègre les joueurs des Eisbären de Berlin, ce qui a provoqué l’éviction de Justin Schütz et de trois défenseurs. La paire éprouvée Jonas Müller – Kai Wissmann est ajoutée telle quelle, en revanche les attaquants sont répartis entre les différents trios. La première ligne qui avait mené les Allemands à la finale mondiale l’an dernier (Tiffels-Kahun-Peterka) est ainsi reconstituée. On s’attend à ce que les vice-champions du monde soient revanchards deux jours après avoir perdu contre les Français à Wolfsburg (3-5).
La France entre mieux dans le match qu’avant-hier. Son forechecking à deux est gênant pour les défenseurs locaux qui peinent à relancer. Mais la Nationalmannschaft met à son tour en place son échec-avant et convertit sa première occasion notable. Dominik Kahun est le plus prompt à se saisir d’un palet libre (contré par Bellemare) et le sort à l’opposé pour Lukas Kälble, dont le lancer est dévié par le corps de Frederik Tiffels devant la cage (1-0).
La première faute est un cinglage de Marc Michaelis sur le poignet de Sacha Treille. Le slap de la ligne bleue de Florian Chakiachvili est proprement capté par la mitaine de Mathias Niederberger. Il n’est pas pas facile de construire son jeu de puissance contre un spécialiste aussi actif de la crosse que Nico Sturm ou un patineur aussi rapide que Tiffels, mais la France est assez solide dans la conservation et les duels, même si elle ne crée pas de décalage.
Au retour à cinq, Auvitu est gêné derrière son but par le pressing de Kahun puis Gallet relance dans l’axe sur Parker Tuomie, qui sert JJ Peterka seul près de la cage. L’attaquant des Sabres de Buffalo traverse devant Ylönen et tente le tir entre les jambes, geste spectaculaire mais avorté, en partie à cause d’un cinglage d’Auvitu qui est sanctionné. Au tour des Bleus de jouer en infériorité numérique. Ylönen, lui non plus, ne laisse aucun rebond, face à un tir à mi-distance de Peterka. Toujours à 4 contre 5, Kevin Bozon intercepte le palet de Pföderl en zone neutre et se présente en face-à-face avec le gardien, une situation qu’il est malheureusement plus doué pour provoquer que pour conclure.
Au début du deuxième tiers, l’Allemagne monopolise le palet. Après quatre minutes, Josh Samanski évite la charge dans la bande de Lucien Onno (visiblement fatigué à la fin d’une longue présence où il s’est joint à l’offensive) et passe de derrière la cage pour Nico Sturm, dont la reprise à bout portant va droit dans la poitrine d’Ylönen. Les blancs sont plus souvent en retard en patinage et Kévin Bozon accroche Peterka en zone neutre. Sur l’avantage numérique, Kai Wissmann fait une passe de quarante mètres vers JJ Peterka pendant un changement de ligne français. Cette fois, c’est un meilleur finisseur qui se présente devant Sebastian Ylönen, mais le gardien de Cergy-Pontoise ne se laisse pas dérouter par la technique de Peterka et détourne son tir dans les airs avec le bouclier.
Il est dit que ce soir l’évolution du score ne reflète pas l’évolution du jeu. Comme l’Allemagne en première période, la France marque sur sa première occasion. Yohann Auvitu rabat un palet du gant en zone neutre, attire trois joueurs en passant la bleue et décale sur la gauche Anthony Rech dont le tir croisé bat Philipp Grubauer côté mitaine (1-1). C’est un cadeau de bienvenue pour le gardien de Seattle qui vient d’entrer en jeu, le relais devant les cages allemandes à la mi-match ayant eu lieu dans l’ordre inverse qu’avant-hier. Ce but métamorphose les Français. Un palet dangereux arrive sur Claireaux dans le slot et Bellemare ne peut exploiter le rebond. Grubauer doit aussi sortir aux devants d’Aurélien Dair.
Au plus fort de ce temps fort français, c’est l’Allemagne qui marque dès qu’elle retourne en zone offensive. Un lancer dans l’axe du défenseur Kai Wissmann est parfaitement rabattu par la crosse de son coéquipier berlinois Leo Pföderl (2-1, photo ci-dessous). La réplique tricolore est immédiate. Après un bon travail dans le coin de Valentin Claireaux, Baptiste Bruche se défait de Kahun derrière le but pour resservir en retrait le Saint-Pierrais, dont le tir en angle passe entre Grubauer et son poteau (2-2).
Deux minutes plus tard, une passe de Gallet en zone neutre cherche Dair à la ligne bleue, mais le Grenoblois est devancé sur le palet par Marc Michaelis qui renverse aussitôt le jeu vers Yasin Ehliz. Celui-ci réussit une passe par-dessus Auvitu couché pour servir Pföderl, qui s’offre un doublé (3-2).
Un doublé, il y en aura un autre dès le début du troisième tiers-temps. Tourné vers son camp sans voir le jeu, le jeune défenseur d’AHL Maksymillian Szuber se fend d’une passe transversale du revers en zone défensive, qu’Anthony Rech vient intercepter pour propulser le palet pour la seconde fois dans la même lucarne de Grubauer, côté mitaine (3-3).
Louis Boudon écope d’une pénalité en zone offensive pour avoir retenu Wissmann dans le coin. Revoilà Kevin Bozon dans ses œuvres en infériorité : il va presser Wissmann dans l’axe de la zone allemande et lui prend le palet, mais s’il a assez de stabilié de patinage pour gagner son duel et résister, il n’a pas la vitesse d’exécution technique pour proposer un tir à Grubauer dans ce second face-à-face avec un gardien. Au retour à 5 contre 5, après un gros travail le long de la bande de Stachowiak face à deux Français, Peterka sert une excellente passe en retrait à Szuber… qui manque le cadre.
On entre dans les dix dernières minutes et les commentateurs allemands ébahis qualifient une action de « formidable », en français dans le texte. Elle est cependant pour les noirs. Après un engagement en zone défensive, Colin Ugbekile tente une exceptionnelle passe-billard qui traverse deux fois la patinoire en diagonale. Pas facile de défendre là-dessus pour Chakiachvili. Kahun réceptionne et part dans son dos mais perd son duel face à un très solide Ylönen. C’est le premier de trois face-à-face consécutifs pour le portier des Jokers. Deux : une passe croisée plus classique de Peterka sert Ehliz échappé dans le dos d’Onno pour un tir dans les bottes du gardien. Trois : Daniel Fischbuch dribble Hugo Gallet en un contre un mais se donne peu d’angle pour battre du revers un Ylönen bien placé.
Envoyé en prison pour cinglage à six minutes de la fin, Valentin Claireaux part en contre à sa sortie et fait une belle passe en retrait pour Bellemare, dont le lancer est repoussé par son coéquipier des Seattle Kraken (Grubauer). Peterka donne un coup de crosse à Gallet peu après et l’avantage numérique change de camp. La plus belle occasion est une passe transversale de Rech pour Boudon qui n’arrive pas à convertir.
L’Allemagne croit avoir inscrit le but de la victoire sur une action installée à la dernière minute. Le capitaine Moritz Müller trouve Yasin Ehliz seul à droite du but pour une reprise orientée de l’intérieur du pied qui aurait été digne d’éloges magnifique sur un stade. Les Allemands vont encore dire que les enfants d’immigrés turcs ne jurent que par le football alors qu’Ehliz – dont c’est la centième sélection ce soir – était le principal contre-exemple… Le mouvement du patin vers le palet est manifeste et le but est logiquement refusé.
Pas facile de prendre le meilleur sur son vis-à-vis dans la prolongation à 3 contre 3, même Da Costa doit s’en rendre compte. L’Allemagne sait provoquer l’erreur décisive. Charles Bertrand récupère le rebond d’un tir de Peterka mais sa relance est gênée par ce même « JJ ». Le palet arrive sur Kai Wissmann qui sert alors Dominik Kahun seul face au but. Le technicien de Berne se régale d’un mouvement de mains rapide pour décaler le palet et tirer côté plaque (4-3, photo ci-dessus).
Même si la victoire n’est pas au rendez-vous, ce match conforte plutôt l’équipe de France, qui a rivalisé dans es duels face à un adversaire très intéressant pour l’étalonnage. Le premier trio Treille – Da Costa – Simonsen a été beaucoup moins à son avantage qu’avant-hier. Ce sont les batailleurs dans les coins qui se sont mis en évidence, comme la ligne Bruche-Bellemare-Claireaux, avec toujours la vista d’Anthony Rech pour exploiter les espaces avec efficacité. Une homogénéité qui sera nécessaire aux Mondiaux où il est bien pus rare de battre un défenseur en un contre un.
Désignés joueurs du match : Enzo Cantagallo – photo ci-dessus – pour la France et Kai Wissmann pour l’Allemagne.
PS : La FFHG a annoncé la sélection ce mardi. Quentin Papillon revient bien à la place de Keller. Le défenseur sorti est Lucien Onno, Enzo Cantagallo a donc gagné sa place et poursuit son éclosion printanière. Robin Colomban est de manière attendue l’attaquant retranché, les autres sont tous là mais on attendra des nouvelles de l’aptitude des blessés à jouer lors de la conférence de presse de jeudi.
Commentaires d’après-match :
Moritz Müller (capitaine de l’Allemagne, photo ci-contre) : « Le premier match contre la France n’était pas notre meilleur de la préparation. C’était une longue préparation, il y a eu des hauts et des bas. Nous avons intégré de nouveaux joueurs aujourd’hui et ça s’est bien passé. C’était une bonne performance contre une équipe de France très combative et forte en patinage. Ils ont de bons gabarits et ont vraiment bien patiné. Ils ne nous ont pas rendu la partie facile. C’était un très bon test pour nous, les petites erreurs seront punies au Mondial. Néanmoins, bilan positif de la préparation. Nous sommes excités, heureux que ça démarre enfin. Il ne faut pas regarder trop loin et penser à l’an passé, mais aller de match en match. »
Harold Kreis (entraîneur de l’Allemagne) : « Les Français ont joué vraiment fort, physique. Nous avons dû nous adapter. Nous nous sommes procuré beaucoup d’occasions et avons concédé moins de tirs, seulement 16. Je n’ai pas senti de fatigue des Berlinois, ils ont amené une forte énergie. Contrairement au premier match, nous avons su arracher de nouveau le momentum en notre faveur après un but encaissé. C’est bien d’aller à Ostrava sur une victoire. On recommence à zéro. Les Français, on ne les a sous-estimés à aucun moment, je suis content de ces deux matches durement bataillés. »
Allemagne – France 4-3 après prolongation (1-0, 2-2, 0-1, 1-0)
Lundi 6 mai 2024 à 19h00 à l’Eis Arena de Weißwasser. 2975 spectateurs.
Arbitres : Sirko Hunnius et Bastian Steingroß assistés de Marcus Höfer et Maksim Cepik (ALL).
Pénalités : Allemagne 4′ (2′, 0′, 2′, 0′) ; France 8′ (2′, 2′, 4′, 0′).
Tirs : Allemagne 31 (11, 12, 7, 1) ; France 16 (2, 7, 7, 0).
Évolution du score :
1-0 à 09’01’’ : Tiffels assisté de Kälble et Kahun
1-1 à 30’52’’ : Rech assisté d’Auvitu
2-1 à 33’45’’ : Pföderl assisté de Wissmann et Ehliz
2-2 à 34’53’’ : Claireaux assisté de Bruche
3-2 à 36’47’’ : Pföderl assisté d’Ehliz et Michaelis
3-3 à 40’32’’ : Rech
4-3 à 62’25’’ : Kahun assisté de Wissmann et Peterka
Allemagne
Attaquants :
Alexander Ehl – Nico Sturm – Tobias Eder
Frederik Tiffels – Dominik Kahun (A) – John Jason Peterka (2′)
Yasin Ehliz (+1) – Marc Michaelis (+1, 2′) – Leonhard Pföderl (+1)
Parker Tuomie (-1) – Wojtech Stachowiak – Daniel Fischbuch
Joshua Samanski
Défenseurs :
Jonas Müller (+1) – Kai Wissmann (+2)
Moritz Müller (C, -1) – Maksymilian Szuber (-1)
Fabio Wagner (+1) – Lukas Kälble
Colin Ugbekile (-1) – Tobias Fohrler
Gardien :
Mathias Niederberger (3/3) puis à 28’03’’ Philipp Grubauer (10/13)
En réserve : Tobias Ancicka (G), Maximilian Kastner (A)
France
Attaquants :
Sacha Treille (C) – Stéphane Da Costa (A, +1) – Tomas Simonsen
Baptiste Bruche – Pierre-Édouard Bellemare (A, -2) – Valentin Claireaux (2′)
Anthony Rech (+1) – Louis Boudon (+1, 2′) – Charles Bertrand
Kévin Bozon (-1, 2′) – Nicolas Ritz (-1) – Aurélien Dair (-1)
Robin Colomban
Défenseurs :
Yohann Auvitu (-1, 2′) – Hugo Gallet (-1)
Florian Chakiachvili – Vincent Llorca (+1)
Pierre Crinon – Enzo Cantagallo
Lucien Onno – Enzo Guebey
Gardien :
Sebastian Ylönen (27/31)
Remplaçant : Antoine Keller (G). En réserve : Julian Junca (G), Thomas Thiry (D), Jordann Perret (A).