Depuis son titre de champion de division 3 en 1989, Amnéville aura passé 35 ans dans les divisions nationales, essentiellement en D2 avec un passage en D1 dans les années 2000. Mais le club-phare du hockey mosellan ne se réinscrira pas dans une division 2 où il faisait partie des meubles.
La cause ? Le projet de fusion de son président Patrick Partouche est mort-né après le désistement du partenaire envisagé Metz. Un crève-cœur pour lui, qui l’a conduit à tout arrêter. Il explique cet enchaînement d’évènements à Hockey Archives.
– C’est donc la fin d’une belle aventure ?
Cela fait 34 ans que je suis au club, et 10 ans que j’en ai pris la présidence, sinon c’était la liquidation. On vient de finir de payer dix ans de redressement, pendant lesquels on a remboursé 12 000 euros par an. On n’arrête pas pour problèmes financiers ! Le bilan est propre, la trésorerie est là, sans compter une partie de la subvention municipale qui n’a pas encore été versée.
– Que s’est-il passé alors ?
Cela fait trois ans que je tirais la sonnette d’alarme dans la presse. Entre-temps, j’ai eu des discussions avec le président de Metz [NDLR : Christophe Fondadouze] qui comptait démissionner cet été. Il m’a dit : « Depuis le temps que tu veux faire une entente, vas-y. En tant que directeur de la patinoire, je te faciliterai la tâche. » Certaines personnes n’ont pas adhéré, ou ont changé d’avis. J’étais dégoûté, alors que tout était prêt.
– En quoi consistait ce projet ?
Il fallait que le modèle économique des deux clubs change. On est à 20 kilomètres, c’était le moment. On était déjà en entente en hockey mineur. Cela fait des années qu’on joue les play-offs et qu’on passe un tour. Ça aurait pu être pu attractif pour faire venir des entraîneurs et des joueurs. On pèse 300 licenciés ensemble, même si on aurait forcément eu un peu de perte. Certains parents ne voulaient pas faire 20 minutes de route supplémentaires pour emmener leurs enfants, il ne faut pas qu’ils habitent dans des grandes villes…
J’étais sûr de mon coup. Le plus gros problème, c’est que la patinoire d’Amnéville est municipale, on ne paie pas la glace, alors que celle de Metz est privée. La patinoire de Metz était donc un peu lésée car dans mon budget, les seniors s’entraînaient à Amnéville. On aurait joué 5 matches à Metz et 7 à Amnéville car la subvention y est plus importante, ce qui est normal aussi.
Dans le mineur, avec Metz et Amnéville ensemble, on aurait été complets dans toutes les catégories tout seuls. Pour une classe d’âge, il y aurait eu un entraînement en commun à Metz, un en commun à Amnéville, et un entraînement séparé où chacun s’entraînait chez soi. Par contre, il n’y avait pas de D3 à Metz dans mon projet.
– Certains joueurs messins n’auraient pas pu jouer dans ce cas.
Tu as tout compris. La D3 de Metz a été créée pour faire plaisir à trois, quatre joueurs qui ont rendu des services. Mais je préférais que l’argent soit plus mis dans le hockey mineur, qu’on renforce les entraîneurs pour encadrer tout ça.
Metz fait valoir la mise en place de classes aménagées [NDLR : en section sportive au collège Barbot]. L’idée est très bonne, c’est l’avenir, mais c’est trop tôt. Avant de faire ça, solidifie tes bases ! Il faut avoir la logistique. On ne met pas la charrue avant les bœufs.
Le président actuel a convoqué l’Assemblée Générale en septembre, on voit rarement ça. Il fallait donc attendre. Le pire, c’est qu’on ne m’a pas même laissé présenter mon projet. On m’annonce quelques jours avant que le comité de Metz a nommé deux vice-présidents à sa dernière réunion en avril, et que ces deux vice-présidents ne sont pas d’accord pour le rapprochement. Un de ces deux vice-présidents [NDLR : Bryan Le Héron] était pourtant venu avec moi défendre le dossier de l’entente auprès de l’adjoint des sports de la ville de Metz.
– N’était-il pas possible de continuer la D2 à Amnéville malgré l’échec de cette fusion ?
Quand le projet a avorté, cela m’a coupé les pattes. Ce n’était pas de gaieté de cœur. On pouvait redémarrer avec une équipe peut-être plus faible que les autres années. Mais j’ai pris un coup de massue, après dix ans de travail. Il y a beaucoup de nouveaux présidents cette année dans le hockey, c’est usant.
Au bout de dix ans, on est fatigué, là ce fut un coup de poignard. J’avais annoncé le projet, les joueurs ne voulaient pas spécialement rester sans moi. Certains ont dit qu’ils auraient peut-être pu reprendre, mais ce sont des parents de gosses. Après deux ou trois ans dans le hockey, ils ne se rendent pas compte du travail que ça représente de chercher les joueurs, les sponsors, les appartements… J’étais un peu un manager bénévole.
Tout le monde m’a dit : tu viens de rembourser pendant 10 ans, tu as fait le plus dur ! Je suis parti avec l’impression de laisser tomber tout le monde. Heureusement, les joueurs ont été élogieux avec moi. Avec Luxembourg et Châlons qui montent, tous les joueurs sont casés.
– L’association entre Metz et Amnéville continuera-t-elle dans le hockey mineur ?
Les alliances ne se feront plus du tout avec Metz, elles seront avec Épinal et Luxembourg. Les dirigeants ont été solidaires avec moi quand on m’a planté ce couteau dans le dos. Tout le monde pensait qu’on aurait besoin de Metz pour les ententes, mais je ne suis pas né de la dernière pluie, je connais du monde. Les autres clubs ont été choqués de la façon dont ça s’est fait.
– Resterez-vous dans le club ?
Non. La nouvelle présidente est Nathalie Chabanet, son gamin [NDLR : Alban] est en équipe de France U16 et au centre de formation de Caen. J’ai géré les affaires courantes, je donne un coup de main. Mais depuis que c’est arrivé, ça fait trois semaines, c’est un déchirement journalier.
– Vous avez ressenti un sentiment de trahison ?
C’est ça. Ce n’était peut-être pas leur intention, mais je me suis senti trahi. Je ne méritais pas ça.
Ceci dit, je ne veux pas rejeter la faute sur Metz. Je ne veux pas être agressif envers qui que ce soit, la situation à Amnéville ne dépend pas d’eux.
– Une équipe d’Amnéville pourra-t-elle repartir un jour en division 3 ?
Je pense que ce sera le cas, avec des anciens et des jeunes. Pour moi, une équipe de D3 ne se forme pas avec des joueurs extérieurs. Si tu as l’ambition de monter comme Châlons, tu mets les ronds, OK. Si tu n’as pas les moyens, concentre les efforts sur le hockey mineur. Je pense quand même qu’il faut une équipe fanion pour faire rêver un peu les gosses, dans deux ou trois ans peut-être.
– Les loisirs peuvent-ils assurer la transition en attendant ?
Oui, quelques-uns ont le niveau D3. On a des jeunes aussi. Chabanet, qui est en équipe de France U16, ne finira pas en D3, mais on a des jeunes à Épinal, à Angers, ou à l’étranger. Is ont leurs parents ici. S’ils ne se font pas une place au moins en D2, si c’est pour jouer en D3, autant le faire à la maison.
– De loin, on peut avoir l’impression que Luxembourg peut profiter de la situation pour être le nouveau pôle d’attraction local.
Non. Ce n’est pas loin, mais il y a beaucoup de trafic. C’est moins pire le week-end, mais c’est compliqué en semaine d’aller aux entraînements. Tout le monde pense que les Luxembourgeois ont des moyens, mais en D2 ils ne paieront pas de salaires, simplement les joueurs trouvent de très bons jobs. Et puis, une licence en mineur à Luxembourg, c’est 800 euros, ça calme.
– Pour ne pas rester sur cette triste fin, que retenez-vous comme meilleur souvenir de toutes ces années à Amnéville ?
C’est une question difficile, car cela ne passera pas au travers de la gorge… Ce n’est pas un souvenir, c’est un ensemble. C’est d’avoir réuni autour de moi les partenaires, les institutions. C’est la sortie du tribunal, avec M. et Mme Dars (trésorier et secrétaire) quand on a sauvé le club. Ce sont de belles victoires inattendues, car dans le sport, les bons souvenirs, c’est quand on gagne. On n’est pas Rouen, mais à Villard, à Toulouse, tout le monde connaît Amnéville. On a eu le nez creux, on a eu de bons joueurs étrangers. On a eu des entraîneurs comme Jonathan Paredes et Pierrick Rezard, il y a du monde qui est passé ici.
C’est malheureux, mais c’est dans cette mauvaise dernière image que restent les bons souvenirs : ce sont tous les mots-clés avec lesquels les joueurs, les entraîneurs, les parents ont su me remercier pendant ces moments difficiles.