Alors que la PWHL avait clairement annoncé le dispositif de retransmissions avant le début de la saison, la grande ligue féminine a revu sa position concernant le direct des rencontres sur YouTube, une initiative qui concerne directement le public européen. Les derniers matchs avant la première pause internationale ont été diffusés sur la plateforme Twitch, une décision controversée qui a provoqué un tollé dans la communauté, en plus d’un risque de réduire sa visibilité.
[Mise à jour du 23/12 : la PWHL a fait marche arrière et diffuse de nouveau ses directs sur Youtube]
On pouvait le voir comme un soulagement. Après avoir fait durer le suspense, la PWHL annonçait quelques jours seulement avant le début de la saison le retour des matchs sur YouTube. Une excellente initiative, l’accessibilité de la ligue était le point fort de la première saison. Le public français pouvait donc continuer de suivre facilement (et gratuitement) les aventures de Chloé Aurard et de la PWHL, comme le reste du monde et les États-Unis. Seul le Canada était exclu de l’accès à YouTube, l’intégralité des rencontres étant répartie sur les réseaux TSN / RDS, CBC, Radio-Canada et Prime Video.
Mais en ce début de mois de décembre, les fans hors Canada ont été surpris de ne pas pouvoir regarder en direct les matchs sur YouTube. La PWHL a changé ses plans, elle a dernièrement diffusé ses directs sur son site via la plateforme Twitch. Stupeur et consternation, la décision a provoqué un tollé chez les fans qui n’ont pas manqué de réagir et de partager leur mécontentement sur les différents réseaux. Le journaliste Ian Kennedy s’est fendu d’une tribune sur The Hockey News, percevant ce changement comme mettant en péril la visibilité de la ligue.
Avec 2,5 milliards d’abonnés, YouTube est la deuxième plateforme la plus utilisée dans le monde, derrière Facebook. Outre la gratuité, les matchs bénéficiaient de la facilité d’accès et d’utilisation, du côté pratique aussi. Le chat des rencontres a nourri la communauté dès le lancement de la ligue au 1er janvier 2024, et installé une forme de convivialité pendant les directs. A contrario, même si elle est particulièrement populaire chez les jeunes, Twitch ne compte « que » 258 millions d’utilisateurs, principalement intéressés par l’univers du jeu vidéo qui forme les racines historiques de la plateforme de streaming. Même si des efforts ont été faits ces dernières années pour tenter de diversifier la nature des contenus, les 50 chaînes les plus populaires sont exclusivement dédiées, selon Twitch Tracker, au gaming.
Un cercle plus restreint
Du hockey féminin sur Twitch, cela renvoie hélas à des années en arrière. Quand les matchs de la NWHL puis de la PHF étaient diffusés sur cette plateforme, ils étaient finalement réservés à un public restreint et cloisonné. Les audiences n’ont d’ailleurs connu aucune véritable augmentation jusqu’au démantèlement de la PHF en 2023 pour faire place nette à la PWHL. Elle a rendu service aux initiés à l’époque mais Twitch n’a pas vocation à conquérir un public. Par ailleurs, selon un article récent du Blog du Modérateur, Twitch connaît encore des problèmes récurrents en matière de cyberharcèlement. L’environnement y est très masculin, absolument pas en adéquation avec le public très familial présent dans les tribunes de la ligue féminine de hockey.
Que cette même PWHL décide de se diriger vers Twitch, la décision paraît incompréhensible, surtout venant de la part d’une ligue qui se veut professionnelle. C’est d’autant plus étonnant que le circuit féminin bénéficie d’un dispositif de retransmission qui n’a rien à envier aux autres grandes ligues nord-américaines, à contre-courant d’une diffusion sur une plateforme comme Twitch. La NWSL, la ligue féminine de football, a diffusé ses matchs pendant plusieurs années sur Twitch mais n’a pas souhaité renouveler le contrat en 2022. La WNBA n’y a quant à elle jamais songé pour ses rencontres de basket. La PWHL a obtenu de très bons scores lors de ses diffusions sur YouTube, elle a 123 000 abonnés à travers le monde, un très bon score pour une ligue jeune.
Alors pourquoi ce changement de la part de la PWHL pour la diffusion de ses matchs ? La seule raison qui puisse réellement expliquer cette décision, c’est que Twitch appartient à l’un des partenaires de la ligue, Amazon. Les matchs du mardi seront d’ailleurs diffusés sur Prime Video.
Cette décision est également arrivée de manière impromptue, sans communication en amont alors que la PWHL avait annoncé le retour des matchs sur YouTube. Tout s’est fait en catimini, et les fans se sont retrouvés noyés dans la confusion. Dans ses dernières publications d’avant-match qui mentionnent les conditions de diffusion, la ligue renvoyait sur son site… mais encore faut-il trouver, ce qui n’est pas aisé.
Twitch propose des contenus en direct, avec les désagréments que cela peut causer. Vous avez manqué un but ou le début du match ? YouTube vous permettait de revenir en arrière une fois le match commencé, sur Twitch tant pis pour vous. Et c’est pareil si vous avez manqué la rencontre sur la plateforme de streaming. Le lien YouTube était lui accessible plusieurs heures après la fin de la rencontre, jusqu’au matin pour un match en pleine nuit.
Les retransmissions sur Twitch posent un véritable problème, en particulier pour le public européen qui doit s’accommoder du décalage horaire. Pour des raisons de droits, la PWHL republie les rencontres sur YouTube en « condensed game », sans pause et en gommant les musiques pendant les matchs. Mais il faut attendre plusieurs jours pour qu’ils soient disponibles. L’autre problème qui a le don d’exaspérer les fans, et qui était déjà un point noir de la première saison, c’est qu’ils ne disposent pas systématiquement d’un résumé des matchs. La PWHL n’en héberge pas sur son site, ils sont réalisés au bon vouloir des diffuseurs (Radio-Canada, NESN, etc) ou des équipes, et parfois ils tardent à venir.
Difficile de s’y retrouver pour le grand public. En peu de temps, la ligue a semé la confusion, réduit son accessibilité, provoqué un tollé chez les fans, et fait deux pas en arrière après des débuts novateurs. Évidemment, il est souhaitable que la ligue puisse être rémunérée de ses activités, notamment par le biais de ses diffusions. Regrouper ses matchs, pouvoir les consulter à tout moment, sur une plateforme unique payante à l’image de NHL.tv pourrait être une alternative.
Mais la PWHL ne fait pas dans la facilité et elle s’est tiré une balle de pied. Elle a connu beaucoup de succès, mais sa popularité n’est pas figée, particulièrement en Europe qui reste un marché à conquérir.