La machine lyonnaise en ordre de marche
Après un début de saison poussif marqué par seulement trois victoires en sept rencontres, les Lyonnais ont finalement trouvé le bon rythme à partir de la mi-novembre. Depuis, ils n’ont concédé qu’une seule défaite, aux tirs au but face à Roanne lors de la 13e journée, et ont clôturé la saison régulière en tête de la Poule B avec 41 points, soit sept longueurs d’avance sur leurs dauphins roannais. L’engouement du public est d’ailleurs de mise entre Rhône et Saône, la patinoire Charlemagne ayant affiché guichets fermés (3130 spectateurs) pour les 3 derniers matchs de la saison régulière.
Meilleure attaque et meilleure défense de leur poule, les hommes de Damien Raux affrontent désormais l’équipe de Rouen 2, réserve des Dragons composée principalement de joueurs évoluant en U20. Mal partis en championnat avec seulement cinq points engrangés sur l’ensemble de l’année 2024, les jeunes Rouennais ont accéléré en 2025. Grâce à une série de trois victoires consécutives, ils se sont assuré une qualification tranquille pour les séries éliminatoires.
Rouen II : un souvenir funeste pour Lyon
Fait notable, les deux équipes s’étaient déjà affrontées quinze ans auparavant, dans un contexte particulièrement mouvementé et douloureux pour les Lions. À l’époque, après avoir éliminé Wasquehal en huitièmes de finale, Lyon avait affronté Rouen 2, tombeur d’Anglet au tour précédent. Les Lyonnais l’avaient emporté sur la glace normande (4-5), mais avaient porté réclamation après la rencontre en raison de la présence dans l’effectif rouennais de deux joueurs (dont l’actuel international Anthony Rech) n’ayant pas atteint le quota minimum de matchs disputés en saison régulière, une condition indispensable pour être alignés en playoffs.
Au lieu de donner une victoire sur tapis vert aux Lyonnais (5-0 et offert une avance confortable en prévision du match retour, les séries se déroulant alors en deux matchs avec cumul des scores), la Fédération avait alors pris une décision surprenante : elle avait annulé le résultat du match entre Rouen et Lyon et attribué rétroactivement à Anglet une victoire administrative 5-0 pour le match retour perdu initialement contre Rouen (les deux joueurs en cause ayant également disputé cette rencontre). Ainsi, les Basques, pourtant éliminés, avaient été repêchés contre toute attente.
Contraints de se déplacer à la patinoire de La Barre, les Lyonnais avaient remporté ce match imprévu 2 buts à 1, avant de s’incliner à domicile, à Charlemagne, sur le score de 2-4. Cet improbable scénario s’était poursuivi jusqu’au bout, puisqu’Anglet avait finalement réussi à transformer ce repêchage miraculeux en un incroyable parcours vers le titre de champion de D2.
Un huitième de finale qui a failli ne jamais se jouer
Ce huitième de finale entre Lyon et Rouen II a bien failli ne jamais avoir lieu. Menacée par un problème de disponibilité de la glace à l’Île Lacroix, ainsi que par un calendrier chargé dû aux engagements du club normand dans les catégories jeunes (U18 et U20) et en Ligue Magnus, empêchant d’aligner suffisamment de joueurs pour le week-end du 8 et 9 mars, la série a finalement pu être reprogrammée. Initialement prévu le samedi 1er mars, le match aller s’est tenu le mardi 4 mars, tandis que le match retour et l’éventuelle belle ont été maintenus aux dates prévues.
Le match aller a nettement tourné en faveur des Lyonnais, vainqueurs sur le score sans appel de 4 buts à 1. Portés par les doublés de Lucas Chautant et Rocco Andreachi, et forts d’une domination écrasante (36 tirs à 8 pour Lyon), les visiteurs ont pris une sérieuse option avant le retour.
Chronique d’une mascarade annoncée
Pour le match retour, Rouen II se présente avec l’effectif minimal autorisé afin d’éviter le forfait : seulement dix joueurs de champ dont deux renforts venus du club partenaire de Meudon – des joueurs plutôt habitués à jouer en niveau Excellence – et un unique gardien. Face à une équipe lyonnaise au complet et soutenue par plus de 3 000 spectateurs à Charlemagne (à guichets fermés), la tâche des jeunes Normands s’annonce tout simplement insurmontable.
Lyon tue le suspense d’entrée
Le scénario attendu se dessine dès les premières minutes. Lyon asphyxie Rouen II dans sa zone, empêchant les Normands de se dégager. Leur seul moment de répit vient lorsque Soghomonian parvient à geler le palet de sa mitaine. Le portier se démène et retarde l’inévitable pendant plus de sept minutes, mais finit par céder : Chautant contourne la cage et trouve Tomko, esseulé au point d’engagement. D’un tir rasant, le Slovaque trouve le fond du filet (1-0, 07’18’’).
Robert dévie victorieusement un tir de Rama (2-0, 10’04’’), puis Chautant profite d’un mauvais changement de ligne des Normands pour partir seul et conclure du revers (3-0, 11’19’’). Andreacci enfonce encore un peu plus Rouen d’une reprise de volée plein axe (4-0, 16’08’’).
Avec quatre buts d’avance à la première pause, les Lyonnais ont assuré l’essentiel et évité toute frayeur inutile. Mais la rencontre tourne à la démonstration : Rouen, incapable de dépasser la ligne rouge, ne cadre que deux tirs dans la période. Et encore, l’addition aurait pu être plus salée sans les nombreux arrêts de Soghomonian… et l’aide précieuse de sa transversale, qui le sauve à deux reprises.
Et ça continue…
Les Lions poursuivent leur assaut : Franzino, servi par Tomko depuis l’arrière du filet, inscrit le 5-0 (20’56’’). Andreacci s’offre ensuite un doublé (6-0, 25’47’’). Damien Raux en profite pour remplacer Clément Ginier par le jeune Maxence Barbaret. À peine le temps d’annoncer le changement de gardien qu’Andreacci déborde et trouve Enzo Baravaglio, qui ajuste la lucarne (7-0, 26’01’’).
Dimitri Bogus, coach du soir des Dragons, prend alors un temps-mort pour tenter de remobiliser ses troupes. La décision porte ses fruits : sur leur première incursion en zone offensive, Bouvet-Canivet contourne la cage et transmet à Kebets plein axe, qui ne se pose pas de questions et réduit l’écart (7-1, 28’13’’).
Lyon réagit immédiatement : Franzino profite d’un rebond long après un tir de Robert pour creuser l’écart (8-1, 28’24’’). Anémique en saison régulière (10,0%), le jeu de puissance rouennais trouve pourtant la mire grâce à Kebets, précis du haut des cercles (8-2, 32’37’’). À la réception d’une passe tendue de Plantrou, Fondadouze conclut d’une reprise de volée (9-2, 36’01’’).
Le calice jusqu’à la lie
L’issue du match ne faisant plus aucun doute, on peut se demander ce qu’il va en être du 3e tiers : va-t-on assister à 20 minutes de remplissage ? Chautant ne semble pas rassasié et multiplie les occasions mais trouve Soghomonian sur sa route. Le portier résiste par deux fois en 1-contre-1 et se montre solide sur une reprise de volée du numéro 21 lyonnais. Malheureusement, il devra capituler lorsque Chautant est à la conclusion d’une triangulation menée par Andreacci et Enzo Baravaglio (10-2, 45’33’’). Usés par 45 minutes d’effort, les Rouennais ne parviennent plus à contenir les offensives et les buts s’enchaînent : Matteo Baravaglio (11-2, 46’33’’), Andreacci (12-2, 46’43’’) aggravent encore le score.
Malheureusement, le cauchemar de la réserve des Dragons n’est pas encore arrivé à son terme : Romain Ginier (13-2, 53’12’’) puis Robert (14-2, 53’12’’) marquent… en infériorité numérique. Dans les quatre dernières minutes, les Lions inscrivent cinq nouveaux buts par l’intermédiaire de Chautant, Andreacci (x2), Franzino et Guennelon, portant la marque finale à un score indécent et cruel – particulièrement pour le gardien Soghomonian, laissé seul face à la tempête et qui n’a pourtant rien à se reprocher – 19 à 2.
Commentaire : un non-match qui en dit long
Déséquilibrée sur le papier, la rencontre s’est soldée par un score digne d’un premier tour de Coupe de France entre équipes séparées de deux ou trois divisions. Sauf qu’il ne s’agissait pas d’un match anecdotique en semaine au mois d’octobre, mais bien d’une série de playoffs. On n’ira pas jusqu’à parler de championnat faussé, mais où était l’intérêt sportif d’un tel affrontement ?
Côté lyonnais, le manque d’opposition – sans faire injure aux 11 courageux Rouennais envoyés au casse-pipe – n’offre pas la meilleure préparation avant un quart de finale nettement plus relevé face à La Roche-sur-Yon. Côté rouennais, la priorité est ailleurs : une fois le maintien assuré, la D2 passe au second plan. Avec leurs U18 et U20 en demi-finale de leurs championnats respectifs et l’équipe Magnus en pleine bataille en quart de finale, le choix des Dragons est compréhensible, mais il met à mal le sérieux du championnat de Division 2.
Fallait-il pour autant annuler cette rencontre ? Pour Lyon, il n’était pas question de renoncer aux recettes d’un match à domicile, surtout à guichets fermés. Un argument parfaitement valable, d’autant qu’une pause forcée aurait compliqué la gestion du rythme de compétition, alors que les autres équipes étaient pleinement engagées dans l’intensité des playoffs. De son côté, Rouen s’exposait au minimum à une sanction financière en cas de forfait.
Alors, à qui la faute ? Certainement pas au LHC, qui subit la situation. Le problème était prévisible dès l’élaboration du calendrier : avec les équipes U18, U20, D2 et Magnus à leurs places « logiques », la pénurie de joueurs était inévitable du côté de Rouen. La situation n’est pas nouvelle puisqu’on la retrouve également du côté de Vaujany-Grenoble (ce qui n’a pas empêché les Grizzlys de remporter le titre en 2022). Quant à la FFHG, elle autorise la présence d’équipes réserves en D2, mais peut-elle vraiment faire autrement ? Difficile d’adapter le calendrier « à la carte », et encore, faudrait-il que les créneaux de glace dans les différentes patinoires le permettent.
Que restera-t-il de cette parodie de match ? Pas grand-chose. Un score qui finira noyé dans les archives, un article pour Hockey Archives. La plupart des spectateurs de Charlemagne auront simplement passé une bonne soirée, inversement proportionnelle à celle de la réserve des Dragons. Dès la semaine prochaine, place aux quarts de finale, et pour Lyon, l’attention est déjà tournée vers son duel face au HOGLY. Ce 8 mars 2025 ne restera qu’une anecdote, une péripétie de l’histoire du hockey… et c’est sans doute mieux ainsi.
Illustrations de Mark Holdefehr
Lyon – Rouen II 19-2 (4-0, 5-2, 10-0)
Samedi 8 mars 2025 à 19h30 à la patinoire Charlemagne. 3130 spectateurs (guichets fermés).
Arbitres : Florian Aurat et Stéphane Peronnin assistés de Enzo Pysniak et Tao Braud
Pénalités : Lyon 4’ (2’, 2’, 0’) ; Rouen 2’ (0’, 2’, 0’).
Évolution du score :
1-0 à 07’18’’ : Tomko assisté de Chautant et E. Baravaglio
2-0 à 10’04’’ : Robert assisté de Rama et Varjosaari
3-0 à 11’19’’ : Chautant assisté de Tomko
4-0 à 16’08’’ : Andreacci assisté de Chautant et Tomko
5-0 à 20’56’’ : Franzino assisté de Tomko et Chautant
6-0 à 25’47’’ : Andreacci assisté de Elabiev et E. Baravaglio
7-0 à 26’01’’ : E. Baravaglio assisté de Andreacci
7-1 à 28’13’’ : Kebets assisté de Bouvet-Canivet et Grandpierre
8-1 à 28’24’’ : Franzino assisté de Robert et Andraud
8-2 à 32’37’’ : Kebets assisté de Bouvet-Canivet (sup. num.)
9-2 à 36’01’’ : Fondadouze assisté de Plantrou et Guennelon
10-2 à 45’33’ : Chautant assisté de E. Baravaglio et Andreacci
11-2 à 46’33’’ : M. Baravaglio assisté de Plantrou et Guennelon
12-2 à 46’43’’ : Andreacci assisté de Chautant et E. Baravaglio
13-2 à 51’53’’ : Romain Ginier (inf. num.)
14-2 à 53’12’’ : Robert (inf. num.)
15-2 à 56’47’’ : Chautant assisté de Guennelon et Lamothe
16-2 à 56’56’’ : Andreacci assisté de Chautant
17-2 à 58’35’’ : Andreacci assisté de E. Baravaglio
18-2 à 59’19’’ : Franzino assisté de Rama
19-2 à 59’36’’ : Guennelon assisté de M. Baravaglio
Lyon
Attaquants :
Lucas Chautant (A) – Enzo Baravaglio – Rocco Andreacci
Benjamin Robert (2’) – Aloïs Franzino – Miska Varjosaari
Matteo Baravaglio – Flavien Fondadouze – Erwan Plantrou
Romain Ginier
Défenseurs :
Deni Elabiev – Slavomir Tomko (C)
Joris Rama (A) – Evan Andraud
William Lamothe (2’) – Clément Guennelon
Marcell Szélig
Gardien :
Clément Ginier puis Maxence Barbaret à 25’47’’
Absents : Ranel Vafin (blessé, bras), Sidney David-Thivent, Victor Fournier, Rémi Mouret, Damian Raczka, Xavier Carrichon, Pavel Alexandre Voitik
Rouen II
Attaquants :
Nicolas Ferreira (2′) – Jean Hervé (A) – Maxime Dordet (C)
Anton Kebets – Charles Grandpierre (A) – Noé Bretot
Défenseurs :
Eloi Bouvet-Canivet – Papys Da Sylva
Quentin Bricambert – Nils Rassat-Carlsson
Gardien :
Côme Soghomonian