- Pas le temps de tergiverser. 24 heures après la frustrante mais encourageante défaite face aux Lettons, les Bleus de Yorick Treille défient les Finlandais. Cette fois-ci, le public joue un rôle assez neutre dans la confrontation. Seulement voilà, la tâche, déjà lourde la veille, s’annonce encore plus ardue. Les Français devaient aller à la guerre, ils y sont allés, avec brio. Les enseignements de la veille ont bel et bien été identifiés par le staff de l’Équipe de France qui a permis à ses différents blocs de fermer un cœur du jeu qui leur a porté préjudice la veille. S’ils ont subi les foudres des Leijonat tout au long de la partie, les Bleus ont su épauler le jeune Antoine Keller, bien décidé à briller. Vous pouvez ainsi observer ci-dessous que rares sont les tirs finlandais érigés depuis l’enclave, c’est-à-dire, la zone en pointillés au fil des 2 premiers actes de cette partie. N’ayez pas de doute : les tirs déclenchés depuis l’enclave dans le 3e tiers l’ont été au cours des 5 dernières minutes de cette rencontre, ce qui illustre bien tout l’intérêt pour les coéquipiers de Pierre-Édouard Bellemare de verrouiller ce secteur du jeu. Un secteur du jeu dans lequel ils auront connu de la réussite de l’autre côté du glaçon, 6 de leurs 18 tirs ayant été adressés depuis cette même zone pour 2 buts. Voilà un indicateur de satisfaction pour des français en quête d’un maintien dans l’élite.
Bozon or not Bozon
Si l’analyse textuelle voudrait que l’on témoigne d’une domination finlandaise et que l’on valorise un premier acte au cours duquel les Bleus ont su faire le dos rond, force est de constater que les Bleus ont, pendant près de 58 minutes, rendu une copie presque parfaite. Outrageusement dominés dans le jeu, les coéquipiers de Louis Boudon ont été les plus forts au hockey, ou du moins dans le réalisme que celui-ci exige au plus haut niveau. Gratifiés d’un petit 0,1xG après 20 minutes, bien loin du 1,187 affiché par la Finlande, ce sont pourtant bien eux qui frappèrent les premiers. Une entrée en zone de Tim Bozon, qui affirme une fois de plus son importance dans cet aspect du jeu, une tentative lointaine de Spinozzi et un travail de sape signé Kévin Bozon, voilà que les Bleus marquent sur leur troisième chance de but (xG supérieur à 0,05). selon le modèle Magnus Corsi.
De l’autre côté du glaçon, Antoine Keller, décidément dans un grand soir, repousse 8 chances de but adverses avant de plier sur une tentative lointaine de Teräväinen, valorisée à 0,005 xG, où le trafic aura fait la différence. La domination des Lions (Leijonat) se dessine plus nettement au fil des minutes, l’écart entre les deux courbes dynamiques se creusant, le score n’évoluant guère, les deux gardiens trouvant leur rythme de croisière. Critiqué à maintes reprises la veille, Tim Bozon semble se muer en homme providentiel, s’offrant un deuxième but en élite au terme d’un jeu de puissance ronronnant mais performant (50% après 2 matchs). Les Bleus sont statistiquement en mesure de réaliser un hold-up. Celui-ci se confirmait après le but en cage vide signé Jordann Perret mais Eeli Tolvanen envoyait les deux formations en prolongation, transformant son xG personnel de 0,58 en deux buts en l’espace de deux minutes, profitant des errances de dernière minute citées plus tôt. Le sport a ses raisons que les statistiques ignorent mais les chiffres collectifs, tous en faveur des nordiques, illustrent parfaitement la dynamique de la rencontre et d’une fin de match qui échappe aux Bleus. Le récital se transforme peu à peu en apprentissage du très haut niveau pour Yorick Treille et les siens. L’enclave, fermée alors, s’offrait à des Lions qui n’attendaient que ça : Pärssinen clouait la soirée d’un tir entre les jambières de Keller après une incursion dans une défensive bleue aux jambes bétonnées.
Un léger manque de profondeur ?
Il n’y a, en soi, rien de surprenant à voir un premier bloc être sous la lumière des projecteurs, y compris au regard de la data. Seulement voilà, La scission va en se creusant. Après France-Lettonie, il n’y avait qu’un faible écart entre les deux voir trois premiers blocs dans tous les secteurs du jeu analysés par nos soins. Après ce match face à la Finlande, la dynamique de la veille se confirme : La ligne de Perret & Bellemare complétée hier par Fabre, aujourd’hui par Bozon, tire les performances des tricolores. 60% des chances de but, 67% des courses aux impairs, 28% des tirs bloqués mais aussi et surtout 66% du total des expected goals des Bleus pour 3 des 4 buts marqués… On peut parler de domination.
C’est à coup sûr l’un des chantiers qui s’offre à Yorick Treille, Cristobal Huet et consorts : trouver un alignement qui puisse permettre à la France d’être un danger plus linéaire et plus constant. Car si l’heure est aux regrets après ces deux premiers matchs, il y a pour les Bleus matière à progresser… et à s’offrir le droit de rêver ! Oui. Les Bleus version 2025 sont à ce jour une vraie satisfaction, alors il faut d’ores et déjà identifier leur marge de progression. Bien que peu mis en évidence par les expected goals, Louis Boudon a rempli son rôle à merveille. Constant dans le jeu, il a confirmé les espoirs placés en lui au centre d’un deuxième trio qui a peiné à se trouver. Seulement voilà : si les expérimentés Rech et Bertrand n’ont pas démérité, il va sans dire que l’ajout d’un Alexandre Texier pourrait venir combler ce manque de profondeur offensive.
Le sélectionneur le dit volontairement : il n’y a pas de star dans cette équipe mais beaucoup de travailleurs. Il va sans dire que le travail abattu par l’ensemble de l’alignement y est pour beaucoup dans les résultats encourageants jusqu’ici mais les Bleus ne paieraient-ils pas les efforts en fin de match ? En tout cas, ils ont été privés de tentative dans les 2 dernières minutes du temps réglementaire ainsi qu’en prolongation, ont vu leur taux de revirements monter à près de 3 par minute et n’ont plus réussi la moindre entrée en zone offensive dans ce même laps de temps… Voilà les indicateurs qu’il faudra désormais observer pour se faire une idée de la progression de ce groupe France.
Keller, la révélation ?
Quelle première ! Quelle saison pour le prospect des Washington Capitals. De retour sur le vieux continent après une saison en LHJMQ (Canada), Antoine Keller a connu une saison difficile du côté de Lausanne. Pour autant, il pourrait bien être, à l’instar de Quentin Papillon l’an passé, se muer en la révélation du Mondial côté bleu. Oui, nous nous emballons un peu mais il faut bien rendre à César ce qui est à César. Propulsé devant le filet tricolore dans un match important, qui plus est pour sa première en championnat du monde Élite, Antoine Keller a répondu présent. Fort de 37 arrêts (et non 47 comme l’indique l’IIHF), le jeune homme de 20 ans a longtemps porté les espoirs des siens avant de plier dans un money time où sa défense a payé les efforts consentis plus tôt dans la partie. Pour autant, il donne la réplique à son opposant du soir, Emil Larmi. Notre modèle statistique illustre une légère faiblesse côté mitaine, qu’il nous semble important de modérer. Au-delà du but de Teräväinen où il ne peut que constater que le palet l’a dépassé, totalement masqué par une forêt de corps dans son champ de vision, il ne peut guère agir sur l’autre réalisation finlandaise de ce côté, le rebond lui échappant de peu.
Il aura en tout cas donné la réplique avec brio à Emil Larmi, absorbant les rebonds, anticipant le trafic devant son but et jouant d’un calme olympien, loin d’être absorbé par la pression d’une telle rencontre. A-t-il définitivement hérité de la place d’un Julian Junca en délicatesse sous le chandail tricolore ? Reste à savoir si la rotation devant le filet bleu est assurée.
Comme hier, nous vous proposons de conclure ce récapitulatif par l’analyse des entrées en zone offensives. Sans grande surprise, la tendance observée la veille se confirme après ce deuxième match : les Bleus entrent plus facilement du côté droit de la glace mais peinent à défendre ce même côté du glaçon. Seulement voilà, l’échantillon offensif n’est pas aussi vaste que l’échantillon défensif, la faute à un match dominé de la tête et des épaules par la Finlande. À l’image de la veille, Tim Bozon a permis aux Bleus de confirmer leurs rares excursions offensives : 6 de ses 7 entrées en zone ont été réussies, 4 ayant abouti sur une occasion de but (soit 40% du total tricolore) et 1 but, celui de son frère, Kévin.
Défensivement, les Bleus ont concédé plus de tentatives mais légèrement moins d’entrées en zone, (54 contre 57 face à la Lettonie) et ont réussi à fermer le centre du jeu, que nous vous évoquions comme un point clé pour la suite de la compétition. Le point de progression identifiable dans ce début de tendance est le suivant : les défenses adverses ne sont pas surprises par les tentatives d’entrée par la bande, si clairement inscrites dans le jeu offensif du hockey français (club & sélection). Yorick Treille et ses adjoints devront donc dessiner de nouveaux systèmes en zone neutre pour permettre à leur offensive de trouver un second souffle qui trouve écho dans le danger imposé par les trois autres blocs, comme cités précédemment.
Bonheur dans son malheur, la France défiera le Canada, mardi. Bien que glaner un point face à l’ogre à la feuille d’érable semble mission quasi-impossible, les soixante minutes qui vont s’offrir à eux pourraient bien être l’occasion pour les hommes de Pierre-Édouard Bellemare de travailler sur les points de progression identifiés par le staff afin d’aborder les confrontations suivantes plus prêts que jamais. Canada-France, mardi 13 mai à 20h20. Nous, on vous donne rendez-vous mercredi en amont de Slovaquie-France pour la suite de nos analyses statistiques.