De nouveau réunis dans le même groupe qu’en 2014, Russie (plutôt « athlètes olympiques de Russie ») et Slovaquie ouvrent le bal olympique 2018 chacune avec un statut bien différent : celui de gros favori pour l’équipe d’Oleg Znarok, qui présente en Corée du sud les noms les plus ronflants, et celui – désormais – de petite formation tenu par la Double-Croix, tombée en disgrâce au niveau international après des prestations calamiteuses (avant-dernière des précédents Jeux, 14e des derniers Mondiaux).
Miroslav Šatan, capitaine de la Zlatá generácia devenu cet été manager de la Slovaquie, a composé avec Craig Ramsay un effectif qui n’inspire que peu d’enthousiasme sous les Tatras. Hormis quelques cadres (Tomáš Surový, Ladislav Nagy, Dominik Graňák ou Tomáš Starosta), les joueurs, qui viennent majoritairement des Extraligas tchèques et slovaques, évoquent peu de choses au grand public et n’ont que très peu d’expérience des grands rendez-vous. La préparation a certes été convaincante, mais la combativité et la fraîcheur que vante Šatan suffiront-elles pour rivaliser, sinon éviter le ridicule, avec une équipe russe dont l’ossature, à l’exception de deux joueurs, est issue des deux plus gros clubs de KHL, le SKA et le CSKA ?
Une entame russe tonitruante… finalement vaine
Les choses ne pouvait pas plus mal débuter pour la Double-Croix. Les fantômes de Sotchi et de la déroute en ouverture contre les Américains refont surface au bout de cinq minutes de jeu seulement lorsqu’après une entame très active les Russes mènent déjà 2-0 : Vladislav Gavrikov d’une puissante frappe envoyée dans l’axe (0-1, 2’54) puis Kirill Kaprizov, entre les deux cercles, en reprenant au vol le tir de Nikolai Gusev (2-0, 4’08). Les bleus se montrent incapables de dépasser la zone neutre et sont souvent contraints d’envoyer le palet en dégagement interdit pour éviter l’asphyxie.
La sélection russe poursuit son travail de rouleau-compresseur et maintient parfaitement son adversaire la tête sous l’eau. Branislav Konrád contient avec fébrilité un palet capricieux de Sergei Mozyakin (9’38). Le gardien slovaque, dont la titularisation aux dépens de Ján Laco a quelque peu surpris, a du pain sur la planche pendant la première infériorité numérique : il repousse du bout de son patin droit la tentative pourtant un peu molle de Gusev (12’25).
Il faut attendre les cinq dernières minutes du premier acte pour enfin voir les Slovaques sortir durablement de leur camp. Marek Ďaloga puis Miloš Bubela vérifient les bons réflexes de Vasili Koshechkin, lequel fournit ses premiers efforts de la rencontre (15’39). Peut-être l’illustre portier du Metallurg Magnitogorsk manque-t-il justement d’exercice lorsque Peter Ölvecký, parti en break-away, se présente dans le cercle droit… Quoi qu’il en soit, l’attaquant du Dukla Trenčín réduit le score en faisant passer la rondelle entre les jambes du gardien russe (1-2, 16’05). Martin Bakoš transforme dans la lucarne droite une nouvelle contre-attaque, et voilà les compteurs remis à zéro contre le cours du jeu (2-2, 17’55).
Datsyuk & Co se cassent les dents sur Konrád
Les ouailles d’Oleg Znarok commencent la deuxième période en power-play. Pavel Datsyuk ne peut mieux faire que de conclure un joli mouvement sur le poteau gauche de Konrád, battu sur le coup (21’30). Son camarade de ligne Mozyakin n’est pas loin non plus de trouver la faille dans le slot mais le dernier rempart d’Olomouc détourne efficacement du bras droit (21’50). À forces de nouveau égales, le capitaine russe repart à l’abordage mais, après un beau slalom dans la défense slovaque, il manque d’espace pour ajuster son revers (25’17). Comme surpris par l’aubaine, Mikhail Grigorenko manque de réactivité devant la cage grande ouverte après une situation cafouilleuse dans l’enclave (30’01). Enfin, c’est au tour d’Ilya Kovalchuk de voir sa puissante reprise bloquée par Konrád (31’20). La « Sbornaya olympique » pourra se mordre les doigts d’avoir gâché autant de munitions !
Car, l’orage passé, la Slovaquie reprend du poil de la bête et monte progressivement en puissance. Elle obtient d’ailleurs sa première supériorité mais à peine Marcel Haščák a-t-il le temps de menacer Koshechkin sur une belle combinaison jouée avec Bubela qu’il se rend coupable d’un cinglage sur Nikita Nesterov. Qu’à cela ne tienne, Ďaloga remonte tout le terrain et vient provoquer le gardien russe. Ss’il rate de peu le coche, il redonne l’avantage numérique aux siens car Sergei Kalinin l’a fait trébucher en fin de course (38’38). Les blancs ne sont plus dominateurs et montrent des signes de nervosité. Contre toute attente, l’équipe de Craig Ramsay s’avère être un gros caillou dans la chaussure…
La Slovaquie se rachète déjà de Sotchi
Le troisième opus est marqué par une succession de fautes de part et d’autre mais les jeux de puissance sont d’abord galvaudés par des transmissions imprécises et des tirs mal cadrés. La baisse de régime russe et le regain offensif slovaque équilibrent la rencontre. Le puck circule d’un camp à l’autre et il est bien difficile désormais de prédire de quel côté la victoire va pencher. Vyacheslav Voynov s’échappe mais Bubela revient sur lui et bloque sa frappe (55’28). Ivan Telegin file en prison pour retard de jeu et la Slovaquie, pour la première fois du match, passe en tête au tableau d’affichage grâce à la bombe envoyée dans l’axe par Peter Čerešňák (3-2, 48’30).
L’égalisation avait déjà offert son lot d’émotions alors que la situation était plus que mal embarquée pour les joueurs des Tatras. Ce troisième but électrise bien plus les tribunes et les suiveurs : les Russes, grands favoris à la médaille d’or, vont devoir sortir le grand jeu pour éviter une déconvenue dès l’ouverture du tournoi ! Ils bénéficient dans leur entreprise de deux jeux de puissance successifs mais jouent avec le feu en laissant plus d’espaces à l’arrière. Lukáš Cingeľ, à gauche, remet au centre pour Patrik Lamper et il faut un grand numéro de Koshechkin pour éviter d’encaisser en infériorité (53’14). Le même Lamper bloque un tir russe et file en break-away mais trouve le plastron du portier russe en bout de course, alors que les siens évoluent toujours à un de moins sur la glace (55’38).
L’assaut de Kovalchuk, qui finit dans le petit filet droit alors que Konrád était en retard sur son repli, est le chant du cygne de la Russie (57’20). La faute d’Alexei Marchenko sur Andrej Kurdna le long de la bande (58’35) sonne la fin des espoirs russes d’accrocher la prolongation et ce malgré que Kosechkin ait déserté sa cage dans les ultimes secondes d’une rencontre qui rebat déjà toutes les cartes de la poule B. Avec ce succès retentissant en ouverture, la Slovaquie fait non seulement déjà mieux qu’à Sotchi où elle n’avait glané qu’un malheureux point (contre ces mêmes Russes) mais, compte-tenu du résultat du match parallèle entre les États-Unis et la Slovénie, peut nourrir des ambitions légitimes de quart-de-finale.
Réactions d’après-match
Craig Ramsay (entraîneur de la Slovaquie) : « Ce fut vraiment exigeant d’obtenir cette victoire, surtout dans le fait d’avoir été rapidement menés 2-0 contre une équipe de qualité comme peut l’être la Russie. Il restait toutefois beaucoup de temps avant la fin. Il est toujours possible d’inverser une situation compliquée. La dévotion de mes joueurs a été prépondérante, ils n’ont jamais baissé les bras, ils se sont jetés sur les tirs et en ont bloqués beaucoup. On a joué comme une équipe. Je leur ai dit avec insistance que s’ils ne croyaient pas en eux, ils ne pourraient pas l’emporter. Je suis fier d’eux, nous pouvons être satisfaits. C’est seulement le début du tournoi mais nous sommes persuadés que nous pouvons rééditer ce genre de performances lors des prochaines rencontres. »
Branislav Konrád (gardien de la Slovaquie) : « Un but, puis de suite un second… Ça met un coup derrière la tête ! Mais je me suis dit qui fallait tenir le plus longtemps possible sans encaisser de nouveau. (…) Les joueurs ont bloqué une quantité de tirs devant moi, un grand mérite leur revient. Čerešňák a peut-être mis un but contre son camp (ndlr : il dévie le premier but russe) mais il a ensuite bloqué cinq ou six frappes et en plus il marque le but de la victoire. Je ne me suis pas du tout dit que c’était plié après les deux premiers buts. Je me suis senti bien toute la journée et pendant le match, je me suis efforcé de me concentrer sur moi-même et sur les tirs. »
Ilya Kovalchuk (attaquant de la Russie) : « On a mal joué mais je reste convaincu que l’on va s’améliorer. Il faut retenir la leçon. Dans l’autre match, les Slovènes ont battu les Américains, cela veut donc dire que le groupe est équilibré et que chacun peut battre les autres. Nous devons bien nous préparer et améliorer nos jeux de puissance. Nous nous sommes créé beaucoup d’occasions mais le gardien slovaque a été excellent. Les Slovaques ont été tout simplement meilleurs que nous. »
Slovaquie – Athlètes olympiques de Russie 3-2 (2-2,0-0,1-0)
Mercredi 14 février 2018 à 13h10 au Centre de hockey de Gangneung. 4025 spectateurs
Arbitrage de Brett Iverson (CAN) et Aleksi Rantala (FIN) assistés de Vít Lederer (TCH) et Nathan Vanoosten (CAN)
Pénalités : Slovaquie 12′ (4′, 2′, 6′) ; Athlètes olympiques de Russie 10 (0′, 4′, 6′)
Tirs : Slovaquie 19 (4, 8, 7) ; Athlètes olympiques de Russie 22 (8, 9, 5)
Évolution du score :
0-1 à 02’54 » : Gavrikov assisté de Voynov et Shirokov
0-2 à 04’08 » : Kaprizov assisté de Gusev
1-2 à 16’05 » : Ölvecký assisté de Graňák
2-2 à 17’55 » : Bakoš
3-2 à 48’30 » : Čerešňák assisté de Haščák et Bakoš (sup. num.)
Slovaquie
Attaquants :
Ladislav Nagy (A) – Tomáš Surový (C) – Andrej Kudrna
Martin Bakoš (+1) – Miloš Bubela – Marcel Haščák (2′)
Matej Paulovič (+1) – Michal Krištof – Peter Ölvecký
Patrik Lamper (-1) – Tomáš Marcinko (2′, -1) –Lukáš Cingeľ (2′)
Marek Hovorka
Défenseurs :
Michal Čajkovský (2’+2′, +1) – Tomáš Starosta
Peter Čerešňák (2′) – Dominik Graňák (A)
Juraj Valach – Marek Ďaloga
Ivan Baranka (-1)
Gardien :
Branislav Konrád
Remplaçant : Ján Laco (G). En réserve : Patrik Rybár (G), Juraj Mikuš (D), Matúš Sukeľ (A).
Athlètes olympiques de Russie
Attaquants :
Ilya Kovalchuk (A) – Pavel Datsyuk (C) – Sergei Mozyakin (-1)
Kirill Kaprizov – Vadim Shipachyov – Nikita Gusev
Aleksandr Barabanov (2′) – Nikolai Prokhorkin – Sergei Shirokov (+1)
Sergei Kalinin (2′) – Sergei Andronov (A) – Ivan Telegin (2′)
Mikhail Grigorenko
Défenseurs :
Vyacheslav Voynov (2′, +2) – Vladislav Gavrikov (+2)
Aleksei Marchenko (2′, -2) – Nikita Nesterov (-1)
Artyom Zub – Andrei Zubarev
Bogdan Kiselevich (-1)
Gardien :
Vasili Koshechkin [sorti de 58’49 » à 59’00 » puis de 59’06 » à 60’00 »]
Remplaçant : Ilya Sorokin (G). En réserve : Igor Shestyorkin (G), Yegor Yakovlev (D), Ilya Kablukov (A).