Arrivés avec le plein de confiance, les Tchèques ont connu un début de championnat du monde décevant et craignent de vivre encore une désillusion. Kari Jalonen doit éviter que le doute ne s’installe. Si ça ne fonctionne pas avec le nouvel entraîneur finlandais, une profonde dépression risque de s’installer. Il n’y aura plus d’excuses possibles, car Jalonen a le meilleur matériel en disposition. Après une petite incertitude, parce qu’il avait joué malgré la douleur en play-offs NHL, David Pastrňák a confirmé son arrivée. C’est le joueur majeur, qui a reçu cinq fois la crosse d’or de hockeyeur tchèque de l’année.
On en arrive à une situation paradoxale : alors que la Suède a laissé plein de places libres en jouant à trois lignes et n’essuie que des refus, les Tchèques ont l’embarras du choix car leurs joueurs sont prêts à venir ! Il a fallu choisir pour la dernière place en attaque – dans un rôle plus défensif de complément – entre David Kämpf et Tomáš Nosek. Le manager Petr Nedvěd a expliqué son choix : « Ce sont des joueurs similaires, ils ont un rôle similaire. Mais cette saison David Kämpf a eu plus de temps de jeu à Toronto, il a joué un grand rôle pour eux. Cela a probablement dicté notre réflexion. »
Mais la situation est plus compliquée en attaque à court terme. Dominik Simon, autre attaquant de NHL, est en effet rentré chez lui pour un « problème personnel très sensible », selon les mots du staff tchèque qui a indiqué respecter sa vie privée. Il n’y a donc plus que 11 attaquants pour le match contre l’Autriche, avant les deux jokers. Cela n’aide pas la stabilisation des lignes offensives dont la réorganisation avait été annoncée. Casse-tête supplémentaire, le premier trio Červenka-Krejčí-Blümel est le seul à fonctionner parfaitement… mais il risque d’être remis en cause par l’arrivée de Pastrňák.
La ligne à réformer d’urgence est celle de Tomáš Hertl, qui s’est livré à une auto-critique pleine de maturité et de responsabilité après la défaite face à la Suède. Avec un attaquant en moins, c’est l’occasion de tester plusieurs ailiers. À la huitième minute, on peut croire au déclic : Tomáš Kundrátek lance de la bleue et Matěj Stránský transforme le rebond du revers, mais Starkbaum est alors sur le dos, déséquilibré par un croc-en-jambe de Hertl dans la zone du gardien. L’entraîneur autrichien Roger Bader utilise son « challenge » est le but est logiquement refusé.
Les Autrichiens commencent à faire connaissance avec le banc de la prison (cross-check de Wolf et palet au-dessus de plexi de Lebler). Sur la seconde supériorité numérique, Jakub Vrána – à zéro point comme Hertl – est proche du déblocage : il effectue une belle passe transversale pour Filip Hronek qui reprend… sur le poteau. Pour son premier match, le joker défensif tchèque Michal Kempný prend la première pénalité de son équipe, une crosse haute ! L’Autriche aligne à la pointe Clemens Unterweger – lui aussi aligné pour la première fois du tournoi car il soignait jusqu’ici une blessure – mais ne reste pas installée bien longtemps.
Et finalement, qui marque au retour à 5 contre 5 ? Toujours les mêmes ! Le seul changement, c’est qu’après 6 assists, Roman Červenka inscrit son premier but – photo ci-dessous – sur passe en retrait de Blümel. Un grand mérite en revient au défenseur Tomáš Kundrátek, qui a sorti le palet de la bande où trois Autrichiens s’étaient commis face à deux joueurs. C’est Unterweger qui a quitté sa position pour aller en surnombre dans la bande (1-0).
Ce premier but paraît extrêmement important pour les Tchèques face à une équipe d’Autriche très bien organisée défensivement, qui bloque l’accès à son enclave. Sur le plan offensif, en revanche, Ralph Bader a ses problèmes qui dépassent ceux des Tchèques. Le forfait de Gregor Baumgartner avait été communiqué, mais on a la surprise de voir que le capitaine Thomas Raffl manque aussi à l’appel. Il est apparemment ménagé pour l’enchaînement de rencontres qui arrive. Les Autrichiens n’ont donc eux aussi que 11 attaquants. Le manque est compensé par le défenseur Nico Brunner qui joue à l’avant.
Cela semble donc le match idéal pour redonner confiance au gardien tchèque Karel Vejmelka. Sa première apparition en championnat du monde avait été catastrophique avec une sortie à mi-match contre la Suède après quatre buts encaissés. Il est titularisé une seconde fois… parce que Lukáš Dostál est blessé ! Aujourd’hui, il reçoit juste assez de tirs pour rester chaud, mais souvent en position éloignée et excentrée, sans véritable menace.
Entre des Tchèques qui jouent sans rythme et des Autrichiens limités offensivement, le score – et le match – restent bloqués pendant deux tiers-temps. On en vient à se demander si l’Autriche réussira à sortir son gardien… mais elle le fait à une minute de la fin en parvenant à s’installer en zone offensive. Un slap puissant de Dominique Heinrich est difficilement repoussé de l’épaule gauche par Vejmelka. Le chasseur de slot Brian Lebler s’empare du rebond et pousse le palet vers le but d’un mouvement très net du patin qui vaudrait un but invalidé… sauf que ce mouvement est juste assez retenu pour que le palet avance à la force voulue et que la crosse de Lebler le re-touche juste avant de franchir la ligne de but ! Une égalisation venue de nulle part, que les arbitres confirment après appel à la vidéo (1-1, photo ci-dessous).
Ceux qui espèrent que la prolongation à 3 contre 3 amènera enfin du spectacle – le grand absent de ce match – seront déçus. Filip Hronek passe son temps à faire demi-tour en constatant qu’il a un vis-à-vis à chaque fois qu’il avance en zone neutre. Les Tchèques ont le palet 90% du temps et finissent par s’installer un peu plus. Revenu sur la glace, Hronek repique à la cage pour recevoir, seul devant le gardien, une passe géniale de David Krejčí depuis la ligne bleue. Il rate un peu son contrôle, ce que ne rattrape pas une tentative de tir entre ses jambes qui fait plutôt figure de dernier recours que de geste d’artiste (photo ci-dessous).
Tomáš Hertl, qui avait dit vouloir mieux aider son équipe, rate le cadre sur son premier pénalty. Pour le consoler, les suivants ne font pas mieux. La tentative de Kasper est paré du gant par Vejmelka, et le tir de Roman Červenka par le bouclier de Starkbaum. Le capitaine remplaçant autrichien Ganahl se laisse emporter par sa feinte. Blümel la réussit un peu mieux mais son revers échoue dans la botte de Starkbaum.
Arrive Peter Schneider, un joueur autrichien qui parle tchèque parce qu’il a passé plusieurs années dans ce pays dans sa jeunesse ! Il semble perdre de la vitesse en multipliant les feintes, mais ça passe, avec un revers poteau rentrant (photo ci-dessous). Starkbaum suit bien le mouvement de Smejkal et arrête du gant. Heinrich est tout proche de faire exulter l’Autriche mais son tir frappe la barre et retombe devant la ligne. Cela ne retarde la fête que de quelques secondes. Le vétéran Krejčí s’élance, arme un gros slap… qui manque largement le cadre ! Même lui !
La dernière fois que les Tchèques avaient perdu contre l’Autriche, c’était… aux championnats d’Europe 1932 ! C’est donc bien un exploit historique qui vient de se dérouler. Le système défensif de Roger Bader a fonctionné à la perfection et les favoris s’y sont laissé prendre en croyant que le 1-0 suffirait.
Les Autrichiens ont 3 points au compteur après avoir affronté trois des favoris. Et si cette équipe repêchée venait se mêler à la course aux quarts de finale ? Avant de rêver, elle devra digérer l’exploit du jour pour rejouer demain après-midi un match capital face à la Norvège. Un match qui dira si elle jouera la relégation ou si elle sera l’équipe-surprise du Mondial.
Quant aux Tchèques, c’est un sentiment de déjà-vu. La différence est la « pensée positive » de Jalonen, qui pourrait toutefois avoir ses limites. Pastrňák va arriver dans une équipe en crise, qui a normalement encore le temps de travailler avec un jour de repos entre chaque match et des adversaires abordables (Lettonie jeudi, Norvège samedi). En tout cas, c’est ce qu’on disait de ce passage de son calendrier. Mais l’Autriche était justement censée être un adversaire abordable…
Désignés joueurs du match : Hynek Zohorna pour la Tchéquie et Bernhard Starkbaum pour l’Autriche.
Commentaires d’après-match :
Manuel Ganahl (capitaine du jour de l’Autriche) : « C’est déjà énorme pour nous de prendre un point contre les États-Unis. Cela nous a donné un boost de confiance et nous voulons le prolonger. Nous étions vraiment concentrés aujourd’hui. Nous avons vraiment bien joué notre 1-2-2 et nous sommes si heureux de remporter enfin une victoire contre les Tchèques. »
Roger Bader (entraîneur de l’Autriche) : « C’est quelque chose de très spécial pour nous. L’Autriche bat une équipe qui joue normalement pour les médailles aux championnats du monde. Nous allons jouer quatre matches en cinq jours, donc nous avons plus joué une trappe. Normalement nous forecheckons plus mais je pense que nous avons un bon mix. »
Kari Jalonen (entraîneur de la Tchéquie) : « Tout le monde est évidemment très déçu, ce n’est pas un secret. Si on ne convertit pas nos occasions, des choses comme ça arrivent à la fin. Nous avons eu environ 14 occasions, mais nous avons marqué seulement un but. Tout le monde a donné son meilleur aujourd’hui. Nous sommes une équipe, nous gagnons et perdons ensemble. C’est le plus important. J’essaie de rester positif. Nous avons un point, j’espère qu’il nous aidera à finir dans les quatre premiers. Non, je ne veux pas emprunter cette voie [élever la voix]. Je ne crois pas que, si l’on crie sur quelqu’un, il jouera mieux. La ligne de Krejčí travaille dur et s’entend bien. Nous devons nous concentrer sur comment obtenir plus de la ligne de Hertl. Deux nouveaux joueurs vont arriver, nous les attentions. Ensuite nous ferons un plan. »
Matěj Blümel (attaquant de la Tchéquie) : « Si on a reçu une gifle contre les Suédois, maintenant on a pris un boulet de canon. Il est temps pour chacun d’entre nous d’appeler à sa conscience et de rejouer dans sa tête ce qu’il peut faire de mieux. Il me semble que nous avons largement dominé les Autrichiens dans les deux premiers matches de préparation. C’était un peu moins vrai à Ostrava et aujourd’hui c’était un match équilibré. Si on veut ramener la République tchèque où elle doit être en hockey, on ne peut pas jouer un match pareil contre l’Autriche. Nous ne nous sommes pas assez poussés vers la cage. Pour moi, nous voulions marquer de beaux buts, ce qui n’était pas possible parce qu’ils avaient une boîte compacte et jouaient à cinq devant leur but. »
Tchéquie – Autriche 1-1 (1-0, 0-0, 0-1, 0-0) / 0-1 aux tirs au but
Mardi 16 mai 2022 à 16h20 à la Nokia Arena de Tampere. 3264 spectateurs.
Arbitres : Mads Frandsen (DAN) et Mikael Nord (SUE) assistés de Nicolas Constantineau (FRA) et Andreas Krøyer Weise (DAN).
Pénalités : Tchéquie 4′ (2′, 0′, 2′, 0′), Autriche 4′ (4′, 0′, 0′, 0′).
Tirs : Tchéquie 25 (6, 10, 6, 3), Autriche 19 (5, 7, 6, 0).
Évolution du score :
1-0 à 17’59 : Červenka assisté de Blümel et Kundrátek
1-1 à 59’22 : Lebler assisté de Heinrich et Schneider
Tirs au but :
Tchéquie : Hertl (à côté), Červenka (arrêté), Blümel (arrêté), Smejkal (arrêté), Krejčí (à côté).
Autriche : Kasper (arrêté), Ganahl (manqué), Schneider (réussi), Heinrich (transversale).
République Tchèque
Attaquants :
Roman Červenka (C, 2′) – David Krejčí (A) – Matěj Blümel
Hynek Zohorna – Tomáš Hertl – Jakub Vrána
Jiří Smejkal – Jiří Černoch – Matěj Stránský
Jakub Flek – Michael Špaček – [Zohorna]
Défenseurs :
Michal Kempný (2′) – Filip Hronek
Jan Ščotka (A, -1) – Tomáš Kundrátek
Radim Simek – David Jiříček
David Sklenička (+1) – Michal Jordán
Gardien :
Karel Vejmelka
Remplaçant : Marek Langhamer (G). En réserve : Lukáš Dostál (G, blessure mineure). Parti : Dominik Simon (raisons personnelles). Pas encore arrivés : David Pastrňák, David Kämpf.
Autriche
Attaquants :
Marco Kasper – Lukas Haudum – Brian Lebler (2′)
Paul Huber – Benjamin Nissner – Peter Schneider (A, +1)
Manuel Ganahl (C) – Ali Wukovits – Nico Feldner
Simeon Schwinger – Oliver Achermann – Nico Brunner
Défenseurs :
Clemens Unterweger (-1) – David Maier
Dominique Heinrich (A, +1) – Kilian Zündel
Dominic Hackl – Bernd Wolf (2′)
Philipp Wimmer – Erik Kirchschläger
Gardien :
Bernhard Starkbaum
Remplaçant : David Madlener (G). En réserve : David Kickert (G), Thomas Raffl (A, blessé). Parti : Benjamin Baumgartner (A, blessé).