Une année s’est écoulée depuis notre dernier article sur les projets de patinoire en France. C’est l’occasion de continuer notre suivi de ces villes où se joue l’avenir de la pratique du hockey sur glace dans notre pays.
Comme nous parlions du Beauvais Hockey Club la dernière fois, saluons sa première inscription dans le trophée Loisirs : les « Bellovaques » rassemblent des joueurs ayant commencé le hockey à l’ouverture de la patinoire (en 2020), des anciens du roller et quelques joueurs ayant pratiqué en compétition. C’est le cas du capitaine Rémi Feuillet, formé à Amiens et ayant joué à Compiègne en D3 et brièvement en D2. La patinoire beauvaisienne n’a toujours pas de balustrades aux normes pour pratiquer le hockey au-delà de la catégorie des moins de 13 ans (ou en loisirs).
Il faut bien avouer que l’on était très inquiet à l’idée du contenu de ce nouveau point patinoires, à l’idée de n’annoncer que des mauvaises nouvelles. L’énorme inflation des coûts de l’électricité cet hiver a placé beaucoup de collectivités locales dans une situation très compliquée et les patinoires risquaient d’être sacrifiées. La fédération a bien compris le danger et il n’y a plus de conférence de presse du président de la FFHG Pierre-Yves Gerbeau sans qu’il évoque la possibilité de construire des patinoires au bilan écologique exemplaire.
Fermetures – provisoires – pas si nombreuses
Notre bilan sera plus mesuré. Quand tout le monde a soudain pris conscience du sujet des prix de l’énergie à la rentrée, on se demandait si certains ne devraient pas abandonner la compétition faute de glace cette saison. Tous les clubs engagés dans les championnats seniors peuvent toujours pratiquer à ce jour, et même dans le hockey mineur (en ne comptant pas Colombes annoncé en juin), on n’a recensé qu’une fermeture soudaine, à Castres. La décision y a été brutale : courrier mi-septembre pour annoncer le report aux clubs, alors qu’ils s’apprêtaient à lancer leur saison, puis décision des élus en octobre de ne pas la rouvrir. Toutefois, la communauté d’agglomération profite de cette fermeture pour lancer des travaux sur les équipements de sécurité et sur l’amélioration énergétique. La patinoire tarnaise est donc censée rouvrir à la rentrée prochaine.
Quant aux très médiatisées fermetures unilatérales de certaines piscines et de patinoires exploitées par Vert Marine à la rentrée, elles n’ont pas duré. Celle de Champigny-sur-Marne a finalement réouvert un mois plus tard, début octobre.
On n’est toujours pas à l’abri d’une fermeture soudaine. Ce fut le cas à Laon, avec une décision prise quatre jours avant Noël et effective au Nouvel An. Cette patinoire du Dôme, une petite piste non réglementaire (40 x 20 m), accueille du hockey loisir avec les Elaon’s qui comptent 40 licenciés. Pour eux, ce fut la dernière d’une série de péripéties négatives. En plus du Covid, le club présidé par Thomas Ladeuille avait vécu l’annulation de son tournoi annuel parce que le parking de la patinoire était occupé par des gens du voyage. Mais là encore, l’arrêt pour neuf mois ne doit pas infructueux. Laon annonce 1,4 million de travaux, notamment d’amélioration énergétique, pour une réouverture en septembre 2023.
En revanche, pas de perspective pour Calais, où un club de hockey loisirs avait tout juste été fondé (en 2021) par William Gros, originaire de Dunkerque. Or, parmi la vingtaine de licenciés, plusieurs viennent de Dunkerque et c’est compliqué pour eux d’aller encore plus loin sur la côte, vers la solution de repli de Boulogne-sur-Mer. Précisons que si la patinoire de Calais n’avait pas été mise en glace à la rentrée (avant que les coûts de l’énergie conduisent à prolonger cette fermeture), c’est en raison d’un arrêté préfectoral « sécheresse » restreignant les usages de l’eau. C’est une des deux patinoires en France à avoir été dans ce cas, l’autre étant celle de Langueux (Côtes d’Armor) qui a pu ouvrir quelques semaines plus tard et fonctionne actuellement.
S’il y a une évolution avec laquelle il faudra sans doute compte, c’est la difficulté de plus en plus grande à ouvrir des patinoires pendant l’été. Certaines villes n’ont pas réussi à remettre en glace début septembre en raison des températures caniculaires. Dans beaucoup de pays (dont l’Allemagne qui a encore des patinoires en plein air en Bavière), on évoque le raccourcissement des championnats et un démarrage en octobre. Ce serait un retour aux saisons originelles du hockey sur glace avant qu’elles ne s’allongent au fil du temps. Compiègne a déjà annoncé que la patinoire de Mercières fermerait cinq mois au lieu de trois (de mai à octobre). Mais les clubs sont inquiets car le mois de septembre est celui durant lequel toutes les associations recrutent leurs adhérents.
Ceux qui ont anticipé le problème peuvent en tout cas se satisfaire de l’avoir fait au bon moment. Le Havre avait entrepris des travaux de sa patinoire en 2021 et 2022 en annonçant viser une réduction de 63% des consommations de chauffage et de 23% des consommations électriques.
L’Île-de-France, parent pauvre
La région qui n’a cessé de perdre des patinoires et des clubs, c’est l’Île-de-France, dont les championnats n’ont cessé de se dépeupler. Le cas le plus houleux est celui de la patinoire de Colombes. Le conseil municipal de juin qui devait voter sa fermeture a dû être reporté à cause de la pression des manifestants emmenés par Philippe Candeloro (dont la patinoire porte le nom). Le Maire Patrick Chaimovitch déclarait alors au Parisien : « Nous avons un projet d’équipement multi-loisirs, avec si possible une patinoire. On continue à chercher des solutions pour aider les clubs. Je comprends leur embarras. J’aurais préféré pouvoir les prévenir plus tôt qu’en fin d’année. Contrairement à ce qu’ils croient, on ne les a pas baladés. » Mais depuis, les chiffres avancés par la municipalité pour justifier sa décision ont largement été contestés et le conseil municipal qui a finalement voté la fermeture (en octobre) a été très houleux. Reste que le référé suspension déposé par l’association SOS Patinoire de Colombes a été rejeté fin décembre, et qu’aucune solution n’a été proposée… Les jeunes hockeyeurs de Colombes ont été accueillis par le club de Courbevoie. Rappelons que le club des Anges présidé par Claude Ghioni avait trouvé refuge dans cette patinoire longtemps dévolue au patinage artistique (centre national) après la fermeture de la patinoire du Vésinet.
L’autre mauvaise nouvelle est l’arrêt définitif de la patinoire de Saint-Ouen, fermée en octobre 2020 après des infiltrations d’eau. Le bâtiment (ci-dessous) restera en place : construit en 1979 par le célèbre architecte Paul Chemetov, il a été classé comme patrimoine remarquable même si son esthétique n’est pas forcément appréciée de tous les habitants. En ce moment, l’ancienne patinoire accueille une exposition de street art. La municipalité paie des heures de glace dans d’autres patinoires et a renvoyé l’étude d’une nouvelle patinoire à l’agglomération Plaine Commune.
Pour que les patinoires survivent en Île-de-France, il faut qu’elles soient réhabilités ou reconstruites. Celle d’Argenteuil a rouvert en septembre après 2,4 millions d’euros de travaux (dont 1 million d’euros de subvention de l’Agence nationale du sport) incluant l’isolation phonique et thermique, la distribution de froid, l’installation d’une rambarde de protection et l’accès aux personnes en situation de handicap.
À Asnières, le projet du groupement mené par Eiffage (voir notre point patinoires de novembre 2019) ayant rencontré la méfiance et n’ayant pas abouti, la Ville a repris elle-même le dossier. Elle vient de lancer un concours restreint de maîtrise d’œuvre pour la construction d’une nouvelle patinoire, rue Coubertin. L’actuelle patinoire des Courtilles sera pour sa part démolie dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) sur le quartier. Cela fait donc deux patinoires pérennisées pour deux fermées… mais cela fait plus de trente ans qu’aucune nouvelle commune francilienne ne s’est dotée d’une patinoire.
Le Nord en tête de pont
Le département le plus dynamique est toujours le Nord où les deux projets évoqués l’an dernier suivent leurs cours. À Sin-le-Noble, près de Douai, les lots de travaux pont été attribués juste avant Noël et la pose des charpentes est prévue à l’été 2023.
En novembre, l’agglomération de Maubeuge a lancé une étude de faisabilité pour l’implantation de la patinoire, avec un marché qui prévoit déjà des tranches optionnelles pour l’assistance à la mise en oeuvre du projet.
D’année en année, le projet de Dreux semble se décaler quelque peu. Les groupes d’opposition se sont unis pour lancer une pétition contre la patinoire, attendue par les restaurateurs déjà installés sur le site. Si la poste de la première pierre prévue le 7 novembre n’a pas eu lieu, c’est selon le Maire parce qu’il n’a pu réunir tous les invités ce jour-là (dont son conseiller Philippe Candeloro). Il a aussi annoncé qu’il présenterait un projet retravaillé sur le plan énergétique. L’ouverture annoncée en novembre 2023 semble toutefois encore optimiste.
Quand on évoque l’attente d’une patinoire, nul ne peut égaler Cherbourg, où les hockeyeurs font preuve d’une infinie patience depuis deux décennies. Mais elle pourrait bien être récompensée. Le 20 janvier, un marché public a été lancé pour la création d’une patinoire dans le Cotentin, avec une date limite de réception des candidatures le 3 mars. Trois sites d’implantation doivent être étudiés : Cherbourg, Tollevast et Valognes (site situé à 20 km de Cherbourg mais près d’un futur espace aquatique). L’exemplarité du projet en matière énergétique est là encore annoncée.
Les Métropoles : Saint-Étienne confirme, Reims annonce
S’il y a un projet qu’on suit de près, c’est bien Saint-Étienne. On pouvait en effet se demander dans quels mesures les remous nationaux de l’affaire de chantage à la vidéo intime visant le Maire Gaël Perdriau (exclu du parti Les Républicains en octobre et qui s’est mis en retrait de ses fonctions à la Métropole en décembre) pourraient éclabousser le projet. Au dernier Conseil métropolitain, un élu d’opposition a effectivement lancé « On a vingt ans de retard, plus aucune métropole ne construit de patinoire aujourd’hui. » Un des Maires s’est demandé s’il ne fallait pas reconsidérer certains projets. Le président par intérim s’est dit ouvert à l’idée de réorganiser une conférence des maires, mais sans remettre en cause le projet de patinoire déjà bien avancé. La patinoire avait été acceptée à l’unanimité par les 53 Maires à l’époque et voté en Conseil métropolitain en 2019 sans un vote contre (onze abstentions). D’un coût total de 22,5 millions d’euros, le projet de patinoire doit être mis en chantier en septembre 2023 et ouvrir en septembre 2025 : piste sportive de 58 x 28 mètres, piste ludique de 42 x 19 mètres, récupération d’énergies couvrant 30% des besoins, 400 m² de panneaux photovoltaïques et toiture végétalisée (ci-dessus, vue du projet par le cabinet Dubuisson).
Si aucune autre métropole ne construit de patinoire… c’est parce qu’elles en ont déjà ! Sauf une, Nancy. L’ancienne patinoire du Parc des expositions de Vandoeuvre, fermée depuis longtemps, a été rasée cet été. La construction d’une nouvelle patinoire reste une « possibilité » selon le Maire de Nancy, mais à condition que sa gestion soit entièrement privée sans subvention publique. Aucun projet n’est connu à ce jour. L’exception nancéenne risque donc de durer.
Parmi les métropoles, Dijon est certainement celle dont la patinoire est la plus vétuste. La promesse de rénovation et de modernisation a été reportée depuis plusieurs mandats… et le Maire François Rebsamen semble la décaler de nouveau, cette fois du fait de la crise énergétique, en déclarant à France Bleu : « On va sûrement revoir les choses. […] L’idée serait de rénover encore plus la patinoire, pour la rendre moins énergivore, parce que c’est le problème aujourd’hui. Elle a 50 ans cette année, mais bien entretenue, elle tient. On a plein de projets, mais on ne peut pas tout faire, on essaye d’étaler en fonction des capacités budgétaires et des incertitudes devant nous, il nous faut étaler un certain nombre de dépenses qu’on avait prévu de faire plus vite. »
Même si ce n’est pas officiellement une des 22 métropoles, Reims est plus peuplée que plusieurs d’entre elles qui ont tout fait pour obtenir le statut. Son statut de « simple » Communauté Urbaine ne l’empêche pas d’afficher des investissements ambitieux dans les équipements sportifs. Le Maire Arnaud Robinet vient en particulier d’annoncer une grande patinoire pour 2030, d’un coût de 40 millions d’euros. Elle pourrait permettre enfin la pleine résurrection des Phénix dans cette ville deux fois championne de France de hockey sur glace (2000 et 2002). Le club, qui a pâti historiquement de ses infrastructures, devra composer en attendant avec les deux patinoires vétustes Albert 1er et Barot.
Abandon en Périgord, réflexion en Limousin
Nous avions exposé l’an passé l’existence d’un projet privé à Périgueux. Il a été dévoilé au début de l’automne : une patinoire de taille olympique, adaptée au hockey, avec récupération de chaleur pour chauffer la zone de loisirs et de commerces aménagée à proximité. L’investisseur en était le promoteur immobilier BDM (la société dont la réalisation emblématique est la Cartonnerie à Dammarie-les-Lys et qui mène aussi le projet de Dreux). Le problème est que l’automne était à peu près le pire moment possible pour annoncer un tel projet, en pleine flambée des prix de l’énergie, et alors qu’on annonçait même des coupures d’électricité cet hiver en raison des nombreuses centrales nucléaires à l’arrêt pour maintenance.
Lorsque la presse a dévoilé le projet, les réactions ont donc été plutôt négatives. Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Lors de ses traditionnels vœux de début d’année, le Maire de Marsac-sur-l’Isle (commune sur laquelle l’implantation était prévue) a annoncé que le projet da patinoire était abandonné pour des raisons énergétiques.
Mieux vaut plutôt travailler à long terme dans ce contexte difficile. À Limoges, la patinoire, reprise en régie municipale en 2020 puis transférée à la Communauté d’agglomération en 2021, fermera dès le 3 avril pour faire des économies d’énergie. Le club de hockey sur glace, l’ASPTT Limoges, y perdra entre 20 000 à 25 000 euros dans l’organisation des tournois de fin de saison. Pour autant, les élus ont conscience de la nécessité de remplacer cette patinoire vétuste. La nouvelle est toujours prévu pour ouvrir entre 2026 et 2028 : le sujet fait en soi consensus entre majorité et opposition, même si tous se disent vigilants sur les bilans énergétiques. Une possibilité est d’installer cette patinoire à proximité de l’Aquapolis pour récupérer la chaleur issue du système de réfrigération et la transférer vers cette piscine. Le coût prévisionnel en est évalué à 21 millions d’euros, études comprises.
Dans la deuxième ville du Limousin à disposer d’une patinoire, Brive, on s’interroge aussi sur cet équipement qui vient de fêter ses 50 ans et dont la durée de fermeture estivale a dû être allongée (de début mai à mi-septembre). 600 licenciés y pratiquent les différents sports de glace. La patinoire figure en deuxième position sur la liste des priorités de la municipalité après le projet de dojo. Un cabinet bordelais est actuellement missionné pour étudier toutes les solutions. Les représentants de Brive ont déjà visité les patinoires de Poitiers (entièrement refaite sur le site existant), Cholet (patinoire neuve) et Angers (pour se faire une idée et évidemment pour copier l’IceParc qui serait surdimensionné pour les besoins de Brive.
Bourges, les balustrades transparentes et les ambitions de Bob Millette
Terminons notre petit tour de France en visant… plein centre. Nous évoquions l’an passé l’affiliation des Alchimistes de Bourges à la FFHG. Ce club, initialement de roller-hockey, compte une quarantaine de licenciés dans sa section glace, dont 17 seniors qui voudraient passer à la compétition. Il compte dans ses rangs des noms bien connus à Tours comme Judicaël Xavier ou Paul Fayault. Ces joueurs ont invité leur ancien entraîneur Bob Millette, le Canadien qui habite toujours en Touraine. Celui-ci entraîneur l’équipe de roller-hockey mais a écarquillé les yeux en visitant la patinoire (baptisée Sarah Abitbol depuis la rentrée) en observant la taille des tribunes pouvant accueillir 1200 spectateurs.
Bob Millette rêve donc de monter une équipe de D3, et avec l’ambition sans bornes qu’on lui connaît : en visant la montée en D2 en un ou deux ans ! Pour l’instant, il y a encore un obstacle, l’absence de balustrades réglementaires. Comme la ville ne veut pas qu’elles gênent la visibilité lors de spectacles, le club s’est mis en quête de fournisseurs de balustrades transparentes. Cela existe, on a même joué des Jeux olympiques avec ce type d’équipements (en 1972 à Sapporo, cf photo ci-dessous).
Le président du club, le courtier en assurances Alain Requiem, voudrait en profiter accueillir l’équipe de France de para-hockey en mettant en place un dispositif d’accès à la glace sans escalier puisque les joueurs puissent sortir sur le banc avec leur luge tout en pouvant regarder le jeu.