A-t-on déjà connu une telle ambiance pour un match pour la troisième place d’un championnat du monde ? Pas sûr. Et sans que le pays-hôte ne participe à la rencontre, c’est certain, jamais ! La foule s’époumone dans des « Latvija » retentissants avant et pendant le match, au son des tambours. Avec un jour de plus pour faire le déplacement, les supporters sont venus encore nombreux plus et une marée grenat emplit les tribunes.
Tout un pays – la Lettonie – attend une médaille historique, mais les Américains n’ont pas l’intention de la lâcher malgré la déception de leur douzième échec en demi-finale. Preuve en est : si parfois les équipes lancent un remplaçant, ce sont les deux gardiens titulaires Arturs Silovs et Casey DeSmith qui se font face.
On sent une certaine tension dans les contacts et Conor Garland est au centre de quelques gestes controversés mais le premier coup de sifflet sanctionne une faute anodine et superflue en zone offensive, quand Carter Mazur fait trébucher Jaks.
Peu convaincant ces derniers jours en avantage numérique, les Lettons concluent grâce aux frères Bukarts : Rihards attire le défenseur Thrun derrière la cage et sert Roberts au poteau opposé qui lève le palet comme il faut (0-1, photo ci-contre).
La Lettonie est proche d’enchaîner avec le deuxième but. Kaspars Daugavins décale Rodrigo Abols en 2 contre 1… mais le joueur de centre dévisse son lancer. Ce sont au contraire les États-Unis qui égalisent. Rocco Grimaldi en profite pour devenir le meilleur marqueur du tournoi : dans le cercle droit, il travaille son tir croisé du poignet qui passe juste au-dessus de la jambière de Silovs (1-1).
Alex Tuch propulse Čukste de côté contre la bande (photo ci-dessous). Le choc est violent au niveau du bras gauche et du dos, le Letton reste au sol et doit être aidé pour rejoindre le vestiaire (il reviendra au jeu en deuxième période). Mais la chute est plus spectaculaire que la faute et les arbitres confirment en regardant la vidéo qu’ils n’infligent que deux minutes de pénalité, durant lesquelles il ne se passe rien. Quand Alex Tuch sort de prison, il devance Kenins sur le palet, puis fait un grand pont au défenseur Jaks mais n’arrive pas ensuite à récupérer face au but la rondelle qui sautille.
Freibergs rate le palet sur une action installée en zone offensive et charge Grimaldi à la hanche pour l’empêcher de filer en contre-attaque : deux minutes pour obstruction. Le jeu en triangle de Grimaldi puis Mazur pour Coronato dans le cercle droit est parfait, mais le tir l’est moins et ne trompe pas Silovs qui s’est très bien déplacé.
Au retour au complet, Locmelis surgit pour intercepter une longue relance diagonale de Hutson et se présente seul face au gardien sans parvenir à conclure. L’action suivante est la bonne. Rihards Bukarts déborde Nick Perbix par la gauche et repique à la cage. Le palet est libre près de la botte droite de DeSmith et Janis Jaks la pousse au fond (1-2, photo ci-dessous).
De la joie à la douleur : le buteur Jaks est violemment atteint à la bouche sur sa présence suivante par un palet dévié par Carter Mazur. Réglementairement, le jeu doit continuer, Mazur n’a plus de défenseur face à lui et se retrouve à 2 contre 1. En se couchant pour faire opposition, Kristians Rubins le fait trébucher avec son pied droit. Une pénalité survenue à la suite d’une blessure malheureuse, mais lourde de conséquences : Rocco Grimaldi frappe encore avec une one-timer du cercle gauche qui rebondit à l’intérieur du poteau opposé (2-2, photo ci-après). La Lettonie cède en infériorité numérique pour la seconde fois du tournoi seulement ! Jaks, lui, revient déjà sur la glace, avec un pansement sur sa lèvre inférieure ouverte.
On ne s’ennuie vraiment pas et on compte encore deux occasions dans les vingt dernières secondes : Rihards Bukarts reçoit le palet d’Indrasis face à la cage mais est fait trébucher par la crosse du gardien, réclamant en vain une pénalité. Les Américains semblent contre-attaquer à 2 contre 1 mais le géant Oskars Batna réussit un repli défensif étonnamment rapide pour venir contrer la passe d’Eyssimont.
Les États-Unis démarrent très fort au deuxième tiers-temps : 6 tirs à 0 en cinq minutes, dont un lancer de Kleven dans le masque de Silovs, furieux que les arbitres n’arrêtent pas le jeu pendant près d’une minute. La Lettonie réagit par un court temps fort de trois minutes, jusqu’à ce que Patrick Brown tire sur le poteau en contre-attaque.
Le jeu devient ensuite plus défensif entre deux équipes qui ne veulent rien concéder. Les Américains prennent de plus en plus le contrôle du jeu. Pendant une longue séquence installée qui épuise la défense balte, la mitaine de Silovs relâche le palet sur un lancer de Connor Mackey. Celui-ci fait alors trébucher Dzierkals avant qu’il ne puisse ressortir de la zone et prend la seule pénalité de ces vingt minutes. Mais la Lettonie ne trouve aucune ligne de passe ou de tir dans une défense américaine très regroupée. La dernière occasion est encore pour les États-Unis : une passe levée de O’Connor difficilement reprise par Conor Garland, sur l’extérieur du poteau.
La troisième période débute par une pénalité en zone offensive de Rihards Bukarts qui accroche O’Connor. Arturs Silovs détourne de la plaque un lancer de Nick Bonino dans le cercle droit. Mais ce même Bonino accroche Batna qui part en contre-attaque et les Baltes font durer la pénalité différée pour allonger leur propre temps à 5 contre 4. Peine perdue, ils n’arrivent à rien dans cette configuration, incapables de passer la ligne bleue en contrôle du palet.
On avait signalé hier combien la Lettonie avait été dominée aux mises au jeu. Elle l’est encore cet après-midi (37 à 23 pour les États-Unis). Les Américains prennent l’avantage sur un engagement remporté par O’Connor face à Ločmelis en zone offensive. Cela bataille de partout pendant un lancer de Dylan Samberg et Jaks tombe sur les fesses dans un duel avec Matt Coronato, qui a l’angle ouvert pour tirer (3-2).
Une fois menés, les Baltes connaissent leurs meilleurs moments offensifs depuis le premier tiers : le lancer en déséquilibre d’Abols est dévié du bout de la botte par DeSmith, le tir à bout portant de Batna est mal cadré.
À huit minutes de la fin, les arbitres distribuent deux pénalités concomitantes à Batna, pour avoir fait trébucher Grimaldi, et à ce dernier pour avoir plongé de manière exagérée. Le jeu à 4 contre 4 ne modifie pas la situation. Mais quand on revient à 5 contre 5, le lancer de la ligne bleue de Kristians Rubins passe sous la jambe de Conor Garland pendant que Miks Indrasis pose un écran parfait (3-3).
Dans la minute qui suit, c’est un véritable siège qui se met en place sur la cage américaine, assaillie de toutes parts par Ločmelis ou par Abols. Les Lettons se sentent portés et sont déchaînés. Les États-Unis ripostent par une interminable protection physique de palet dans les coins de la zone offensive, qui leur rend le momentum. Un tir non cadré de Samberg à la ligne bleue est alors dévié par Carter Mazur sur le poteau. Quelle fin de match haletante ! Matt Coronato s’offre encore deux tirs dans la dernière minute, et Abols un face-à-face avec le gardien à cinq secondes de la sirène : son tir est détourné par le haut de la botte droite de Casey DeSmith.
La prolongation n’avait pas réussi aux Américains hier, elle ne leur réussit pas non plus aujourd’hui. Ils n’ont même pas l’occasion d’utiliser leur technique ou leur vivacité car la Lettonie garde le palet sans discontinuer. Les trois premiers tirs lettons ont toutefois été contrés avant de toucher la cible. Au bout d’une minute et demie, Kaspars Daugavins entre en zone, déborde Cutter Gauthier et cherche à servir Ločmelis du côté opposé. Sa passe est contrée par la jambe de Hutson mais revient sur Kristians Rubins qui ne se pose pas de question et propulse le palet en lucarne (3-4).
C’est bien un joueur d’American Hockey League qui a décidé du match, mais pas le petit marqueur prolifique Grimaldi. C’est le défenseur Rubins, pour qui on avait réservé une place s’il pouvait arriver en cours du tournoi. Il avait inscrit deux buts dans sa saison d’AHL, il en a mis deux ce soir, les deux plus importants de l’histoire sportive de la Lettonie : l’égalisation et le but gagnant. Rubins dessine un cœur avec ses deux mains en direction du public letton, avant que tous les joueurs ne se prennent dans les bras dans des moments de liesse indescriptible.
Heureusement qu’il reste plus de deux heures avant la finale, car aucun spectateur letton n’a envie de quitter les lieux : cette remise des médailles, ce trophée soulevé par leurs héros, cet hymne chanté tous ensemble, ces moments de fête, ils voudraient qu’ils durent une éternité…
Désignés joueurs du match : Rocco Grimaldi pour les États-Unis et Oskars Batna pour la Lettonie.
Commentaires d’après-match :
Nick Bonino (capitaine des États-Unis) : « Ils ont joué compact, nous n’avons pas pu entrer à l’intérieur comme nous l’aurions voulu. Nous avons dominé des parties du match, leur gardien a été excellent, ils sont opportunistes. Quand on perd l’avantage au score en troisième période en demi-finale et en finale, c’est dur d’obtenir une médaille. C’est inouï, tous ces fans, mais ça ne nous a pas affectés. Ils sont incroyables, je suis heureux pour la Lettonie, nous sommes évidemment très déçus. Je pense que nous avons bien joué la plupart du temps. Nous aurions eu besoin d’un but de plus, hier comme aujourd’hui, nous ne l’avons pas eu. »
Kristiāns Rubīns (défenseur de la Lettonie) : « Nous savions que nous pouvions gagner mais… Ces émotions, ces fans qui ont fait le voyage jusqu’à Tampere en deux jours… C’est lourd, je n’avais pas idée que cette médaille était aussi lourde. C’est irréel… Nous ne serions pas là sans nos fans, ils nous poussent chaque jour, ils nous donnent de l’énergie, ils nous donnent tout.
Harijs Vītoliņš (entraîneur de la Lettonie) : « C’était incroyable. C’est un rêve devenu réalité. Pour nous c’est comme une petite médaille d’or. Nous avons travaillé si dur, nous devons croire en nous-mêmes. Personne ne nous aide, nous pouvons nous aider nous-mêmes. C’est une équipe phénoménale. Merci à tous les fans, ils sont venus par milliers en un jour, ils nous aident tellement. »
photos IIHF
États-Unis – Lettonie 3-4 après prolongation (2-2, 0-0, 1-1, 0-1)
Dimanche 28 mai 2023 à 15h20 à la Nokia Arena de Tampere. 11033 spectateurs.
Arbitres : Jan Hribik (TCH) et Liam Sewell (GBR) assisté de Onni Hautamäki (FIN) et Tarrington Wyonzek (CAN).
Pénalités : États-Unis 10′ (4′, 2′, 4′, 0′) ; Lettonie 8′ (4′, 0′, 4′, 0′).
Tirs : États-Unis 29 (11, 10, 8, 0) ; Lettonie 26 (8, 3, 13, 1).
Évolution du score :
0-1 à 07’49 : Ro. Bukarts assisté de Ri. Bukarts et Dzierkals (sup. num.)
1-1 à 09’45 : Grimaldi assisté de Perunovich et Bjork
1-2 à 16’08 : Jaks assisté de Ri. Bukarts et Indrasis
2-2 à 19’03 : Grimaldi assisté de Perunovich et Coronato (sup. num.)
3-2 à 46’19 : Coronato assisté de Samberg et O’Connor
3-3 à 54’21 : Rubīns assisté de Ločmelis et Ri. Bukarts
3-4 à 61’22 : Rubīns assisté de Daugaviņš et Jaks
États-Unis
Attaquants :
Rocco Grimaldi (2′) – Nick Bonino (C, 2′) – Alex Tuch (A, 2′)
Michael Eyssimont – Drew O’Connor (+1) – Conor Garland (A, -2)
Cutter Gauthier (-1) – TJ Tynan – Carter Mazur (2′)
Sean Farrell [3 présences] – Patrick Brown – Matt Coronato (-1)
Anders Bjork (+1)
Défenseurs :
Dylan Samberg – Nick Perbix (-1)
Tyker Kleven – Scott Perunovich (+1)
Henry Thrun – Connor Mackey (2′)
Lane Hutson (-1)
Gardien :
Casey DeSmith
Remplaçant : Cal Petersen (G). Réservistes : Drew Commesso (G), Ronnie Attard (D), Luke Tuch (A). Substitué sur blessure : Sammy Walker (A, épaule)
Lettonie
Attaquants :
Rudolfs Balcers – Rodrigo Ābols (A) – Kaspars Daugaviņš (C, +1)
Roberts Bukarts (A, -1) – Oskars Batņa (-1, 2′) – Mārtiņš Dzierkals (-1)
Renars Krastenbergs – Deniss Smirnovs – Toms Andersons [3 présences]
Rihards Bukarts (+1, 2′) – Dans Ločmelis (+2) – Miks Indrašis (+1)
Ronalds Ķēniņš
Défenseurs :
Kristaps Zīle – Uvis Jānis Balinskis
Jānis Jaks – Kristiāns Rubīns (+2, 2′)
Ralfs Freibergs (+1, 2′) – Kārlis Čukste
Oskars Cibuļskis (-2)
Gardien :
Artūrs Šilovs
Remplaçant : Kristers Gudļevskis (G). Réservistes : Ivars Punnenovs (G), Arvils Bergmanis (D), Georgs Golovkovs (A, dos). Substitués sur blessure : Roberts Mamčics (D, hernie discale), Andris Džeriņš (A).