Invité avant-hier à s’exprimer au Media Day de la Ligue Magnus en tant que représentant du club champion, Guy Fournier avait fait remarquer, pour illustrer l’écart avec les adversaires de CHL, qu’il était surpris d’en voir un débarquer en jet privé à Rouen quand son équipe prenait le bus. Il est vrai qu’Ingolstadt, qui a bénéficié d’un tirage favorable y compris sur le plan géographique avec des déplacements proches à Salzbourg et Pardubice, a décidé de faire en avion le déplacement de Bavière en Normandie.
Pour se rendre tout au nord de la Suède, à Skellefteå, les Dragons ont forcément pris l’avion… mais ils ont dû composer avec un des désagréments fréquents de ce moyen de transport (en plus de son bilan carbone) : les pertes de bagages. Les sacs de quatre joueurs (Perron, Honejsek, Rech et Goncalves) ne sont arrivés qu’au dernier moment cet après-midi. Outre l’incertitude qui a subsisté jusqu’au bout sur leur présence, cela signifie que ces quatre-là n’ont pas pu s’entraîner sur la glace, ni hier, ni dans la matinée. Pas le meilleur moyen de se préparer tactiquement.
Ce problème arrive alors que les Dragons se savaient déjà privés de Vincent Nesa, qui vient de devenir papa, et de Sacha Guimond, suspendu pour son cinglage sur Lasch (ils rejoindront l’équipe à Genève). Qui plus est, le joker Jules Boscq s’est blessé hier à l’entraînement. Avec trois absents en défense, le RHE ne présente plus que quatre arrières d’expérience, plus le junior Noa Goncalves-Nivelais qui vient de retrouver son équipement ! En attaque, Antoine Addamo fait ses débuts en CHL alors qu’il n’avait joué qu’avec la réserve rouennaise en D2 jusqu’ici. Vu la différence constatée avec le top niveau européen sur leurs deux premières rencontres, cela donne l’impression que les champions de France sont envoyés à l’abattoir chez un des favoris de la compétition. Skellefteå n’a toutefois pas justifié ce statut en perdant 3-4 contre Pardubice après un 4-0 contre Salzbourg.
Le SAIK ne risque pas d’être poussé par un public suédois clairsemé qui ne prend guère au sérieux l’adversité en CHL. Après avoir pris la foudre en début de match face à Lahti, les Rouennais adoptent une tactique très prudente et font bien attention à tenir le score. Ils y arrivent parfaitement. Une pénalité de l’international letton Martins Dzierkals leur donne une première opportunité et le revers de son compatriote Rolands Vigners finit même au fond des filets, mais le but est logiquement refusé car Alexandre Mallet a percuté de plein fouet un défenseur puis le gardien.
Les Suédois sont en mode pépère. Une passe beaucoup trop pépère du défenseur Elias Salomonsson en jeu installé est interceptée par Mallet qui part en contre et sert de derrière la cage Francis Perron pour une reprise à bout portant. Ce tir est repoussé mais le jeu se poursuit et Salomonsson perd une seconde fois le palet sous le pressing d’Anthony Rech. Une seconde chance se présente alors pour Perron qui ne la laisse pas passer, à mi-hauteur côté plaque (0-1).
Dans la minute qui suit, Rouen se procure deux énormes occasions. D’abord, une longue passe de Chakiachvili lance Quentin Tomasino dans le dos de la défense : le jeune attaquant se présente seul face au gardien mais se montre imprécis. Skellefteå déjoue depuis le but et Rolands Vigners frappe l’angle entre poteau et transversale !
Si les entraîneurs de Skellefteå ont prévu de s’énerver, ils le réservent sans doute pour le vestiaire. Sur le banc, ils sont très calmes et échangent simplement entre eux sur les erreurs qu’ils ont vues. La réaction suédoise se contente d’égaler le compteur de tirs (7 partout), mais le plus dangereux d’entre eux n’est qu’une reprise d’Oscar Lindberg – principale recrue estivale de Skellefteå qui fait son retour dans sa ville natale – dans la poitrine de Pintarič.
La deuxième période débute par une pénalité de Joris Bedin, mais elle est tuée. Bien servi par une passe en profondeur de l’international letton Martins Dzierkals, Oscar Lindberg lance encore dans la poitrine d’un Pintarič impeccable dans tous ses déplacements. Cette occasion illustre toutefois une domination des Suédois devenus un peu plus incisifs.
Un tir de Jonathan Pudas – défenseur inamovible en Tre Kronor depuis quatre grandes compétitions – passe entre la mitaine et la botte de Pintarič : le palet est dévié sur le poteau ! Le gardien slovène a eu un peu de chance sur cette action, mais démontre ensuite sa classe avec un arrêt-photo de la mitaine face à Lindberg. Entre-temps, Rouen a eu une demi-occasion : Arvid Olsson a perdu le palet en franchissant la ligne bleue à 1 contre 2 et Marcel Haščák a envoyé Joris Bedin en contre-attaque, mais le coupable du premier but Salomonsson s’est rattrapé par un bon repli défensif.
Le jeu s’ouvre peu à peu, et cela semble profiter à… Rouen. Skellefteå paraît de nouveau fébrile et en retard sur les palets, laissant de larges espaces dans sa zone. Les Dragons prennent évidemment confiance mais doivent se méfier. La vision de jeu d’Oscar Lindberg envoie en breakaway Max Lindholm, mais celui-ci rate son tir. Malgré cette alerte, les Dragons font de bonnes séquences dans le camp adverse et mènent aux tirs après 40 minutes, logiquement récompensés par un score de 0-1.
On entend toujours principalement les huit supporters rouennais au milieu d’une enceinte silencieuse. Les présences de Skellefteå en zone offensive s’intensifient au troisième tiers-temps. Les Dragons font le travail, sont bien placés et n’économisent pas ces petits efforts qui perturbent l’adversaire. Dans ce travail défensif, Emil Kristensen se montre sous son meilleur jour et gratte beaucoup de palets.
Les Suédois sont techniquement propres, mais loin du rythme de jeu des Pelicans de Lahti qui avait dérouté Rouen. Les Dragons ne sont jamais pris de vitesse et font face. À six minutes de la fin, Anthony Rech se laisse aller à une pénalité très bête en faisant trébucher Robertsson à la ligne bleue adverse. Le RHE la tue très proprement, ne concédant qu’un tir dangereux à Johnson à deux secondes de la fin de la prison : Pinta le bloque de l’épaule droite. À trois minutes de la fin, les Dragons s’emmêlent les pinceaux sur un changement et sont sanctionnés pour surnombre. Skellefteå sort son gardien pour jouer à 6 contre 4 et maintient la pression à 6 contre 5. La dernière minute est interminable. Kristensen rate la cage vide de quelques centimètres, depuis son camp, à six secondes de la fin. Mais le Danois poursuit l’effort après la mise au jeu et Rech clôt le match par un dégagement plus sûr.
Trop sûr de lui, pas prêt à changer de rythme et à faire autre chose que le service minimum (hormis un Lindberg pas suivi), Skellefteå était l’adversaire idéal pour relancer les Dragons dans leur campagne européenne. Ce club en est à deux défaites en deux rencontres à domicile face aux clubs français, après avoir perdu contre Grenoble il y a quatre ans.
Cela avait été la seule défaite dans le temps réglementaire du SAIK en poule cette année-là. Cette fois, ce second revers consécutif pourrait compromettre la qualification des vice-champions de Suède, qui doivent se déplacer trois fois. Ce serait un coup de tonnerre si un représentant de SHL était éliminé dans cette nouvelle formule. En 2019/20, cela avait aussi été la seule victoire des Brûleurs de Loups, et on verra si Rouen fait mieux… Rendez-vous samedi à Genève chez le champion de Suisse.
Commentaires d’après-match (au micro de la CHL) :
Fabrice Lhenry (entraîneur de Rouen) : « C’était pour sûr un match dur, mais chaque match est dur pour nous, nous le savions. Nous avons beaucoup appris des deux premiers matches. Je suis très fier de la façon dont mon équipe a combattu sur chaque palet et chaque bataille. Nous avons aussi été disciplinés. Pour sûr notre gardien a réussi un blanchissage à Skellefteå, c’est une belle performance, mais je pense que c’est vraiment une victoire d’équipe. Ce fut compliqué hier car il nous manquait quatre bagages, nous les avons reçus juste avant le match. Je n’étais pas sûr d’avoir une équipe complète, un gars s’est blessé hier soir. Nous ne savions pas comment nous commencerions ce match, mais nous l’avons très bien commencé et nous avons joué 60 minutes, c’est le plus important. »
Skellefteå – Rouen 0-1 (0-1, 0-0, 0-0)
Jeudi 7 septembre 2023 à 19h00 à la Skellefteå Kraft Arena. 3260 spectateurs.
Arbitres : Marcus Linde et Mikael Holm assistés de Rasmus Strömberg et Emil Yletyinen (tous SUE).
Pénalités : Skellefteå 2′ (2′, 0′, 0′) ; Rouen 6′ (0′, 2′, 4′).
Tirs : Skellefteå 30 (7, 10, 13) ; Rouen 20 (7, 11, 2).
Évolution du score :
0-1 à 09’53 : Perron
Skellefteå AIK
Attaquants :
Max Lindholm (-1) – Oscar Lindberg – Martins Dzierkals (2′)
Rickard Hugg – Jonathan Johnson (-1) – Oskar Vuollet (-1)
Simon Robertsson – Linus Lindström – Filip Sandberg
Elias Stenman – Zeb Forsfjäll – Theo Keilin
Défenseurs :
Måns Forsfjäll (-1) – Jonathan Pudas
Oskar Nilsson – Elias Salomonsson (-1)
Arvid Lundberg – Petter Granberg
Anton Olsson
Gardien :
David Rautio [sorti à 58’22]
Remplaçants : Carl Axelsson (G), Leo Bergström (A). Absents : Gustaf Lindvall (G, proche du retour après 8 mois de convalescence), Oscar Möller (burnout), Pär Lindholm (?), Anton Heikkinen (reprise avant-hier après 2 semaines d’absence sur blessure).
Rouen HE (2′ pour surnombre)
Attaquants :
Anthony Rech (+1, 2′) – Francis Perron (+1) – Alexandre Mallet (+1)
Joris Bedin (2′) – Antonin Honejsek – Marcel Haščák
Quentin Tomasino – Milan Kytnár – Rolands Vigners
Antoine Addamo – Jordan Hervé – Tommy Perret
Défenseurs :
Florian Chakiachvili (C) – Kristaps Sotnieks
Dylan Yeo (A, +1) – Emil Kristensen
Noa Goncalves-Nivelais (+1)
Gardien :
Matija Pintarič
Remplaçant : Tonin Caubet (G). Absents : Enzo Cantagallo (épaule), Loïc Lampérier (commotion), Vincent Nesa (jeune papa), Jules Boscq (blessé), Sacha Guimond (suspendu).