Rouen a repris l’avantage après ses deux défaites initiales et a été la première équipe à remporter un match à domicile (5-3) dans cette finale. Les Dragons ont maintenant retrouvé leur statut de favoris. Après avoir remporté leurs trois derniers titres sur l’île Lacroix, ils espèrent cette fois soulever la Coupe Magnus dans un lieu qui ne l’avait encore jamais vue avant cette année, Mériadeck. Les lignes sont inchangées par rapport au match précédent, Tommy Perret va bien malgré sa sortie en cours de match.
Le forechecking de Rouen est intense dès le début du match. Francis Perron, qui a redoré son casque d’or et s’est décidé à élever son jeu au niveau d’une finale, y participe de manière intéressante et contribue à la conquête du palet. Il se procure la première occasion – évacuée par Quentin Papillon – sur une attaque rapide à la quatrième minute. Le jeu se renverse aussitôt de l’autre côté et Matija Pintaric fait un bel arrêt-réfexe de la jambière pour fermer l’angle à Samuel Salonen. Le match est bien lancé et les deux équipes sont à la hauteur de leurs intentions.
Après un lancer, la crosse de Rech coupe Kauppila au visage dans la continuité de mouvement mais les arbitres décident de ne pas sanctionner ce fait de jeu. Bordeaux arrive parfois à déployer son jeu en largeur mais perd aussi un peu plus de palets que son adversaire, notamment dans ses sorties de zone, gênées par le pressing.
Une interception rouennaise en zone neutre permet à Perron de franchir la bleue offensive à pleine vitesse, provoquant la première pénalité contre Baptiste Bruche qui le fait trébucher (photo ci-dessus). Le powerplay normand réussit un beau jeu en triangle pour décaler Loïc Lampérier près du poteau, mais Quentin Papillon vient faire opposition. Les Boxers tuent la pénalité et dominent la fin de tiers après le retour à 5 contre 5.
Après vingt minutes vierges de but, l’ouverture du score devient encore plus capitale – elle l’a été à chaque match. Et c’est Quentin Tomasino qui l’apporte sur une action individuelle : il reçoit une passe d’Anthony Rech à pleine vitesse avant la ligne bleue, déborde nettement Kevin Spinozzi par son patinage et, arrivé à deux mètres de la cage, signe un tir parfait dans le haut du filet (0-1, 21’44, photo ci-dessous).
Comme la première, la seconde faute bordelaise est provoquée par Francis Perron, qu’Enzo Carry fait trébucher. Il ne passera que sept secondes en prison. Quentin Papillon se déplace et s’avance sur le slap de Christophe Boivin à l’opposé de l’engagement gagné par Milan Kytnar mais ce dernier a alors la cage ouverte au rebond face au but (0-2, 24’17).
Pas le temps de gamberger, les Boxers peuvent se relancer de suite après une crosse haute de Jordan Hervé. Le jeune Tommy Perret se sacrifie sur cette infériorité numérique en se jetant devant un lancer. Pintaric fait le reste, rapide et mobile sur le lancer sur réception de Rudolfs Polcs dans le cercle gauche.
Bordeaux y croit toujours, et a raison d’y croire. Il faut entendre les spectateurs hurler le nom de Kevin Spinozzi quand il inscrit son dixième but des play-offs à la fin d’une séquence de jeu installé. Mais un autre homme aurait mérité d’entendre son nom scandé sur cette action, le passeur décisif Nikita Jevpalovs. Le Letton a d’abord effectué une feinte de corps en demi-tour pour se sortir de la balustrade, puis a réussi un mouvement magnifique pour mettre dans le vent Sacha Guimond et transmettre un palet en or en déséquilibre (1-2, 29’20).
Deux minutes plus tard, Enzo Carry, un peu accroché, se fait justice d’un cinglage et prend deux minutes de pénalité, mais Bordeaux les tue grâce à un bon travail de conservation de palet de Polcs en zone offensive… mais aussi à un arrêt magistral de la crosse de Papillon face à Perron !
Revenus à cinq, les Bordelais sont déchaînés pendant toute la fin de période, à partir d’une contre-attaque lancée par Salonen. Il leur manque juste de la précision dans le dernier geste mais le public s’enthousiasme à juste titre devant ces accélérations auxquelles participent les défenseurs, à l’instar d’Axel Prissaint. Kevin Spinozzi monte aussi dans le cercle gauche pour recevoir une très belle passe de Bruche, mais Pintaric s’est encore déplacé très vite pour détourner de la botte droite. La sirène arrive à point pour Rouen qui a souffert mais gardé son avantage.
Les Boxers ont toujours les crocs en revenant sur la glace. La première nuée ardente vient de Pompei avec un tir entre les jambes. Bordeaux pousse énormément. Rouen n’arrive à sortir de sa zone que quelques secondes et subit alors un 2 contre 1 : Julien Guillaume passe alors à Aina Rambelo qui manque la cage ouverte !
Malgré cette occasion manquée, la pression locale ne se relâche pas. Les Dragons sont totalement étouffés, le jeune Noa Goncalves essaie d’évacuer un palet qui traîne dans le slot mais ne peut pas mettre assez de force dans son dégagement… récupéré à la ligne bleue par l’inévitable Kévin Spinozzi qui envoie à la cage où Julius Valtonen conclut dans une ambiance indescriptible (2-2, 43’16).
Rouen a essuyé la tempête et semble se demander quand les déferlantes s’arrêteront. Kevin Spinozzi est toujours partout, y compris derrière la cage adverse, d’où il remet en retrait à Maxime Legault… qui ne cadre pas.
Les Bordelais ne peuvent pas continuer ad vitam æternam à déployer une telle énergie. La physionomie du match change donc dans les dix dernières minutes. Rouen parvient à remettre la crosse sur le palet, avec plus de métier et de sang-froid. Quentin Papillon sent que ses coéquipiers ont besoin de retrouver un second souffle et gèle très bien les palets pour gérer ce temps faible. La fin de match se déroule surtout dans la zone girondine, mais sans remettre en cause la prolongation qui se dessine.
Mercredi dernier, la prolongation à 3 contre 3 avait tourné en faveur des Rouennais. Ils sont encore les premiers en action. Christophe Boivin attire Quentin Papillon et le fait déserter son filet mais ne peut pas exploiter cette ouverture une fois qu’il s’est retrouvé derrière la cage. La finale est toute proche de prendre fin sur un une-deux parfait entre Rolands Vigners et Milan Kytnar mais Papillon signe un arrêt phénoménal en plongeant pour aller bloquer le palet avec son bâton.
Les occasions normandes s’accumulent : Boivin tire au-dessus, Yeo perce entre les défenseurs mais bute sur Papillon, qui capte encore de la mitaine une nouvelle tentative de Boivin. Au bout de six minutes, la première salve bordelaise vient d’un gros lancer de Spinozzi, mais Valtonen doit revenir intercepter un 2 contre 1 sur la contre-attaque. Anthony Rech vole un palet, se présente seul devant le gardien et tire entre les jambes… mais Papillon ramène sa jambière droite avec l’angle et le mouvement nécessaires pour bloquer le palet déjà passé au milieu de ses bottes ! Cette prolongation sera-t-elle celle de Papillon ?
Non, elle sera celle de Christophe Boivin, autorisé à reprendre le hockey en janvier après la rémission du cancer des testicules qu’il combattait depuis l’été. Un tir du poignet fulgurant de Perron à mi-distance est repoussé par le gant ou l’épaule de Papillon, dans l’enclave. Boivin est à la retombée, plus vif que Spinozzi, et il s’arrache ensuite face à Rambelo pour propulser la rondelle au fond (2-3, 66’55).
Cette finale a pris de l’ampleur au fil du temps et a apporté un couronnement grandiose à la saison de Ligue Magnus. Les Bordelais ont été phénoménaux pour remonter deux buts de retard avec une débauche d’énergie incroyable. Ce dernier match aura tenu tout le monde en haleine et restera comme une rencontre de légende dans l’histoire du championnat, par le scénario mais aussi par la qualité de jeu qui a grandi la ligue. Bordeaux a fini en beauté une saison historique mais n’a pas su faire basculer le match.
En prolongation, Rouen était le plus fort. Les Dragons ont remporté leurs trois dernières finales dans la période supplémentaire, un à 4 contre 3 (après une pénalité) et deux dans cette configuration de 3 contre 3 que Fabrice Lhenry demandera ouvertement à ranger dans les cartons. Le RHE est le premier club depuis onze ans – et depuis lui-même – à conserver son titre. Ce club est la référence indéniable du hockey français… avant le changement d’actionnariat qui se profile et l’entrée progressive au capital de Gaëtan Muller, ex-basketteur natif de Rouen et actuel patron de l’ASVEL avec son ami Tony Parker.
Loïc Lampérier égale Marc-André Thinel avec 8 titres sous le maillot rouennais… et annonce qu’il n’a aucune intention de s’arrêter là. Le toujours excellent Pintaric est quant à lui élu MVP de la finale.
Commentaires d’après-match (devant les caméras de Sport en France) :
Christophe Boivin (attaquant de Rouen) : « Je n’imaginais pas jouer au hockey de sitôt. Marquer le but victorieux comme ça va au-delà de mes espérances. Avec ce que j’ai vécu, c’est juste incroyable. Je suis rentré dans la bataille et j’ai marqué. [Papillon] est un gardien excellent. Il couvre bien ses angles, sort beaucoup, c’est un gardien agressif mais on a réussi à le battre. C’était un match très émotif, extrêmement serré, ils sont revenus dans le match. À 3 contre 3, on a réussi à se procurer pus de chances qu’eux. La bonne nouvelle, c’est qu’on a marqué le but victorieux. »
Anthony Rech (attaquant de Rouen) : « C’est stressant, ils ont eu beaucoup d’occasions en prolongation, on a eu un peu peur que ça se retourne contre nous. Grand coup de chapeau à Bordeaux, c’est une équipe solide. Une pensée pour Christophe Boivin qui a vécu quelque chose de dur dans la vie et c’est lui qui nous fait gagner. On a un grand groupe, on a fait une belle saison, on a le titre au bout, c’est ce qui se faillait car sans titre on n’a rien. On va faire une méga fête à la maison avec les supporters. Bravo à Bordeaux avec cette patinoire en folie, c’était vraiment une super finale. »
Fabrice Lhenry (entraîneur de Rouen) : « Ça s’arrête sur un but, c’est génial. Je suis très heureux de Christophe Boivin, sachant d’où il revient. Je tiens vraiment à féliciter l’équipe de Bordeaux qui a fait de super playoffs. C’est un club qui progresse et ils ont fait une super finale. Je suis fier qu’on ramène la coupe à Rouen car on a des supporters qui vont nous attendre et méritent de partager ça avec nous. Quand ils sont revenus à 2-1, on paniquait un peu, personne ne voulait faire une erreur alors qu’on est capable de jouer, c’est ce que j’ai dit entre le 2 et le 3. Ils sont quand même revenus et nous ont emmenés en prolongation. Je pense qu’on devrait continuer à 5 contre 5, il y a 4000 personnes dans la patinoire, les télés sont d’accord, tout le monde est d’accord. Les autres ligues font toutes ça et je pense qu’on va y venir. Le 3 contre 3, cela nous a réussi l’an dernier et cette année, tant mieux. »
Julien Guillaume (attaquant de Bordeaux) : « C’est compliqué. On a poussé, on a donné tout ce qu’on avait. On est revenu de 2-0 à 2-2 avec une patinoire en feu. On voulait vraiment chercher ce septième match, c’était une série serrée du début à la fin. On joue une finale pour la gagner. Pour l’instant c’est de la déception, on regardera la saison plus tard. »
Bordeaux – Rouen 2-3 après prolongation (0-0, 1-2, 1-0, 0-1)
Lundi 15 avril 2024 à 20h30 à la patinoire Mériadeck. 3312 spectateurs.
Arbitres : Geoffroy Barcelo et Pierre Dehaen assistés de Cyril Debuche et Quentin Ugolini.
Pénalités : Bordeaux 6’ (2’, 4’, 0’, 0’) ; Rouen 0’ (0’, 2’, 0’, 0’)
Tirs cadrés : Bordeaux 33 (12, 12, 5, 4) ; Rouen 49 (13, 18, 11, 7)
Évolution du score :
0-1 à 21’44 : Tomasino assisté de Goncalves et Hervé
0-2 à 24’17 : Kytnar (sup. num.)
1-2 à 29’20 : Spinozzi assisté de Jevpalovs et Poudrier
2-2 à 43’16 : Valtonen assisté de Spinozzi et Lemaitre
2-3 à 66’55 : Boivin assisté de Perron et Guimond
Bordeaux
Attaquants :
Aina Rambelo (-1) – Julien Guillaume (A) – Maxime Legault (C) [puis Carry à 45′]
Nikita Jevpalovs (+2) – Loik Poudrier (A, +2) – Julius Valtonen (+2)
Enzo Carry (-2, 4′) [puis Legault à 45′] – Mathieu Pompei (-1) – Samuel Salonen (-1)
Rudy Matima – Rudolfs Polcs – Baptiste Bruche (2′)
Arrières :
Kevin Dusseau – Axel Prissaint
Kevin Spinozzi – Bastien Lemaitre (+2)
Niki Blomberg (-1) – Antti Kauppila
Gardien :
Quentin Papillon (22 arrêts)
Remplaçants : Victor Bodin (G) et Matteo Mahieu. Absents : Charles-David Beaudouin (commotion) et Aleksei Polodyan (choix).
Rouen
Attaquants :
Loïc Lampérier (C) – Milan Kytnar – Rolands Vigners
Christophe Boivin (+1) – Francis Perron (+1) – Tommy Perret
Anthony Rech (+1) – Jordan Hervé (+1) – Quentin Tomasino (+1)
Marcel Hascak (-1) ou Alexandre Mallet (-1) – Rob Flick (-2) – Vincent Nesa (-2)
Arrières :
Florian Chakiachvili (A) – Enzo Cantagallo
Dylan Yeo (A) – Emil Kristensen
Sacha Guimond – Noa Goncalves Nivelais (-1)
Gardien :
Matija Pintaric
Remplaçant : Julien Gaubert (G). Absents : Tonin Caubet (hanche), Kristaps Sotnieks (bras) et Joris Bedin (?).