Le quart de finale entre la République Tchèque et les États-Unis est le plus fréquent dans le hockey mondial. Souvent, dans leurs affrontements, le favori du moment se fait piéger. Les Américains avaient remporté le quart de finale de l’an passé en justifiant la première place de poule. Mais dans le camp tchèque, ce sont des mauvais souvenirs antérieurs qui font encore mal. Si les Tchèques étaient ressortis sans médaille de leurs précédents Mondiaux à Prague, c’est à cause de défaites contre les États-Unis, pour le bronze en 2015, et déjà en quart de finale en 2004. Le pronostic n’a jamais été aussi incertain.
Le camp tchèque a connu une alerte au petit matin en découvrant que Jakub Flek avait 38°C de fièvre. Il s’est assis à part au petit déjeuner et est vite rentré à l’isolement dans sa chambre. On ne veut courir aucun risque de contamination par un virus. Matěj Stránský – profil différent plus physique et moins rapide – en profite pour faire son retour comme titulaire, à sa place.
Quelle ambiance à l’O2 Arena de Prague ! On connaissait la ferveur des supporters Tchèques, elle n’est une fois de plus pas à prouver. Après avoir subi les premiers instants de la partie, les locaux prennent le dessus dans les débats. Les Américains, confiants offensivement, mettent Lukáš Dostál à contribution mais laissent de gros espaces dans leur dos. David Pastrnák vole le palet à Matt Boldy dans la zone tchèque et s’échappe en solitaire. Il effectue une petite feinte à droite puis un tir instantané, repoussé par Charlie Lindgren qui est bien entré dans son match (photo ci-dessous). Poussés par leur public, les Tchèques mettent du rythme dans la partie. Le jeu va d’une cage à l’autre dans un rythme effréné. Pourtant, aucune formation ne parvient à prendre l’avantage dans un tiers qui vire à la démonstration de force de deux gardiens en forme.
Le deuxième tiers débute sur les mêmes bases. Les Tchèques, mis en confiance par leur prestation et par un public de feu, sont les premiers à pousser Lindgren dans ses retranchements. Après une crosse haute de Pastrňák (22’42), le jeu de puissance américain tourne mais peine à se créer des occasions, gênés par une unité spéciale proactive. Le jeu reprend brièvement à cinq contre cinq. Deux shifts plus tard, c’est au tour de Trevor Zegras d’être sanctionné, pour une pénalité idiote en zone offensive (26’23). Il ne faut guère de temps à l’alignement tchèque pour faire la différence. Pavel Zacha est laissé étrangement seul devant la cage pour rediriger le palet envoyé dans l’axe de la ligne bleue par David Špacek (0-1 à 26’39). L’ouverture du score libère les locaux et enflamme le public. Les occasions se multiplient, Martin Nečas accélère, entre en zone et trouve la botte de Lindgren, qui ne peut que repousser. À leur tour, les Étatsuniens poussent mais le cerbère des Ducks d’Anaheim repousse le danger avec une facilité déconcertante.
Les Tchèques mènent logiquement les débats. Ondrej Kaše part à 2 contre 1 et décale Roman Červenka qui reprend et paraît presque célébrer le but… mais c’est une barre transversale (29’42). Les duels se font âpres. Kempný donne carrément un direct du gauche à Tkachuk devant la cage tchèque, les deux hommes sont chassés pour dureté (31’49). Dominés dans les duels, battus techniquement et tactiquement, les Américains font de la figuration et tentent de réagir en mettant des coups. Chaque mise en échec est une occasion pour eux de tenter de reprendre le dessus mentalement et physiquement mais rien n’y fait. Les coéquipiers de Roman Červenka dominent de la tête et des épaules et rien ne semble pouvoir venir les perturber. Les États-Uniens continuent de transformer ce match en guerre physique et psychologique pour essayer de casser le momentum adverse. Ils multiplient les présences en zone offensive et les tirs, bien qu’ils peinent à mettre le cerbère des Ducks en difficulté. Cole Caufield n’arrive pas à cadrer tout à fait une difficile reprise aérienne de baseball sur un centre de Farabee, puis Shane Pinto rate son tir sur une passe de derrière cage de Caufield. Le travail de Tkachuk dans le slot paie enfin quand Rutta l’accroche (38’43). Voilà de quoi lancer un temps fort pour les compatriotes de l’oncle Sam, sans conclure malgré trois tirs de Matt Boldy dans le cercle droit.
Le troisième tiers reprend donc avec un temps fort américain, engendré par la fin de la supériorité numérique. Les tirs pleuvent sur la cage de Dostál qui tient bon. Les coéquipiers de Tkachuk, frustrés, manquent de lucidité. Ce tiers voit les deux équipes se neutraliser en zone neutre, fermer le rideau défensivement et ne rien laisser à leur adversaire. Dos au mur, les États-Uniens mènent la danse et tentent, par tous les moyens, de trouver la solution sur un Lukáš Dostál qui semble béni des dieux, la chance lui souriant sur plusieurs situations. Tout va dans son sens, y compris lorsqu’il cède. Sur une entrée en zone américaine, Trevor Zegras s’infiltre dans la défense et bat Dostál côté bouclier. L’attaquant américain célèbre, la pause commerciale est annoncée et les arbitres refusent le but pour un hors-jeu, car il a franchi la ligne des deux patins avant que le palet n’y entre à son tour (55’58).
Le temps presse et les Américains comptent toujours un but de retard dans une arena chauffée à blanc qui pousse la chansonnette. Charlie Lindgren est contraint de quitter sa cage pour aider les siens dans un dernier effort (58’22). À 6 contre 5, les tirs pleuvent sur la cage de Dostál qui repousse les assauts. Un dégagement refusé voit Lindgren regagner sa cage pour les dernières secondes. Dans un match à couteaux tirés, les Tchèques d’un immense Lukáš Dostál éliminent les États-Unis et filent en demi-finale.
Désignés joueurs du match : Charlie Lindgren pour les États-Unis et Lukáš Dostál pour la Tchéquie.
Trois meilleurs Américains du tournoi selon leur entraîneur : Matt Boldy, Brady Tkachuk et Zach Werenski.
Commentaires d’après-match :
Pavel Zacha (attaquant de la Tchéquie) : « Je suis très heureux que ce but soit rentré. C’était un bon tir de la ligne bleue. Le rebond était un peu chanceux, mais au bon moment. Si on veut marquer à ce niveau, on doit se tenir devant le but. J’ai pris le palet dans les côtes. Je l’ai senti un peu, mais c’est une bonne douleur. Puis est venue l’euphorie totale, les garçons m’ont immédiatement sauté dessus. Quand on voit le banc et tous les fans… Génial. Le début de ces matchs est important, pour donner le rythme et enthousiasmer les fans. Nous avons joué très physique et mieux patiné. Dostál n’a accordé aucun rebond, ce qui était très important contre les États-Unis car Tkachuk et d’autres sont très forts devant le filet. Mais presque rien n’est tombé des mains de Dostál. Comme je suis arrivé et que j’ai pu faire partie d’une équipe qui m’a immédiatement intégré à cette fête, j’ai ouvert un nouveau chapitre avec l’équipe nationale. »
Radim Rulík (entraîneur de la Tchéquie) : « C’est bien d’avoir marqué en powerplay et défendu le leur. Ils n’avaient pas concédé de but en désavantage numérique avant les quarts de finale. Je pense que c’était la clé. Dostál était bien préparé, surtout mentalement. Il n’a pas fait de mouvement supplémentaire inutile. Je ne suis pas spécialiste des gardiens, mais c’est comme ça que ça a fonctionné selon moi. Les Américains ont continué à pousser derrière le but, en lui tirant dessus dans un coin. Ils attendaient simplement un rebond chanceux. Mais nos défenseurs ont bien travaillé avec leurs crosses, ils n’ont pas eu d’occasions. Il y avait du cœur, un grand dévouement et un grand engagement. Nous avions environ 350 clips de leurs matches, nous savions donc à quoi nous attendre. Mais nous ne montrons pas tout aux joueurs, nous devons choisir l’essentiel. D’après ce que j’ai lu, c’est une équipe qui devrait constituer la base de la Coupe du monde l’année prochaine [le tournoi à 4 de la NHL], où nous n’avons pas été invités. C’est donc d’autant plus précieux de l’avoir battue. Ça va être difficile contre la Suède, elle a une équipe de stars. Mais les Finlandais les ont affrontés de manière égale et n’ont perdu qu’en prolongation. Nous voulons nous préparer à donner le meilleur de nous-mêmes. ».
John Hynes (entraîneur des États-Unis) : « Je pense que nous avons tout laissé sur la glace et je suis fier de notre effort. C’était un super match de hockey et une ambiance fantastique. Malheureusement, nous avons été battus, mais ce n’était pas par manque d’effort. »
photos : Český hokej
États-Unis – République Tchèque 0-1 (0-0, 0-1, 0-0)
Jeudi 23 mai 2024 à 20h00 à l’O2 Arena de Prague. 17 413 spectateurs.
Arbitres : Tobias Bjork (SUE) et Michael Campbell (CAN) assistés de Tarrington Wyonzek (CAN) et Emil Ylettinen (SUE).
Pénalités : États-Unis 4’ (0’, 4’, 0’) ; République Tchèque 6’ (0’, 6’, 0’)
Tirs : États-Unis 36 (7, 19, 10) ; République Tchèque 28 (12, 8, 8)
Évolution du score :
0-1 à 26′39′′ : Zacha assisté de Špaček et Červenka (sup. num.)
États-Unis
Attaquants :
Matt Boldy – Brock Nelson (A) – Johnny Gaudreau
Brady Tkachuk (C, 2’) – Shane Pinto – Cole Caufield
Trevor Zegras (2’) – Kevin Hayes – Joel Farabee
Gavin Brindley – Luke Kunin – Michael Eyssimont
Défenseurs :
Seth Jones – Zach Werenski (A)
Luke Hughes – Jake Sanderson
Jeff Petry – Alex Vlasic
Gardien :
Charlie Lindgren
Remplaçants : Alex Nedeljkovic (G), Michael Kesserling (D), Ryan Leonard (A). Non équipés : Trey Augustine (G), Matthew Kessel (D), Will Smith (A). Substitué sur blessure : Alex Lyon (G).
République Tchèque
Attaquants :
Ondřej Palát (A) – Pavel Zacha – David Pastrňák
Dominik Kubalík – David Kämpf – Martin Nečas
Roman Červenka (C) – Lukáš Sedlák – Ondřej Kaše
Ondřej Beránek – David Tomášek – Matěj Stránský
Défenseurs :
Jakub Krejčík – Radko Gudas (A)
Michal Kempný (2’) – Jan Rutta (2’)
Libor Hájek – Tomáš Kundrátek
David Špaček
Gardien :
Lukáš Dostál
Remplaçant : Petr Mrázek (G), Daniel Voženílek (A). Non équipés : Karel Vejmelka (G), Jáchym Kondelík (A), Jakub Flek (malade, à l’isolement).