Pour leur entrée en lice dans ces championnats du Monde 2025, les Bleus de Yorick Treille retrouvaient un adversaire qu’ils connaissent bien : la Lettonie, bourreau de leur espoir Olympique en août dernier. Malgré une entame quasi-parfaite, le destin a rattrapé l’Équipe de France, celle-ci s’inclinant pour la 54e fois lors de ces 55 dernières rencontres dans l’Élite du hockey (selon la diffusion internationale). Sur le plan sportif, les hommes de Pierre-Edouard Bellemare semble en bonne position pour nourrir des regrets mais qu’en est-il du côté des statistiques avancées ? Plongeons dans les détails.
Dominer ≠ Gagner
Dès le premier coup d’œil, il va sans dire que la rencontre fût tantôt équilibrée, tantôt dominée par l’une ou l’autre équipe. Car si les deux équipes se sont neutralisées sur le plan des tirs cadrés (23-23), la dynamique de la rencontre trouve un écho tout particulier dans les chances depuis l’enclave, c’est-à-dire, la zone en pointillés devant le but. Ainsi, on peut observer la domination lettone des 1er & 3e tiers tout comme que la ferveur bleue sur le but de Gudlevskis dans l’acte intermédiaire.
Seulement voilà, dominer n’est pas gagner et Français & Lettons nous l’ont montré à bien des reprises. Somme toute largement dominés dans le premier acte, les tricolores furent les premier à frapper grâce à Dylan Fabre, avant de plier dans les deux actes suivants, plutôt à leur avantage. Le premier enseignement de ce Mondial réside sans doute ici. Les Bleus, qui n’ont pas manqué d’espace ou d’occasions, devront absolument trouver un moyen de se frayer un chemin dans l’enclave, la majorité de leurs chances ayant été réduites à un trafic périphérique, trop facile pour faire déjouer le portier adverse. Preuve étant le but inscrit hier, venu de cette zone du jeu pourtant si bien étudiée de part et d’autre. Seulement voilà, à l’œil nu, les occasions les plus franches semblaient porter la couleur pourpre tout droit tirée du chandail des coéquipiers de Martins Dzierkals. De quelle manière cette domination visuelle trouve-t-elle un écho dans les statistiques avancées ? C’est ce dont nous allons vous faire part dans le visuel qui suit.
Si proches, si loins ?
Si la carte des tirs n’est qu’une manière diverse de visualiser l’ensemble des tirs de la partie, la partie dynamique illustre bien l’ampleur de la tâche qui attendait les Bleus hier : s’ils disputaient une partie de bonne facture après 20 minutes, leur avantage au tableau d’affichage avait tout d’un petit hold-up tant leurs tentatives sur la cage gardée par Gudlevskis n’étaient que peu inquiétantes pour le gardien letton. Selon le modèle des expected goals « Magnus Corsi » la France n’était gratifiée que de 0,5 but théorique après 20 minutes là où les Lettons culminaient déjà à 1. Merci Papillon ?
Bien que le gardien des Boxers s’est illustré pour repousser l’échéance à plusieurs reprises de manière plus où moins orthodoxe, il n’a pu empêcher les Lettons de revenir, la faute à plusieurs choses : des erreurs individuelles (on ne tirera pas sur l’ambulance) d’une part, une réponse collective de l’autre. Quand bien même Dzierkals égalisait en infériorité numérique, les Lettons se procuraient bien plus de chances de but (tirs dont l’expected goal est supérieur à 0,05) que les Bleus, qui peinaient face à la vitesse de leurs adversaires du soir. Une faiblesse très vite identifiée par la Lettonie qui s’en est servie pour donner ce supplément d’âme à un talent qui n’attendait que l’espace pour s’exprimer. Les Bleus pourront nourrir des regrets. Avec pas moins de 10 chances aux impairs, c’est-à-dire 10 situations de 2 contre 1, 3 contre 2 etc. les hommes de Yorick Treille ont eu, à plusieurs reprises, l’occasion de faire le break, butant tantôt sur Gudlevskis, tantôt sur le manque de réalisme cruel dont ils ont fait preuve. S’il va a rappeler que perdre contre la Lettonie n’est pas, en soi, un drame pour la suite de la compétition, il va sans dire que les Bleus pouvaient mieux faire. Ils sont désormais contraints à en tirer les enseignements : mais alors quels sont-ils ? Quels alignements ont fonctionné ? Quels joueurs ont connu des difficultés ? Quels sont les points à améliorer ? Telle est la question.
Quel alignement a le mieux fonctionné ?
L’annonce de la première composition sous l’ère Treille en Élite ne fut pas sans surprise. Annoncé partant, Alexandre Texier, fraîchement éliminé des playoffs de la Coupe Stanley par Winnipeg, aura finalement été remplacé numériquement par Fabien Colotti. L’alignement est alors remanié en conséquence, nous offrant les 4 blocs ci-contre. Si le premier bloc a tenu son rang dans tous les secteurs du jeu (1er dans 3 des 5 secteurs analysés par Stats Ducs), le deuxième trio a quant à lui connu plus de difficulté à s’imposer en raison d’une coordination a retrouver, les trois hommes n’ayant que peu évolué ensemble sous le chandail bleu.
Dans l’ombre d’une première ligne sous le feu des projecteurs, Pierre Crinon a livré une performance satisfaisante des deux côtés de la glace dans un style simple et efficace. Critiqué pour son rôle sur les deux buts évitables, Tim Bozon a connu quelques délicatesses dans son jeu de passes (11 revirements) mais a porté les Bleus dans un secteur du jeu auquel on ne porte que peu d’intérêt à l’œil nu : les entrées en zone. Sa performance, bien qu’en deçà des attentes placées en lui, est toutefois à nuancer par sa préciosité dans les transitions offensives.
Enfin, les deux « nouveaux » en Élite, Kévin Spinozzi et Yohan Coulaud, ont quant à eux rendu une copie dans la lignée de leurs apparitions en préparation. Ni étincelante ni mauvaise mais assez solide pour ne pas être questionnés dans les quelques errances défensives connues par les Bleus.
Le grand point d’amélioration collectif sur lequel nous ne nous sommes pas encore penchés, c’est sans nul doute les mises en jeu : aucun tricolore n’est en positif. Seul Bellemare est à l’équilibre (50%), suivi de peu par le Français le plus dangereux de la soirée, Louis Boudon (47,1%).
L’assurance Papillon ?
Devant le filet, Quentin Papillon n’a pas déçu. S’il n’a pas pu que subir une déviation bien (mal)heureuse devant son filet, le gardien des Boxers de Bordeaux a tenu le rang qui est désormais le sien, fort d’un Mondial 2024 qui lui aura offert une jolie promotion, passant ainsi de numéro 3 à numéro 1 en l’espace de trois matchs.
Dans une rencontre intense et indécise où les gardiens n’ont eu finalement que relativement peu de travail à fournir, il paie les frais d’un score final plus sévère que ne le fut le scénario de la rencontre : Gudlevskis et ses 95% d’arrêts semblent lui donner une leçon mais comme le prouve la carte des tirs, le cerbère bleu n’a pas à rougir de sa performance. Si ses sorties quelque peu aléatoires en dehors de ses bases ont fait parler sur les réseaux sociaux, il semble être l’assurance dont les Bleus auront besoin pour la suite de la compétition. En outre, la question du gardien de but n’a rien à faire dans les discussions d’après-match tant les erreurs françaises sont l’œuvre d’un collectif et sont, normalement, facilement corrigeables à la vidéo. Les Bleus peuvent-ils s’offrir le scalp d’une Finlande en dents de scie ? Réponse dès ce soir, 20h20. À noter que les Bleus évolueront sans Dylan Fabre, touché hier et indisponible pour le reste de la compétition. Le Bordelais Baptiste Bruche est ainsi appelé en renfort.
Enfin, pour les plus adeptes de tactique d’entre vous, voici notre analyse des entrées en zone de la rencontre.
Carry the puck
Entrées en zone par la possession : c’est là que le bât blesse pour les Bleus. Manière la plus efficace d’entrer de manière sûre dans la zone, les Bleus ont connu quelques difficultés des deux côtés de la glace dans l’exercice, payant le prix fort face à la vitesse et à la qualité de l’exécution des Lettons face à des blocs qui ont eu quelque peu tendance à connaître des temps de présence assez longs.
Selon l’évolution du nombre d’entrées en possession réussies et concédées par les Bleus, le plus clair des occasions franches adverses a fait suite à une entrée dite contrôlée. Une tendance se distingue déjà. Les Bleus entrent plus facilement à gauche de la patinoire mais subissent plus de ce même côté du glaçon. En dépit du fait que l’échantillon est à ce jour trop petit pour permettre aux coachs adverses d’orienter le jeu en ce sens, il va sans dire que la tendance sera à garder à l’œil tant elle pourrait avoir son importance dans la suite de la compétition et notamment la confrontation face à la Slovénie, ô combien importante pour ne pas dire capitale dans l’espoir d’un maintien en Élite.